En 1871, le génial écrivain José Maria Eça de Queiroz (1845-1900) fonde avec Ramalho Ortigão une revue satirique, As Farpas (Les Banderilles), destinée à tourner en ridicule tout ce qui va mal dans le pays. Le sous-titre, explicite, en est « chronique mensuelle de la politique, des lettres et des moeurs ». Eça précise, dans une lettre à un ami, qu'il veut faire un « journal de combat, un journal mordant, cruel, incisif, acéré et surtout révolutionnaire ». La cible, principale des deux auteurs sera donc le monde politique, les dérives de l'Eglise, surtout celle du nord du Portugal, la plus conservatrice, ainsi que les moeurs bourgeoises hypocrites et corrompues, la littérature ultra-romantique irréaliste et pernicieuse, à l'inanité de l'éducation, et ils dépeindront avec émotion la vie misérable des petites gens.
Eça est en effet persuadé que le rire est une arme efficace. « Le rire, écrit-il, est la forme de critique la plus utile car elle est la plus accessible à la foule. Le rire ne s'adresse pas au lettré ni au philosophe mais à la masse, à l'immense public anonyme », ce qui donne à penser qu'il avait l'intention de toucher un très grand nombre de lecteurs. Il y en aura des milliers dès le premier numéro.
Le présent ouvrage propose un florilège des meilleurs articles et pamphlets de la revue, qui demeurent encore aujourd'hui étonnants d'actualité, au Portugal et ailleurs.
Minuit. Une jeune fille que personne ne semble attendre tourne dans les airs. 3 heures. L'homme qui a promis de venir se fait attendre. 4 heures. Insomniaques, les chiens glapissent. 5 heures. Un autre homme attend son heure, que les pendules s'arrêtent enfin. Solitaires, les voix de ce roman se livrent au fil de la nuit. Nourries par leurs obsessions, ces consciences déambulent dans leur passé.
Dans ce texte écrit en 1880, Eça de Queiroz reprend un thème récurrent de la tradition littéraire : le pacte avec le diable. Teodoro, fonctionnaire d'État, mène une vie banale à Lisbonne, faite d'habitudes bien ancrées, de courbures d'échine face à ses supérieurs, de repas servis à l'heure et de prières automatisées, sa vie médiocre prend un nouveau tournant lorsque lui apparait dans un livre un message aussi troublant qu'attirant. Le diable lui-même lui propose de sacrifier la vie d'un vieil inconnu, un mandarin vivant au fin fond de la Chine et de récupérer ainsi son incommensurable fortune ! Il n'a qu'à appuyer sur une sonnette posée à ses côtés pour réaliser ce funeste exploit !
D'abord, la stupeur, la peur et puis la fascination. Le désir d'une vie nouvelle presse et bien sûr le confort d'un crime non-identifié ne manque pas d'attrait ! Et puis quoi ?! La vie d'un vieux décrépi contre une jeunesse pleine de désirs ! Teodoro appuie sur la sonnette. Une vie d'abondance et de luxure débute, entre voyages et grandes fêtes, ce personnage ridicule est sauvé par les apparences du luxe. Bientôt, sa conscience viendra contrarier ses plaisirs multipliés et le fantôme du mandarin sacrifié le hantera sans repos. Les délices de cette vie vécus au dépens d'un autre deviendront sans saveurs. Le personnage entamera alors un voyage vers la Chine pour expier sa faute auprès des descendants du mandarin. Guidé par une volonté molle, ce dernier sera sans succès !
L'entrée dans l'écriture fantastique de Eça de Queiroz n'enlève rien à son ton hautement critique. On y lit une société gouvernée par les apparences au sein de laquelle la morale est décimée sans vergogne par l'appât du gain. Le ton est ironique, cynique parfois, Eça comme à son habitude ne laisse passer aucun détail de la psychologie humaine souvent faite d'hypocrites contradictions. La mesquinerie y est dépeinte sans concession et la lucidité mordante de l'auteur n'épargne personne !
