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Eric Pesty
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Composé de façon antéchronologique (le texte le plus récent en ouverture ; le texte le plus ancien en conclusion), "Contour des lacunes" est le quatrième livre de Dorothée Volut publié chez Éric Pesty Éditeur. Il succède à "alphabet" (2008, rééd. 2016), "à la surface" (2013) et "Poèmes premiers" (2018). Il est une nouvelle étape déterminante dans le cheminement d'écriture que poursuit opiniâtrement son autrice depuis le début du XXIe siècle. En miroir de "à la surface", chronologiquement composé, "Contour des lacunes" semble, pour ainsi dire, tourner le dos à son temps.
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Roger Giroux est né en 1925. Traducteur de l'anglais, éditeur à la « Série noire », il demeurera l'auteur de « un ou deux livres », comme il l'écrit à Pierre Rolland, un ami d'enfance, au tout début de sa carrière. "L'arbre le temps", seul livre de Roger Giroux publié de son vivant, chef d'oeuvre de la poésie du second XXe siècle, paraît au Mercure de France en 1964 et obtient le prix Max-Jacob. Le livre est réédité après la mort de l'auteur en 1979. Éric Pesty Éditeur procure en 2016 une troisième édition de "L'arbre le temps" qui restitue le format de l'originale de 1964.
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Bref récit en trois chapitres qui fraye un chemin d'écriture dans le réel contemporain, autour d'un être factice, en défaut d'identité. En une succession de courts paragraphes, une ligne de fuite s'esquisse qui, entre destruction et logique réinventée, dialectise un devenir nommé singulièrement « vie ». Et puisque le devenir dans la vie est aussi un devenir vers la vie, le récit met en scène la lutte de l'impersonnage contre sa propre facticité, jouée à qui perd gagne.
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'La Fenêtre ovale', paru en Angleterre en 1983, est le cinquième livre de J. H. Prynne traduit et publié chez Éric Pesty éditeur. Il succède à Perles qui furent, 'Poèmes de cuisine', 'Au pollen' et 'La Terre de Saint-Martin'. Il est aussi le deuxième livre de la série dont la traduction est signée par Bernard Dubourg et l'auteur. Dans ce recueil, J. H. Prynne mobilise divers matériaux (poétiques, scientifiques, techniques) qu'il combine et entrelace dans une syntaxe novatrice, tissant la toile d'un poème polyphonique, conçu comme caisse de résonance.
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Éric Pesty éditeur accueille, sous couverture de relais en décembre 2024, les derniers exemplaires de 'Poème' de Roger Giroux - livre publié par le Théâtre Typographique en 2007, édité et préfacé par Jean Daive. Notre maison d'édition peut désormais se prévaloir d'avoir publié ou repris, après 'L'arbre le temps' (2016 & 2024), 'Lieu-Je' (2016) et 'Lettre' (2016), l'intégralité des textes préparés de son vivant par Roger Giroux sous le titre 'Poème', et dont 'Journal d'un Poème' (Eric Pesty Editeur, 2011 & 2024) figure, selon l'interprétation décisive de Jean Daive, le négatif.
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Roger Giroux a toujours tenu un journal, parce qu'il aime regarder l'écriture en train de se faire. Les carnets intimes traitent de l'absence, de la présence, du rien et du silence, du non-être de l'esprit. Ils sont nombreux. L'écriture très particulière de Poème (Théâtre Typographique, 2007) a suscité Journal d'un Poème, publié ici avec ses couleurs. Il est à part. Il progresse selon l'invention visuelle du poème, il en suit l'évolution, il accompagne les différentes phases de l'expérience, dévoile les enjeux de l'oeuvre. C'est ainsi que Poème et Journal d'un Poème s'imbriquent parfaitement. Tout de Poème se retrouve différemment dans Journal d'un Poème. La différence est ce qui doit définir Poème et définir Journal. Car Roger Giroux a conscience que la langue n'a plus une vérité de sens (il la laisse encore volontiers au Journal), mais une vérité de signes, vérité qu'il veut inscrite, dessinée, graphique, théâtralisée, jouée dans l'espace du livre et de ses doubles pages.
