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Le Dilettante
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Entre la source et l'estuaire
Grégoire Domenach, Stephane Varupenne
- Le Dilettante
- 6 January 2021
- 9791030800272
Dans ce roman l'auteur recueille la confession de Lazare devenant sous le regard complaisant du mari l'amant fougueux de sa femme, venue des steppes du Kazakhstan. Et comment ce marivaudage ludique tourne à la rivalité démente. Dans un décor qui évoque Simenon et Jean Vigo, une histoire magistralement menée.
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Les chevronnés adeptes du Pari Mutuel sont Urbains à un point que l'on n'imagine guère, d'une urbanité qui confine à l'intrusion voire touche à l'invasion. C'est ce qu'endure à la journée Anatole Bétancourt, héros de Fièvre de cheval, ancien consultant (en quoi ? Il a oublié) tourné maniaque du tapis vert pré, parieur compulsif et trinqueur frénétique. A peine a-t-il pénétré dans un café-turf, salué bas la tenancière et s'être mis, Bic en main, un oeil à l'écran, l'autre au carnet, en position de défricher la journée hippique que s'en viennent rôder puis le harceler pléthore de fâcheux en veine de confessions, de petites combines, de bons tuyaux ou de martingales infaillibles.
Car notre homme raisonne, compute, déduit, pesant les chances au trébuchet des possibles. Un art de mettre le canasson en équation qui n'est pas toujours payant et l'oblige à quelques entorses avec la légalité. Et quand la patronne de l'hôtel pour une monte s'invitera dans son paddock et l'initiera à fouler le gazon et humer l'air des champs de courses, Anatole n'échappera pas à la sortie de piste.
Monologue drolatique d'un turfiste stratège, Fièvre de cheval nous restitue avec brio le monde des bistrots attelés, le galop mental et les errances d'une vie sur terrain lourd. Rien ne me souciait plus dans une journée que ces quelques secondes, disséminées tous les quarts d'heure, à raison de quarante courses au quotidien cela représentait au final pas mal de minutes, ces quelques secondes donc, ces quelques secondes où le coeur palpitait, où un frisson me traversait quand le cheval sur lequel j'avais misé montait aux avant-postes et qu'il figurait dans les trois premiers aux abords de l'arrivée.
Oui, un frisson. Un frisson enfin. En attendant celui qu'on appelle le dernier et que je ne redoutais même plus tant la vie avait cessé de me concerner.
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Une paire de perdants. Des nés finis. Lui, c'est Maman, Georges Mamanoe; acteur raté, fin de droits qui se paupérise mollement entre une cannette vide, une boîte de Canigou et un téléphone qui ne sonne plus. L'autre, c'est Dagonardoe; gros poings, grande gueule, la bourrade sonore et la liasse accueillante. Assistant de cinéma. Un soir, l'assistant percute l'assistéoe; se renoue alors, pour une nuit, une louche amitié. Une longue nouvelle à lire comme un journal de noyade où chacun apporte à l'autre le secours d'une bouée de plomb, la vue d'un naufrage plus rapide.
À noter en même temps la réédition de Jérôme chez Finitude et de L'Ombre des forêts à la Table Ronde dans la collection "Petite Vermillon".
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On s'en doutait depuis ses débuts comme coursier (Nouvelles du Nord ), mais la chose, là, devient claire : Éric Holder est un héros de western. Manière d'éperonner amoureusement les paysages, de humer la tension d'un village en s'invitant dans ses bars, d'en capter le charme par la voix des femmes, le regard des hommes, de dénicher au repli d'une dune, au recès d'un abribus des figures hors norme, des communautés étranges, de surfer sur la violence d'un lieu, la captant, la déjouant. Sa petite caravane familiale a décidé de se poser en Médoc, à la pointe de la Gascogne, entre Gironde et Atlantique, et tout dès lors de s'organiser selon : aérer le jardin à la faux, mener le fils à l'école, apprivoiser les comptoirs, prendre les natifs au rets d'amitiés vraies, orchestrer les jeux des chats, jouer les paratonnerres souriants (notre homme, parmi d'autres activités, est un grand friseur d'incidents). Holder nous conte les aléas de son implantation pionnière par scènes rapides, à la foulée brève, nourries de dialogues taillés juste. Mais le Médoc est une terre rongée par la mer, placée face à la voracité tranquille de l'océan : le geste des Holder y gagne alors une gravité sourde qui donne au récit un caractère d'éternelle fin d'été. La mort est en terrasse et ne semble sommeiller. Profitons-en.
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Défense et illustration de la prostitution face au marché de l'interdiction. Une des industries marchandes aujourd'hui parmi les plus florissantes, c'est l'industrie des Droits de l'Homme. Et c'est au nom des Droits de l'Homme et de la Femme que la Marchandise veut interdire la prostitution et punir le client. Le but de la manoeuvre est de vendre autrement, dans un monde sans péché.
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On connaît l'enfance « vipère au poing » ; on la connaît moins « couleuvre au cou ». C'est en effet la situation du récitant, qui nous vient au monde strangulé par son cordon ombilical : image d'une dépendance et d'une appropriation maternelle reptilienne avec laquelle il va bien falloir ruser. Toute mère est unique, mais l'espèce recèle des variations infinies : oublieuse, farceuse, voleuse, frondeuse ou, comme dans le cas présent, celui de Julien Almendros, dévoreuse. C'est en effet dans un espace aérien redoutablement surveillé qu'évolue un narrateur toujours en vaine de trouées, d'escapades et d'échappatoires ; secondé par un père en majorité fragile et un frère en minorité relative. Reste le chien, enjeu de toutes les conquêtes. La mère : faire avec. Avec ses coups de gueule, de sang, de blues, de poing sur la table, sa manière de traquer les coups bus en douce et les clopes ou les joints grillés sous le manteau. Sa manière surtout d'assaillir les copines. Tant d'électricité accumulée, un jour forcément se résout en éclair : « Connasse ». C'est soudain, sec, spontané, mais ça touche. Coeur de cible. D'un petit mot, Julien, de sa mère, a fait une femme. Plus de mythe, une simple femme, à qui l'on n'a plus rien à dire. Rien. Que du calme, enfin.
