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Gallimard
-
Métamorphoses. Romans, novellas
Jim Harrison, Brice Matthieussent
- Gallimard
- Quarto
- 16 January 2025
- 9782072996498
Comment un écrivain cantonné à l'image du héros rabelaisien, dont les premiers protagonistes sont les chantres de la virilité, s'autorise-t-il à incarner une voix de femme dans la fiction ? Comment s'y prend-il ? C'est là que réside tout l'enjeu de cette édition «Quarto» consacrée à Jim Harrison (1937-2016).
Romancier au large succès depuis Légendes d'automne (1979), Harrison opère avec Dalva (1988) un virage à 180 degrés et, à travers la voix d'une narratrice audacieuse et indépendante, il trouve la sienne. Le personnage devient un double de l'auteur, une incarnation de l'écrivain métamorphosé en femme. «Ma capacité à écrire en tant que femme, confesse-t-il, m'a sauvé de la mort par excès de drogues et d'alcool, car dans notre culture la virilité peut vous acculer dans un recoin où la seule chose qui reste à faire consiste à bouffer des animaux tués sur la route et à mordre la lune.» Question de survie, donc. Cette idée de métamorphose - de réincarnation - possible, rêvée, désirée, assumée n'est pas sans lien avec la culture amérindienne dont il se sent proche. Sa jumelle fantomatique - sa part féminine, secrète, dont tout un chacun dispose, étouffée dès la naissance par le poids des conventions - et sa soeur Judith tragiquement disparue se réinventent en Dalva, qui porte en elle la force, la puissance, la rage et la liberté de ces deux présences invisibles. D'autres personnages suivront, comme celui de Claire (La Femme aux lucioles), offrant une variation sur le thème de la femme puissante et autonome, conquérant sa liberté au prix fort. Ces «voix de femmes» qu'on découvre à travers le choix de textes ici retenus (connus ou inédits) constituent un point de bascule majeur dans l'oeuvre si abondante de Jim Harrison, mais aussi un exploit : l'écrivain renonce aux postures et aux clichés de la virilité pour retrouver et accueillir en lui une féminité dérobée, inventer une écriture qu'il qualifi e lui-même d'«androgyne». En s'ouvrant à une dimension inédite, son écriture elle-même se transforme, adoptant une fluidité nouvelle, une pratique de l'association libre résumée par deux formules lapidaires chères à l'auteur : «Dieu est une femme» et «Écris sans effort». La narration harrisonienne figure désormais une expérience intérieure, le cheminement tantôt douloureux, tantôt comique, voire burlesque, de personnages instables, en devenir, en métamorphose. -
Maître de l'anticipation, explorateur inlassable des «mondes connus et inconnus», Jules Verne (1838-1905) apparaît comme un incontestable classique. Promoteur d'un roman de la science et de la découverte à travers l'exploration de territoires physiques autant que symboliques - des tréfonds de la terre jusqu'à l'immensité du ciel et de l'espace-, il reste ancré dans une époque résolument tournée vers les conquêtes et les colonisations de toutes sortes. Créateur de fictions et de fables inouïes, il s'appuie sur une soif d'invention, une frénésie de voyages commune à tous ses contemporains.
Pourtant, Verne sait s'affranchir des bornes imposées par un siècle dominé par la passion du confort et du profit. Le futurama vernien inventorie la galerie des merveilles à venir, mais dépeint aussi une humanité profondément dépendante des machines. Ainsi, l'auteur identifie-t-il très tôt les bénéfices comme les faillites possibles de cet imaginaire de l'innovation scientifique et technique. Car, au mouvement qui entraîne les hommes dans un monde moderne rêvé et fantasmé, s'oppose un revers interrogeant, sur le versant des valeurs collectives, morales et sociales, la finalité des enjeux liés aux prodiges de l'invention scientifique.
Si Paris au XXe siècle livre une vision d'une civilisation urbaine admirable par sa technologie, cette société dénote par sa déculturation et sa brutalité. C'est donc contre la puissance de destruction inhérente au progrès que l'écrivain met en garde, et sur le dévoiement de la science et de l'industrie à des fins bellicistes qu'il alerte. S'ajoutent les doutes portés sur la figure du savant, de l'«homme ingénieux toujours plein d'imaginative» (Edgar Poe), illuminé ou dévoyé, dont la folie n'est atténuée ici que par des ressorts burlesques déployés tout au long des fictions retenues.