Le mandarin est un conte savoureux, drôle et cruel, qui ne manquera pas d'interpeller le lecteur ! « Et pourtant, au moment où j'expire, une idée me console prodigieusement, celle de savoir que, que du nord au sud et d'est en ouest, de la Grande Muraille de Tavarie aux vagues de la mer Jaune, dans tout le vaste empire chinois, aucun mandarin ne resterait en vie si tu pouvais aussi facilement que moi le supprimer et hériter ses millions, toi, lecteur, créature improvisée par Dieu, mauvaise oeuvre faite d'un mauvais argile, toi, mon semblable, mon frère ! »
En Angleterre, à la fin du xixe siècle, William Byng se distingue par sa finesse à résoudre des intrigues « sans bouger de son fauteuil ». Femmes éplorées en quête d'explications ou officiers de police, nombreux sont ceux qui mettent les talents de cet ex-sergent et détective amateur à contribution. Car ce raisonneur hors pair, fin psychologue et connaisseur des caractères humains, élabore argumentations et déductions qui s'avèrent infailliblement exactes. « C'est le raisonnement du détective qui constitue l'intrigue de l'histoire policière. » Démonstration est faite avec ce personnage rêveur, philosophe, bon vivant et métaphysicien à ses heures. Reflétant l'admiration que Fernando Pessoa portait à Edgar Allan Poe et à Arthur Conan Doyle, ce recueil regroupe ainsi quatre histoires écrites, en anglais, à partir de 1906.
69 chroniques, écrites entre 2003 et 2005 pour un journal portugais. Fragments nostalgiques, ironiques ou poétiques, qui explorent les thèmes chers à l'auteur : le temps, la mort, l'enfance, sa grand-mère adorée, sa vie de médecin militaire en Angola, quelques hommages à des figures des lettres et des arts portugais, et, bien sûr, l'écriture.
Un jour et une nuit de voyage en voiture mènent un homme du sud du portugal jusqu'à lisbonne, oú il travaille dans un service psychiatrique.
Durant ce trajet, les souvenirs se mêlent aux visions et déforment sa perception du monde. la mémoire empiète sur le réel, le passé et le présent sont incertains, les images se superposent, et l'univers du narrateur paraît basculer dans la folie des malades qui l'entourent. entre les dérives de son imagination et les délires de ses patients, entre les cauchemars atroces de la guerre d'angola et l'univers concentrationnaire de l'hôpital, le narrateur de connaissance de l'enfer brosse un tableau cruel de l'institution psychiatrique, et dresse un féroce réquisitoire contre les guerres coloniales qui ont traumatisé toute une génération de portugais.
Le lecteur habitué à l'univers « loboantunien » se repèrera vite dans ces discours parallèles où chacun ne s'adresse qu'à soi-même (ou à un psychiatre, ce qui revient au même), dans l'évocation solitaire et obsédante de ses souvenirs les plus marquants, les plus poignants, les plus secrets,
réveillés par le feuilletage d'un album photographique, par l'audition des confidences d'un patient, par une visite et, en fin de compte, comme on finit par l'apprendre, par le simple besoin d'inventer des histoires pour tromper son ennui. Car si l'auteur du livre est bien António Lobo Antunes, il délègue à l'un de ses personnages le soin de créer les autres, et l'ancienne couturière qui, sur sa machine à coudre/à écrire, assemble les différents morceaux des « vies minuscules » qui se révèlent à nous, nous livre à l'occasion quelques secrets de fabrication. Cette très vieille femme imaginative, sujette à des accès de fièvre, à des hallucinations, à la confusion mentale, et dont l'existence n'a été qu'une suite de souffrances et de frustrations, donne le ton à l'ensemble d'un
livre entièrement centré sur les carences affectives qui affectent tous les personnages, parents et enfants, maris et femmes, et même amants, et qui pourraient se résumer ainsi, pour paraphraser la Carmen de Bizet : si tu ne m'aimes pas je t'aime. et si je t'aime pauvre de moi. Cela avec les variations dues aux différences de sexe, de génération, de tempérament, d'origine géographique ou sociale, qui font que chaque histoire est singulière et qu'un même événement est appréhendé différemment selon les individus.
De l'enfant triste, fils d'un capitaine de marine volage et d'une mère hystérique du Perroquet vert, au pitoyable protagoniste du Bon Pasteur et au jeune poète de Bonsoir, Jorge de Sena nous montre, sous tous ses aspects, la misère morale du Portugal de Salazar. Rejoignant le grand roman Signes de feu, Les Grands Capitaines retrace une "chronique amère et violente de cette ère de décomposition du monde occidental et de cette époque qui châtrait le Portugal".
On est en présence d'une des représentations de ce mal que Jorge de Sena s'attache à dénoncer, voire à exorciser dans son oeuvre.
Jorge de Sena rend le réel "encore plus réel que la réalité et donc aussi monstrueux que ce que nos yeux craignent de reconnaître dans la réalité".
« Écrites au début de l'exil brésilien de Jorge de Sena, dans les années 1961-1962, les neuf nouvelles [...] témoignent d'une intelligence et d'une maîtrise techniques remarquables. »
Patrick Kéchichian, Le Monde des livres
Il était une fois un beau jeune homme blond et peut-être vierge. Il avait le pouvoir de guérir les dames qui se mouraient de langueur dans leurs châteaux, de lire dans les pensées et d'arrêter le temps.
