Lumineuse peinture des relations humaines au coeur des années 1960, Les Frères K nous emporte avec tendresse dans la famille Chance. Entre un père aux rêves brisés et une mère obsédée par la religion, entre sirènes de la liberté et fanatisme, chaque enfant doit choisir sa propre manière d'appréhender un monde plein de contradictions. Drôle, émouvante et superbement écrite, l'histoire de ces deux décennies d'amour, de colère et de regrets contée par David James Duncan est aussi frappante d'originalité que poignante d'universalité. oeuvre solaire qui nous accueille à bras ouverts et dans laquelle on se réfugie pour retrouver délicatesse et humanité, Les Frères K est une ode à la bonté capable d'adoucir les instants du quotidien et d'en révèler ses éclats éblouissants.
Naples et la Campanie sont dominées par la criminalité organisée - la camorra - sur fond de guerre entre clans rivaux et de trafics en tout genre : contrefaçon, armes, drogues et déchets toxiques. C'est ainsi que le Système, comme le désignent ses affiliés, accroît ses profits, conforte sa toute-puissance et se pose en avant-garde criminelle de l'économie mondialisée. Roberto Saviano, au péril de sa vie, a choisi l'écriture pour mener son combat contre la camorra. Il met au jour les structures économiques et territoriales de cette mafia surpuissante.
«Il est des lieux où le simple fait de naître est une faute, où le premier souffle et la dernière quinte de toux ont la même valeur, la valeur de la faute.»Maria n'a que dix-sept ans quand son amoureux Gaetano s'engage dans l'armée et part pour l'Afghanistan. C'est le seul moyen de gagner l'argent dont ils ont besoin pour fonder leur famille.Dans le Sud napolitain, Giuseppe et Vincenzo ont refusé de faire le jeu de la Camorra qui gangrène la ville. Depuis, ils peinent à survivre en exerçant un métier honnête.Avec ces deux nouvelles d'une troublante intensité, l'auteur de Gomorra met en scène une jeunesse italienne sacrifiée, en proie à la violence des hommes.
Naples, quartier de Forcella. Nicolas Fiorillo vient de donner une leçon à un jeune homme qui a osé liker des photos de sa copine sur les réseaux sociaux. Pour humilier son ennemi, Nicolas n'est pas venu seul, il s'est entouré de sa bande, sa paranza : ils ont entre dix et dix- huit ans, ils se déplacent à scooter, ils sont armés et fascinés par la criminalité et la violence. Leurs modèles sont les super-héros et les parrains de la camorra. Leurs valeurs, l'argent et le pouvoir. Ils ne craignent ni la prison ni la mort, mais une vie ordinaire comme celle de leurs parents. Justes et injustes, bons et mauvais, peu importe.
La seule distinction qui vaille est celle qui différencie les forts et les faibles. Pas question de se tromper de côté : il faut fréquenter les bons endroits, se lancer dans le trafic de drogue, occuper les places laissées vacantes par les anciens mafieux et conquérir la ville, quel qu'en soit le prix à payer. Après le succès international de Gomorra et d'Extra pure, Roberto Saviano consacre son premier roman, Piranhas, à un nouveau phénomène criminel napolitain : les baby-gangs. À travers une narration haletante, ce roman inspiré de la réalité nous montre un univers sans concession, dont la logique subjacente n'est pas si différente de celle qui gouverne notre société contemporaine.
Après les événements tragiques qui clôturent Piranhas, Nicolas, dit Maharaja, a juré de se venger. Il ne reculera devant rien pour conquérir Naples, enterrer les vieux parrains et être couronné roi. Entouré de son baby-gang, Nicolas n'a jamais semblé aussi proche de son rêve.
