Le livre codirigé par Jill Radford et Diana E.H. Russell, intitulé en anglais Femicide. The Politics of Women Killing, n'a jamais été traduit en français. Dans le présent ouvrage, une sélection de textes choisis par Lydie Bodiou et Frédéric Chauvaud, co-auteurs à l'Université de Poitiers, de plusieurs livres depuis 2014 sur l'histoire et l'actualité du féminicide, est présentée aux lectrices et lecteurs d'aujourd'hui, trente ans après sa première parution. Depuis 1992 les idées figurant dans cet ouvrage collectif vont cheminer à un rythme lent, mais la notion neuve et ambitieuse de femicide ou de féminicide va transformer les perceptions et les analyses des violences faites aux femmes, dans le couple mais aussi dans l'espace public, obligeant à revisiter les brutalités du passé comme celles d'aujourd'hui que plus personne ne peut ignorer.
Michelle Perrot, pionnière de l'Histoire des femmes, est aussi une spécialiste des questions relatives à l'histoire de la prison, des écrits carcéraux d'Alexis de Tocqueville, des bandes de jeunes, du fait divers au XIXe siècle et des femmes emprisonnées. Elle a consacré à ces thématiques autant de temps et d'énergie que pour ses productions et ses engagements en faveur des femmes. Le présent livre d'entretiens revient sur un itinéraire et des chantiers ouverts dès les années 1970. Il restitue aussi les rencontres, les échanges et les travaux menés avec Michel Foucault ou Robert Badinter. Cette histoire pénitentiaire s'ouvre par la révolte des prisons, en France comme aux Etats-Unis, et montre comment la question carcérale est devenue d'actualité. Ensuite Michelle Perrot pousse les portes des maisons d'arrêt et des centrales, s'intéresse aux « modèles » d'enfermement, mais aussi au « gibier pénal », c'est-à-dire aux détenus et aux prisonnières. Le dernier temps de ces entretiens s'arrête sur la séduction du fait divers qui, par la médiatisation du crime, attise le voyeurisme mais constitue aussi une entrée pour saisir l'état d'une société et la part obscure des individus...
Des lois Ferry aux 80 % d'une classe d'âge au niveau du baccalauréat, la République s'est bâtie sur la promesse de la démocratisation par l'école.
Mais la bourgeoisie s'est toujours réservé, à l'aide de barrières plus ou moins masquées, un accès privilégié à la réussite scolaire et sociale. C'était vrai du temps où le latin et le baccalauréat n'appartenaient qu'à quelques-uns. L'allemand ou les mathématiques ont pris la relève. Les classes prépas restent à peu près aussi éloignées de l'université, dans leur recrutement et leurs débouchés, que jadis le secondaire du primaire supérieur. Et l'enseignement privé, qui n'a presque plus rien de catholique, est l'arme décisive d'une ségrégation qui ne dit pas son nom.
Tout cela est inévitable : il y va de la liberté des parents. Si du moins la bourgeoisie de gauche n'ajoutait à ses stratégies scolaires le cynisme ou la naïveté qui consistent à vanter l'école laïque - pour d'autres enfants que les siens. L'hypocrisie scolaire est de ces maux, parmi les mieux partagés, qui blessent au plus profond la République.
La peste, ce fléau majeur de l'histoire des hommes est pour beaucoup une maladie historique, dépassée, dont l'énigme de la propagation semble résolue. Il n'en est rien. Dans la lutte séculaire que l'homme mène contre la peste, la connaissance précise des modes de sa dispersion forment un élément-clé. Ainsi l'identification des puces responsables de l'épidémisation constitue-t-elle un enjeu de première importance.
