Libraire à Acapulco au Mexique, Lydia mène une vie calme avec son mari journaliste Sebastián et leur famille, malgré les tensions causées dans la ville par les puissants cartels de la drogue. Jusqu'au jour où Sebastián, s'apprêtant à révéler dans la presse l'identité du chef du principal cartel, apprend à Lydia que celui-ci n'est autre que Javier, un client érudit avec qui elle s'est liée dans sa librairie... La parution de son article, quelques jours plus tard, bouleverse leur destin à tous.
Contrainte de prendre la fuite avec Luca, son fils de huit ans, Lydia se sait suivie par les hommes de Javier. Tous deux vont alors rejoindre le flot de migrants en provenance du sud du continent, en route vers les États-Unis, devront voyager clandestinement à bord de la redoutable Bestia, le train qui fonce vers le Nord, seront dépouillés par des policiers corrompus, et menacés par les tueurs du cartel...
Porté par une écriture électrique, American Dirt raconte le quotidien de ces femmes et de ces hommes qui ont pour seul bagage une farouche volonté d'avancer vers la frontière.
Amma, Dominique, Yazz, Shirley, Carole, Bummi, LaTisha, Morgan, Hattie, Penelope, Winsome, Grace.
La plus jeune a dix-neuf ans, la plus âgée, quatre-vingt-treize. Elles sont douze femmes puissantes, apôtres du féminisme et de la liberté, chacune à sa manière, d'un bout de siècle à l'autre. Leurs vies s'épaulent, s'opposent et font la ronde. Chacune est en quête, de place, de classe, d'un avenir, d'une identité, du bonheur. Elles sont un choeur, un tableau vibrant et foisonnant, une ode à la différence et à la soif « d'être ensemble ».
Après avoir passé sa vie à explorer celle des autres, le psychiatre américain Irvin D. Yalom, auteur de Et Nietszche a pleuré et du Problème Spinoza, se penche sur son propre parcours. Pour la première fois, tissant des liens entre sa formation, les histoires de ses patients, les héros de ses romans, ses amours et ses regrets personnels, il nous révèle le cheminement de sa pensée. Comment je suis devenu moi-même n'est pas seulement une autobiographie, c'est aussi une invite au lecteur à voyager au plus près de ce qu'il est, et à songer au sens de sa propre existence.
Quand Ava et Swift Havilland, couple de philanthropes fortunés, décident de prendre Helen McCabe sous leur aile, celle-ci est au plus bas. À quarante ans, elle a récemment perdu la garde de son fils Oliver, huit ans, et partage sa semaine entre rencontres aux Alcooliques Anonymes, petits boulots pour un traiteur, et soirées à faire défiler sur son écran les profils d'hommes célibataires de sa région. S'étant réfugiée depuis son enfance derrière des récits de vies fantasmées - un jour orpheline, le lendemain petite-fille d'Audrey Hepburn -, elle trouve auprès des Havilland ce qu'elle a toujours recherché : se sentir unique.
Couverte de cadeaux et d'attentions, Helen n'a jamais été autant choyée. Vulnérable, impressionnable, elle tombe rapidement sous l'influence du couple, les laissant régir jusqu'à sa vie intime et amoureuse, tandis qu'ils lui promettent la seule chose qui compte à ses yeux : récupérer la garde à temps plein de son fils. Mais lorsque Oliver, témoin d'un accident impliquant Swift, est accusé par ce dernier d'en être à l'origine, Helen se retrouve confrontée à un grave conflit de loyauté. Jusqu'où est-elle prête à aller pour garder la confiance des Havilland ?
Dans un style fluide et percutant, Joyce Maynard offre un roman saisissant sur l'amitié, la trahison et l'amour maternel. Remarquablement construit, De si bons amis est le récit d'un drame inévitable, qui nous tient en haleine du début à la fin.
Une chaleur caniculaire règne sur la côte est. Henry, treize ans, et sa mère Adèle doivent faire les dernières courses pour la rentrée des classes. Une rencontre fortuite au supermarché va venir tout bouleverser : Franck, un taulard en cavale, leur demande de l'héberger. Le temps d'un long week- end, le trio va vivre en huis clos une expérience qui bouleversera leur vie à jamais...
