Née en 1849 en Hongrie, mais d'origine française, Sophie Tourneur échappe à une enfance misérable pour conquérir sa liberté. Elle a pour seuls atouts sa beauté et une orgueilleuse détermination à s'élever ; pour faiblesses un coeur trop sensible et une imagination excessive. Parvenue à Vienne, au coeur de l'empire austro-hongrois alors en plein essor, elle va connaître des hommes singuliers, d'une sommité universitaire qui pourrait être son père, à un banquier pervers. Ils vont l'aider à forger son caractère et faciliter, sous le nom d'emprunt de comtesse Lipska, son ascension jusqu'au palais impérial, où elle deviendra la messagère secrète du prince héritier, l'archiduc Rodolphe, qui s'oppose à la politique de son père.
À la fois violente et vulnérable, elle va connaître, au gré des circonstances, le jeu ambigu des amours et des désirs virils, tantôt confortée tantôt trahie. S'ajoutent à cela les dangers auxquels l'exposent une identité usurpée, des manoeuvres qui font d'elle une indésirable auprès des autorités autrichiennes et françaises, et sa propre volonté de rester une femme libre envers et contre tout. Au terme de son parcours, réfugiée en Angleterre, cette fausse comtesse deviendra une vraie duchesse en liant son destin à celui d'un homme qui, s'il préfère les garçons aux femmes, saura lui procurer l'entière complicité de coeur et d'esprit à laquelle elle avait toujours aspiré.
Ce roman, riche en situations insolites, en bouleversements, tant psychologiques que factuels, nous entraîne avec maestria sur les pas d'une « aventurière » partie à la tumultueuse et éprouvante conquête d'une indépendance qui fait d'elle, comme héroïne romanesque, une devancière de celle que revendiqueront les femmes près d'un siècle plus tard.
Pierre Kyria est l'auteur de dix romans - La Mort blanche, Vincent Hauttecoeur, Comtesse Lipska, etc. - et d'essais sur Lisbonne, Jean Lorrain, les Goncourt.