Ce livre retrace le parcours d'un artisan « chaussetier » devenu pasteur et traversant la période des guerres de Religion au milieu des persécutions, dans le souvenir du Brésil visité en 1557. Léry est l'auteur de deux livres, l'Histoire mémorable de la ville de Sancerre, qui rapporte un cas de cannibalisme survenu quelque temps après la Saint-Barthélemy, et surtout l'Histoire d'un voyage faict en la terre du Bresil, si célèbre, si éclatant, si sensible qu'il éclipse tous les autres témoignages de la même époque. En cet itinéraire au pays des Indiens Tupinamba, jamais le moraliste ne l'emporte sur l'observateur, et la colère de l'homme de Dieu passée, c'est le retour à la sérénité de la description complice. Ce parcours anthropologique s'ouvre et se clôt par Claude Lévi-Strauss, admirateur de celui qui écrivait : « Je regrette souvent que je ne suis parmi les sauvages. » Lui-même dira lors de son arrivée à Rio de Janeiro : « J'ai dans ma poche Jean de Léry, bréviaire de l'ethnologue. »
Longtemps considérée en Europe comme la forme naturelle de gouvernement, la royauté a su évoluer dans la durée, comme le montrent les études réunies dans ce livre. Le roi n'exerçait un pouvoir légitime qu'après des rites de passage. Le sacre tirait sa force de ses racines bibliques (soulignant l'élection divine) et d'une conception eschatologique appelant le roi à conduire son peuple vers un royaume qui n'est pas de ce monde. Il a été longtemps une cérémonie mystique, dans le choeur clos d'une cathédrale, avant d'être médiatisé et de se prêter à la mise en scène fastueuse et festive. Si l'élection du roi n'a jamais totalement disparu, la succession héréditaire s'est imposée, et la reine a été associée très tôt aux rites de l'onction et du couronnement. L'idée selon laquelle le roi tenait de ses sujets l'autorité qu'il avait sur eux, et non plus de Dieu, a été le grand retournement de la Révolution. Les monarchies constitutionnelles du XIXe siècle ont ainsi adopté des rites de substitution : serment devant les chambres représentatives, discours du trône. L'ouvrage fait ainsi l'histoire d'une monarchie sans cesse réinventée.
Avec le soutien de l'Université de Lorraine et du laboratoire CRULH.
Louise Bodin, la Bolchévique aux bijoux, de Colette Cosnier, c'est la biographie d'une de ces femmes remarquables qui surent en leur temps, comme l'écrit Michelle Perrot, « surmonter ce qu'était à leur époque la destinée normale d'une femme ».
Louise Bodin : née à Paris en 1877, morte à Rennes en 1929. Une vie brève hantée par le remords d'être une privilégiée, mais une vie de combat contre toutes les injustices, pour toutes les grandes causes de son temps. Suffragiste, féministe, pacifiste, socialiste, communiste, enfin sympathisante trotskiste : autant d'engagements successifs qui marquent son itinéraire.
Louise Bodin : une grande journaliste, auteure de plus de 500 articles, publiés dans Les Nouvelles rennaises, La Pensée bretonne, puis Le Populaire, L'Humanité, L'Ouvrière, mais surtout La Voix des Femmes, dont elle fut un temps la rédactrice en chef. C'est la voix de cette femme, écrivaine et militante, que Colette Cosnier permettait d'entendre, en 1988, après plus d'un demi-siècle d'oubli, une voix caustique ou amusée pour dire la vie à Rennes avant 1914, une voix bouleversante pour crier la détresse des femmes et des mères pendant la grande guerre, une voix indignée pour protester contre la loi de 1920, une voix impitoyable pour décrire un congrès politique : la voix d'une femme témoin de son temps, qui a sa place dans l'Histoire des femmes. C'est cette voix que les Presses universitaires de Rennes donnent à redécouvrir aujourd'hui.
L'histoire est souvent indexée sur les révolutions, les guerres, les coups d'État. Le règne de Napoléon III ne faillit pas à la règle : commencé par une Révolution en 1848, poursuivi par un coup d'État en 1851 qui aboutit un an plus tard à la restauration d'un empire, il s'achève en 1870 par la défaite militaire contre la Prusse. L'ouvrage a choisi de porter, sur cette période, un autre regard en étudiant l'évolution des idées politiques et religieuses, les bouleversements économiques et sociaux en Bretagne durant ce règne marqué par la première révolution industrielle. C'est le voyage de Napoléon III en Bretagne en août 1858 qui permet ici d'apporter un éclairage politique sur les actions inaugurées ou évoquées par l'Empereur pour la Bretagne du XIXe siècle.
Premier ouvrage abordant les violences faites aux femmes dans le 9e art, À coups de cases et de bulles est à même de montrer la façon dont la bande dessinée franco-belge, les comics mais aussi les mangas traitent les agressions et les crimes de sang. La bande dessinée qui ne cesse d'ouvrir de nouveaux chantiers et de revisiter des domaines déjà balisés, soit en les renouvelant, soit en les inscrivant dans une tradition, continue d'investir l'imaginaire des sociétés contemporaines.