Le coût du sang est élevé et la course au pouvoir infinie ; les alliances ne durent qu'aussi longtemps que l'argent coule à flots. Désormais craints et respectés, Nicolas et ses frères brûlent leur vie par les deux bouts, au risque de sacrifier ceux qu'ils aiment le plus. Pourtant, ils devront apprendre à perdurer. Après le succès de Piranhas, Roberto Saviano parachève son immersion dans l'univers criminel napolitain par une apothéose digne des plus grands films de gangsters. Grâce à une narration toujours aussi percutante, il nous plonge dans un monde brutal que l'on peut voir comme le reflet de notre société actuelle. C'est bouleversé par la force du récit et des personnages que l'on referme ce roman palpitant.
« Quand les gens pensent voir la fin de la culture chez un jeune de seize ans qui n'emploie pas le subjonctif, sans remarquer que par ailleurs ce garçon a vu trente fois plus de films que son père au même âge, ce n'est pas moi qui suis optimiste, ce sont eux qui sont distraits. » Nous voilà immergés dans une nouvelle ère numérique. Et si cette révolution n'était pas tant technologique que mentale ? De l'invention du jeu vidéo jusqu'au premier iPhone, en passant par la naissance de Google ou d'Uber, les nouvelles technologies ont bouleversé notre mode de vie. Mêlant sérieux et humour, Alessandro Baricco raconte les événements fondateurs qui ont forgé notre monde moderne où, comme dans un jeu, chaque problème est devenu une partie à gagner.
Italie, début du XXe siècle. Un beau jour, la Jeune Épouse fait son apparition devant la Famille. Elle a dix-huit ans et débarque d'Argentine car elle doit épouser le Fils. En attendant qu'il rentre d'Angleterre, elle est accueillie par la Famille. La Jeune Épouse vit alors une authentique initiation sexuelle : la Fille la séduit et fait son éducation, dûment complétée par la Mère, et le Père la conduit dans un bordel de luxe où elle écoutera un récit édifiant, qui lui dévoilera les mystères de cette famille aux rituels aussi sophistiqués qu'incompréhensibles. Mais le Fils ne revient toujours pas, il se contente d'expédier toutes sortes d'objets étranges, qui semblent d'abord annoncer son retour puis signifient au contraire sa disparition. Quand la Famille part en villégiature d'été, la Jeune Épouse décide de l'attendre seule, une attente qui sera pleine de surprises.
Avec délicatesse et virtuosité, l'auteur de Soie et de Novecento pianiste ne se contente pas de recréer un monde envoûtant, au bord de la chute, qui n'est pas sans rappeler celui que Tomasi di Lampedusa dépeint dans Le guépard. Il nous livre aussi, l'air de rien, une formidable réflexion sur le métier d'écrire.
Un avion militaire transporte Adriano, vétéran des années de plomb, vers l'Europe, à la suite de son extradition. Réfugié politique en Bolivie, où il se pensait en sécurité après avoir laissé femme et enfant au Brésil, entouré par ses compagnons de lutte et sous la garde d'un gouvernement ami, Adriano a été trahi. Mais par qui ? Est-ce par Martin, l'ami le plus proche, ou par Ramirez, le chef de la police ? Et surtout : n'y a-t-il pas une puissance autrement plus inquiétante derrière l'enlèvement et le rapatriement d'Adriano : le Brésil du « Capitano » et ses services de renseignement. Suivant l'implacable logique de la fuite, Adriano nous fait revivre, depuis sa cellule, son funeste chemin d'exil et les fantômes qui le peuplent.
Portrait sans concession et profondément humain d'une Amérique latine en pleine déliquescence, Le Guet-apens est sans doute le texte le plus personnel qu'ait écrit Cesare Battisti.
« Se plonger dans les histoires de drogue est l'unique point de vue qui m'ait permis de comprendre vraiment les choses. Observer les faiblesses humaines, la physiologie du pouvoir, la fragilité des relations, l'inconsistance des liens, la force colossale de l'argent et de la férocité. L'impuissance absolue de tous les enseignements mettant en valeur la beauté et la justice, ceux dont je me suis nourri. La coke était l'axe autour duquel tout tournait. La carte du monde était certes dessinée par le pétrole, le noir, celui dont nous sommes habitués à parler, mais aussi par le pétrole blanc, comme l'appellent les parrains nigérians. Le pétrole est le carburant des moteurs, la coke celui des corps ».
