Ecrire c'est dessiner et dessiner c'est écrire.
La collection " Un double regard " se propose d'interroger les frontières que l'art occidental érige entre écriture et arts visuels. Dans l'idéogramme chinois, la lettre est figure ; dans le hiéroglyphe égyptien, le signe a valeur d'image. La scission entre la figure et la lettre, entre le signe et l'image, n'est pas, loin s'en faut, une barrière définitive. Des artistes font de cette césure le moteur même de leur création.
Le cinématographe, la bande dessinée, l'illustration, la poésie sont des pratiques qui manifestent le goût du décloisonnement. Les échanges entre les deux pôles actifs du lisible et du visible soulignent combien le support devient un enjeu pour de telles recherches. L'écran, la toile, la page autorisent une perception unifiée d'un dessin et d'un texte, d'un mot et d'une image. Entre les deux éléments la circulation de l'oeil tisse des liens, construit des chemins, fraye des traverses, exalte des jointures.
Ainsi est transgressée la ligne imaginaire qui sépare les deux aspects de la création au profit d'une ouverture, d'un double regard. Cette collection s'ouvre par un inédit surprenant et sensationnel : l'illustration du Candide de Voltaire par Paul Klee que les Français n'ont jamais vue. Ce n'est que la première des belles surprises que nous réservons à nos lecteurs.
A. Dumas reprend dans ce roman une histoire contée par son maître d'armes, Augustin Grisier, revenu d'un séjour en Russie : celle d'un jeune aristocrate déporté en Sibérie pour avoir participé à la conspiration de décembre 1825 et d'une jeune Française, Pauline Geuble, modiste à Saint-Pétersbourg, qui partagea son sort et passa le reste de sa vie à ses côtés.
Chaque année, fin janvier, le gotha du monde des affaires de la politique et de la communication se retrouve au Forum de l'économie mondiale à Davos en Suisse.
A cette altitude de 1500 mètres qui a fourni à Thomas Mann le cadre de La Montagne magique, quelque deux mille "grands dirigeants" de notre planète viennent méditer, cinq ou six jours durant, sur les mystères du capitalisme. Ils représentent selon une estimation du Financial Times " 70 % de la production mondiale d'autosatisfaction... " De Bill Gates à George Soros, d'Al Gore à Raymond Barre, de Yasser Arafat à Gerhard Schroeder, du PDG de Toyota à celui d'American Express, de Desmond Tutu à Elie Wiesel, tous sont passés par Davos.
Lewis Lapham a eu, comme journaliste, la chance de participer depuis 1998 à cette réunion de nos éminences. Avec l'humour et le tempérament iconoclastes qu'on lui connaît, il a suivi l'ensemble du programme. De son expérience excitante, il a tiré ces pages aussi riches d'informations et d'anecdotes, que pleines d'ironie mordante. Il nous offre une peinture politiquement très incorrecte des "grands" qui nous gouvernent.
Ceux-ci, conclue-t-il, en savent aussi peu sur les sautes d'humeur de l'économie mondiale que le barman du Schatzalp Berghotel qui leur propose un alcool de prune ou une fondue savoyarde.
Dans Dooplé, loi éternelle de la danse africaine, Alphonse TIÉROU nous présentait les dix mouvements invariants de la danse sur tout le continent africain.
Il ouvrait ainsi la voie d'une création chorégraphique africaine contemporaine, en lui donnant la base théorique écrite qui lui faisait défaut. Avec cet ouvrage-ci, l'auteur va plus loin en envisageant la danse sous l'angle de l'économie. Présentes en toute occasion (le baptême et la dation des noms, le verdict du juge...), cérémonielles ou de divertissement, les danses constituent une mémoire collective, voire une banque de données d'une richesse inestimable.
Et Alphonse TIÉROU rétablit les liens entre la danse et la sculpture africaines comme élément d'un univers artistique commun et donc plus signifiant. La création en matière de danse africaine ne produit pas de biens de consommation. Mais il est démontré qu'appliquer un modèle de développement à un pays sans tenir compte de la culture de ce pays est suicidaire. L'auteur observe que la danse africaine, en produisant des biens culturels, peut non seulement jouer le rôle de catalyseur, de moteur pour l'évolution des mentalités, mais aussi renforcer la cohésion Nord-Sud.