Les entreprises de sauvegarde et de valorisation des archives féministes, en rendant visibles les invisibles, participent au façonnage des mémoires et à la construction présente et future des récits du passé. Cet ouvrage propose de réfléchir, dans un dialogue interdisciplinaire et dans différents pays, à la constitution, la conservation et les usages des fonds féministes et d'éclairer et comparer les conditions d'émergence et de mise en 1/2uvre d'entreprises de consignation des traces, leurs modalités d'organisation, les opportunités politiques et les actrices qui les portent, entre archivage spontané et institutionnalisation, depuis le tournant des années 1968 qui a transformé le rapport aux archives, révolutionné le féminisme et les savoirs universitaires. Il rassemble les contributions de chercheuses, militantes, responsables d'archives, tout·es convaincu·es de la fécondité des archives féministes, mais aussi de leur fragilité et de la difficulté à les circonscrire une fois pour toute. Il donne à voir les réflexions et actions des féministes autour de la conservation des traces, sur les stratégies des associations et militantes, sur les fonctionnements des centres d'archives et le rôle des « archiveuses » ou les liens entre recherche et archives. Il aborde de nombreuses questions sur la définition de la définition des archives féministes, sur les modalités de collecte et de conservation et sur leur place dans la production scientifique.
Ce numéro de Parlement[s] répond à la nouvelle question du CAPES consacrée à la construction de l'État monarchique en France de 1380 à 1715. Classique s'il en est, celle-ci n'en garde pas moins tout son intérêt et sa pertinence. Depuis Tocqueville, les historiens, français et étrangers, ont en effet sans relâche approfondi, élargi, précisé, nuancé leurs analyses en les nourrissant des acquis de l'histoire économique, sociale et culturelle. Dès lors, cette question permet d'apporter aux futurs enseignants du secondaire des outils d'analyse utiles aussi pour comprendre notre monde contemporain. Car au fond, par-delà les siècles, c'est toujours la même et fascinante question de savoir comment s'articule la relation entre les habitants d'un territoire (ou d'un agrégat de territoires), et cette entité nommée par convention « État » qui exerce directement ou non les fonctions de défense, de contrôle et de régulation souvent avec, et souvent aussi contre, ces mêmes habitants. Les dix-sept commentaires de documents textuels et iconographiques ici réunis, interrogent le processus de construction mais aussi de résistance de cet édifice qui ne se définit que peu à peu. Ils ont été rédigés par des spécialistes qui ont voulu aborder le sujet « par le haut », mais aussi « par en bas » en tenant compte de la parole politique des gouvernés. L'ensemble permet ainsi de saisir la construction progressive d'un véritable espace public, de la mort de Charles V à celle de Louis XIV.
Anne-Marie Stretter fait son entrée officielle dans l'1/2uvre de Duras en franchissant le seuil du casino de T. Beach, où se donne le bal : l'heure du Ravissement de Lol V. Stein a sonné. Elle disparaît secrètement, entre les vagues du Gange, à la fin du Vice-consul mais un autre récit, L'Amour, et trois films (La Femme du Gange, India Song, Son nom de Venise dans Calcutta désert) bâtissent sa légende et convoquent ses fantômes. En réalité l'ombre d'Anne-Marie Stretter se profilait dès les premiers récits de la romancière et on l'aperçoit encore, reconnaissable à sa robe rouge, dans le dernier d'entre eux, L'Amant de la Chine du Nord.
En Anne-Marie Stretter, qui forme le chiffre de l'écriture de Duras, se concentre l'enjeu d'une 1/2uvre déterminée par la nécessité de réinventer la littérature après Auschwitz, en explorant ses confins jusqu'au cinéma, cet art d'appeler les fantômes.