Été 1979, Californie du Nord. Rachel, treize ans, et sa soeur Patty, onze ans, se préparent à passer leurs vacances à vagabonder, rêvant d'inattendu. Et l'inattendu arrive. Effroyable, une succession de meurtres de jeunes femmes, tuées dans la montagne selon un même mode opératoire : la chasse à l'Etrangleur du crépuscule commence. L'inspecteur Torricelli, le père des fillettes, dirigera l'enquête. Trente ans plus tard, Rachel raconte : la traque épuisante, leurs vies suspendues, et ce jour où les deux soeurs se sont retrouvées face à l'étrangleur. Fantasme de gamines hystériques, avaient déclaré les autorités. Depuis lors, Rachel s'est donné pour mission de retrouver cet homme. Roman d'apprentissage, polar psychologique : Joyce Maynard a su ériger ce fait-divers réel en un conte cruel haletant.
Hometown, Sud de l'Australie. Tom Hope est un homme simple et plutôt solitaire. Son verger, ses brebis suffisent à son bonheur. Et puis il y a Peter, ce fils qui n'est pas le sien mais qu'il élève comme tel. Un soir, sous la véranda, Tom reçoit cette lettre :
« Cher Mister Hope, Je suis Hannah Babel. Vous ne me connaissez pas mais je vais ouvrir une librairie et j'ai besoin de quelqu'un - vous - pour faire certains travaux. » S'agirait-il de cette belle Hongroise, juive et rescapée d'Auschwitz, nouvelle dans le pays ?
Entre ces deux coeurs brisés, l'espoir peut-il renaître ?
Véritable légende dans le milieu très fermé de la justice britannique, Sir Edward Feathers surnommé Filth est né en Malaisie, a fait ses études en Angleterre et mené avec succès une carrière d'avocat à Hong Kong. Désormais à la retraite, Filth vit paisiblement avec sa femme Betty dans une confortable maison de la campagne anglaise. Impassible en toutes circonstances, il a pourtant eu un destin hors du commun.
Enfance misérable à la Dickens, amours mélancoliques, secrets inavouables, Le Maître des apparences est le premier volume de la trilogie Les Orphelins du Raj, considérée comme le chef-d'oeuvre de Jane Gardam.
Jane Gardam navigue avec virtuosité entre les époques et les continents pour raconter le destin mouvementé de Sir Edward Feathers. Pascale Frey, Elle.
Quintessence du roman anglais, où la passion est en embuscade et l'extravagance assortie au collier de perles. Claire Devarrieux, Libération.
Un matin de janvier 2010, l'écrivain et journaliste Peter Jacobs débarque à Alfredville, sa ville natale en Afrique du Sud, qu'il a quittée depuis plus de vingt ans. Il souhaite écrire une série d'articles sur l'assassinat de sa cousine, mariée au chef de la police locale. Au fil de ses recherches, il est entraîné dans une enquête aux multiples rebondissements au coeur d'une des provinces les plus marquées par l'apartheid.
Le maître des apparences racontait l'histoire de sir Edward (Eddie) Feathers alias le vieux Filth, son enfance coloniale, sa carrière d'avocat international à Hong Kong, son mariage, ses amis et ses rivaux.
Le choix de Betty tisse la même histoire mais vue par sa femme Betty. Orpheline dans les camps japonais, jeune fille non conformiste recrutée pour casser les codes à Bletchley Park, Betty a ses propres passions secrètes et ce n'est pas un hasard si Veneering, le rival détesté de Filth au barreau, exerce sur elle une puissante attraction.
Entre hannah arendt, juive allemande émigrée aux états-unis et auteur d'une des oeuvres de philosophie politique les plus importantes du xxe siècle, et mary mccarthy, américaine, romancière à scandale, adversaire forcenée du maccarthysme et femme aux multiples hommes, quoi de commun ? une amitié au long cours, que traduisent ces lettres où il est question de tout : de kennedy, du vietnam, de de gaulle et de mai 68, mais aussi de la france, de camus, de jean daniel et du nouvel observateur, des églises gothiques et de günter grass, etc. la philosophie n'en est pas absente, et l'on trouvera par exemple d'intéressantes précisions sur la parution du livre controversé d'hannah arendt, eichmann à jérusalem.
Frieda Wroth rêve de devenir écrivain. Jeune diplômée, elle devient la dactylographe personnelle de Henry James. Romans, correspondance privée : Frieda retranscrit chaque mot dicté entre de longs silences. Si peu pour son ambition ! Quand le beau Morton Fullerton, ami de Mr James, s'immisce dans leur quotidien studieux, Frieda, sage mais audacieuse, quitte sa vie rangée et découvre l'art de la duperie.