La danse africaine demeure encore un savoir inconnu dont beaucoup de facettes restent à découvrir. Si sa danse bouge, l'Afrique bougera !
Apparu il y a plusieurs siècles, le pansori est un spectacle donné par une chanteuse ou un chanteur, accompagné d'un joueur de tambour, qui relate des légendes ou des histoires exemplaires inscrites dans la mémoire coréenne.
Les interprètes jouent tous les personnages en faisant alterner des passages chantés et récités. Ils expriment devant le peuple des émotions largement partagées qui transmuent un récit quelquefois trivial en leçon de vie. Après le succès du film Le Chant de la fidèle Chunhyang (2000) du réalisateur IM Kwon-taek, le public français témoigne d'un intérêt croissant pour cette forme d'art. Ce livre y répond en présentant les origines du pansori, ses thèmes et formes, ses instruments, ses grands interprètes, et en s'appuyant sur une abondante illustration.
Fauteur privilégie délibérément l'aspect humain de cette performance artistique. Le Pansori permet de découvrir un art à la fois traditionnel et vivant par son caractère d'improvisation et la participation active du public.
Antoine Galland (1616-1714) est connu comme le premier traducteur des Mille et une nuits.
Mais il n'est pas que cela. Il a traduit et écrit d'autres livres dont ces Paroles remarquables. Il se confirme que pour nous Galland est un précoce complice qui cherche à élargir le champ de la référence pour le lecteur européen, lequel est déjà initié au genre par les Apophtegmes de Plutarque ou les Dicta Memoratu digna de Valère Maxime. " Mon dessein est de faire connaître quel est l'esprit et le génie des Orientaux.
" Dans la manière de conduire ce dessein, nous retrouvons la méthode de Galland, à savoir la conjonction du témoignage des Orientaux sur eux-mêmes et le vécu de l'auteur parmi eux : " J'ai puisé des mêmes originaux ou des connaissances que j'ai acquises dans mes voyages au Levant " ; ainsi ce livre ne contient " rien que je n'ai lu dans les livres arabes, persans et turcs, ou que je n'aie vu et connu par moi-même ".
Et l'approche comparative se déduit par ce jugement qui conclut à l'égalité du sujet oriental tant dans l'exercice de l'intelligence que dans l'entretien éthique : " Et comme les paroles remarquables représentent la droiture et l'équité de l'âme, et que les bons mots marquent la vivacité, la subtilité, ou même la naïveté de l'esprit, on aura lieu sous ce double titre, de connaître que les Orientaux n'ont pas l'esprit ni moins droit, ni moins vif que les peuples du Couchant.
".
Le problème fondamental qui se pose est celui-ci .
Peut. on vivre libre, heureux, construire une société démocratique aux caraïbes, sans connaître l'histoire ?
Ceux qui ignorent l'histoire, ceux qui ne veulent pas chercher à la comprendre sont toujours plus ou moins des complices de leurs oppresseurs.
De l'oubli à l'histoire, le passage semble obligatoire pour ceux qui ne veulent pas mourir dans la servitude, le collier du maître au cou.
Comment ne pas saisir l'importance de se réapproprier l'histoire, un héritage si précieux, et de combattre les pertes de mémoire.
Briser les chaînes de la dépendance implique une connaissance précise, lucide des grandes périodes de l'histoire : Traite négrière, Conquêtes, Système esclavagiste, Résistance, Système colonial et Assimilation.
Les Chroniques quechua, composées comme des récits mythologiques, racontent la naissance du monde et la répartition de l'univers entre les dieux, l'installation du peuple quechua dans les Andes à Cuzco, au " Pays des quatre Régions ", le Tawantinsuyu, et l'élaboration de la civilisation de l'Inca jusqu'à l'arrivée du premier conquistador.