Spécialiste reconnu de Descartes, J.-M. Beyssade a toujours recherché des passages, des continuités avec distance, entre les deux plus grands philosophes du XVIIe siècle. Qu'il s'agisse du statut des émotions, de l'amour de Dieu ou de la possibilité du salut, il a su comprendre comment Spinoza, par-delà les voies nouvelles qu'il ouvre, s'avance pourtant sur un chemin inauguré par Descartes. Outre ce travail d'historien de la philosophie rigoureux, J.-M. Beyssade fait également un travail d'interprète créateur en imaginant des réponses à des questions posées par le système spinoziste sans avoir pu y trouver de réponse : sur la détermination de la pensée comme amour intellectuel de Dieu, sur l'impossibilité ou non de la haine de Dieu, ou sur la possibilité méconnue d'un salut sans autrui. Quoique souvent commentés, ces articles étaient désormais introuvables. Leur édition qui fait pendant à celle de ses études sur Descartes, comblera un manque.
Continuité de l'Empire romain centré sur Constantinople, l'État byzantin a constitué l'une des puissances médiévales. Ce fut particulièrement le cas durant la période du VIIe siècle au début du XIIe siècle, pendant laquelle il a déployé une intense activité diplomatique auprès de ses nombreux voisins. Fort de son idéologie, il s'est voulu et pensé comme un authentique Empire du Milieu, tout en s'armant d'un réalisme constant à l'épreuve de ce monde étranger qu'il qualifiait de barbare - en bon dépositaire de la culture gréco-romaine. Sa diplomatie, en lien avec une géopolitique souvent complexe, fut incessante sur les marges, et au-delà, du territoire impérial. Étendant son spectre géographique de l'Atlantique à la Chine, et de la Scandinavie à la Nubie, cette diplomatie a même pu être considérée comme essentielle à la survie de l'Empire. Elle est ici présentée dans sa logique d'ensemble, entre principes théoriques et pragmatisme sur le terrain, dans une étude qui fait la part belle à ses acteurs, à ses outils prestigieux (or, dons, titres auliques), tout comme aux lieux emblématiques de son expression, du Palais impérial aux espaces de la guerre.
Avec le soutien du Centre de recherches en histoire internationale et atlantique.
Des fêtes estivales aux dessins animés japonais, des séries de fantasy aux manifestations de l'extrême-droite étatsunienne, le Moyen Âge est partout, sans cesse réinventé, transformé, mobilisé pour des usages variés. Il s'agit ici d'étudier cette présence du Moyen Âge dans notre imaginaire que l'on nomme le médiévalisme, en mobilisant de nouvelles méthodes d'analyse et en explorant de nouveaux terrains. Quels sont les rapports entre ces Moyen Âge fantasmés et le Moyen Âge historique étudié par les médiévistes ? Comment les spécialistes de la période médiévale doivent-ils se positionner face à des réinventions contemporaines ? Telles sont les deux principales questions de cet ouvrage collectif tentant un état des lieux de la recherche médiévaliste ainsi qu'une réflexion globale, à la fois méthodologique et heuristique, sur ses défis, ses limites et ses enjeux.
Une histoire du peuple de Bretagne, de la Préhistoire à nos jours.
Les histoires de Bretagne ne manquent pas... Mais celle-ci adopte un point de vue inédit : celui des paysans, des ouvriers, des marins, celui des hommes et des femmes sans histoire, sans papiers. Elle porte attention aux plus humbles, pas seulement aux puissants; s'intéresse à la vie concrète et aux rêves qui s'y enracinent, pas seulement aux couronnements et aux batailles ; risque d'autres chronologies; ruine quelques évidences...
La crise économique de l'âge du fer, l'arrivée des Bretons en Armorique, la condition paysanne pendant la féodalité, la révolte des Bonnets rouges, la traite négrière, la Révolution et la Chouannerie, le développement du chemin de fer, l'émigration bretonne, la Grande Guerre, la Résistance, la crise du modèle agricole breton, Notre-Dame-des-Landes... Autant de moments de notre histoire examinés d'un oeil neuf.
Émergent ainsi de nouvelles figures, émouvantes ou pittoresques, jusque-là noyées dans l'anonymat des siècles. Et de nouveaux sujets : manger à sa faim, lutter pour sa dignité, découvrir de nouveaux horizons, accéder au savoir, devenir citoyen...
Pas de jargon, un rythme de lecture facile : cette histoire a été rédigée avec le souci de s'adresser au plus grand nombre tout en obéissant à la rigueur du métier d'historien.
Ce livre a été rédigé par trois historiens et un journaliste : Alain Croix, Thierry Guidet, Gwenaël Guillaume et Didier Guyvarc'h.
Ils sont les auteurs de nombreux autres ouvrages dont, chez le même éditeur, l'Histoire populaire de Nantes.