Décembre 1968, Simon et ses copains de son collège anglophone de Bloemfontein, « métropole » de l'État libre d'Orange en Afrique du Sud, s'apprêtent à flanquer une dérouillée au tennis aux péquenots d'un collège technique des environs. Éducation anglaise contre enseignement afrikaner. Les visiteurs débarquent et, parmi eux, Fanie van den Bergh, un garçon qui a partagé l'enfance de Simon à Verkeerdespruit, patelin champion de l'apartheid, village de petits et moyens Blancs afrikaners, servi par ses Bantous parqués dans le township.
La confrontation sportive ravive des souvenirs oubliés et met en évidence, au passage, les conflits raciaux et de classe. Heyns choisit d'explorer le fossé entre Anglais et Afrikaners, fossé dont Simon - fils d'un magistrat anglais « libéral » et d'une Afrikaner - est le reflet. Fanie, lui, est issu d'une des familles pauvres de la paroisse, celles dont s'occupent les dames de l'ouvroir sous la houlette du pasteur Claassen. Car le pasteur préside à tout dans ce petit bourg : sa femme transmet sa parole, les autres s'exécutent. Et les déviants, il y en a évidemment quelques-uns, sont impitoyablement chassés - Steve et sa moto, Trevor et sa chemise rose. Pour ces enfants, il y a surtout l'école, où ils apprennent la vie, à défaut d'autre chose : la bêtise tellement humaine, les amitiés compliquées, les expériences sexuelles, mais aussi l'hypocrisie morale et le conservatisme raciste du monde des adultes.
Quartier de Tribeca, Manhattan. Ici, il faut avoir beaucoup d'argent, sans passer pour un banquier. Affecter un job artistique et un mariage d'amour. Se surprotéger mais feindre l'insouciance bohême. Comme ces quelques pères de famille - journaliste, cuisinier, marionnettiste, photographe - qui se retrouvent chaque matin au café, après avoir déposé leurs enfants à l'école chic du coin.
Au fil de l'année scolaire, ils dévoilent leurs secrets et leurs passions, leurs mariages et leurs adultères, leurs espoirs et leurs illusions perdues.
Car ici comme ailleurs, on s'ennuie, on s'aveugle, on se trompe.
Sa mère l'a baptisée Crane, prénom sioux qui désigne la grue, le grand oiseau migrateur. Et comme, auparavant, cette même mère avait tenté de se débarrasser d'elle, Crane est née défigurée, chétive et bigleuse.
Son histoire commence dans un trou perdu de l'Iowa dans les années 1950. Avec pour parents, un trio minable, qui s'est constitué sur le circuit des prêcheurs itinérants : Big Duck, faux prêcheur et escroc, père fictif de Crane et de son demi-frère ; Tit, superbe femelle qui les a engendrés ; Flat, mère d'une fille dont Big Duck est vraiment le père ! La maisonnée vit dans la crasse et l'indigence, les trois enfants, non scolarisés, sont livrés à eux-mêmes et sous-alimentés en permanence. Leur unique distraction est le passage du train de 21 h 49 à quelques centaines de mètres de chez eux ; et le reste du temps, la contemplation des champs de maïs qui s'étendent à perte de vue.
Jusqu'au jour où déboulent pelleteuses et excavatrices : la modernité est en marche, le trou perdu va devenir une cité lacustre. Crane, rebelle et miraculeusement surdouée, est alors projetée dans une nouvelle vie qui la sauvera de la misère, mais la plongera aussi dans le mensonge et la solitude.
Rien de sordide dans cette histoire puissante. La plume nerveuse de Lucia Nevaï transforme l'étendue monotone des champs de maïs en un paysage lunaire ; de situations désespérées et de personnages horrifiants, elle pointe le saugrenu ; de l'abjection, elle fait naître l'attachement et la tendresse.
