Etre Clown en 99 leçons de Fabrice Hadjadj 160 pages, poche Illustrations de Philippe Fretz Voici un ovni, un objet rare, une espèce M. Teste de 2017, une parabole burlesque, d'où l'on sort aussi étonné que cabossé, quand les signes obligés de la réussite nous privent de la simplicité des choses. Fabrice Hadjadj renouvelle dans Etre clown en 99 leçons le conte philosophique, il y a du burlesque, du Chaplin dans cette petite odyssée qui est aussi une dénonciation par l'échec de nos illusions et de ce qui nous empêche d'avoir accès au monde.
Moraliste, Fabrice Hadjadj, certainement, mais aussi drôle, surprenant, nous livrant ici un livre qui pourrait être culte.
Il y a de l'enquêteur sur notre monde chez Jean-Pierre Ostende, que ce soit trains, voies de communication, monde de l'entreprise, parcs d'attraction, Jean-Pierre Ostende a l'art de faire voisiner le précipité vrai et le précipité fantaisiste et nous plonger non sans jubilation au bord du précipice de la situation actuelle, drôle et pas que... Sous toutes ses formes, livres, radios, dramatiques, blogs, (Gallimard, France Culture et même SNCF).
L'univers de la restauration tous azimuts en une quinzaine de chapitres sagaces où s'entremêlent l'humour, la férocité du regard, fascination jusqu'à l'hagiographie pour les toqués (les chefs) et le futur gastronomique des plus inquiétants. Par exemple, parmi tant d'autres, le réjouissant chapitre sur l'ethnographie des tribus de restaurants : toqués, bistronomes, street-food, brasseries, nitunivous, bouibouis, ces derniers traités avec autant de drôleries que de tendresses comme l'enfance de l'auberge.
Bref encore un voyage alerte, halluciné, fourchette en main, de l'anthropologue, ethnologue, poète, Jean Pierre Ostende, dans notre monde contemporain.
Edition en poche d'un livre qui tourne autour du personnage du libraire, au moment où, après quelques tours de manivelle, hésitations, bégaiements, la librairie, lors de cette étrange pandémie, a reçu le statut de commerce essentiel. Nous le savions bien et Vincent Puente le démontre.
Où est passé le passé est... Jérôme Prieur et Laurent Olivier entament une exploration de ce monde étrange et fascinant qu'est celui de la mémoire. La mémoire a maille à partir avec l'histoire, naturellement, mais aussi, plus profondément, avec l'écriture et l'art en général. À peine vécu, tout événement sombre dans les profondeurs du passé inconnu, sur lequel surnagent pour un moment de petits fragments de souvenir. Il en reste pourtant une empreinte, quelque part : un témoignage, un enregistrement quelconque, des traces - des vestiges en somme, qui demeurent enfouis parmi nous. Que peut-on faire de ces témoignages, récits humains, restes matériels, images, archives ? L'archéologue le découvre par des fouilles, des chantiers, strates, poteries, débris, qui mettent à jour bien plus que le temps écoulé ; le cinéaste historien a affaire aux archives, photos, films d'amateurs, journaux, documents. Passionnant de voir des passerelles, zones frontières, terrains communs s'établir entre les deux disciplines autour de cet axe : Comment retrouver le passé ? Comment survit-il ? Est-il vraiment passé ?
Elles auront passé une partie, plus ou moins longue et régulière, de leur vie à lire. Ils auront passé leur temps le nez dans des bouquins. 26 femmes : une nonne, une duchesse, une pauvre aveugle... Qu'ont-elles lu ? Comment ? Qu'en ont-elles tiré ? 26 hommes : un esclave, un autiste prodige, un conquistador... Quels volumes pour eux ? Quelle façon de les éplucher ? Pourquoi ? Existe-t-il une lecture masculine, tout en critique et en sérieux, et une lecture féminine, plus souple, plus légère, plus « en dehors », comme le disait Louise Schweitzer, la grand-mère de Jean-Paul Sartre ? Les deux manières de bouquiner ne coexistent-elles pas en chaque personne ? C'est autour de ces questions que tourne le nouveau volume de l'Humanitatis Elementi de Michéa Jacobi. A chaque lettre de l'alphabet, l'auteur raconte, à sa manière brève et précise, la vie d'une lectrice et celle d'un lecteur. Denise Masson, traductrice du Coran accompagne Donato Manduzio, paysan des Pouilles s'éprenant sur le tard de l'Ancien Testament, Germaine Necker (Madame de Staël) s'oppose au terrible Friedrich Nietzsche, l'héroïque résistante Véra Obolensky, surnommée Princesse je-ne-sais-rien côtoie le pauvre Origène, eunuque par conviction. Les grands noms : Caton d'Utique, Woolf, Vargas Llosa rejoignent les anonymes, les pays et les siècles s'assemblent. Un nouveau fragment d'humanité se découvre. Les éternels amants du texte, femmes et hommes mêlés, lèvent la tête de leur livre.
