L'idée des " paysages originels " m'est venue à l'improviste : j'avais, dans un roman (Méroé), écrit une phrase où il était question des paysages de l'enfance que, sa vie durant, on ne quittera jamais complètement - quelque chose comme ça.
Je dois reconnaître que, lorsque j'écrivais cette phrase, je n'étais pas tout à fait certain qu'elle eût un sens précis, dont je pusse répondre. C'était, plutôt qu'une idée, un rythme demi-inconscient qui me poussait (je sais bien lequel : celui d'un passage de Paulina 1880, le roman de Pierre-Jean Jouve, où il est question - je cite de mémoire - de cette " unique première vision du corps, et aussi de l'âme, du corps animé, qui ne s'effacera jamais plus, et même pas dans l'au-delà de la mort " : rien à voir avec mon propos du moment, donc.
Cette façon un peu somnambulique d'écrire, cela arrive. Il ne faut pas en abuser, mais enfin cela arrive.) Cependant, il me parût à la réflexion qu'il y avait bien, dans cette phrase qui m'avait presque échappé, un soupçon de vérité, et même d'une vérité qui pût s'appliquer à la littérature : les lieux des années d'apprentissage devaient émettre, à travers toute l'oeuvre d'un écrivain (et bien au-delà de leur image explicite), quelque chose de comparable à ce qu'on nomme je crois, en astrophysique, un " rayonnement fossile " : une sorte de signature de l'origine.
OR
Né en 1947, Olivier Rolin est un auteur largement traduit. Son œuvre est constituée d'une vingtaine de romans, dont les très remarqués L'Invention du monde (1993), Port-Soudan (1994, prix Femina) et Tigre en papier (2002, prix France Culture). Il est également auteur de récits de voyage et de nombreux reportages. Il a découvert la Russie en 1986. Depuis, il y est retourné une vingtaine de fois.