Décembre 1968, Simon et ses copains de Wesley, collège anglophone de Bloemfontein, « métropole » de l'État libre d'Orange en Afrique du Sud, s'apprêtent à flanquer une dérouillée au tennis aux péquenots d'un collège technique des environs. Éducation anglaise contre enseignement afrikaans. Les visiteurs débarquent et, parmi eux, Fanie van den Bergh, un garçon qui a partagé l'enfance de Simon à Verkeerdespruit, patelin champion de l'apartheid, village de petits et moyens Blancs afrikaners, servis par ses Bantous parqués dans le township. La confrontation sportive ravive des souvenirs oubliés et met en évidence, au passage, les conflits raciaux et de classe. Heyns choisit d'explorer le fossé entre Anglais et Afrikaners, fossé dont Simon est le reflet - fils d'un magistrat anglais « libéral » et d'une Afrikaner. Fanie, lui, est issu d'une des familles pauvres de la paroisse, celles dont s'occupent les dames de l'ouvroir sous la houlette du pasteur Claassen. Car le pasteur préside à tout dans ce petit bourg : sa femme transmet sa parole, les autres s'exécutent. Et les déviants, car il y en a quelques-uns, sont impitoyablement chassés - Steve et sa moto, Trevor et sa chemise rose... Bien sûr, pour ces enfants, il y a surtout l'école, où ils apprennent la vie, à défaut d'autre chose - la bêtise tellement humaine, les amitiés compliquées, les expériences sexuelles, mais aussi l'hypocrisie morale et le conservatisme raciste du monde des adultes. En alternant le présent de ce match de tennis et les souvenirs de l'enfance, c'est un véritable roman de formation qui se dévoile page à page et la pré-conscience adolescente qui se dessine peu à peu. Car, là où les adultes ont compris, intégré, comment naviguer dans les restrictions rigides de l'Afrique du Sud des années soixante, Simon est encore noyé dans la confusion et se crée, au gré des événements et des rencontres, son propre sens de la morale.
1855. La guerre de Sécession n'a pas encore déchiré les Etats-Unis d'Amérique. Lidie Harkness, vingt ans, s'ennuie à Quincy, Illinois. Thomas Newton, la trentaine, a toutes les qualités et une passion : la lutte contre l'esclavage.
Elle n'a pas d'opinion sur la question, il est un fervent partisan de l'abolition. Ils se marient, remontent le Mississippi et s'enfoncent dans les terres sauvages de l'ouest.
Au Kansas, Lidie assiste aux exactions des Missouriens chasseurs de Nègres. Elle participe aux débats enflammés de Thomas et de ses amis, épouse leur cause et apprend à la défendre, en brandissant d'une main La Case de l'oncle Tom, de l'autre une carabine.
Mais c'est dans le Missouri, chez un planteur débonnaire, qu'elle prendra conscience du fossé qui sépare le discours abolitionniste et la réalité d'une vie d'esclave. En arpentant les grandes plaines, dans le sillage de Lidie, nous découvrons les paysages accidentés dans lesquels s'est construite l'Amérique.
Dans ce roman drôle et émouvant, Jane Smiley nous entraîne dans un western haletant, et pose également les questions très contemporaines de l'engagement politique, des libertés et des responsabilités individuelles et collectives.
Dans une petite ville du golfe du Bengale saisie par la modernité, la Grande Maison, malgré son état de délabrement, constitue un îlot de résistance. Elle appartient depuis des générations à une famille brahmane, les Rao, dont le chef actuel, Sripathi, peine à joindre les deux bouts. Rédacteur dans une agence de publicité, la cinquantaine avancée et fatiguée, Sripathi s'efforce de régner sur sa maisonnée : sa femme Nirmala, épouse traditionnelle, mais qui donne des cours de danse pour arrondir les fins de mois, sa soeur cadette, quarante ans et toujours célibataire, son fils, écolo défenseur des tortues, et surtout sa mère, personnage extraordinaire, tyran acariâtre qui fait payer à son entourage son existence de veuve frustrée, d'épouse bafouée. La famille, naguère, se complétait de la fille, Maya, fierté de tous, partie étudier au Canada, où, crime impardonnable, elle s'est mariée, rompant l'engagement qui la liait à son fiancé indien. Muré dans sa rancoeur, blessé dans son orgueil, Sripathi a rompu tous liens avec elle.
La tragédie s'abat un matin, annoncée par un coup de téléphone : Maya et son mari viennent de se tuer dans un accident de voiture. Ils laissent une petite fille de sept ans, dont Sripathi et Nirmala vont avoir la garde. Une enfant en pleine détresse, transplantée dans un monde étranger, mais qui est peut-être la seule à pouvoir sauver du désespoir ce Vieil Homme qu'elle refuse d'appeler son grand-père.
« Souviens-toi, » dit Nirmala à son mari, «Ravana, était un grand roi, musicien, savant. Mais ce n'était pas un héros. Il avait un trop gros ego. Comme toi. Un héros est un homme humble. » C'est cette marche douloureuse vers l'humilité, entreprise par Sripathi, qu'Anita Rau Badami nous raconte avec chaleur et tendresse, une bonne dose d'ironie aussi. Et sur un fonds de couleurs, d'odeurs, de sensualité, qui caractérisent ces grands romans contemporains de la littérature anglo-indienne.