Après Gomorra, Roberto Saviano poursuit son travail d'enquête et de réflexion sur le crime organisé à l'échelle mondiale. D'où le crime tire-t-il sa force? Comment l'économie mondiale a-t-elle surmonté la crise financière de 2008? Une seule et même réponse : grâce à l'argent de la cocaïne.
Extra pure nous convie à un voyage du Mexique à la Russie, de la Colombie au Nigeria, en passant par les États-Unis, l'Espagne, la France et l'Italie de la 'ndrangheta calabraise. Au fil de cette exploration, l'auteur raconte avec une puissance épique inégalée ce que sont les clans criminels partout dans le monde. Et il démonte impitoyablement tout le fonctionnement de l'économie.
Stefano Guerra naît à la politique en 1968. Étudiant d'extrême droite, il participe aux affrontements de Valle Giulia, le campus universitaire de Rome, et c'est alors qu'il commet l'irréparable : il tue par accident un jeune homme, Mauro, qu'il voulait seulement menacer. Ce crime marque le début d'une longue dérive, du militantisme à la clandestinité, de la politique à la violence, à travers les événements les plus controversés de l'histoire italienne et dans un monde interlope où se mêlent les hommes politiques, les criminels et les agents des services secrets. Au cours de cette cavale sans issue, Stefano tombe amoureux d'Antonella, soeur de Mauro et fille d'un célèbre intellectuel communiste, qui ignore tout de son geste et de ses idées. Auprès d'elle, il cherche désespérément une rédemption qu'il trouvera à l'autre bout du monde, en Argentine.
Qui est Stefano Guerra? Un tueur psychopathe, un terroriste sans pitié? Ou bien un Pinocchio moderne en quête de père, un exalté qui fait son éducation sentimentale, un idéaliste pris dans la lutte des noirs et des rouges, néo-fascistes contre communistes? Dans la formidable épopée que narre Les noirs et les rouges, Alberto Garlini nous guide avec virtuosité à travers une période cruciale du passé récent, mais il nous livre également une réflexion d'une cruelle actualité sur la violence politique.
La route nationale 106 sillonne la Calabre, dans une étroite bande de terre entre mer et monts escarpés, à l'extrémité sud de la botte italienne. Bordée d'oliviers, de figuiers de Barbarie et de constructions abandonnées au sel et au vent, elle semble presque paisible. C'est pourtant là, dans les villages émaillant cette route, qu'est née la 'ndrangheta, la mafia calabraise implantée sur les cinq continents et devenue l'une des organisations criminelles les plus influentes au monde.
Guerre de clans au Canada, blanchiment d'argent à Hong-Kong, monopole du trafic de cocaïne en Europe, livraison record d'ecstasy dans le port de Melbourne : le célèbre journaliste d'investigation calabrais Antonio Talia remonte, dans ce reportage implacable, à l'origine d'une organisation aux rites ancestraux qui peut, simultanément, vénérer une Madone en larmes et négocier des opérations financières de plusieurs millions d'euros.
On entre dans le livre de Lillian Ross comme on avancerait dans le musée Grévin, par une galerie d'acteurs et d'actrices. D'un article dénonçant le maccarthysme sévissant à Hollywood dans les années 1960, à une rencontre avec Julie Andrews et Al Pacino ou une partie de tennis avec Charlie Chaplin. Mais on y croise aussi des anonymes, série de jeunes gens, ainsi qu'elle les nomme, d'un bus jaune aux 'écrasemerdes' de Madison Avenue. Portraits de badauds, doux dingues, de l'histoire vraie et inouïe d'un matador né à Brooklyn au portrait d'une maîtresse d'école de Central Park. Le menu se compose aussi de quelques gros poissons, Coco Chanel, Hemingway ou Fellini.