Il était une fois des déesses ensorcelantes et lubriques, un diable désarmé devant l'amour et des juges de l'Inquisition désemparés.
Il était une fois une drôle histoire d'amour.
« Avec une grande maîtrise narrative, Jorge de Sena mêle ici les mythes universels et les thèmes de la tradition populaire. Dans l'espace quasi imaginaire d'un Moyen Age incertain, l'auteur insère des personnages qui, pour être des figures emblématiques, n'en sont pas moins chargés de vie et de sensualité. »
Une des plus grandes spécialistes des fleurs en soie, Sylvia Hague, vous expose ses méthodes et vous livre astuces et ficelles du métier pour que vous puissiez à votre tour réussir 24 époustouflantes compositions florales en soie.
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Grâce à ces créations impérissables, la beauté de la nature pénètrera dans votre maison tout au long de l'année !
" Il est impossible de cerner toute la complexité et la richesse d'un individu en une douzaine de conversations.
De toute façon, prétendre cela, s'agissant de la personnalité labyrinthique de Lobo Antunes, serait d'une audace puérile. Mais cet ensemble de réflexions à voix haute, de révélations sincères, de confidences si intimes qu'elles frôlaient parfois la limite de la pudeur la plus élémentaire, n'a d'autre prétention que de rapprocher l'écrivain de ses lecteurs, de contribuer à la connaissance des clefs et des motivations qui sous-tendent la prose de cet écrivain hermétique et impénétrable.
Puisse la curiosité de la vie et de l'être humain qui se révèlent dans ces pages pousser le lecteur à prendre connaissance de l'oeuvre. Une oeuvre en prose d'une beauté émouvante et d'une profondeur insondable. " (M. L. B. ) " Ecrire, c'est comme une drogue. On commence juste pour le plaisir, et on finit par organiser sa vie autour de son vice, comme les drogués. Telle est la vie que je mène. Même mes souffrances, je les vis comme un dédoublement: l'homme souffre, et l'écrivain se demande comment utiliser cette souffrance dans son travail.
"Antonio Lobo Antunes.
La prodigieuse malle laissée par Fernando Pessoa ne cesse de livrer des trésors
étonnants. A présent, le poète aux diverses personnalités et aux diverses
plumes, le dramaturge, le penseur, etc. nous apparaît aussi comme auteur de
nouvelles policières. Cela pourrait surprendre. Mais l'écrivain a maintes fois
signalé le plaisir trouvé dès l'enfance à lire Poe, Conan Doyle, Arthur
Morrison and others, car ses premiers textes ont été écrits en anglais. Il y
trouvait un « rare amusement intellectuel » et s'y est adonné pendant plus de
vingt ans. Les premiers récits, en langue anglaise, étaient l'oeuvre d'un
hétéronyme, et mettaient en scène un ancien policier, Byng, alcoolique, inapte
à la vie quotidienne mais raisonnant de façon infaillible. Byng, tout en
conservant ses attributs principaux, est ensuite devenu, dans les textes
portugais, quelqu'un de plus complexe, un médecin sans clientèle du nom de
Quaresma, qui a bien des traits, physiques et intellectuels, de son créateur.
Passionné par les charades, il s'intéresse tout particulièrement à celles que
constituent les énigmes policières. Il les résout sans quitter son fauteuil,
fort d'une méthode qu'il n'hésite pas à exposer longuement à l'occasion, qui
repose non seulement sur une rigueur logique sans faute, mais aussi sur une
connaissance profonde des diverses catégories de mentalités humaines. C'est ce
personnage que l'on suit au fil des 10 nouvelles réunies pour la première fois
et rassemblées en recueil sous le titre de Quaresma, déchiffreur. Abílio
Fernandes Quaresma est un célibataire d'âge mûr, un médecin n'exerçant pas. Il
habite une petite chambre en désordre, avec une fenêtre ouverte sur les toits,
par où entre la lumière de Lisbonne. Il y passe le plus clair de son temps,
dans un état de demi-maladie indéfinie, végétant entre deux couvertures et
lisant. Il se considère comme un déchiffreur de charades, généralement celles
de l'Almanach de Souvenirs, encore qu'il préfère celles de la vie réelle. Un
léger tremblement et ses doigts jaunis attestent de ses deux vices :
l'alcoolisme et le tabac. Il préfère les cigares bon marché, des Peralta
foncés, à 25 réis, qui contribuent à la toux cadavérique qui le prend parfois.