Commandés à Carson McCullers par divers magazines américains, ces textes publiés de manière éparse n'avaient pas été réédités en France depuis plus de vingt ans.
Les voici donc à nouveau disponibles, dans une traduction nouvelle. Souvenirs d'enfance, celles de vie à Brooklyn, "chants patriotiques" pendant la guerre, qui prenait la forme de très courtes nouvelles, ou biens réflexions sur l'écriture et les écrivains. Ils portent tous la "griffe". McCullers cette apparente specificité caractéristique de son style. Tel ce superbe et émouvant portrait d'Isak Druesne, Karen Blixen et l'évolution de la scène où réunis pour la fêter, Arthur Millers, Marilyn Monr?, Carson et quelques autres dansent à s'en étourdir tandis que la baronne mange ses huîtres et boit son champagne Née en 1917, Carson McCullers n'avait que vingt trois ans quand la publication de Le coeur est un chasseur solitaire lui valut une célébrité immédiate.
Une hémorragie cérébrale mit, en 1967, un terme à une vie entierement dévouée à l'écriture, bien que ravagée par la maladie.
Toute l'oeuvre est publiée aux Editions Stock.
Nous sommes en 1984, à Delhi. Le matin se lève sur le bazar joyeux et bigarré du plus grand marché de la ville, Chandni Chowk, gigantesque complexe de petites boutiques où il se vend de tout. Gopal Pandey, marchand de thé chai, s'éveille en sursaut et s'apprête à ouvrir son échoppe quand il se rend compte que la foule du marché est en émoi. Bientôt la rumeur lui parvient : le Premier ministre, Indira Gandhi, vient d'être assassinée. C'est très vite la confusion. Les esprits s'enflamment, les communautés s'affrontent dans un embrasement populaire qui dégénère : les Hindous crient vengeance contre les Sikhs. Dans le chaos, Gopal recueille quelques hommes qui tentent d'échapper à l'émeute - y compris un certain Gyani Singh, dont personne ne sait qu'il est accusé d'être l'assassin d'Indira. « Qu'arriverait-il si «l'homme de la rue», dont les politiques font si grand cas, accédait soudain aux plus hautes fonctions ? Aucun personnage n'incarne mieux l'âme de l'Inde moderne qu'un misérable vendeur de thé au coeur d'or, à moitié aveugle, animé par la volonté de faire main basse sur tout ce qui croise son chemin. » Sujit Saraf
C'est en quelque sort un condensé de son talent que nous offre Burgess dans ces nouvelles. Jeux de langue et de mots, humour et parodie, sur fond d'Histoire et d'amour de la musique. Un festival dont le lecteur sort heureux et ébloui. Qu'on en juge :
- A Valladolid, en Espagne, un vieil atrabilaire nommé Cervantès fait la connaissance d'un anglais superbe et dédaigneux, William Shakespeare.
- A Londres, un jeune compositeur obsédé par l'idée de traduire la rour Eiffel en musique croise dans la rue le Poète qui révolutionne la poésie. Une rencontre qui conduira Claude Debussy et Stéphane Mallarmé dans un bordel de Dublin où, assis au piano, Debussy, brisant le tabou du "mode du diable", les dissonances de la quarte augmentée, composera les premières notes de l'Après-midi d'un faune...
- A Londres également, et pourquoi pas la même année, Sherlock Holmes écoute un récital du violoniste Sarasate, son idole. Il va enfin lui être présenté...
- Peut-on rêver plus belle rencontre que celle du jeune Chevalier à la Rose, à perine sorti des bras de la Maréchale, avec Sophie, l'innocente promise à la couche de l'immonde baron Ochs oe - Quant à Attila, au cours de cette formidable chevauchée qui le conduira des rives du Danube chez l'empereur de Chine puis aux portes de Rome, il ne cessera de croiser le général Aetius, son ami d'enfance, personnage tutélaire dont la mort préfigurera la sienne.
Né à Manchester en 1917, Anthony Burgess, musicien et écrivain, est mort à Londres en 1993. Son oeuvre comprend aujourd'hui plus de cinquante livres, dont l'Orange mécanique et le Royaume des mécréants.