Dans cette anthologie réunissant soixante-dix ans de portraits et de reportages d'une légende du New Yorker, on décèle un sens profond de l'empathie et une écoute rare, une capacité à mêler le sérieux au trivial, l'inconnu à l'étoile sans distinction de valeur et sans déférence particulière, proche en cela d'un Gay Talese ou d'un Tom Wolfe. Parmi ses inconditionnels lecteurs, Martin Scorsese ou Wes Anderson, mais aussi J. D. Salinger qui lui écrivit un jour après la lecture de l'un de ses papiers : «C'est de la littérature, que j'aimerai toujours et n'oublierai jamais».
«Incroyablement curieuse, extrêmement courageuse, avec un sens rare de l'écoute : à travers Lillian Ross et ses mythiques reportages, nous avons la chance de nous faufiler dans l'intimité des plus grands (Chaplin, Hemingway, Truffaut, Huston)».
Wes Anderson.
«Pour tous ceux qui s'intéressent aux films, les articles de Lillian Ross étaient et sont toujours essentiels».
Martin Scorsese.
Mer, sable, soleil et euphorie d'être légalement à moitié nu : la plage est le symbole des utopies hippies du retour à la nature. C'est le lieu du dévoilement démocratique des corps, un endroit où s'exercent les ravages du tourisme, mais aussi un lieu de rêverie enfantine et d'émerveillement, un lieu de drague ou de méditation.
La Vie pieds nus explore toutes les significations que peuvent avoir pour nous les étendues de sable fin ; des significations historiques ou intimes, tant nos souvenirs logent parfois dans l'esprit des lieux. Entre autobiographie, souvenirs et analyse culturelle, Alan Pauls passe en revue les multiples visages d'un espace clé de la vie moderne. Et nous livre un texte d'une intelligence mélancolique sur un sujet qui n'était jusque là pas encore entré en littérature par la grande porte..
« Là où les Américains voient des Hillbillies, des rednecks ou des White trash, je vois mes voisins, mes amis, ma famille. »Dans cet ouvrage à la fois personnel et politique, J.D. Vance raconte son enfance chaotique dans les Appalaches, cette immense région des États-Unis qui a vu l'industrie du charbon et de la métallurgie péricliter. Il décrit avec humanité et bienveillance la rude vie de ces « petits Blancs » du Midwest, ces « péquenots », que l'on dit xénophobes et qui ont voté pour Donald Trump.
Roman autobiographique, Hillbilly Élégie nous fait entendre la voix d'une classe désillusionnée et pose des questions essentielles. Comment peut-on ne pas manger à sa faim dans le pays le plus riche du monde ? Comment l'Amérique démocrate, ouvrière et digne est-elle devenue républicaine, pauvre et pleine de rancune ?
Qui a déjà lu un mode d'emploi avant de se servir d'une appli? Personne. C'est le propre du Game, ce territoire conçu comme un terrain de jeu dans lequel nous évoluons naturellement dès que nous utilisons un smartphone. On se lance, on joue, on apprend:tous les outils de la révolution numérique sont nés ainsi. Mais, dans le Game, les règles du jeu changent souvent, et il vaut mieux les connaître pour ne pas se laisser piéger...
Aurelio Picca est un amoureux de Rome, mais la Rome qu'il aime n'a rien à voir avec celles des guides de voyage et du tourisme de masse : c'est la Rome des bas-fonds, celle où les garçons des rues côtoient les prostituées dans des bars louches, où les malfrats disparaissent dans les ruelles, où les conflits se règlent parfois en assassinats aux yeux de tous.
Aurelio Picca arpente sa ville et voyage dans ses souvenirs : on lira dans L'Arsenal de Rome détruite le récit de nuits passées dans le quartier de l'EUR, le portrait de quelques criminels qu'il a croisés et avec qui, parfois, il est devenu ami. C'est un ouvrage fourmillant d'anecdotes où se découvre l'envers de la Ville éternelle : une cité brinquebalante, à la fois maîtresse et amante, lumineuse et sale. L'auteur y démontre qu'il a bien mérité son surnom de « Henry Miller des Castelli Romani ».