Un classique très contemporain à découvrir dans un volume enrichi des illustrations originales et de nombreux documents retrouvés dans les archives personnelles de l'écrivain. -
Mémoires d'outre-tombe Tome 1
François-René de Chateaubriand
- Gallimard
- Quarto
- 14 November 1997
- 9782070748433
«Moi, bonheur ou fortune, après avoir campé sous la hutte de l'Iroquois et sous la tente de l'Arabe, après avoir revêtu la casaque du sauvage et le cafetan du mamelouk, je me suis assis à la table des rois pour retomber dans l'indigence. Je me suis mêlé de paix et de guerre ; j'ai signé des traités et des protocoles ; j'ai assisté à des sièges, des congrès et des conclaves ; à la réédification et à la démolition des trônes ; j'ai fait de l'histoire, et je la pouvais écrire : et ma vie solitaire et silencieuse marchait au travers du tumulte et du bruit, avec les filles de mon imagination, Atala, Amélie, Blanca, Velléda, sans parler de ce que je pourrais appeler les réalités de mes jours, si elles n'avaient elles-mêmes la séduction des chimères. [...] Je me suis rencontré entre deux siècles comme au confluent de deux fleuves ; j'ai plongé dans leurs eaux troublées, m'éloignant à regret du vieux rivage où je suis né, nageant avec espérance vers une rive inconnue.» Chateaubriand, 1837.
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Fragments d'un tout : Oeuvres choisies
Ludmila Oulitskaïa, Bernard Kreise, Sophie Benech
- Gallimard
- Quarto
- 10 April 2025
- 9782073084309
Née en 1943, Ludmila Oulitskaïa, figure de proue de la littérature russe contemporaine, en embrassant tous les genres littéraires, compose un tableau de la Russie marquée par les tragédies du XXe siècle. Son écriture concise révèle les dimensions cachées de chaque destin - en particulier celui des femmes -, les émotions éprouvées, sonde les âmes autant que les corps. D'une justesse saisissante, elle déploie des images visuelles, poétiques, des situations cocasses ou tragi-comiques, pour rendre compte des relations entre les personnages, en lutte pour leur survie et leur liberté... Avec finesse et une touche d'humour noir, Ludmila Oulitskaïa dépeint les visages trop humains du totalitarisme, du nationalisme ou de l'antisémitisme.
Grâce à des documents «sauvés» d'un exil forcé et un choix d'oeuvres de son mari, l'artiste Andreï Krassouline, cette édition retrace l'itinéraire d'une autrice exceptionnelle, convoquant ses modèles, rappelant son attachement au passé qui lui procure force et sens moral, son entrée en littérature, les épreuves qui nourrissent son écriture, véritable pont tendu entre sa vie et son oeuvre. -
Paris des jours et des nuits : Romans
Patrick Modiano
- Gallimard
- Quarto
- 26 September 2024
- 9782072948749
Son art de la déambulation, depuis son adolescence, a permis à Patrick Modiano de nouer une relation fusionnelle avec Paris. Lui seul sait en explorer le passé, l'atmosphère et les détails d'époques révolues. Plus qu'une toile de fond à ses romans, sa passion quasi obsessionnelle pour les lieux, les rues, les annuaires, les quartiers, l'a poussé à faire de la capitale un personnage omniprésent, un élément central de son identité littéraire. Sans chercher à tout prix à livrer un Paris vrai, véritable, conforme à ce qu'il a été, il écrit un Paris rêvé, dont les traces évanescentes ne subsistent que dans sa mémoire. Des photographies placées en tête du volume, accompagnées des mots de l'écrivain, émergent une topographie personnelle, une géographie intime des lieux parisiens calquées sur les souvenirs qu'il s'en est faits entre 1953 et 1972. De son premier roman, La Place de l'Étoile (1968) jusqu'à La Danseuse (2023), aux confins de la réalité vécue, remémorée et distordue, et du rêve, du matériel et de l'immatériel, du palpable et de l'insaisissable, le chemin emprunté par l'auteur révèle à quel point autobiographie et géographie réinventées nourrissent aujourd'hui encore son écriture, même après l'effacement des lieux. Aux neuf romans retenus pour la présente édition, parus entre 1982 et 2019, s'ajoute un récit inédit, Brassaï de la nuit. Dans un dialogue établi entre texte et images, vision doublement sublimée de Paris, Patrick Modiano revient sur le travail du photographe d'origine hongroise, ce «poète qui transmettrait très loin dans le temps les visages [des mauvais garçons] et les lumières noires et blanches de Paris». Derrière les tableaux brossés par le Prix Nobel de littérature 2014, demeurent à jamais le Paris de sa jeunesse et ses territoires fantomatiques.
