Martin Guerre était un paysan français du XVIe siècle établi dans le village Pyrénéen d'Artigat. Âgé
de quatorze ans, il épouse Bertrande, fille d'une famille aisée. Accusé de vol de grain, il quitte
brusquement sa famille en 1548. La loi ne permet pas alors à sa femme de se remarier. Huit ans
après, un homme surgit à Artigat, clamant être Martin Guerre. Il lui ressemble et connaît beaucoup
de détails de la vie de Martin et ainsi convainc la plupart des villageois, son oncle Pierre Guerre et
Bertrande, qu'il est Martin Guerre. Le nouveau Martin vit trois ans avec Bertrande et son fils. Il
réclame l'héritage de son père et entame même des poursuites contre son oncle, pour une partie
de cet héritage. Pierre Guerre devient soupçonneux. Il essaye de convaincre Bertrande que ce
Martin est un imposteur. Il tente même de le tuer, mais Bertrande l'en empêche.
Pendant ce temps, Pierre Guerre enquête dans les environs et pense avoir trouvé la véritable
identité de l'imposteur : Arnaud du Tilh, un homme de réputation douteuse d'un village proche. Il
lance alors un procès qui s'ouvre à Rieux en 1560. Bertrande témoigne tout d'abord qu'elle pensait
honnêtement que cet homme était son mari, puis qu'elle réalisa qu'il était un imposteur. Martin la
défie : si elle est prête à jurer qu'il n'est pas son mari, il est d'accord pour être exécuté - Bertrande
reste silencieuse.
Martin fait immédiatement appel auprès du parlement de Toulouse. Bertrande et Pierre sont
arrêtés, elle pour possible adultère, Pierre pour accusations mensongères. Martin plaide sa cause
avec éloquence : sous la pression du cupide Pierre, Bertrande s'est parjurée. Soudain le vrai Martin
resurgit au cours du procès, avec sa jambe de bois. Questionné à propos de son passé, il répondra
avec plus de détails à certaines questions, que l'imposteur ne saurait faire. Ce dernier, reconnu
coupable et condamné à mort pour adultère et fraude le 12 septembre 1560, continue à clamer son
innocence, assisté par le jeune Montaigne. Plus tard, Arnaud du Tilh reconnaîtra les faits : il avait
appris la vie de Martin Guerre après que deux hommes l'aient confondu avec le vrai Martin. Il est
condamné à mort, pendu et brulé devant la maison de Martin quatre jours plus tard. Durant son
absence, le vrai Martin Guerre était parti en Espagne où il servit un cardinal, et plus tard dans
l'armée de Pedro de Mendoza. La raison de son retour, au moment même du procès, est restée
inconnue.
De nos jours, la plupart des commentateurs pensent que Bertrande a silencieusement pris part à la
fraude : elle avait besoin d'un mari et était bien traitée par Arnaud. L'improbabilité de confondre un
étranger avec son mari, le soutien qu'elle apporta à l'imposteur jusqu'au dernier moment, et les
détails de vie commune semblant avoir été préparés d'avance, sont cités comme présomptions de
cette thèse.
À travers les époques, cette histoire a fasciné beaucoup d'écrivains, comme Alexandre Dumas,
avant que l'historienne Natalie Zemon Davis se penche à son tour sur cet épisode.