À New York, au début du vingt et unième siècle, les super-héros sont fatigués : Superman, Batman et les autres ont raccroché les gants, ils sont devenus des hommes et des femmes d'affaires à succès, des vedettes des médias et du spectacle, et ont tous renoncé à leurs super-pouvoirs. Dès lors, qui peut bien vouloir les éliminer un par un? Car après Robin, l'assistant et ancien amant de Batman, un mystérieux groupe de tueurs menace d'autres cibles. Comme ce dernier, Mister Fantastic et Mystique reçoivent eux aussi d'étranges messages d'adieu, et il semble bien que ce soit dans leur vie privée et leurs comportements sexuels qu'on veuille les frapper. Le détective Dennis De Villa mène l'enquête, tandis que son frère Bruce, journaliste, couvre les événements. Mais ne faut-il chercher ailleurs, quelque part dans leur enfance commune, ce qui les relie à ces super-héros si fragiles?
Vaste fresque post 11 Septembre, le roman de Marco Mancassola est le récit de la fin d'un monde, celui des super-héros, et de celle d'une civilisation, incarnée pendant des décennies par les États-Unis. Une civilisation qui est aussi la nôtre
Que cherche Giuliano, envoûté par la terrifiante splendeur des mondes sous-marins ? Pour devenir champion d'apnée, il doit exercer un contrôle absolu sur son corps, et même soumettre à sa volonté ses instincts les plus vitaux. « Oublie que tu respires », lui répète Maurizio, qui l'entraîne et pour qui l'apnée n'est pas un sport comme les autres. En effet, les plongées de Giuliano ne le confrontent pas à des rivaux, mais à lui-même. Sa quête mystérieuse le conduit à Hekura, une petite île de pêcheurs dans la mer du Japon. Mais c'est le passé, le continent lointain que Giuliano tente de rejoindre en retenant son souffle au plus profond de l'océan.
Plongée fascinante dans le monde des apnéistes, exploration de la beauté dangereuse des grands fonds, Oublie que tu respires est aussi un roman bouleversant sur les moments décisifs, ces instants-clés où la vie bascule.
Arrivé en France à dix-huit ans pour étudier la littérature, Tommaso Mellili se retrouve chef dans un restaurant branché de l'Est parisien. Après dix ans dans les cuisines de la capitale, il réalise qu'il ne connaît pas son propre pays : l'Italie. Comment comprendre qui il est sans se confronter à là d'où il vient ? Il décide alors de partir à la recherche de la « vraie cuisine italienne », si tant est qu'elle existe, et d'entreprendre un tour des osterie et trattorie italiennes. Avec une idée en tête : pénétrer dans leurs cuisines, intégrer la brigade, apprendre à connaître les chefs et chasser les ingrédients parfaits. Si les cuisines peuvent apparaître comme des endroits fermés, partagées entre modernité et tradition, ce sont aussi des lieux d'expérimentations, où se font et défont les amitiés, où se vivent chaque jour d'incroyables aventures humaines. De la cuisson parfaite des pâtes à l'art de préparer les artichauds en passant par les subtilités des sauces mijotées, Tommaso nous entraîne au coeur des cuisines locales, dévoile les secrets de leurs spécialités et ceux de ces hommes et femmes extraordinaires qui les préparent. De sa plume acérée, et avec un talent de conteur inné, Tommaso Melilli nous offre l'autobiographie inattendue d'une nation.
on dit qu'il ne chante plus que dans quelques cabarets malfamés du port.
on dit aussi qu'il est très malade mais qu'il chante parfois dans un vieux bar du centre-ville. certains affirment qu'ils l'ont entendu chanter dans un square de palerme, l'ancien quartier italien, et d'autres vont jusqu'à dire qu'il se produit inopinément sur les marchés populaires des faubourgs. bruno cadogan regarde perplexe la carte de buenos aires et essaie de déceler la logique qui commande les dernières apparitions de julia martel.