La prison est un monde à part où le temps et l'espace perdent leurs coordonnées, où le plus intime du sujet se trouve enfermé dans des enjeux collectifs. La prison telle qu'elle est aujourd'hui, s'est institutionnalisée à partir de la Révolution française et de la mise en place de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, la privation de liberté venant à la place des châtiments corporels. Ceux qui mettent en danger la nouvelle société doivent y rester inclus, demeurant exclus à l'intérieur. Telle est la dimension de la prison pour l'État, de la prison comme mythe d'une société républicaine et démocratique.
La prison forge aussi un nouveau discours, la criminologie, une recherche sur l'impossible qui étend la prison pour l'État à la prison pour tous : au centre de la société, la prison apparaît comme lui étant paradoxalement consubstantielle, l'une ne pouvant exister sans l'autre.
Il s'ensuit une interrogation sur les origines de cette étrange institution tant dans ses coordonnées subjectives que collectives. D'une conjoncture historique à une formation mythique, cet ouvrage revisite la naissance de la prison, avec ses débats, espoirs, réflexions et combats, afin de dégager un regard qui permette de dépasser les impasses actuelles et de réhumaniser ce lieu à partir de l'histoire qui l'a fondé et des conditions de son existence.
La France métropolitaine a le privilège de posséder quatre façades maritimes qui lui offrent un littoral fait de sites, de paysages et d'une biodiversité exceptionnels. Mais cet espace si particulier et si fragile est aussi exceptionnel par l'attrait qu'il exerce et les convoitises qu'il suscite, en même temps qu'il est le lieu d'implantation nécessaire de nombreuses activités économiques en lien direct avec la mer.
Cet ouvrage est conçu dans une optique originale et transversale, en prise avec l'actualité. Tout en soulignant la diversité des enjeux - résidentiels, économiques, écologiques, culturels et juridiques - dont le littoral est l'objet, il permet de mesurer l'importance grandissante des normes et des pratiques qui ont trait à sa protection et à son aménagement.
La peur est indissociable de notre manière d'expérimenter le monde, et elle détermine notre manière de voir. Processus à la fois cognitif et opérateur de choix décisionnels soumis aux normes sociales en vigueur, la peur n'est pourtant ni sémantiquement définie ni linguistiquement formée. Elle a besoin d'un complément qui l'ancre dans l'expérience : peur des dieux ou de Dieu, du pouvoir, de l'autre, de la guerre, de la mort, etc.
L'ouvrage étudie les manières de nommer la peur, de la verbaliser, de la comprendre, de l'interpréter ; les manières de la somatiser, de la rêver, de la mettre en gestes, de la visualiser dans l'art et de la matérialiser dans des objets. A travers l'étude de la peur, de ses mécanismes mais aussi de ses usages sociaux et politiques, c'est toute une histoire des émotions qui est ici esquissée au sein des mondes de langue grecque, de l'Antiquité au XIXe siècle. C'est aussi une histoire des sociétés concernées car, à travers la peur, se joue leur rapport au divin, aux autorités, aux ennemis, aux proches, aux étrangers et aux compatriotes, à soi-même enfin.
Avec le soutien de la Fondation A.G. Leventis, du laboratoire Anthropologie et Histoire des Mondes Antiques (AnHiMA, UMR 8210 CNRS/EPHE/EHESS, université Paris 1 Panthéon Sorbonne/université Paris Cité), de l'équipe CRISES et du LabEx ARCHIMEDE (université Paul-Valéry Montpellier 3).
Gage de modernité et de transparence pour certains, l'exposition de la vie privée des responsables publics est dénoncée par d'autres comme une dérive qui entraînerait la démocratie vers le néant d'une politique spectacle dénuée de sens. L'ouvrage propose de s'écarter quelque peu de ces discours pour envisager plutôt la peopolisation dans son rapport à la présidentialisation de la vie politique française.
Son hypothèse centrale est que cette vie politique n'est pas seulement le produit des mutations du champ médiatique. Elle reflète également la façon dont les citoyens perçoivent un système politique qui tend à concentrer la capacité décisionnelle dans la personne du chef de l'État.
Nous serions ainsi passés par trois stades successifs. La présidentialisation aurait d'abord été désirée par le corps social. Elle aurait ensuite été intégrée comme un ordre naturel des choses. Tandis qu'aujourd'hui, elle ferait désormais l'objet d'un rejet plus ou moins diffus.