Une femme altière, belle, à la langue acérée dont l'acidité évoque, dit-on, celle du tamarin, le fruit de l'arbre peuplé de mauvais génies : telle est Saroja, la memsahib.
Elle nous est racontée d'abord par sa fille, Kamini, venue faire ses études supérieures au Canada, en grande partie pour fuir cette mère tyrannique, mais qui n'échappe guère à son emprise. Au rythme de leurs brèves conversations téléphoniques hebdomadaires, Kamini revit son enfance dans une famille aisée, marquée essentiellement par la mésentente de ses parents. Couple issu d'un mariage arrangé, selon la tradition. Un père ingénieur des Chemins de fer, situation enviable mais qui l'oblige à de fréquents déplacements. Femme, enfants et domestiques le suivent dans ses affectations successives, du sud au nord de l'Inde. Cet homme, ô combien sérieux, de vingt ans plus âgé que sa femme, a un réel talent de conteur, qui réjouit Kamini. Face à lui, Saroja, dure, ironique, s'efforce de bien jouer son rôle d'épouse et de mère aimante, cherchant de toute évidence à prendre une revanche à travers ses deux filles, Kamini en particulier. Où allait-elle, se demande Kamini, quand, à une certaine époque de leur vie, elle disparaissait des après-midi entières.
Le revers de cette histoire, c'est Saroja elle-même qui la raconte. Sur fond d'affrontement avec un autre personnage de femme : sa propre mère. Élevée dans une famille traditionnelle, dans un village de l'Inde du sud, entourée de frères, de soeurs, d'oncles et de tantes, vrais ou assimilés, Saroja a tenté de se révolter, de faire des études supérieures. Elle s'est retrouvée, à vingt ans, mariée à un homme qu'elle n'avait vu qu'une seule fois avant le jour de la cérémonie. La passion, elle l'a connue plus tard, avec un dénouement tragique. Et maintenant, vieille et libre, elle voyage enfin pour son plaisir, et peut régaler ses compagnes de train de l'histoire de sa vie.
Ce talent de conteur qu'elle attribue à son père, l'ironie dont elle dote sa memsahib, Anita Rau Badami les possède et les exprime de façon impressionnante dans ce premier roman. Si son sujet principal est bien les rapports difficiles qu'entretiennent souvent mères et filles, elle nous offre son image de l'Inde moderne, de sa classe moyenne (un bon tiers de la population, soit près de 400 millions de personnes !), tiraillée entre archaïsme et modernisme, et qui s'exprime dans cette langue si drôle et imagée qu'est l'anglo-indien.
Le 11 mai 1998, le gouvernement indien fait exploser cinq bombes atomiques sur le site de Pokharan, dans le désert du Rajasthan. Dix-sept jours plus tard, le Pakistan procède à ses propres essais. Dans cette course au nucléaire, chacun at-il vraiment pour but d'éliminer l'autre ? Soucieux de le découvrir, Amitav Ghosh commence très vite son enquête. Il se rend d'abord à Pokharan, puis, à l'invitation du ministre de la Défense indien, dans des campements militaires au Cachemire, notamment sur le glacier du Siachen (dans la chaîne du Karakoram) où Indiens et Pakistanais se mitraillent
depuis 1983. Il va ensuite au Pakistan et au Népal.
Compte à rebours est le compte-rendu de ces voyages et des entretiens qu'il a eus avec des centaines de personnes, ordinaires et officielles, dans les deux pays. Et, comme Ghosh est avant tout un écrivain, il brosse des portraits, et
raconte des scènes - notamment une inénarrable cérémonie de baisser des couleurs à la frontière pakistano-indienne qui captivent le lecteur, même occidental et peu informé.
La conclusion de Ghosh, malgré les six années qui se sont écoulées depuis les faits, reste valable et toujours aussi terrifiante : pour les dirigeants indiens, le programme nucléaire est avant tout une question de prestige - à la limite un
symbole inoffensif - destiné à les faire figurer dans le cercle des "grandes puissances". Quant aux dirigeants pakistanais, ce qui les motive, c'est la parité avec l'Inde.
Sauf que les cibles que visent ces armes ne sont rien d'autre que des centaines de millions de gens. "Entre les désirs des gouvernants et le bien-être des gouvernés, il n'y a plus de compatibilité."
Dans une postface qu'il a rédigée en mai 2004, Ghosh fait le point sur la situation actuelle et les conséquences des révélations récentes concernant la livraison de secrets nucléaires par les Pakistanais à plusieurs pays amis.