car ce légendaire chanteur de tango à la voix obscure et envoûtante, l'homme qui n'a jamais voulu enregistrer de disques, est bien plus qu'un mythe urbain. martel est un artiste accompli qui ne laisse rien au hasard et qui dessine par sa présence (et son absence) une autre carte de la ville, les traits d'une énigme. volontaire, résolu, le jeune américain est prêt à tout pour le rencontrer et pour l'entendre chanter ces étranges morceaux dont il est le seul à connaître les paroles et le sens.
mais sa quête va le conduire là où il ne l'attend pas : au cour même de l'insurrection populaire de 2001 qui fait chuter les présidents les uns après les autres. bruno cadogan se trouve ainsi emporté par le tourbillon de l'histoire dans un buenos aires rebelle et assoiffé de justice où la voix de julio martel est devenue l'un des symboles de l'espoir.
En 1887, à Trenque Lauquen, dans la province de Buenos Aires, on signale l'apparition d'un étrange phénomène : une gigantesque masse de sable avance inexorablement, détruisant tout sur son passage, brûlant les sols jusqu'à les rendre stériles, semant la mort et la désolation. Y a-t-il un lien entre la présence de la dune et la Campagne du Désert, cette guerre de conquête qui vient de s'achever et au cours de laquelle les Indiens ont été massacrés et assimilés de force, leurs terres confisquées et redistribuées aux colons ? Et surtout, comment faire pour arrêter la progression de ce fléau que d'aucuns considèrent comme un châtiment divin tandis que d'autres s'évertuent à n'y voir qu'un événement naturel ?
A la croisée du roman historique et du conte philosophique, La Dune pose la question de la responsabilité et de l'étonnante force morale qui permet aux hommes de se réconcilier.
Il s'était rasé de près, avait dissimulé son crâne chauve sous une perruque, pris un tram et, en cette nuit du 24 au 25 octobre 1917, s'était rendu au Palais d'Hiver pour y prendre le pouvoir sans effusion de sang. Lénine avait compris qu'il fallait saisir l'occasion favorable qui ne se représentait pas. Cinq années plus tard presque jour pour jour, dans la soirée du 29 octobre 1922, Benito Mussolini, chauve et mal rasé, vêtu d'une chemise noire, monta dans un train acclamé par la foule pour se rendre à Rome et y prendre le pouvoir. Lui aussi avait pressenti qu'il fallait profiter du moment propice. Au terme d'une insurrection de deux jours qu'il avait lui-même baptisée « marche sur Rome », sans effusion de sang ou presque, l'Italie n'eut pas seulement un gouvernement, mais une dictature.
Si les historiens conviennent qu'il y eut non une révolution, mais un coup d'État bolchevique, il n'en va pas de même pour la marche sur Rome. Comment se peut-il qu' « un opéra-bouffe », « une kermesse maladroite », « un rassemblement sans importance d'idiots utiles », selon certains, ait donné naissance à l'un des régimes les plus tragiquement antidémocratique et impérialiste du XX e siècle ? Prenant pour fil conducteur du récit la confrontation entre l'homme d'action et l'occasion à saisir, c'est-à-dire le moment où la décision humaine intervient sur les circonstances pour fixer la voie à suivre, sans aucune garantie de succès, Emilio Gentile, dans une étude radicalement nouvelle, montre à l'oeuvre un parti organisé comme une milice qui conquiert le gouvernement d'une démocratie parlementaire paralysée par ses renoncements. Le but de la conquête est affiché depuis le commencement : détruire l'État libéral et la démocratie, grâce à l'indifférence et à la passivité de la majorité de la population. Le régime fasciste débuta dès la marche sur Rome, puisqu'il était l'inexorable conséquence de la nature même du parti fasciste.
