Ne pourrait-on, ne devrait-on lire qu'un seul texte de sade, c'est incontestablement la philosophie dans le boudoir qu'il faudrait choisir.
" en premier lieu ", a écrit andré pieyre de mandiargues, " parce qu'il me semble que celui-là est aussi superbement que joliment rédigé ". et c'est vrai. il règne d'un bout à l'autre de ce livre un bonheur d'expression, une allégresse, un humour (quelquefois assez noir, mais c'est sade, dont les audaces extrêmes ne se lisent pas comme la semaine de suzette !), capables de plonger le lecteur dans une jouissance pareille à celle qui, manifestement, a transporté l'auteur pendant qu'il l'écrivait.
Mais aussi, cette philosophie dans le boudoir présente la particularité de concentrer en un seul volume ce que sade a produit de plus brillant, en même temps que de plus profond. jamais son étonnante " façon de penser " ne s'est exprimée plus nettement, plus hautement. lecture brûlante ? " je ne m'adresse qu'à des gens capables de m'entendre ", écrit-il, " et ceux-là me liront sans danger ".
Dolmancé à eugénie : " soyez de même extrêmement libre avec les hommes ; affichez avec eux l'irréligion et l'impudence : loin de vous effrayer des libertés qu'ils prendront, accordez-leur mystérieusement tout ce qui peut les amuser sans vous compromettre ; laissez-vous manier par eux...
; mais, puisque l'honneur chimérique des femmes tient à leurs prémices antérieures, rendez-vous plus difficile sur cela ; une fois mariée, prenez des laquais, point d'amant, ou payez quelques gens sûrs : de ce moment tout est à couvert ; plus d'atteinte à votre réputation, et sans qu'on ait jamais pu vous suspecter, vous avez trouvé l'art de faire tout ce qui vous a plu. " " pour qui veut aller au fond de ce que signifie l'homme, la lecture de sade est non seulement recommandable, mais nécessaire " (georges bataille).
À l'école du libertinage, quarante-deux jeunes gens sont soumis corps et âmes aux fantasmes des maîtres du château. Premier chef-d'oeuvre du marquis de Sade, tout à la fois scandale et révolution littéraire, chacune de ces cent vingt journées de Sodome est un tableau des vices et perversions les plus criminelles, découvrant avec un inimitable génie la face noire et inavouable de l'homme.
Quelles infortunes pour la vertueuse Justine ! Sans défense, elle se retrouve jetée malgré elle sur la pente du vice. Et ce n'est certainement pas au couvent qu'elle trouvera le salut : car entre les murs, où la débauche et la luxure sont les seuls mots d'ordre, les moines se livrent à des pratiques redoutables pour expier leurs désirs...
Mis à jour par Apollinaire, ce premier manuscrit offre la version condensée et originelle du plus grand chef-d'oeuvre de Sade.
L'Histoire de Juliette, ou les Prospérités du vice, un des plus rares romans de Sade, suivit de peu Justine ou les Malheurs de la vertu. La publication de ces deux ouvrages valut au Divin Marquis (1740-1814) son arrestation sur ordre de Napoléon et son incarcération sans procès à l'asile de Charenton durant les treize dernières années de sa vie. Entre narration, dialogues philosophiques et scènes de coïts très violentes, Sade confirme avec Juliette son talent à exhiber la part la plus immonde des hommes tout en abordant des réflexions précieuses sur la société. Juliette, au contraire de sa larmoyante soeur Justine qui n'obtient que des injustices pour prix de sa vertu, est une nymphomane amorale dont les entreprises lui valent le succès et le bonheur. Sade confirme dans ces pages qu'il était un auteur inexorablement et absolument libre : c'est de cette subversion qui l'emporte sur l'obscénité qu'il dut payer le prix tout au long de sa vie...
L'Histoire de Juliette «?est assurément le roman le plus significatif, le plus réussi de Sade. Dans les précédents, les femmes n'y sont que des figurantes passives, tandis que dans celui-là on trouve une galerie de libertines implacables qui tiennent tête à des libertins fabuleux. [...] On ne peut aller plus loin dans l'horreur sexuelle qu'il ne l'a fait en pensée. La performance de l'écrivain fascine même lorsqu'on désapprouve son libertinage destructeur ». Sarane Alexandrian, Histoire de la littérature érotique, Seghers, 1989.
