Découvrir les poèmes de Fabrizia Ramondino tels que les a traduits Emanuela Schiano di Pepe, c'est tomber sous un charme, celui d'une langue concrète, une langue qui s'est déplacée pour donner à voir et à entendre depuis un angle intime et hors du commun. Fabrizia Ramondino s'attache à la forme des choses mais elle creuse aussi au-dedans, d'une façon à la fois psychique et photographique. Ces poèmes (d'un état, d'un souvenir, d'un lieu) parviennent à accompagner et à révéler la sensibilité de l'auteure avec une netteté remarquable. C'est là leur plus grande force.
Francesca Ramondino reçoit le prix Pasolini en 2004 pour l'anthologie dont est tiré ce recueil. C'est la première fois que ses poèmes paraissent en français.
Comme un album folk étrange, Notre désir de tendresse est infini s'écoute autant qu'il se lit. Conçu pour la déclamation à voix haute et porté par une création musicale, ce 14 tracks EP est un voyage autour du monde tel qu'il s'écoule en et en dehors de nous. Et si en réalité sa forme sauvage était celle d'un disque fou, où les mots dits se tissent à mesure que l'instrument avance avec eux ? Un lieu étrange aux racines multiples, dans la proximité des voix de Daniel Biga, Fred Griot ou Allen Ginsberg, entre performance beat, conte de l'Est et boeuf entre musiciens de la langue.
Jazz des flammes humides et du Caucase, contes incarnés du Danube, airs à l'oud pour faire danser les peaux d'ours et de loups, ces poèmes sont une invitation à un chamanisme intérieur. Un blues tendre et heureux que la nuit appelle.
All i do is Craindre le froid All i do is Prolonger la nuit Jusqu'au milieu du jour All i do is Disséminer les mots Que le courant a ramassés All i do is Numb All i do is Devenir écran 1366 X 768 pxLa surface de nos écrans porte l'espace où s'inscrivent les données, nos vies parfois y adoptent des formes à la poésie déroutante. Des phrases perdues, récupérées, disséminées dans des labyrinthes de pixels. Des voyages immobiles qui mêlent signes et silences, fragments de mémoire et échos du monde. « Mélancolie des données » donne à lire cette poésie, viscérale et verticale, née des bouleversements de l'âge virtuel, qui a recours aux évènements de notre époque.
La remémoration que Julien Boutonnier conduit dans M.E.R.E. construit coûte que coûte le récit impossible de la perte. A partir du trauma puis d'un rêve, l'édifice d'une narration s'élève peu à peu, serait-ce depuis sa fragilité. Chaque mot sur la page est potentiellement joint et disjoint pour chercher un sens nouveau, un signe, une langue qui donnerait à entendre ce qui depuis le début reste indicible : l'effacement, l'oeuvre de mort. Dans ce travail, la lettre est envisagée comme une balise à laquelle pourraient s'arrimer les morceaux d'un langage disloqué. La spatialisation, le ressassement, la langue tout entière manipulée avec un tel entêtement et une telle précision donnent au texte une ampleur considérable et produisent une oeuvre poétique bouleversante.
Imaginons une géographe qui aurait étalé devant elle les plans des villes. Toutes.
Villes actuelles, futures, passées, fantasmées et réelles.
Les plans se frôlent, ils se chevauchent, se dédoublent.
La géographe observe ce qui surgit, accroche, glisse, vit et meurt.
Tout ce qui fonde les villes, leurs mémoires, les traces inscrites et effacées.
« Au début on n'ose pas y toucher. Puis on y met un pied, doucement, comme sur un sol nouveau, un petit monde. » Elle examine, dessine. Tire d'autres plans, plus fructueux, plus indociles, terribles et interrogatifs, gorgés de notre histoire, avec nos migrations, nos quêtes, notre présent. « Cette ville, elle a mangé de nous des morceaux entiers. Et ce qu'elle n'a pas pris, on le lui a donné. » Virginie Gautier est cette géographe. Son écriture est une traque, une percée qui sonde le plus particulier, le plus universel.
Elle dit qu'ensemble nous sommes la ville mouvante, fuyante, toujours en construction.
« On dit je suis d'ici. On est d'un autre temps, qui échappe. Autant dire d'ailleurs, autant dire de plus jamais. »