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D'un monde l'autre. Romans
Ray Bradbury, Joseph Mugnaini, Constantin Andronikov, Jacques Chambon, Patrick Marcel, Brigitte Marjot, Henri Robillot, Richard Walters, Hubert Prolongeau
- Gallimard
- Quarto
- 10 October 2024
- 9782072970054
Ray Bradbury (1920-2012) compte, au même rang que Philip K. Dick, parmi les grands maîtres de l'anticipation, qui ont donné au genre de la science-fiction ses lettres de noblesse. Son oeuvre vaste (plus de cinq cents nouvelles, vingt-sept romans, théâtre, poésie, scénarios et adaptations), initiée dès l'âge de douze ans, se nourrit de lectures éclectiques à la bibliothèque municipale de Waukegan (Illinois). Une révélation au même âge : l'écriture pourvoira à son immortalité ! Écrivain de profession à vingt-deux ans, Bradbury connaît tôt le succès : les Chroniques martiennes (1950), puis Fahrenheit 451 (1953) lui confèrent rapidement un statut de romancier et de scénariste reconnu à l'échelle mondiale. Futuriste de premier plan, il n'en explore pas moins la culture et la société de son époque, dont il dresse une critique cinglante : Chroniques martiennes n'évoque-t-il pas la colonisation et le racisme, Fahrenheit 451 l'aliénation des populations par les médias ? Son talent pour la fiction courte, son imagination fantaisiste, sa prose poétique et son appréhension fine du caractère humain, ses histoires «parfait mélange de terreur et d'euphorie», lui ont valu les éloges de la critique, du public et une postérité au-delà de l'oeuvre littéraire.
Les textes publiés entre 1950 et 2001, ici réunis, explorent les thèmes de prédilection de l'auteur - magie de l'enfance, mort, défense de l'individu ou dérives de la science. C'est tout l'art de Bradbury qui est embrassé, ancré dans un futur improbable ou un passé nostalgique avec pour point d'orgue sa définition du monde, sa conception de mondes autres. -
Pendant près de quarante ans, le duo formé par Pierre Boileau (1906-1989) et Thomas Narcejac (1908-1998) a composé près d'une cinquantaine de romans, renouvelant le genre du roman policier, avec l'introduction d'une dimension psychologique inédite : l'atmosphère, l'effroi, l'angoisse, le fantastique.
Dans un univers de clairs-obscurs, d'ombres et de fantômes, faisant du dérèglement du quotidien et d'une inquiétante étrangeté le point central de leurs histoires, ils élaborent une mécanique implacable qui ne sacrifie ni l'écriture ni la langue au profit de l'intrigue. Avec le roman à suspense, entre énigme et roman noir, la puissance révélatrice du cinéma, orchestrée par les plus grands réalisateurs (H.-G. Clouzot, A. Hitchcock), leur offrira une notoriété dont Boileau-Narcejac, auteurs, scénaristes-dialoguistes, élevés au rang de classiques du genre, ne se départiront plus. La présente édition vise à restituer ce double parcours singulier, aux frontières de la littérature et du cinéma. -
«Écrire n'est pas pour moi un substitut de l'amour, mais quelque chose de plus que l'amour ou que la vie.»
15 janvier 1963
«Cette sensation terrible, toujours, d'être à la recherche de l'écriture inconnue, comme cela m'arrive de désirer une nourriture inconnue. Et je vois le temps passer, nécessité d'écrire contre le temps, la vieillesse.»