Jean Guerreschi, cnous livre ici le dernier ouvrage de sa trilogie. Gallimard, observateur, s'en était tenu a deux, Seins (2006), Autres seins (2007). La Bibliothèque est heureuse de publier Autres autres seins, le troisième. Muses bien généreuses, la psyché y trouve ressources, troubles et enchantements... Ramon Gomez de la Serna, un autre audacieux, avait ouvert le feu en 1917 avec Seins. Jean Guerreschi reprend la balle au rebond et par ce nouvel opus mammolâtre, nous entraîne dans une hypnose, ses attraits et ses excès. On croise king-kong, Howard Hugues et le fuselage de ses avions, le Japonais cannibale, la beauté de la fille dans le bus, les stars de Hollywood, des seins trop lourds... Le fantastique, l'hallucinatoire, le fait-divers, le désir, l'histoire, l'hagiographie... On pourrait dire, parodiant Lénine : « Tout est sein. » Jean Guerreschi nous y entraîne. Oh l'humaine condition !
En regardant les images filmées il y a quatre-vingts ans lors des Jeux olympiques de 1936, on en oublierait qu'elles ont été tournées en plein coeur de l'Allemagne nazie.
Le triomphe de Jesse Owens qui remporte à Berlin quatre médailles d'or (au 100 mètres, au 200 mètres, au 4x100 mètres et au saut en longueur) semble consacrer encore aujourd'hui la victoire du sport et de l'idéal olympique, comme si le jeune athlète noir américain avait été notre champion, et qu'il était parvenu, sportivement, à vaincre le monstre nazi.
L'exploit superbe de Jesse Owens est incontestable, mais cette belle histoire à laquelle nous aimerions croire, n'est qu'un arrangement avec la réalité, une fiction dans laquelle le sport a été un alibi.
En héritant des XIe Olympiades attribuées à la ville de Berlin avant son arrivée au pouvoir, Hitler avait bien compris que cet événement mondial devrait être un instrument décisif dans la prise de contrôle de la société allemande par le parti National-socialiste en même temps que les Jeux offriraient une vitrine grandiose pour la reconnaissance internationale de l'Allemagne nazie.
Le livre de Jérôme Prieur raconte en détail cette gigantesque opération de propagande commencée dès 1933, ainsi découvre-t-on la préparation, l'orchestration et la mise en scène d'un spectacle qui fut bien moins sportif que politique, et les Jeux de 1936, un jeu avec les apparences.
Sous l'égide de Verlaine et autour de trois maîtres en peinture, Magnasco, Arcimboldo, Magritte, cet ouvrage explore et raconte la part d'ombre de la bibliothèque, sa face cachée comme souvent ignorée.
Cet envers du décor, si morbide qu'il paraît, ne doit pas occulter ce déjà-là fondamental : Bibliothèque est autant vivante que vous et moi. Pas seulement parce que les livres qui la font sont tout à fait vivants justement (et deux livres y suffisent, exactement comme la paire d'oeil à votre vue) mais parce qu'elle est une personne, qu'elle a un visage, ce que suggère son prosôpon : ce terme grec désignant archaïquement la figure humaine comme la façade d'un bâtiment.
Peu avant sa mort (1896), Verlaine rédige son recueil biblio-sonnets, treize poèmes commandés par Pierre Dauze pour sa Revue biblio-iconographique. On y trouve ce vers, clôturant le poème Pauca Mihi : « De devenir biblio-chose aussi ! » Etre biblio-chose, « cette chance immense » et « malheur triplement réussi » nous lance Verlaine et en effet ses sonnets explorent les deux faces, l'une lumineuse, l'autre macabre de la chose livresque.
26 portraits d'hommes et de femmes de toutes les époques et de tous les pays qui dessinent différentes manières de jouir, que ce soit par le vin, la nourriture à outrance, l'opium, les arts, les ébats de la chair, l'amour de Dieu ou celui de la nature. Sont notamment évoqués l'artiste Louise Bourgeois, la danseuse Franziska Elssler, le cuisinier Taillevent ou le philosophe Zhu Yang.
On connaît Monsieur Teste, Charlot, Bartleby, mais on ne connaît pas encore Monsieur Néant. Il échappe d'ailleurs à son créateur, Emmanuel Moses, hébété, muet, surpris... Vous, moi quand l'aile du burlesque vous frôle et la brume vous auréole.
