Écrites sous forme de monologues, ces nouvelles constituent une véritable introduction à l'oeuvre romanesque d'Anna Enquist. Ses thèmes se déclinent ici dans une langue toujours plus épurée, mettant en scène de façon implacable l'ambivalence psychologique des individus et leur incapacité à prendre conscience de leur propre violence.
la grande pianiste edith waldschade aime les loups et en élève trois, en dépit des légendes effrayantes que lui racontait son père quand elle était enfant.
solitaire et taciturne, elle respecte ces animaux pour leur beauté et leur intelligence tandis que son père révérait en eux la bête souveraine de la mythologie nordique. dans sa propriété cernée de sapins surgit un jour l'inquiétant erwin, qui prétend être son demi-frère. que veut-il ? que sait-il ? le mystérieux passé familial dont il semble être le dépositaire mêle superstitions et peurs ancestrales à une histoire plus récente, celle de l'europe brune des années 1930-1940.
Herma warner est née il y a plus de quatre-vingts ans à batavia - aujourd'hui jakarta -, capitale de l'ancienne colonie des indes néerlandaises.
Elle et son mari appartenaient à la dernière génération d'européens ayant grandi sur le sol de ce qui deviendrait la république d'indonésie, et tous deux, après leur retour forcé aux pays-bas, ont consacré leur vie à l'histoire et aux arts de leur pays natal. désormais veuve, herma est contactée par un journaliste qui veut l'interroger sur le passé d'une certaine mila wychinska. mais pourquoi devrait-elle répondre à ces questions, parler de son amie d'enfance adorée, son double métis, frivole héritière d'une vieille famille royale créole ? bouleversée par les réminiscences de sa mémoire ensevelie, la vieille dame se laisse pourtant emporter par les vagues du souvenir, raconte ce qui a lié et séparé les deux jeunes femmes qu'elles étaient, tente de retrouver le monde perdu du passé, cette belle illusion.
Un fonctionnaire mythomane, une divorcée aux dents longues, un professeur idéaliste, une jeune étudiante, un clandestin chypriote - telles sont les principales marionnettes de cette fantaisie policière en huis clos dont le dénouement dévoilera les maîtres d'oeuvre, ceux qui, dans l'ombre, tirent les ficelles et détournent le cours du hasard.
Tout à la fois étude de moeurs, roman noir et parodie, Locataires et sous-locataires démontre avec humour que les vies imaginaires sont dangereuses parfois, vaines toujours.
après avoir vécu près d'un demi-siècle à l'étranger, deux soeurs retournent passer un été dans leur maison natale, aux abords d'amsterdam, avant de la vendre.
epouse de diplomate, félicia a vieilli dans l'enceinte des ambassades pendant que nina partageait la vie de bohème d'un guitariste sud-américain. leurs difficiles retrouvailles ont lieu sous l'avide regard des habitants du quartier, dont elles vont à leur insu bouleverser l'existence. puisant sa singularité dans une poésie de l'étrange qui laisse la part belle à la rumeur, au rêve, au fantasme ou au cauchemar, ce roman se clôt sur un constat douloureux : on ne peut rien changer à son passé, et si peu à son destin.
Dans les années 1930, un couple de japonais s'installe à batavia et occupe une modeste maison dont il partage le jardin avec deux autochtones, eurasiennes désoeuvrées et cancanières.
Dans ce jardin, une plante immense aux bras tendus vers le ciel semble déplaire à la jeune femme: raide et agressive, cet aloès lui fait regretter l'élégance des pivoines odorantes de son pays natal. derrière la haie, les voisines épient mme yamada à longueur de journée, interprètent les mystères de son comportement. mais lorsqu'elle sera en danger tout près de l'aloès, les deux commères assisteront sans comprendre à un drame qui les dépasse.
Ecrites depuis 1948, les sept nouvelles rassemblées ici par l'auteur illustrent parfaitement la thématique de l'ensemble de son oeuvre. elles abordent ainsi le thème du secret, ou de l'empathie avec un passé dont la présence peut être étrangement ressentie, et parfois envahir notre imaginaire. raffinement, solidité de l'écriture: marque indélébile d'un auteur qui montre à travers le temps une remarquable permanence: finesse psychologique et puissance imaginative qui ne se contente pas d'investir le passé mais s'aventure souvent aux franges de l'étrange.
Ce petit livre complète avec bonheur la découverte de l'oeuvre de la grande romancière néerlandaise.