3 août 1990
«Écrire la vie. Non pas ma vie, ni sa vie, ni même une vie. La vie, avec ses contenus qui sont les mêmes pour tous mais que l'on éprouve de façon individuelle:le corps, l'éducation, l'appartenance et la condition sexuelles, la trajectoire sociale, l'existence des autres, la maladie, le deuil. Je n'ai pas cherché à m'écrire, à faire oeuvre de ma vie:je me suis servie d'elle, des événements, généralement ordinaires, qui l'ont traversée, des situations et des sentiments qu'il m'a été donné de connaître, comme d'une matière à explorer pour saisir et mettre au jour quelque chose de l'ordre d'une vérité sensible.»
juillet 2011 -
Préface illustrée inédite de l'auteur
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Mémoires d'outre-tombe Tome 2
François-René de Chateaubriand
- Gallimard
- Quarto
- 14 November 1997
- 9782070750627
«Moi, bonheur ou fortune, après avoir campé sous la hutte de l'Iroquois et sous la tente de l'Arabe, après avoir revêtu la casaque du sauvage et le cafetan du mamelouk, je me suis assis à la table des rois pour retomber dans l'indigence. Je me suis mêlé de paix et de guerre; j'ai signé des traités et des protocoles; j'ai assisté à des sièges, des congrès et des conclaves; à la réédification et à la démolition des trônes; j'ai fait de l'histoire, et je la pouvais écrire:et ma vie solitaire et silencieuse marchait au travers du tumulte et du bruit, avec les filles de mon imagination, Atala, Amélie, Blanca, Velléda, sans parler de ce que je pourrais appeler les réalités de mes jours, si elles n'avaient elles-mêmes la séduction des chimères. [...]Je me suis rencontré entre deux siècles comme au confluent de deux fleuves; j'ai plongé dans leurs eaux troublées, m'éloignant à regret du vieux rivage où je suis né, nageant avec espérance vers une rive inconnue.»Chateaubriand, 1837.
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Depuis trente ans, Erri De Luca, citoyen engagé sur le plan politique, écologique, social, reconstitue avec force et densité une histoire de l'humanité : de l'enfance livrée à elle-même au difficile apprentissage de la vie, des ruelles de Naples à l'âpre beauté de la nature, de l'amour sublimé, du poids de l'histoire aux drames contemporains, de la quête de sens au besoin de solidarité et de compassion, son oeuvre est universelle, magistrale, placée sous le signe de l'héritage et de la transmission.
À travers un choix de textes (publiés ou inédits), la présente édition invite à découvrir le parcours de celui qui est entré en littérature «par accident» et qui, devant la maladie de son père, s'est résolu à s'adresser à un éditeur - «Quand j'écris, je chuchote parce que je pense qu'il est resté aveugle même là où il est, et qu'il n'arrive pas à lire la page derrière mon épaule. Il aimait les histoires et je suis encore là pour les lui raconter.» Pour De Luca «écrire n'est pas un travail, c'est une façon d'être en compagnie et de rassembler les absents», et à l'aune des documents personnels placés au début du volume comme un pont entre sa vie et son oeuvre, c'est à un rendez-vous en tête à tête avec l'auteur italien que le lecteur est ici convié. -
Charles Louis de Secondat, baron de La Brède, dit Montesquieu (1689-1655), a fait de son oeuvre un hymne à la raison, à la liberté, au bonheur. Auteur mordant et spirituel des Lettres persanes (1721), voyageur curieux de comprendre les sociétés européennes de son temps, lecteur infatigable, il est également le publiciste grave et rigoureux de De l'Esprit des lois (1748). En perçant à jour les rapports entre la géographie physique, le droit, la forme du gouvernement, l'histoire des mentalités, la religion, l'économie, Montesquieu offre une intelligente synthèse entre les Anciens et les Modernes, refusant de renier les apports d'Homère et de Virgile, tout en accueillant l'esprit critique et historique de son temps. En Moderne déterminé, avec un sens aigu de l'observation et de l'expérience, il formule une science politique nouvelle dans la langue élégante des honnêtes gens, élabore une méthode pour les sciences humaines qu'il contribue à fonder : sociologie, démographie, économie politique, science politique, anthropologie, ethnologie... Véritable somme politique, De l'Esprit des lois a été repris, défendu contre les attaques virulentes et amendé par son auteur jusqu'à sa mort. Montesquieu y engage tout à la fois une réfl exion sur les différents gouvernements, une enquête sur les sociétés humaines et une analyse comparée des lois afin de former tout homme à évaluer l'intervention législatrice pour mieux appréhender la réalité sociale. Chef-d'oeuvre absolu, il est l'un des livres les plus importants, les plus clairvoyants du siècle des Lumières et de la littérature mondiale. Grâce à une orthographe modernisée, cette édition fournit les clefs nécessaires pour aborder ce grand oeuvre et l'inscrit dans l'exceptionnel cheminement intellectuel que fut celui de son auteur.