Emmanuel Moses a écrit récemment Dieu est à l'arrêt du tram, Les anges nous jugeront, il manquait Monsieur Néant.
Il s'agit d'un texte inclassable, proche de Tardieu, entre la description, la vision poétique et le burlesque. N'appartenant pas à un genre bien défini, sinon celui très gauchi du portrait ou de l'autoportrait, Emmanuel Moses se livre à un exercice subtil de dépeçage d'oignon pour notre plus grand plaisir. Qui est donc ce quidam ? Lui, une ou plusieurs de ces projections, une ombre comique et maladroite de film muet... Utilisant ses souvenirs, son journal, ses observations, son sens poétique Emmanuel Moses crée Monsieur Néant à moitié Chaplin, à moitié Socrate et nous l'offre par une série de saynètes, sa vie quotidienne, son rapport aux autres, ainsi qu'une certaine vision de la société, humaine ou satirique selon l'humeur. L'ensemble fait environ 160 pages et il doit y avoir une vingtaine de "chroniques", celles-ci pouvant aller de quatre ou cinq lignes à trois pages.
Le 10 et 11 février 1918 durant le conflit entre l'Italie et l'empire austro-Hongrois trois hors-bord équipés de torpilles vont accomplir un périple de 14 heures de navigation à travers les mailles des défenses Autrichiennes pour couler leurs navires de guerre mouillant au fond de la baie de Buccari.
L'entreprise d'une vraie audace, de peu de conséquences militaires, les torpilles se perdant dans les filets de protection, eut de grandes conséquences morales :
Retentissement national et international (articles dans le New York Times, le Figaro, Ouest Eclair, etc) et une influence incalculable.
D'Annunzio participa à ce raid. D'ailleurs, le récit court et beau jamais traduit en français est du très bon D'Annunzio. Panache, portraits de marins, homosexualité souterraine et guerrière (Genet n'aurait pas fait mieux), amour éperdu de l'Italie, vitalité, sens de la phrase épique. Il laissera trois bouteilles dans la baie, contenant une lettre adressée aux ennemis autrichiens. Et s'ils ne les ont ni trouvées, ni ouvertes, ni lues, D'Annunzio en dévoile le contenu urbi et orbi Michel Orcel, romancier, poète, essayiste, traducteur de l'Arioste, de Jerusalem délivré présente et traduit ce texte. Il a en outre réuni un dossier : notes, index, articles de journaux sur la Beffa di Buccari, ainsi qu'un extrait d'un article très intéressant paru dans La Revue des deux mondes, « Une visite au commandant d'Annunzio » de Marcel Boulenger.
Ce livre peut être inclus dans les livres célébrant le centenaire de la guerre de 14-18.
Le Corps des Libraires rassemble 21 histoires dont librairies et libraires sont les principaux protagonistes.
Il évoque des librairies célèbres ou historiques. Il lève le voile sur certaines librairies choisies, que les amateurs de livres fréquentent sans tapage comme d'autres visitent des coins à champignons.
Le Corps des Libraires est à la fois un livre d'histoire(s) et un guide. On y rencontre des revenants, des livres providentiels, des labyrinthes et des libraires héroïques, quelques personnages pathétiques et bien d'autres anecdotes curieuses.
Les boxeurs raccrochent les gants, les rois abdiquent, il arrive que les papes eux-mêmes déposent leurs tiares. Elvis Presley assassine lentement Elvis Presey sur scène, Arthur Rimbaud passe du commerce des rimes à celui de l'ivoire et le troubadour Folquet de Marseille abandonne la lyre pour se faire inquisiteur. La gloire les a élus ou ils l'ont scrupuleusement poursuivie et voilà qu'il la quitte pour devenir eux-mêmes et moins qu'euxmêmes quelquefois. Ils triomphaient et voilà qu'ils rejoignent ceux qui n'ont même pas eu besoin de grandeur pour s'abstenir d'être grand. Ceux qui ont laissé choir le sexe, la bonne chère ou le simple plaisir de vivre, tous les anachorètes, les ermites et les sâdhu enfouis dans des fosses, perchés sur des colonnes ou cachés dans des frondaisons.
D'Antoine, sombre initiateur de l'érémitisme à Sabataï Zévi faux messie apostasiant sa foi en passant par Brigitte Bardot tournant pour de bon le dos au cinéma, le paysan Komal Raj Giri se faisant stériliser à Katmandou ou le calligraphe Xu Weï s'écrasant les couilles à coup de maillet, Michéa Jacobi, Plutarque au petit pied, fait en 26 biographies un inventaire hétéroclite.