À cette mutation correspondrait un glissement d'une peopolisation promotionnelle réservée aux personnalités de tout premier plan, vers une peopolisation banalisée et de plus en plus agressive.
Avec le soutien de l'Université d'Angers.
Comment la sociologie s'empare-t-elle d'un objet singulier comme le suicide ? De cet acte dont on cherche souvent d'abord les causes au niveau individuel et interindividuel, la sociologie a-t-elle véritablement quelque chose à dire ?
Cet ouvrage a vocation à rappeler comment la sociologie et les sciences sociales se sont appropriées cet objet qu'est le suicide, en actualisant les connaissances contemporaines sur ce phénomène. La démarche proposée est fondée sur une approche classique d'analyse des taux de conduites suicidaires et de leurs relations avec les différents facteurs sociodémographiques et économiques. Bien que classique, pourtant, la perspective n'en reste pas moins originale. En effet, la sociologie du suicide se fonde souvent sur l'exclusion d'un pan entier de ce que l'on appelle la suicidalité : les tentatives de suicide. L'ouvrage tentera précisément de montrer en quoi la focalisation sur le suicide est susceptible d'amputer une partie centrale de notre compréhension du phénomène suicidaire, notamment en matière de distribution genrée de ces conduites.
Avec le soutien de l'Observatoire national du suicide de la Drees et du Centre Pierre Janet de l'université de Lorraine.
Le roi en son duché. En faisant référence, par analogie, à la célèbre formule du XIIIe siècle selon laquelle le roi de France est empereur de son royaume, cette étude veut identifier les éléments de la présence royale en Bretagne durant la seconde partie de ce que l'historiographie appelle l'âge d'or capétien. Alors que le processus de construction de l'Etat royal est patiemment mis en oeuvre par les souverains capétiens, le cas de la Bretagne constitue un formidable laboratoire où il est possible d'apprécier l'intégration du duché et de son aristocratie au sein du royaume de France. Les mécanismes identifiés par l'historiographie récente, tant dans les domaines judiciaire et juridictionnel, fiscal et monétaire, que militaire, y trouvent une traduction territoriale, notamment par le biais de l'approche cartographique, fondée sur l'analyse de sources souvent inédites.
Cette démarche passe par l'analyse du jeu des acteurs : les nobles et les ecclésiastiques, bretons et non-bretons, le duc de Bretagne, le roi de France et ses officiers, dont l'activité dans le duché est remarquable. Sur le plan territorial, la pesée de cette intégration permet d'établir une tripartition du duché, éloignée des regards traditionnels qui opposent haute et basse Bretagne, entre un nord dont la proximité avec le pouvoir royal est importante ; une partie orientale qui profite de sa proximité avec d'autres principautés du royaume pour nouer des liens étroits, en particulier avec d'importants lignages angevins et poitevins ; et enfin, un sud, coeur du domaine ducal et plus éloigné du pouvoir royal.
Jamais la présence en librairie des politiques n'a été aussi massive : programmes électoraux, essais historiques, autobiographies, livres de témoignage, mémoires, romans, etc. Les genres sollicités sont divers mais témoignent d'une même obsession : exister par le livre, endosser la posture d'auteur sinon d'écrivain, troquer l'ingrate identité de professionnel de la politique pour celle, tellement plus valorisante, d'homme ou femme de lettres. Cet ouvrage collectif entend analyser les livres des politiques dans toutes leurs dimensions : leurs contenus bien sûr, mais également les contextes de leur publication, de leur diffusion, les succès et les échecs. La perspective choisie est aussi historique et comparative. Le phénomène est-il spécifiquement français ? La dimension littéraire du rôle présidentiel, du général de Gaulle à François Mitterrand, connaît-elle des équivalents dans d'autres pays ? En revenant sur des figures anciennes d'écrivains politiques et de politiques « écrivants », cet ouvrage tente d'analyser les ressorts de ce qui s'apparente de plus en plus à une norme pour qui veut acquérir le statut de « personnalité politique ». Car si on publie pour se distinguer ou pour faire campagne, on publie aussi pour survivre à une défaite politique et même, parfois, pour assurer sa place dans l'Histoire.
Avec le soutien de l'Université de Rennes.