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Simone Weil laisse le souvenir d'une figure étrange, surhumaine par certains aspects, qui attire et repousse en même temps. On lui reconnaît une puissance intellectuelle exceptionnelle, une force morale digne des héros, un courage et un esprit de résistance hors pair, mais une intransigeance dans l'existence qui fait peur et qui s'accompagne d'une lucidité souvent prophétique.
De son vivant, comme aujourd'hui, elle dérange, irrite, scandalise, tout en suscitant l'attachement le plus vif. Plus de cinquante ans après sa disparition, on est enfin en mesure d'embrasser la totalité d'une vie et d'une oeuvre foisonnante, et d'en dégager la cohérence dans toute sa force. Le but de ce volume est de faire tenir ensemble la militante, la philosophe et la mystique, car tout est solidaire dans cette pensée aux vues puissamment convergentes. Enfin, une série de témoignages sur Simone Weil, la réception de son oeuvre (Blanchot, Cioran, Sperber...) et sa diffusion à l'étranger complètent ce volume et lui apportent de précieux éclairages. -
«Une fois, dans un contexte douteux, il a vécu une aventure mouvementée et saignante ; et ensuite tout ce qu'il a trouvé à faire, c'est rentrer au bercail. Et maintenant au bercail, il attend. Le fait qu'avec son bercail Georges tourne à 145 km/h autour de Paris indique seulement que Georges est de son temps, et aussi de son espace.»
Le Petit Bleu de la côte ouest, 1976.
Manchette s'est choisi une forme - le roman noir - et la dynamite de l'intérieur par la critique sociale et politique. Avec une allégresse ravageuse et un humour saccageur, l'inventeur du néopolar, en grand maître de la dérision, pulvérise la frontière entre littérature de genre et littérature tout court. Il fait tout exploser - même le polar. -
Les enquêtes de Philip Marlowe
Raymond Chandler, Cyril Laumonier
- Gallimard
- Quarto
- 27 March 2025
- 9782073111951
«- Parlez-moi un peu de vous, Mr. Marlowe. Enfin, si vous trouvez ma demande acceptable.
- Qu'est-ce que vous voulez savoir ? répondis-je. Je suis détective privé, et depuis pas mal de temps. Je suis un loup solitaire, célibataire, bientôt entre deux âges et fauché. Je me suis retrouvé en taule plus d'une fois et je ne m'occupe pas d'affaires de divorce. J'aime l'alcool, les femmes, les échecs et quelques autres petites choses. Les flics ne m'aiment pas, mais j'en connais deux avec lesquels je m'entends bien. Je suis un fils du pays, né à Santa Rosa, mes parents sont morts ; je n'ai ni frère ni soeur, et si un jour je me fais assommer au fond d'une impasse, comme ça pourrait arriver à n'importe qui dans mon métier, comme d'ailleurs à des tas de gens dans d'autres métiers ou même sans métier, personne ne se dira que sa vie a perdu son sens.»
The Long Goodbye. -
Hemingway attachait plus d'importance à ses «histoires», ses nouvelles, qu'à ses romans. Écrire une bonne histoire, encore une bonne histoire, fut l'obsession de sa vie, les lettres publiées ici en témoignent. C'est là qu'il atteint la concision - son idéal d'écriture formulé très tôt -, et qu'il obtient ce qu'il vise : la synthèse de l'imaginaire et de l'expérience vécue. «La seule écriture valable, c'est celle qu'on invente, celle qu'on imagine.» 78 nouvelles sont réunies dans ce volume : toutes celles qu'il publia de son vivant en recueils ; mais aussi les nouvelles, esquisses et fragments parus dans des revues ou qui ont été retrouvés dans ses papiers après sa mort.
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Cercueil et Fossoyeur : Le cycle de Harlem
Chester Himes
- Gallimard
- Quarto
- 27 March 2025
- 9782073111975
«- C'est ici à Harlem, parmi les gens de couleur, que le taux de criminalité est le plus élevé au monde. Et il n'y a que trois façons de procéder : ou bien on fait payer les malfaiteurs - et ça, vous n'en voulez pas ; ou bien on paie les gens suffisamment pour qu'ils aient une vie décente - et ça, vous ne le ferez pas ; si bien qu'il ne reste qu'à les laisser se bouffer entre eux.»