Homme à femme, séduisant, à peine quarante ans, Frank fait pour la première fois appel à un site de rencontres. La femme avec qui il lie connaissance va le déstabiliser car, de rendez-vous en rendez-vous ; tout en elle lui plaît mais son corps ne l'attire pas, il la pense frigide, simulatrice et dès lors s'avère incapable de lui faire l'amour. À cet égard son échec amoureux prend un sens tragique et son image de lui-même, cette façade de mâle triomphant, s'effondre. Un roman léger et tranchant qui pourrait bien s'affirmer comme un classique du genre. «Un »«amour de Swann» de ce nouveau siècle.
Le 21 août 1986 : un soir de pleine lune, dans une vallée reculée du nord-ouest du Cameroun, près de deux mille hommes, femmes et enfants meurent. Des centaines de poulets, babouins, zébus, oiseaux également, tandis que les huttes et les palmiers demeurent étrangement intacts. Que s'est-il passé réellement ?
Depuis des années, des scientifiques venus du monde entier se succèdent pour tenter d'élucider ce mystère ; les missionnaires sur place s'efforcent de l'expliquer par les mythes bibliques. Sur les hauteurs de la vallée, les survivants africains observent tout cela avec la plus grande perplexité.
Frank Westerman déconstruit tous les aspects de cette catastrophe et nous transmet les milliers d'histoires nées de l'accumulation de faits et de preuves. Car vingt-cinq ans plus tard, le mystère demeure entier. Les troupes camerounaises restent postées aux alentours de la vallée où il est toujours interdit de s'installer.
« Frank Westerman [.] montre comment fonctionnent les mythes, comment ils parviennent à l'emporter sur les faits eux-mêmes et à mettre la vérité de côté. » De Groene Amsterdammer.
« Frank Westerman prouve [une nouvelle fois] qu'il n'y a pas de réelle différence entre un roman et une «histoire vraie». [.] Captivant ! » De Gelderlander.
1945, Java est en flammes, période d'anarchie, guerre civile, les Japonais massacrent les Moluquois, internent les colons néerlandais dans des camps, détruisent et pillent les villages. Au coeur de cette violence, un enfant s'est perdu, peut-être a-t-il fugué. Seul, il tente de retrouver un piano. Avant les flammes, les cris, le départ des pères au combat, une Néerlandaise organisait de merveilleux concerts. Elle avait promis à l'enfant moluquois de l'initier à la musique et lui avait confié les clefs de sa maison en gage de sa sincérité. Car il s'agissait bien d'une promesse, un pacte indestructible aux yeux d'un enfant. Mais les camions ont emporté les Blancs et le piano a disparu. A travers le pays, l'enfant marche au hasard. Aveugle à la violence, protégé par ses voix intérieures, invisible, transparent dans la folie, le tumulte des adultes en guerre, il semble porté par la volonté de croire que rien ne peut l'atteindre, que sa mission est immense : une question de confiance, une obsession symbole d'avenir. Ainsi le petit Izak marche dans la forêt à la recherche du piano. Au bord d'un paysage qu'il rêve, il perçoit la nature comme autant de sonorités colorées, rencontre des musiciens en route pour un mariage traditionnel, puis un prince et sa fille qui l'accompagneront vers la ville aux crocodiles avant de le faire monter sur un bateau de réfugiés en partance pour l'Europe. «A perte de vue, tout est tranquille désormais, les choses ici ne sont au courant de rien. Il vaut mieux ne pas déranger le paysage profond et lointain. C'est un grand bonhomme velu qui est couché sur le ventre.» Izak est un conte onirique et exotique. Thomése y décrit avec beaucoup de justesse, de respect et d'empathie le regard des enfants encore petits, leur capacité à croire, à s'abstraire du réel, leur détermination à ne pas voir l'innommable. Situé aux heures les plus dures de l'année 1945, alors que l'ancienne colonie néerlandaise s'achemine dans la douleur vers l'indépendance, ce livre n'est que prose musicale, imaginative et poétique.
Un carnet de bal transmis de mère en fille est pour hella s.
Haasse le point de départ d'une plongée dans sa mémoire. mais en évoquant ses deux grand-mères, ou d'autres membres de son arbre généalogique, c'est finalement son " art poétique " qu'elle dévoile, dans un récit émaillé de clins d'oeil à son univers romanesque. car sous nos yeux les souvenirs ou anecdotes de la réalité familiale se redéploient spontanément dans une brève et brillante fiction mettant en scène un jeune australien qui vient de perdre son grand-père : en quête de racines, qu'il a rêvées aborigènes, il part faire une longue marche dans le buste.