Dans la personnalité de ce raisonneur se retrouvent de nombreux traits de
caractère de Fernando Pessoa lui-même. Ceci s'explique d'autant mieux que
l'écriture de ces nouvelles s'est poursuivie sur des décennies, jusqu'à la mort
de Pessoa en 1935. Le personnage gagne de ce fait une individualité semblable à
celle d'une personnalité littéraire proche de son créateur. Bien que détonnant
avec le reste de l'oeuvre de Pessoa, on retrouve dans ce recueil la marque de
l'écrivain cérébral, et aussi celle du dramaturge. Les dialogues sont enlevés,
et les intrigues variées et prenantes. Toutes, ou presque, se passent dans la
Lisbonne chère à l'écrivain et à son semi-hétéronyme Bernardo Soares, et
s'amusent à laisser le lecteur patauger avec les policiers et les juges qui
s'évertuent vainement à résoudre les énigmes avant que le docteur Quaresma ne
vienne en donner la solution grâce à la seule vertu de son raisonnement. Pessoa
est né en 1888 à Lisbonne. Pendant trente ans, de son adolescence à sa mort, il
ne quitte pas sa ville de Lisbonne, où il mène l'existence obscure d'un employé
de bureau. Mais le 8 mars 1914, le poète de vingt-cinq ans, introverti,
idéaliste, anxieux, voit surgir en lui son double antithétique, le maître «
païen » Alberto Caeiro, suivi de deux disciples : Ricardo Reis, stoïcien
épicurien, et Álvaro de Campos, qui se dit «sensationniste ». Un modeste
gratte-papier, Bernardo Soares, dans une prose somptueuse, tient le journal de
son « intranquillité », tandis que Fernando Pessoa lui-même, utilisant le
portugais ou l'anglais, explore toutes sortes d'autres voies, de l'érotisme à
l'ésotérisme, du lyrique critique au nationalisme mystique. Pessoa, incompris
de son vivant, entassait ses manuscrits dans une malle où l'on n'a pas cessé de
puiser, depuis sa mort en 1935, les fragments d'une oeuvre informe, inachevée,
mais d'une incomparable beauté. INEDIT Ce recueil passionnera tous ceux qui ont
été séduits par l'univers pessoen et par la personnalité multiple de son
inventeur. Mais les amateurs de littérature policière ne seront pas en reste.
Ils prendront du plaisir à la lecture d'intrigues extrêmement variées et
prenantes, présentées par des narrateurs divers, dont certains ont partie liée
avec l'histoire qu'ils relatent. Si l'on ajoute à cela des caractères bien
dessinés et un dialogue enlevé qui nous rappelle que l'art du dramaturge
faisait partie de l'arsenal pessoen, nous pouvons affirmer que ce nouveau livre
du grand écrivain portugais ne jure pas dans l'ensemble de son oeuvre. PAGE 1
Contre les berges de lisbonne, l'histoire jette ses héros en vrac.
Poètes, navigateurs ou colons déchus de l'angola indépendante, ils apportent, venus de plusieurs siècles, l'image du déclin qu'ils ont vécu : celui de l'empire par deux fois brisé - en 1578 avec la domination espagnole et en 1975 avec la fin des colonies d'afrique. rien de plus furieusement baroque que cette traversée de l'histoire portugaise oú vasco de gama, luis de camoëns, ressuscités des lusiades ou d'ailleurs, se perdent, arbitrairement défigurés, dans le lisbonne d'aujourd'hui qu'ils ne reconnaissent plus.
Et luis sillonne l'histoire et la ville sans lâcher le cercueil oú pourrit le corps de son père, signe d'un présent toujours en mal de ses racines. car dans cette civilisation occidentale en pleine déchéance, on espère encore le retour des caravelles.
«Mentalement, aucune originalité, aucune imagination, mais une seule et unique chose, celle-là absorbant toute la substance de son âme... Un raisonnement froid et fluide qui parvenait à contourner les aspérités de la réalité en les dessinant, presque involontairement, d'un trait léger.» La malle de Pessoa ne cesse de livrer des trésors étonnants. Voici que le poète, le dramaturge, le penseur nous apparaît aussi auteur de littérature policière. Duel d'intelligence, L'affaire Vargas est le plus ambitieux de ses textes consacrés à ce genre. Raisonneur presque désincarné, le docteur Quaresma y enquête sur un meurtre lié aux plans d'un sous-marin. Et nous offre un exposé diaboliquement logique sur la psychologie pathologique, qui préoccupait tant Fernando Pessoa.
José Saramago (né en 1922) s'est imposé comme l'un des grands écrivains portugais contemporains. Le prix Nobel de littérature, qui lui a été décerné en 1998, consacre une oeuvre poétique, dramatique et romanesque originale et abondante, dont l'auteur dresse lui-même le panorama dans le discours prononcé à Stockholm. Il y explique avec humilité comment, dans chacun de ses récits, le personnage fut le maître et l'auteur son apprenti.