Et Michéa Jacobi va croquer quelques-uns de ces fainéants.
De quoi s'agit-il cette fois, à quel aspect de notre humanité s'intéresse Michéa Jacobi. Oh !
Une phrase de Robert Musil nous mettra vite au parfum : « Notre désir n'est pas de ne faire plus qu'un seul être, mais au contraire d'échapper à notre prison, à notre unité, de nous unir pour devenir deux, mais de préférence encore douze, mille, un grand nombre d'êtres, d'être ravis à nous-mêmes. » Et selon sa méthode qui n'est ni directive, ni commune, Michéa Jacobi nous fait rencontrer vingt-six évadés, de Judas en passant par Olympe de Gouges, sans oublier ni Obama, ni Hokusaï.
Chacun de ses livres n'est pas seulement un élément de l'humanité, mais aussi un ferment de liberté, tant la variété, la fantaisie de destins nous offrent de chemins.
Après avoir décliné les diverses façons de pratiquer la marche dans Walking Class Heroes, Michéa Jacobi raconte de manière érudite et laconique la vie de 26 personnages, qui, très célèbres ou presque anonymes, choisirent de fréquenter un univers qui aurait en principe dû leur rester inconnu, inaccessible ou repoussant.
Un prince nomade rencontre l'Éternel en rêve et décide derechef de convertir son peuple au judaïsme, un baron prussien prend le parti de la Révolution française, siège à la Convention et finit sur la guillotine, le fils d'un négociant marseillais devient en son temps le plus grand spécialiste de l'Inde sans jamais aller plus loin que la ville de Genève, un explorateur polaire fournit des passeports à tous les apatrides de l'Europe, un naturaliste allemand s'essaie à penser comme une tique. Qui sont ces êtres singuliers ? Quelle étrange inclination les anime ?
Celle d'aimer ce qui leur est étranger justement.
Ce sont, de John Aubrey, biographe expéditif à Vittorio Zarfatti, acteur et vieillard, en passant l'inuit Iguimadek, Ranavalona Ière, reine de Madagascar et le Père Tanguy, 26 xénophiles.
La xénophilie, soeur de la lecture, ce vice impuni, est une maladie qui aimerait bien être contagieuse, mais qui ne pèse pas lourd face à la xénophobie, son ombrageuse cousine. C'est pourtant une affection inoffensive. Il serait peut-être nécessaire, par les temps qui courent, de songer à en revivifier les germes.
Le fameux François Kasbi, critique littéraire le plus prolixe de France, a collaboré et collabore toujours à la quasi totalité des rubriques littéraires de la presse parisienne, provinciale, et même au-delà. Ses chroniques paraissent tous les jours un peu partout pour la plus grande joie de ses admirateurs.
Il s'agit ici pour les éditions La Bibliothèque d e la suite d'une suite inactuelle où l'on visite des figures d'écrivains reconnus, mais souvent beaucoup lus inconnus qu'on ne pense comme Paul Jean Toulet ou Gobineau, on croise Barbey, mais aussi Aragon en compagnie de Berl ou de Drieu. Des furieux, des libres, des controversés, des magnifiques. A ces derniers s'ajoute une trilogie : Stendhal, André Fraigneau, Roger Nimier. Ah les voilà, ces retardataires.
La réunion cette fois est complète. On commence.
Où l'on rencontre un dénommé Guizot, à l'époque de la " bande à Bonnot ", un voleur qui ne vole pas ; sur le continent sud-américain, un groupe d'écrivains proscrit l'écriture ; à la vitrine d'un libraire napolitain un manuel de bibliophilie s'avère une contrefaçon grouillant d'addenda ; singulier voyageur que Vincent Puente en quête de l'anatomie du faux.
Si spectres et esprits ont peuplé la littérature de tous les temps, à la fin du XIXe siècle naît une autre sorte de hantise, celle du fantôme.
Dans cet ouvrage, manifestations surnaturelles se succèdent avec Poe, Villiers, Lorrain, Bois, Rodenbach, Mauclair, Dujardin, Huysmans... Que l'on ne s'y trompe pas, tous ces acteurs fin-de-siècle, en invoquant l'esprit des morts, cherchaient surtout à se convaincre de l'existence de celui des vivants.
Après la guerre, il faut reconstruire, panser les cicatrices, tirer des bilans, réfléchir. On a enfin le temps. C'est à cet exercice que se livre Jean-Marie de Busscher à sa manière érudite, libertaire, insolente. 14-18 revisité par ce style unique, quoique daté de ces années 70 si libres, parce que, ne mâchons pas les mots, de Busscher est un styliste. Véritable OVNI littéraire, que ces Dommage de guerre. Accompagnons-le avec un bouquet de roses dans les méandres de la ligne Maginot, écoutons Frédéric de Prusse dicter une lettre à un de ses capitaines, ou suivons Miss Joy dans les souterrains obscurs, cette américaine se pâmant devant une pièce de 75.
