La girafe : un jeune homme d'origine Mauricienne éprouve une passion dévorante pour une girafe prénommée Hedwige. L'hypnotisme à la portée de tous : Cora, 10 ans, découvre lors des grandes vacances un traité d'hypnose qui va modifier le cours de sa vie. La Nouvelle Pornographie : Une jeune femme, portant le nom de l'auteur, se laisse convaincre par son éditeur d'écrire des récits pornographiques d'un genre nouveau.
Le corps est la matière littéraire de ces trois romans. Corps tendre, moite et inaccessible d'une girafe africaine dont l'étrangeté n'a d'égale que celle de son gardien et dresseur. Il tentera de la convertir à la littérature avant de surveiller dans ces 2m82 ardemment désirés les signes d'une passion réciproque. Ce récit d'une intégration douloureuse est aussi une parabole pleine de tendresse sur la misère sexuelle masculine et ses doubles fonds tordus.
Mais qu'en est-il des femmes et tout particulièrement des jeunes filles ? Avec son traité d'hypnose, Cora tente d'apprivoiser cette matière gélatineuse qu'est le cerveau de ses contemporains. Pour parvenir à se libérer du joug de parents pleins de bonne volonté, mais très ennuyeux, et rompre enfin cet hymen qui la lie à l'enfance, elle n'aura de cesse de mettre en acte ce paradoxe : endormir pour réveiller.
Le corps est bien le lieu où naissent les dépendances, toutes les manipulations mais aussi l'outil d'une libération rêvée. Toutes les femmes n'ont pas un joli nez, des jambes fuselées, des seins en obus mais toutes ont un sexe en creux. On n'échappe pas à la sexualité. Lorsque la narratrice Marie Nimier décide de publier, sous une couverture rose chair, un recueil intitulé La Nouvelle Pornographie, elle explore le corps désirant à l'épreuve de la société marchande. Les représentations de la femme en ce domaine ont trente ans de retard. En mêlant dans ce troisième roman, récits pornographique et traditionnel, l'auteur bouscule l'image avilie des femmes pour redonner à l'érotisme ses lettres de noblesse en tant que voyage au royaume de l'imaginaire.
Car l'imagination est ici au pouvoir. Marie Nimier enchante le quotidien d'éléments saugrenus souvent puisés dans le travail même du langage. Chaque mot, comme chaque organe, prend sous sa plume une saveur inattendue : «l'orthographe du mot amygdale m'impressionna. Les jambes du Y et du G, calligraphiés à l'ancienne, pendaient comme des bourses pleines.» Révélatrice est à cet égard la scène d'ouverture de La Nouvelle Pornographie. Une table à repasser révolutionnaire « chauffante et aspirante » devient un ustensile sexuel. « Fini les tables objets, les tables inertes, les femmes reléguées aux tâches ménagères ! » L'imaginaire a de belles heures devant lui, voilà ce que semble dire Marie Nimier derrière les scènes érotiques de ces trois romans. Aimer et rêver sont peut-être les actes audacieux par excellence dans une société ou pudeur et générosité s'effacent au profit du tout dire, tout acheter.
Il faut se libérer du discours normatif ambiant. Il faut grandir, à n'importe quel âge. Les héros de ces trois histoires prennent chacun leur vie en main. Pour le meilleur ou pour le pire, en tentant de conserver la cruelle innocence de l'enfance. Que la narratrice de La Nouvelle Pornographie se nomme Marie Nimier n'est pas anodin. Un petit pas encore, et viendront les romans d'inspiration autobiographique, dont le dernier à paraître en août 2010, Photo-Photo, centré lui aussi sur le corps et ses représentations. Les titres rassemblés ici sont des romans d'apprentissage, autant finalement que les romans qui suivront, et il est intéressant aujourd'hui de les lire ou de les relire pour y voir en germe tout ce qui fera le succès de la Reine du Silence ou des Inséparables.
Marie Nimier a écrit une dizaine de romans publiés chez Gallimard et largement traduits dans le monde entier, dont Sirène en 1985 (couronné par l'Académie française et la Société des Gens de Lettres), La Reine du Silence (Prix Médicis 2004) et Les Inséparables (Prix Georges Brassens et Prix des Lycéens d'Evreux 2008). Elle a écrit des albums pour enfants, des pièces radiophoniques, et des chansons pour Johnny Hallyday, Jean Guidoni, Juliette Gréco, Art Mengo, Maurane et Eddy Mitchell. Elle a également écrit des pièces de théâtre, dont À quoi tu penses ? (chorégraphiée par Dominique Boivin à Chaillot en 2007), Peine, Pénis, Penne (mise en scène par Virginie Deville à La Ferme du Buisson en 2007), Un enfant disparaît mise en scène par Catherine Le Moullec à Nantes en 2007), et Les Siamoises (commandée par la Comédie française). La Confusion a été montée en 2007 dans une version radiophonique pour France Culture par Christine Bernard-Sugy avec Agnès Sourdillon et Eric Caravaca.