Au gré de ses réminiscences, selon un fil directeur qui a pour emblème le cygne, l'écrivain interroge la part d'héritage collectif présidant à la formation de chaque individu, et la persistance du passé dont se nourrit secrètement chaque destinée humaine.
Un ancien étudiant de l'École des Beaux-Arts, artiste peintre au chômage, en attente d'inspiration et de commanditaires, est embarqué par l'un de ses vieux amis pour une semaine de pêche sur un chalutier, proposition qu'il accepte autant par désoeuvrement que par curiosité. Pendant huit jours, confronté au monde rude des marins-pêcheurs, l'artiste des villes tente de s'intégrer en assumant sa part de travail. Mais la police des mers débarque à bord et les choses tournent mal.
Seul et dans une situation financière très précaire, un jeune journaliste reçoit un étrange paquet le soir de la Saint-Nicolas. Tout au fond du colis sans expéditeur est caché un bijou magnifique - une étoile de grenats à sept branches serties d'or -, accompagné d'un poème. Une énigme qui l'entraînera bien loin de sa modeste condition.
Quatre amis ont décidé de se retrouver. À vingt ans, étudiants dans la même université, ils partageaient une passion dévorante pour l'alpinisme. Dans la beauté tout insulaire des Lofoten, aux falaises arrachées à la mer, Lotte, la seule femme de la bande cet été-là, est tombée. Elle est aujourd'hui mariée à l'un d'eux, et c'est chez elle qu'ils reviennent. Un voyage au fil duquel le temps passé s'éploie sous le regard de ces hommes de quarante ans, et l'amitié reprend son cours, étrangement inchangée.
Dans l'Amsterdam du XVIIe siècle, la rencontre de Rembrandt, alors sexagénaire, et de la jeune Danoise Elsje. Le destin tragique du peintre, sa banqueroute, ses deux mariages et son récent veuvage, va curieusement entrer en résonance avec l'histoire de la jeune fille, bientôt exécutée pour avoir tué sa logeuse d'un coup de hache.
Dans La Récalcitrante, Hella Haasse reconstituait à partir de riches documents d'archives
allemandes, anglaises et néerlandaises, la première partie de la vie de Charlotte-Sophie
d'Aldenburg. Née en 1715, libre, cultivée, avide de bonheur, elle avait épousé contre son gré
l'austère diplomate hollandais Willem Bentinck épris d'elle pour sa vivacité et sa fortune supposée.
Mais depuis l'âge de 14 ans elle en aimait un autre, son beau-frère Albrecht-Wolfgang, Comte de
Schaumburg-Lippe, dont la mort en 1748, après une liaison tapageuse et deux enfants illégitimes,
la laisse anéantie.
L'Indiscrète nous relate la suite. Après avoir évoqué, par souci d'équité, les tourments privés et les
actions politiques de l'ex-époux Willem Bentinck, l'auteur nous décrit Charlotte-Sophie qui,
précédée de sa réputation de femme scandaleuse, parcourt l'Europe des Lumières, de 1750 à
1760, et séjourne dans les cours les plus prestigieuses : celles de Frédéric II à Berlin et de Marie-
Thérèse à Vienne. D'emblée elle s'y impose par son charme, sa pétulance et son entregent. Parmi
ses amis, on compte Voltaire (encore à Potsdam) qui ne jure que par celle qu'il nomme son "ange
tutélaire"; des savants et professeurs éminents comme Gottsched et von Haller; des hommes
politiques de premier plan, tel Kaunitz; les "grands de ce monde" Auguste et Henri de Prusse,
frères du roi, Jeanne d'Anhalt Zerbst mère de la future Catherine II.
Curieuse de tout, généreuse, nomade traînant partout avec elle sa "colonie" d'enfants illégitimes et
de protégés, de la Saxe jusqu'aux Alpes suisses, elle aime se savoir indispensable jusqu'au jour où
son obstination procédurière et son ingérence dans les affaires des princes entraînent une disgrâce
dont Hella Haasse nous retrace l'inexorable progression.
Plus isolée et endettée que jamais, elle se retouve, à la fin du récit, confinée dans quelques pièces
du château glacial de Jeanne d'Anhalt Zerbst. L'auteur termine son histoire par ces mots : "il lui
reste 40 ans à vivre, mais cela elle ne le sait pas".