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L'homme, j'espère que je n'apprends rien à personne, est un mammifère dressé qui vit essentiellement dans les supermarchés. On peut, là, l'observer à loisir et noter le fonctionnement de son mode de vie. C'est ce qu'a fait l'anthropomane Alain Bertrand, un disciple de Vialatte ayant emprunté, sans la rendre, la boîte à outils de Carelman, passionné de cet espèce d'être. Il nous le catalogue avec minutie et détaille le sens rituel du barbecue, l'essence tragique de l'applique murale, l'ambiguïté du string, la fonction psychique du magazine usagé (dit de salle d'attente) et celle, anxiolytique, du Tupperware. On y apprend que « la machine à café est une vache à lait sans le fumet de la campagne ». Grâce à lui, le sous-texte affectif du vernis à orteil tombe le masque, le caddie trouve enfin un avocat et le tire-bouchon sa définition absolue : « le tire-bouchon déplante le liège et enchante le verre. C'est l'enfant naturel de la vrille et du flacon ». Il y en a encore un stock à déballer, j'ai tout dans le coffre arrière. Bilan : un livre essentiel pour survivre en milieu humain, le plus dur milieu du monde. Alain Bertrand «connaît l'homme comme s'il était la grand-mère du diable» : suivez le guide !
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Retrouvés pendus dans le salon du pavillon familial. Les raisons, comme l?enchaînement des faits, n?ont jamais été élucidés. Il était temps d?y remédier, Philippe Cohen--Grillet l?a fait, quitte à tout inventer. Quoi de mieux qu?un bon roman pour révéler nos existences comme un miroir dans lequel nous devrions nous reconnaître.
Ce premier roman raconte avec humour et réalisme la descente aux enfers de gens victimes de la crise.
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Angèle a dix ans (tous passés en Afrique), une chienne qui s'appelle Béribéri, un avis à peu près sur tout, un
seul ami. Était-ce une raison pour que ses parents se mettent en tête d'adopter une fille de son âge ?
« Je n'ai pas eu besoin de regarder Gloria pour savoir que la même idée lui traversait l'esprit. Nous avons retiré nos robes
et entrepris de les remplir de terre rouge. Le sol était friable à proximité des termitières et rendait la tâche facile. À la fin,
lorsque nous sommes rentrées, nous étions aussi rouge l'une que l'autre. Aussi indissociables que deux soeurs jumelles.»
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Sommé par son éditrice de se " dépayser ", Samuel Goldblum, écrivain précaire en mal d'inspiration, se rend à New York, dans le quartier branché de Williamsburg. Dans cette enclave aseptisée livrée aux mains des hipsters, il trime comme plongeur dans une gargote italienne avant d'être adopté, au bord de la clochardisation, par une famille de juifs hassidiques roumains, les Berkowitz. Séduit par l'érudition du patriarche comme par les appas diaboliques de sa fille nymphomane, Samuel décide d'oublier son ancienne vie de bohème pour devenir un Mensch, un type bien, une personne fiable, enfin jusqu'au jour encavé où il rencontre le revenant Jack Kerouac !
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Rigaut s'est voulu sans source, façonnant sa mort dès l'abord de la vie. La guerre de 14 le rend à la vie plus vidé qu'une douille ; il fait alors du droit pour meubler le temps.
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Deux, elles sont deux : elle et l'autre, la pauvre Elle et Autre-la-terrible. Miss Anna et Sister Bomb : allantes et offertes aux poids des regards ; l'une qui endure souffrance, l'autre qui en jouit dans l'instant ; l'une qui se tend et s'offre, l'autre qui se retient, s'affole ; l'épanouie et la rétractée. Siamoises et conflictuelles, elles ne sont d'accord sur rien : l'art de draguer, la valeur du string, conclure vite ou non. Et pourtant, il faut que l'une fasse avec l'autre et surtout avec le désir, ce « chien chinois sans poil » nous souffle la Bombe, le chihuahua pathétique qui s'enrhume, tremble et trottine. Elles vont donc ainsi : soudées, partageant les rencontres, les soirées moites et les salons du livre, les élans sans suite et les occasions perdues, soeurs de chaîne et copines comme cochons. Et puis un jour, coup de gueule : tout implose. La bombe s'éclipse. L'une a-t-elle mangé l'autre ou l'autre avalé l'une ?
Anna Rozen, face miroir, nous offre ses deux profils et nous assure d'une chose : le désir a les yeux vairons.
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Nabe le scandaleux rêvait de succès. À défaut, il raconte l'irrésistible ascension de son ancien voisin, Michel Houellebecq.
« Je suis un loser, ce qu'on appelle un écrivain à insuccès, un wrost-seller.... J'ai écrit vingt-six livres totalement inutiles : personne ne les a lus, ou si peu. Flops sur flops. On ne me connaît que par ouï-dire. Je marche par le bouche-à-oreille; mais souvent la bouche est cousue et l'oreille bouchée... La plupart des libraires m'enfouissent comme si j'étais un déchet nucléaire!»