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Dans Prison-palais, Martin Högström élabore une architecture de langage qui elle-même parle d'architecture, de prison à double fond ou qui se retourne, s'inverse, sans que ce renversement soit pour autant une échappée, plutôt une complexification du problème, qui chemine peut-être ainsi vers une solution - où tout est double, ambigu, dépassant les contraires. À la fois : dedans et dehors ; murs et passages ; pièces vides et pleines de lumière, de silence ou de bruits ; couloirs déserts mais traversés de gestes, de mouvements, de récits.
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Vanités est un texte composé de 36 scènes et demi.
Marie de Quatrebarbes le décrit comme un poème vitaliste, un livre d'histoire naturelle. « Il y est question de fleurs, de terre, d'insectes et de certaines lectures, deux auteurs surtout : Lucrèce et Michelet. C'est donc un livre matérialiste, ou sur le matérialisme ». Mais un matérialisme qui déborderait l'histoire humaine ; désignant l'élargissement du politique et de l'Histoire au « peuple » des insectes dont parle Michelet. Car en notre XXI° siècle, « Les murs de la cité volent en éclat », l'homme n'est plus au centre. De fait, par contraste avec l'auteur de l'Insecte qui, lors des sanglantes journées de juin 1848, avait pris refuge dans la forêt de Fontainebleau pour écrire son ouvrage, célébrant alors la Femme et l'Amour (hypothèse Dolf Oehler), Marie de Quatrebarbes se place ici du point de vue de l'insecte - « le petit », « l'innombrable » - où se révèle, par un effet d'anamorphose, la mort au premier plan : symbole de la disparition de l'homme au centre de l'événement. -
Notes sur le tragique prolétaire expérimental
Jackqueline Frost
- Eric Pesty
- 5 April 2024
- 9782917786895
L'écriture bourgeoise se différencie de l'écriture prolétaire par des techniques de sentiment spécifiques à la classe. Contre l'économie sèche de leur discours, nous proposons une modalité baroque, dont les somptueuses coordonnées établissent les dimensions d'un style tragique expérimental, en contradiction avec le fantasme bourgeois de l'austérité prolétaire. L'accent mis par le baroque sur la grandeur, l'exubérance, l'irrégularité, la couleur, le mouvement, le contraste, le détail, la flamboyance et l'asymétrie donne son nom à un style outré, par essence à la fois ornemental et irrégulier.
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« Certaines avancées dans la régularisation et la géométrisation ont pu sembler sur le moment quelque peu osées ou brutales, mais la postérité froide n'en a pas été étonnée et a rendu justice à leur audace.
« Il est vrai que plusieurs projets de la Révolution sont pour l'instant restés sans suite, comme celui, au moment de la création des départements, de les découper dans un esprit de parfaite égalité propre à détruire à tout jamais «l'esprit de province» ; et donc d'en faire des carrés égaux de soixante-douze kilomètres de côté, eux-mêmes divisés en carrés égaux, les districts, qui eux-mêmes etc.
« Cette anticipation du quadrillage urbanistique exprimait de façon peut-être trop idéale ce qui serait un jour l'esprit de l'aménagement du territoire.
« En revanche, l'idée de désigner les nouveaux départements par de simples numéros, qui avait sur le moment paru extravagante aux esprits routiniers, s'est imposée finalement sans grande difficulté.
« On habite aujourd'hui un F4 dans le 91. » Jaime Semprun, Défense et illustration de la novlangue française.