Voici la suite de l'Histoire de Juliette (Tome 1, Lectures amoureuses n° 227) qui poursuit ses pérégrinations sous la plume de Sade, dont l'imagination morbide s'affermit de page en page, de même que ses réflexions philosophiques gagnent en profondeur et en subtilité... Aucune forme de dépravation n'échappe à Juliette, entourée de libertins au moins aussi féroces qu'elle et de femmes dont les passions macabres dépassent l'entendement?!
Le crime paie-t-il ? Assurément pour Juliette, qui finit ses aventures riche de tous ceux qu'elle a dépouillés, aux côtés de Noirceuil, nommé Premier ministre par le roi en récompense de sa carrière criminelle. Juliette prend les rênes du gouvernement en sa compagnie, ressassant son principe que « le vice amuse et la vertu fatigue ». Sans conteste, Juliette est le personnage féminin le plus autonome et le plus intelligent de la littérature du xviiie siècle. Mais il faut avoir le coeur bien accroché pour s'en apercevoir...
Faut-il encore présenter Sade (1740-1814) ? Sûrement pas. Mais relever que l'Histoire de Juliette est indisponible dans son intégralité depuis des lustres (hormis dans la Pléiade), ça oui ! La collection «?Lectures amoureuses » comble enfin ce vide, Jean-Jacques Pauvert estimant que Juliette est « la plus importante entreprise de librairie pornographique clandestine jamais vue dans le monde ».
Qu'attendons-nous aujourd'hui de Sade ? Y aurait-il enfin des raisons avouables de le lire ? Et faut-il ranger ses oeuvres sur le deuxième rayon de notre bibliothèque (de préférence derrière les volumes de la comtesse de Ségur) ou les exposer à la convoitise des visiteurs sur une étagère au-dessus de tout soupçon, entre Rousseau, qu'il a lu, et avec quelle attention, et Sainte-Beuve, qui l'a lu, et qui s'en excuse ? Quoi que l'on décide, l'heure est sans doute venue de faire au divin marquis une place dans la bibliothèque imaginaire de nos plaisirs (intellectuels) et de notre admiration. L'oeuvre pourtant n'a pas changé mais, souvent classés parmi les livres qu'on ne lit que d'une main, trop longtemps réservés aux psychiatres en quête de symptômes, les écrits de Sade existent désormais par eux-mêmes, pour ce qu'ils sont, des textes littéraires. Il y a quelque chance que leur entrée dans la Bibliothèque de la Pléiade marque, selon la formule de Michel Delon, leur sortie définitive de l'enfer des bibliothèques.
Sade, décidément, n'est pas un écrivain comme les autres. Mais c'est un écrivain - et le concept de «sadisme» ne suffit certes pas à le définir. En doute-t-on encore ? Il n'est que de le lire pour s'en persuader.
"Eh bien ! monsieur, dit-elle à Courval, croyez-vous maintenant qu'il puisse exister au monde une criminelle plus affreuse que la misérable Florville ?... Reconnais-moi, Senneval, reconnais à la fois ta soeur, celle que tu as séduite à Nancy, la meurtrière de ton fils, l'épouse de ton père, et l'infâme créature qui a traîné ta mère à l'échafaud... Oui, messieurs, voilà mes crimes ; sur lequel de vous que je jette les yeux, je n'aperçois qu'un objet d'horreur ; ou je vois mon amant dans mon frère, ou je vois mon époux dans l'auteur de mes jours ; et si c'est sur moi que se portent mes regards, je n'aperçois plus que le monstre exécrable qui poignarda son fils et fit mourir sa mère. Croyez-vous que le ciel puisse avoir assez de tourments pour moi, ou supposez-vous que je puisse survivre un instant aux fléaux qui tourmentent mon coeur ?... Non, il me reste encore un crime à commettre : celui-là les vengera tous."