Le corps en flammes d'un haut responsable de la banque de Catalogne est retrouvé pendu au balcon d'un des monuments les plus emblématiques de Barcelone, la fameuse Pedrera, d'Antonio Gaudí. Bien mauvaise publicité pour la ville à quelques semaines de la visite du pape à la Sagrada Familia.
Milo Malart (en rupture de ban avec sa hiérarchie pour l'individualisme avec lequel il mène ses enquêtes), est provisoirement réintégré dans son service. Il avait été révoqué après que son neveu lui avait emprunté son arme de service pour se donner la mort. Les meurtres se succèdent qui tous auront pour victimes des membres de l'oligarchie barcelonaise et pour cadre les célébrissimes monuments de Gaudí. Mais sur la piste du symbolisme maçonnique du célèbre architecte, il découvre rapidement que ces crimes s'inscrivent dans une longue série ayant débuté quelques décennies plus tôt et ayant trait aux expropriations successives dont les Barcelonais furent victimes lors des différentes transformations de la ville. Le curseur de l'enquête se déplace dans cette ville terriblement moderne et effroyablement archaïque, où entre les 400 familles puissantes qui contrôlent la Catalogne et les 400 "antisystèmes" radicaux se masse une foule compacte et indifférente.
La chasse à l'homme est ouverte, mais qui cherche-t-on ? Un prédateur sadique, aveuglé par la vengeance, ou la victime d'un système politique arrogant et corrompu, qui sacrifie les plus fragiles au faste tapageur de la ville et à sa manne touristique ? La réponse pourrait se trouver dans l'atelier du modeste forgeron qui réalisa, à la fin du XIXe siècle, les ferrures ornant les oeuvres de Gaudí...
Remarquable roman policier où se manifestent aussi bien les pressions politiques, les rivalités entre les différents corps de polices, que les moeurs discutables de nombreux membres de la haute bourgeoisie catalane, Le Bourreau de Gaudí plante l'envers du décor d'une cité unanimement saluée pour sa beauté et son intelligence architecturales. Difficile, pourtant, de continuer à n'y voir que la "ville des prodiges" d'Eduardo Mendoza.