Odilon Redon a toujours été un grand amateur de littérature. Dans ses écrits personnels, il mentionne régulièrement ses lectures ainsi que les expositions qu'il a visitées ou encore les concerts auxquels il a assisté. Curieux de ses contemporains, il reste féru des classiques. Proche de Huysmans et de Mallarmé, peut-être a-t-il rêvé de devenir écrivain C'est en 2005, et donc de manière posthume, que Claire Moran publia à Londres les Écrits du peintre dont sont extraites les dix nouvelles qui composent ce recueil :
Un séjour dans le Pays basque - Une histoire incompré- hensible - Nuit de fièvre - Il rêve - Le Cri - Perversité - Le Fakir - 1870 Décembre - Le Récit de Marthe la folle Ces nouvelles forment un extraordinaire pendant à l'oeuvre graphique que Redon produisit jusque vers 1895. L'auteur ne les a pas retravaillées dans l'idée d'une publication, aussi ces textes comportent-ils des maladresses voire des répétitions, ou bien s'arrêtent abruptement mais les ombres de Théophile Gautier, Villiers de l'Isle-Adam ou Edgar Allan Poe ne sont pas loin
Un volume au format élégant, empagement à grandes marges, à la réalisation très soignée (papiers, typographie, façonnage dos carré cousu, couverture illustrée d'un autoportrait d'Odilon Redon en vignette, titre couleur ( d'un violet profond) sur carte texturée blanc naturel. Edition nouvelle augmentée d'un ouvrage épuisé depuis de longues années, dont les Bibliothèques de la Réunion des Musées Nationaux, du Musée d'Orsay notamment ont écoulé une bonne part de l'édition antérieure. L'ouvrage reproduit en hors-textes nombre des oeuvres exposées au Salon de 1868, étudiées par le peintre, agissant ici comme critique de ses pairs (Courbet, Manet, Gauguin, etc.), d'autres artistes du XIX° siècle aussi, le graveur Rodolphe Bresdin notamment. Les articles critiques sont précédés d'une autobiographie d'Odilon Redon relatant les circonstances de la naissance et du développement de son activité créatrice. Un ouvrage devenu classique par la nature de ses objets, la qualité de son auteur, qui doit figurer à côté des Ecrits sur l'art de Baudelaire et du Journal d'Eugène Delacroix dans la bibliothèque des amateurs d'histoire de l'art, de l'art du XIX° siècle, de la peinture en général. Odilon Redon ayant vécu dans le Médoc au retour de son père en France, les librairies de Bordeaux devraient en tirer quelque parti.
Guidée par sa lecture ésotérique de l'oeuvre de Redon, Suzy Adda Levy voit en lui un artiste qui ne représente pas le monde mais le signifie. Qu'il s'agisse de la période des "Noirs" ou de l'oeuvre picturale, elle situe l'oeuvre dans le cheminement intellectuel de Redon, mais plus largement dans une époque (1840-1916) accueillante aux sciences
occultes ; l'artiste qui se reconnaît dans la figure de la Femme messie, de l'Androgyne, et même de la Fleur envisage lui-même son oeuvre comme un prolongement de la Création au sens large du terme.
Odilon Redon (1840-1916), formé dans une grande mesure par la littérature, les poèmes de Baudelaire, les nouvelles d'Edgar Poe, les textes de Flaubert, exercera, par son oeuvre peinte et gravée, une influence tout aussi grande sur des écrivains comme J-K Huysmans et S Mallarmé.
Tel est le propos de l'introduction de cet ouvrage suivie d'un subtil face à face de planches d'albums et de poèmes choisis des Fleurs du mal de Baudelaire, des extraits de Flaubert (Tentation de Saint Antoine), des poèmes de Poe, du fameux Coup de dé de Mallarmé.
J'ai fait un art selon moi. Je l'ai fait avec les yeux ouverts sur les merveilles du monde visible, et, quoiqu'on en ait pu dire, avec le souci constant d'obéir aux lois du naturel et de la vie.
Je l'ai fait aussi avec l'amour de quelques maîtres qui m'ont induit au culte de la beauté. L'art est la Portée Suprême, haute, salutaire et sacrée; il fait éclore; il ne produit chez le dilettante que la délectation seule et délicieuse, mais chez l'artiste, avec tourment, il fait le grain nouveau pour la semence nouvelle. Je crois avoir cédé docilement aux lois secrètes qui m'ont conduit à façonner tant bien que mal, comme j'ai pu et selon mon rêve, des choses où je me suis mis tout entier. Si cet art est venu à l'encontre de l'art des autres (ce que je ne crois pas), il m'a fait cependant un public que le temps maintient, et jusqu'à des amitiés de qualité et de bienfait qui me sont douces et me récompensent.
Ces dix courts textes inédits écrits par le peintre Odilon Redon (1840-1916) révèlent un aspect méconnu de son oeuvre créatrice.
Ils relèvent du fantastique dans la mesure où ils font se heurter l'environnement de la vie quotidienne et l'univers énigmatique, le palpable et l'irrationnel. Dans son introduction Alexandra Strauss les situe dans leur contexte et commente pour chacune le rapport image-texte. Une oeuvre graphique de Redon figure en frontispice de chacune de ces nouvelles.