Éditions de l'Encyclopédie des nuisances, 2005. -
La première des deux épigraphes à To Pollen cite la plus ancienne épopée, celle du grand roi qui ne voulait pas mourir, « être retransformé en argile » comme le dit le récit consigné dans une écriture cunéiforme sur tablettes d'argile. Dès son invention, l'écriture est liée à la mort. Dès son invention, l'écriture est liée au pouvoir politique, à l'affirmation de l'autorité étatique. Des fragments disloqués de discours d'autorité émaillent To Pollen : jargon militaire et financier, pathos de la presse, vocabulaire scientifique.
Le passage de l'épopée que cite Prynne proviendrait d'un fragment de tablette retrouvée à Sippar, à quelques vingt kilomètres de l'actuelle Bagdad. To Pollen récuse l'idée d'un thème ou d'un sujet, mais ce qui tonne tout au long de la séquence et en constitue le contexte, c'est bien la guerre d'Irak et ses répercussions lointaines. On décèle des références à Doha, capitale du Qatar et cadre de plusieurs conférences sur la libéralisation du commerce international, aux combinaisons orange de Guantanamo, ou encore à une bavure commise à Forest Gate par la police britannique au nom de la guerre contre le terrorisme. Comme dans l'épopée de Gilgamesh, la mort suscite la révolte et l'élégie.
« Une façon de bloc (venu) du Ciel » (Bottéro, p. 79), ainsi Gilgamesh rêve-t-il Enkidu avant leur rencontre. La formule évoque aussi l'opacité et la densité des poèmes de To Pollen qui déjouent toute appropriation. A chaque lecture des éclats de sens affleurent, clignent puis se redéposent sans qu'on puisse les saisir. La haute valence des éléments sémantiques et les constantes bifurcations syntaxiques démantèlent tout contexte local et rendent l'attribution des catégories grammaticales hasardeuse. À l'échelle du livre, on décèle plusieurs champs intriqués : guerre, finance, géologie, biologie, et le leitmotiv de l'inscription.
Dans le texte d'une des conférences qu'il a récemment adressées à ses traducteurs et lecteurs chinois, Prynne explique que « la difficulté » est un moyen d'atteindre la pensée poétique, définie comme une énergie dialectique qui vibre sur la page et dans l'esprit du lecteur et dont les limites sont sans cesse à repousser et à renouveler. L'art de Prynne est d'exploiter la puissance propre à la langue lorsqu'elle est mise sous pression par de nouveaux usages.
« L'extrême densité de l'irrésolu, qui maintient la langue à un haut niveau d'énergie dans son mouvement poétique, sa vibration furtive, peut bien ressembler à l'absence de clarté, ce qu'elle est en partie [...]. Dans cette matrice, la pensée n'est pas unitaire (contrairement aux idées) mais en conflit avec elle-même et intrinsèquement dialectique. » (Poetic Thought, Keynote Speech at the Second Pearl River International Poetry Conference, Guangzhou, P.R. China, 14th June 2008). -
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Quatrième de couverture du livre, signée Grégoire Sourice :
« Poèmes de cuisine est affaire d'investissement.
« Celui d'un auteur dans son premier livre, publié en Angleterre en 1968. Celui d'un traducteur, qui sept ans plus tard, entra pleinement en possession de ces poèmes, jusqu'à y imprimer son vocabulaire et ses préoccupations syntaxiques.
« Il est aussi question du crédit que nous accordons aux marchandises, aux noms et aux idoles, et comment celui-ci nous aliène. Car Poèmes de cuisine est une puissante analyse d'économie politique. Comment et à quoi se river lorsque produits, noms ou individus sont devenus interchangeables ?
« C'est par une autre forme d'investissement, celui du poème et de sa mesure lyrique, que se découvre une capacité de résistance contre la dérive de la valeur d'échange. Investissement, par conséquent, de l'auteur lorsqu'il décide en dépit de la faillite de faire usage de son libre-arbitre pour fixer ses transferts, les objets privilégiés de son affection.