Dans un style épuré, dépouillé d'intention didactique et privilégiant le poétique, Mario Turpo Choquehuanca, quechua lui-même, retranscrit les récits anciens de son peuple, transmis au fil des générations, donnant aux Chroniques quechua la saveur étrange - entre tradition et modernité - d'une légende vivante. Il ouvre ainsi au lecteur simultanément deux horizons sur le monde méconnu des Hauts-Plateaux andins : celui de la culture contemporaine des Indiens Quechua, et celui, plus célèbre mais non moins ignoré en réalité, des mythes anciens des Incas.
Pour définir le personnage désigné par le titre "Nègre tricolore", l'auteur part du personnage historique du Nègre marron, terme pour désigner cet homme qui, dès l'aube de l'esclavage, a refusé la domination quelle qu'elle soit et a pris le chemin de la forêt.
Une sorte de Caliban, démuni, certes, mais libre et fier ! Cependant, un autre nègre est resté dans la maison du maître, où ses besoins primaires étaient assurés, en attendant qu'un jour le bon maître pense à lui donner une liberté, même partielle. Entre-temps, habitué à la soumission, cet Ariel s'est alors forgé une mentalité, dont l'abolition ne l'a pas débarrassé. Car, si l'esclavage, en tant que système, a été aboli, la mentalité d'esclave sous-jacente, ne l'a jamais été.
A travers les textes de quelques écrivains - Damas, Stéphenson, Patient et Taubira-Delannon - cet ouvrage explore les principales manifestations de cette mentalité. Le Nègre tricolore, forgé par une abolition et une décolonisation bâclées, "marche en reculant, le dos courbé". Il a perdu le sens du destin collectif. Piégé, habité par une permanente peur, il privilégie, par conséquent, la trajectoire personnelle, l'opportunisme, voire la trahison...
Il a également perdu le sens de la liberté, du combat obstiné pour la dignité, car la soumission franche, déguisée ou sournoise est enracinée en lui. De même, il cultive l'oubli de soi et de l'histoire collective ; alors, il puise ses expédients dans l'institutionnalisation de l'amusement gratuit et dans un attachement indéfectible au maître, tout en affichant, de temps à autre, quelque mauvaise humeur.
On peut se demander si le Nègre tricolore retrouvera un jour le sens de la dignité ?
Ce livre rassemble tout le contraire du Paris-vitrines et du Paris trois-étoiles qu'on a l'habitude de trouver dans les livres-cadeaux consacrés à l'une des plus belles villes du monde.
Ici, Paris est dense, grouillant de légendes et d'histoires très anciennes, petites histoires et Grande Histoire, racontées de façon si vivante et si drôle que chaque lecteur aura envie de les redire à son voisin.
Savez-vous où se trouvent les menhirs de Paris ? Connaissez-vous le petit homme rouge des Tuileries ?
Tous les rois, toutes les rues et tous les gens sont ici. On les entend parler, on rit ou on a peur avec eux. Un des plus grands plaisirs est de reconnaître brusquement la trace des veux Parisiens dans notre langage quotidien : solide comme le Pont-Neuf, pourquoi ? Et la monnaie de singe, qu'est-ce que c'est ?
Ici se côtoient les présages, les lutins et les astrologues.
La religion, la magie et les ruses naïves cohabitent en bonne entente. Mais chaque anecdote est racontée, preuve à l'appui, avec les noms et les dates, sur la belle toile de fond où sont peintes toutes les grandes fêtes parisiennes : la fête des Roses à Belleville, le mai des Gobelins, mais aussi les fêtes uniques dont le souvenir ne s'éteindra jamais, comme le mariage de Louis XIV L'abondance réjouissante qui caractérise ce livre le désigne à tous les amoureux de Paris, des plus jeunes aux plus scientifiquement exigeants, comme un ouvrage de référence d'une richesse exceptionnelle et comme un divertissement sans fin.
Vingt-trois ans après son avènement, la République islamique d'Iran doit faire face à un peuple qui, dans sa majorité, ne s'identifie pas avec le projet de société des partisans du Guide suprême, dont l'islamisation des institutions et des lois constitue le principe fondamental.