Dans la campagne émilienne, Roberto, neuf ans, assiste à un rituel effrayant : on tue le cochon. Ce jour-là, il se fait un nouvel ami, Riccardo, et ils croisent par hasard un jeune écrivain, Pier, qui les protège contre les drogués du coin. Pasolini a été assassiné la veille, une époque se termine, place à une ère nouvelle : les années 80 se profilent déjà à l'horizon. Pour les deux garçons, vient alors le temps de l'adolescence. C'est aussi le temps des amours : Riccardo a Chiara, l'amour de sa vie, et Roberto retrouve Pier, qui l'aime puis l'abandonne. Ils traversent ces années en pleine ivresse, fonçant à tombeau ouvert sur les routes d'Europe, des fêtes d'Ibiza à la Rome des premiers grands festivals culturels, d'Odessa à Barcelone, jusqu'à l'inévitable catastrophe. Le temps de la fête et des roses suit leur parcours à tous les quatre, Pier, Roberto, Riccardo et Chiara, que cette période violente et sombre va réunir puis séparer, sacrifiant certains et sauvant miraculeusement les autres.Lyrique et envoûtant, Le temps de la fête et des roses est une étape supplémentaire dans le voyage qu'accomplit Alberto Garlini dans l'histoire italienne récente. Cette fois, il nous plonge dans les années 80, dont il dresse un portrait noir et festif, subtil et violent, mais toujours sans concession, grâce à l'intelligence de sa construction. Ce n'est pas un récit choral, c'est un cheminement dans le temps, seule manière de prendre à bras-le-corps toute une époque pour en questionner le sens, une époque dont la nôtre est la conséquence logique. Tout ce à quoi on assiste aujourd'hui, suggère Garlini, la crise économique, le rôle des moyens de communication, le recul de la politique, est né dans les années 80. Pour y comprendre quelque chose, c'est donc à la source qu'il faut remonter.Sur le plan thématique, Garlini y poursuit la recherche entamée avec ses précédents romans : le mal et le sacrifice, l'histoire récente, la figure de l'écrivain comme témoin de la marche du monde, l'Italie et ses démons. Brillant et d'une imparable lucidité.
Ce livre n'est pas un roman d'espionnage. C'est un essai consacré à la lecture, un manuel
d'utilisation pour s'orienter dans une littérature : celle de Jorge Luis Borges. En neuf chapitres, Alan
Pauls analyse plusieurs aspects essentiels de l'oeuvre de ce grand auteur argentin : Borges et la
modernité, à la croisée des XIXe et XXe siècles ; intellectuels et guerriers, ou la littérature comme
arme ; pudeur contre emphase ; la voix de Bo rges et l'oralité ; la lecture avant l'écriture, la cécité
et la déambulation ; les bibliothèques et les encyclopédies ; Borges recycleur et « parasite », voire
« traître » ; Borges entre savoirs nobles et culture populaire, comme lieu de naissance des
fictions ; Borges et la culture encyclopédique, quasi infinie.
Le Facteur Borges est une analyse à la fois très rigoureuse et synthétique, savante et d'une
certaine façon vulgarisatrice, qui rend à l'auteur de Fictions une place centrale non seulement dans
la littérature argentine mais dans la littérature moderne en général, à l'égal de Kafka, Joyce ou
Proust, et met à mal certaines idées reçues (Borges « écrivain pour écrivains », Borges coupé du
monde, Borges érudit et encyclopédique), avec une clarté et une lucidité proprement fulgurantes.
Surtout, Pauls est certes critique, mais aussi romancier, et de fait Le Facteur Borges est le regard
d'un écrivain sur un autre écrivain qui, avec beaucoup d'humilité, sans jamais se mettre en avant,
paie sa dette et montre ce qui, dans l'oeuvre de Borges et dans sa vision de la littérature, l'a
influencé. Car la forme du Facteur Borges est elle-même borgesienne. Non seulement on retrouve
l'écriture d'Alan Pauls, d'une formidable justesse, d'une précision et d'une économie de moyens
remarquables, mais le texte lui-même est construit à la manière de Borges, avec des inserts qui
contiennent souvent des réflexions et des analyses plus importantes que le corps du texte. Ce
qu'Alan Pauls trouve au cours de cette quête est une forme heureuse d'échec : il n'y a pas un
facteur Borges mais plusieurs, nombreux et variés. Avec ce Facteur Borges, Pauls démontre qu'il
est non seulement un extraordinaire romancier, mais également un magnifique et incisif essayiste.