Ainsi s'exprime l'inspecteur noir Jones, dit Fossoyeur, répondant à l'accusation du sergent Anderson, qui le soupçonne, lui et son collègue Ed Cercueil, d'avoir la gâchette un peu facile et une idée toute personnelle sur la manière de faire régner l'ordre à Harlem.
Le génie de Chester Himes, dans ces huit romans où la brutalité le dispute au pittoresque, est de saisir Harlem au moment critique où les Noirs, excédés par la ségrégation, les brimades de la police, la misère et les bas salaires, vont basculer... Gangsters, dealers, charlatans, prophètes, proxénètes et patrons du jeu tiennent en otage la population du ghetto sur laquelle s'abattent tous les fléaux. Cercueil et Fossoyeur, qui appartiennent corps et âme à Harlem, ont un pied dans chaque camp : celui des Blancs qui usent et abusent de la loi, celui des Noirs où les deux justiciers se servent de la loi pour protéger les Noirs d'eux-mêmes et les empêcher de «se bouffer entre eux». -
Édition de l'auteur
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« Elle est là, autour de vous. Ne passez pas à côté - l'immédiat, le réel, le nôtre, le vôtre, celui du romancier qu'il attend... Faites New York ! » (Henri James à Edith Wharton, 1902).
Sur le conseil du romancier Henry James, l'Américaine Edith Wharton jette une lumière crue et révélatrice sur l'aristocratie new-yorkaise, saisissant à la fois la haute comédie qui s'y joue et les contradictions qui l'animent. Autrice de poèmes et de nouvelles déjà parus dans des magazines littéraires de renom, elle porte désormais un regard acéré sur la mondanité, les convenances et l'étiquette, les règles du jeu social, l'hypocrisie, la cruauté et la corruption qui gangrènent la bonne société, celle de l'argent et des affaires, qui l'a vue naître et grandir. Au fil des récits (romans et nouvelles), avec un sens aigu de la satire, elle décrypte la quintessence même de son milieu et son esprit clanique, les luttes impitoyables et les menaces feutrées que fait peser sur l'ancien monde l'arrivisme conquérant d'une nouvelle caste, celle du nouveau riche.
Plus qu'une ville de naissance, New York sera à jamais pour Wharton une muse, aussi capricieuse qu'exigeante, qui l'inspirera même après son installation définitive en France en 1913. La fresque historique qu'offrent ici les trois romans et un recueil de nouvelles, parus entre 1905 et 1924, plonge le lecteur au coeur d'une société aussi fascinante que détestable, dont les failles morales se dissimulent derrière les apparences d'une probité candide, depuis les années 1840 jusqu'aux lendemains de la Première Guerre mondiale. Et avec cette édition Quarto et les documents d'archives inédits qui l'illustrent, l'occasion unique de découvrir le parcours d'une des romancières les plus marquantes de son temps, un véritable esprit libre. -
«Les poèmes sont des "bouts d'existence", fruits d'une furieuse bataille dont brouillons ou manuscrits gardent la trace. Mais qu'en était-il de leur existence, avant leur publication en recueil ?
C'est le fil que l'on déroule ici : celui de la création, de l'état primitif des poèmes qui paraissent en revue, en plaquettes à tirage limité pour renaître sous un nouveau titre, kidnappés d'un volume, transformés dans un autre. Enfance, premiers écrits, adhésion au mouvement surréaliste, Résistance - autant de moments où Char se révolte et, au coeur du combat, forge ses mots et tisse ses alliances. Une histoire des poèmes imbriquée dans la vie du poète dans un parcours chronologique qui respecte le souci constant de Char de protéger l'intimité de son être.
À cet "artisanat furieux" de celui qui oeuvre dans son atelier se joignent les peintres, auxquels Char confie le soin d'enluminer ses textes. Des échanges de correspondance avec les philosophes, les poètes, les écrivains : Blanchot, Camus, Éluard, Gracq, Lely, Saint-John Perse ; avec les peintres, dont on trouvera les oeuvres reproduites : Braque, Brauner, Giacometti, Valentine Hugo, Wifredo Lam, Matisse, Miró, Picasso, Nicolas de Staël, Vieira da Silva... scandent ce cheminement. Dans l'atelier du poète évoque ce trajet de vie dans le foyer incandescent de la poésie.»