Et, dirait l'historien, en plus, c'est renseigné !
Et il y a les notes qui font concurrence au corps du texte, le déborde de toutes parts, j'en connais qui les préfère.
Tout va bien, façon de parler.
Qui est Jean-Marie de Busscher, un marin, un architecte, un acteur, un histrion, pardon un historien, disons un histrion historien libertaire. Laissons parler Andréa de Lorris qui avait préfacé L'Art patriotico tumulaire, un autre de ses délectables opus : « Et puis il y a plus préoccupant encore... D'où parle-t-il cet homme-là ? De quelle université, ministère, association d'historiens, d'anciens combattants ? Quel sérail l'a nourri ? Au nom de quelle idéologie, de quel parti ? De gauche, de droite ? Rappelons les faits. Il existait à la fin des années 70 - 1975 à 1980, grosso modo - une revue mythique de bandes dessinées du nom de Charlie Mensuel, où l'on croisait Valentina de Crepax, les hommes loups de Barbier, on y lisait les recettes de Cucullus, Andy Capp s'accoudait au zinc, Pichard écoutait Wolinski d'une oreille distraite, Willem peaufinait le trait, Jeanne Folly débordait de talent. Anarchistes, dandies, barbus, élégants se mêlaient curieusement et dans cette France pompido-giscardienne, le blizzard soufflait.
Jean-Marie de Busscher était ce chroniqueur qui chaque mois traitait de ces statues que la République avait élevées sur nos places villageoises en hommage à nos soldats de 14-18. Est-ce le ton du journal qui a donné ce toupet à notre aède ? Ou ce toupet qui l'a jeté dans ces pages ? Vieille question de l'oeuf et de la poule » Et que les tièdes meurent !
Aragon, Drieu La Rochelle, Berl, Barbey d'Aurevilly, Bloy, Claudel, Valéry, Toulet, Gobineau...
Des poètes, des hommes au singulier et en colère, en place (mais pas toujours la "bonne"), des imprécateurs de fort tonnage, des exilés très sédentaires (ou pas)... Des "hommes de livres" ou "de lettres" ou "tout court". Du menu fretin, donc (ou presque), Une balade, une invitation à les lire - ou les relire, un passage de témoin, une dette acquittée (tentative), une lecture (possible), une gourmandise (toujours), une "fraternité" (présomptueuse).
Un livre donc, une certaine "géographie littéraire", qui alertera les amis - et détournera les autres... Mais puisque vous en êtes déjà là... Restez. Visitons ensemble... Vous me suivez ? Après vous...
Vers 1927, au moment où la publicité prend son essor, Louis Chéronnet, historien d'art, est un des premiers à écrire sur elle. Art nouveau, bluff généralisé. Elle est bel et bien là et ce n'est plus la larve ou la chrysalide du début du siècle. Les affiches, les murs, les journaux, les colonnes Morris. Les textes de Chéronnet témoignent à la fois de cet essor et constitue une archéologie de la publicité. Elle s'appelait aussi « réclame », nom beaucoup plus explicite en sa demande sans fard.
A le lire on comprend les dadaïstes et leur préoccupation typographique, l'Aragon du Paysan de Paris et certains tracts surréalistes, le cubisme et ses gros titres de journaux sur le billard, bref, cette passionnante et louche familiarité que la promotion de la production industrielle qui trompette dans la rue entretient avec le domaine de l'art.
Ces textes qui datent pour la plupart du premier tiers du siècle dernier sont un précieux témoignage sur ce qui depuis a beaucoup progressé en qualité invasive et qui pénètre, qu'on le veuille ou non nos, consciences et notre quotidien : la publicité.
Comme le dit Jules Romain : « L'essentiel, c'est la réclame, le bluff. » Louis Chéronnet, (1899-1950) rédacteur de L'Art vivant, personnalité curieuse, critique d'art, s'intéressa aussi bien à la Tour Eiffel qu'à la photographie, au train, à Paris, ou à la réclame.
Capable d'écrire dans une prose ciselée ou de faire preuve d'une efficacité laconique.
Eric Dussert, auteur, alamblogueur, spécialiste de textes oubliés de 1860 à 1930, n'aime pas le silence sur ses objets de prédilection. On le sait. Qui mieux que lui pour parler de cet objet étrange, ragoûtant et peu ragoûtant, protéiforme : la publicité.