Ce livre, fondé largement sur des enquêtes de terrain en Iran, souligne la contribution des femmes iraniennes au rejet de l'instrumentalisation de la religion à des fins politiques. Elles sont les principales protagonistes de changement et vectrices des valeurs de la modernité mondiale. L'idée motrice de ce travail est de réfuter une distinction catégorique antre les mondes occidental et musulman, qui a resurgi en échos médiatique et propagandiste aux appels de Georges Bush et de Ben Laden.
Les changements fondamentaux survenus au sein de la société iranienne devenue moderne dans son ensemble, les luttes des femmes pour obtenir des droits égaux, la nouvelle dynamique familiale, les changements démographiques, et les nouveaux comportements politiques sont autant d'éléments qui confortent cette idée. Face à ceux qui utilisent l'islam pour justifier les discriminations sexuelles et conforter la logique patriarcale et la domination masculine, les femmes iraniennes se nourrissent de la même religion pour contester les rapports sociaux de sexe, à travers sa réinterprétation au féminin.
Conscientes du chemin à parcourir mais encouragées par les résultats de leurs luttes, les femmes, laïques comme religieuses, contribuent à la construction sociale de la laïcité et à l'avènement d'un système démocratique qui a pour condition préalable la séparation des sphères religieuse et politique.
A l'heure où la Turquie frappe aux portes de l'Union Européenne, elle développe en parallèle une stratégie d'influence dans les républiques turcophones de l'ex-URSS, où sa présence économique et culturelle se renforce depuis le début des années 90.
Cette présence turque en Asie centrale est largement l'oeuvre d'une puissante organisation religieuse, dirigée par l'énigmatique Fethullah Gülen, longtemps prêcheur officiel au service de l'Etat turc et actuellement en exil volontaire aux Etats-Unis. Charismatique et visionnaire, Gülen a choisi l'éducation comme vecteur de son expansion. Aujourd'hui, son mouvement est présent dans toutes les républiques d'Asie centrale : Ouzbékistan, Kazakhstan, Kirghizstan, Turkménistan et Tadjikistan où ses disciples animent un vaste réseau d'écoles privées.
A long terme, ces "jésuites de l'Islam turc" projettent de former les nouvelles élites centre-asiatiques qui réislamisent les populations locales, longtemps soumises à la propagande athée soviétique. Cette entreprise a su se concilier l'appui tacite des gouvernements locaux et des puissances extérieures - Turquie et Etats-Unis notamment - qui craignent l'implantation d'éléments islamistes plus radicaux, d'obédience saoudienne.
écrit en 1992, et situé dans les années 50, ce roman de jean métellus reste d'une étonnante actualité : le personnage central, louis vortex, chassé d'haïti par une dictature aussi cruelle qu'aveugle, vient vivre à paris un douloureux exil.
l'évocation de la vie haïtienne, avec l'oppression brutale, la corruption d'un régime bafouant les intérêts vitaux d'une population réduite au pire des sous-développements, ramène à l'histoire contemporaine : le sinistre règne de jean-bertrand aristide n'est que la continuité, comme on le sait, de ces années de cendre. aussi actuel est le drame de l'exil que connaît louis vortex, comme nombre de ses compatriotes.
celui d'un être déchiré entre l'aspiration à un destin individuel et le combat révolutionnaire, entre la foi chrétienne et l'action militante, entre l'amour qu'il porte à sa femme restée en haïti et la passion que lui inspire une jeune française, avant de découvrir qu'exilé à paris, il le sera en haïti s'il y retourne un jour, condamné à se sentir étranger à lui-même. pourtant, hanté par le souvenir du pays natal, de ses senteurs, de ses saveurs, de ses paysages, habité par une sensualité à fleur de peau, il reste haïtien jusqu'au plus profond de son être.
figures fortes, généreuses ou implacables, tourmentées ou résolues, riches d'une humanité sans limites. , la communauté haïtienne de paris préfigure ce que pourrait être demain haïti, enfin rendu à son peuple et aux couleurs luxuriantes de l'épanouissement.
Ce roman brésilien revient avec pudeur et mélancolie sur le bilan d'une génération sacrifiée, issue du coup d'état du 31 mars 1964 et des vingt ans de dictature qui ont suivi. (trad. Michel RIAUDEL)