Marie-Claude Char. -
«On vient de loin. On fait de notre mieux. Mais parfois on ne sait pas ce qui nous prend.» Quelle que soit la forme narrative adoptée (théâtre, roman, récit), Yasmina Reza manie avec beaucoup de finesse et de subtilité l'art de mixer les genres, de montrer les multiples facettes d'une réalité, d'aborder avec une implacable lucidité des thèmes aussi universels que la fuite du temps, l'angoisse existentielle et la mort, la fragilité du moi, la solitude, le triomphe de la violence et la barbarie dans le monde contemporain. Dépeints comme des «tragédies drôles» et servis par une écriture ciselée et incisive, les textes réunis dans la présente édition sont de véritables tableaux de vanités contemporaines, à la frontière du comique et du tragique. En dévoilant des documents personnels rares et précieux, l'écrivain laisse entrevoir le pont entre sa vie et l'oeuvre qu'elle bâtit depuis plus de trente ans, conviant le lecteur à un tête à tête exceptionnel.
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À quel envoûtement obéit un jeune Suisse bien né, sur le berceau duquel les fées se sont penchées, pour «prendre la route» à 24 ans, ses diplômes en poche, en Fiat Topolino, mais sans un sou vaillant et pour un aller simple ? Il est décidé à en découdre. Avec lui-même, avec la vie et avec l'écriture. De la Yougoslavie au Japon, c'est dur, mais c'est cette dureté qu'il recherche : la descente en soi qui peut être illumination ou descente aux enfers, l'intensité de l'instant et l'ennui qu'il faut meubler avec des riens. Le pittoresque, l'observation ne sont que des supports à la quête de soi et à la douleur de l'écriture, mais ils nous valent des portraits truculents, des récits merveilleux car ce conteur est un enchanteur. Il fait son miel avec les surprises de la route qui ne sont pas ce que l'on croit. Ainsi ce corps encombrant qui réclame chaque jour sa pitance et que frappe un cortège de malarias, de jaunisses à répétitions, sans parler des dents qui prennent la poudre d'escampette. On s'en va «pour que la route vous plume, vous rince, vous essore, vous rende comme ces serviettes élimées par les lessives qu'on vous tend avec un éclat de savon dans les bordels... Sans ce détachement et cette transparence, comment espérer faire voir ce qu'on a vu ?». Mission accomplie. Nicolas Bouvier a payé sa livre de chair et bien au-delà, et son écriture de l'extrême exigence, de l'économie du mot, fait de nous des visionnaires par procuration auxquels il arrache «des râles de plaisir».
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Les origines du totalitarisme - Eichmann à Jérusalem
Hannah Arendt, Pierre Bouretz
- Gallimard
- Quarto
- 29 May 2002
- 9782070758043
Dispersé jusqu'à présent en trois volumes, Les origines du totalitarisme retrouve son unité dans la réunion des trois parties qui le constituent. L'ensemble est accompagné d'un dossier critique qui donne à la fois des textes inédits préparatoires ou complémentaires aux Origines, comme «La révolution hongroise», un débat avec Eric Voegelin, des extraits de correspondances avec Blumenfeld et Jaspers.
Pour Eichmann à Jérusalem, rapport sur la banalité du mal, des correspondances avec Jaspers, Blücher, Mary McCarthy, Scholem éclairent l'arrière-plan de l'écriture de l'ouvrage et la violente polémique qu'il a suscitée. -
En donnant corps au théâtre de l'absurde, aux côtés de Samuel Beckett, Eugène Ionesco (1909-1994) a bouleversé à jamais les fondements et les codes du théâtre européen. Défenseur d'un art irréaliste prenant à contre-pied la tradition, il prône la dérision, l'action minimaliste, la répétition incessante qui fait perdre au temps tout son sens, l'impossible communication et ses conséquences (quiproquos, non-sens). Son écriture se nourrit de ce qu'il est. Sa présence discrète s'impose avec l'invention de Bérenger, double assumé et récurrent, qui donne à voir non seulement toutes les angoisses, la peur de la mort, les questions métaphysiques qui assaillent le dramaturge, mais aussi son engagement à dénoncer les totalitarismes et leur rapide propagation, la monstruosité des hommes animés par la folie de destruction et l'horreur des camps concentrationnaires. Cette édition propose de mettre en lumière la parfaite unité et la modernité de cette oeuvre avant-gardiste, en retraçant le parcours biographique, intellectuel et artistique d'un dramaturge, d'«un homme en questions».