« Enfin, il est question d'habitude, de manteau, de soie et de toutes les étoffes dont nous nous parons. » * A propos de Poèmes de cuisine, nous renvoyons nos lecteurs à la très belle étude de Michèle Cohen-Halimi intitulée « Opérateur spéculatif en cuisine », parue dans Anagnoste #22 (CCP n°28, 2014). (Cette étude de Michèle Cohen-Halimi reparaîtra dans les années à venir, en ouverture d'un second volume de L'Anagnoste chez Éric Pesty Éditeur.) -
"« A » 9 (première partie) est un poème de Louis Zukofsky qui croise deux contraintes apparemment antinomiques : la structure strophique et le schéma de rimes d'un poème très célèbre de Guido Cavalcanti d'une part, et le vocabulaire de Karl Marx dans le premier livre du Capital d'autre part.
La traduction d'Anne-Marie Albiach, approuvée par l'auteur de son vivant, a paru pour la première fois au printemps 1970 dans le douzième et somptueux dernier numéro de Siècle à mains (revue cofondée et codirigée par Anne-Marie Albiach, Claude Royet-Journoud et Michel Couturier)." -
La poésie entière est préposition
Claude Royet-Journoud
- Eric Pesty
- Les Broches
- 2 February 2024
- 9782917786864
"La poésie entière est préposition, nouvelle édition augmentée" reprend le volume publié en 2007 et réimprimé en 2009, du même auteur chez le même éditeur. Aux cinq chapitres de l'édition originale succèdent ainsi un entretien de Claude Royet-Journoud daté de 2008, et se conclut par un nouveau chapitre de notes intitulé « joint // bord à bord // sans mortier » daté de 2021. Accompagnant les plus récents développements de l'écriture, nous proposons donc une nouvelle édition augmentée du seul 'art poétique' de Claude Royet-Journoud ; autrement dit le « système latéral » de son oeuvre.
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Ce poème des années 70 s'ouvre sur la citation d'un texte latin médiéval rapportant la légende des enfants verts de Woolpit dont voici un résumé :
Deux enfants, frère et soeur, sont apparus un matin dans un champ proche du village de Woolpit, leur corps était tout vert et ils étaient vêtus de couleur et de matière inhabituelles. Ils erraient avec stupeur parmi les villageois, parlant une langue étrange, capables de ne rien manger d'autre que des fèves crues. Ils ont vécu de cette nourriture pendant quelques mois jusqu'à ce qu'ils s'habituent au pain. Puis leur couleur changea à mesure qu'ils reprirent une alimentation normale, et ils devinrent semblables aux habitants de Woolpit dont ils apprirent aussi à parler le langage. Une fois l'usage de la parole revenu, ils ont expliqué qu'ils venaient de la Terre de Saint-Martin ; qu'un jour, alors qu'ils s'occupaient des troupeaux dans les champs, ils ont été submergés par un bruit violent et précipité. -
« Ne me parlez plus / vous m'avez trop trahi. » « Nous nous sommes trop trahis / je ne vous parle plus. » Éléments de sabotage passif est divisé en deux parties « Du mésaccord » : moments de prose auto-fictive « & d'un malentendu » : poèmes sous traits aphoristiques. Surplombant leur différence d'écriture ce qui frappe immédiatement est la proximité des deux intertitres, et la surenchère par coordination des deux préfixes (mésaccord & malentendu) qui donnera une idée du « sabotage passif » dont il est ici question : oeuvre du négatif, à l'opposé de toute parole prétendument irénique.
Dans La Comédie intime Bernard Noël a offert la démonstration impeccable que tous les pronoms personnels disponibles en français peuvent devenir des « embrayeurs » de récit ; où la recherche et la découverte d'une position d'énonciation rejoint la possibilité de consistance du livre.
Éléments de sabotage passif de Cédric Demangeot appartient à cette même catégorie de texte. « Du mésaccord » trouve singulièrement sa consistance dans la construction d'un alter-ego fuyant sous l'aspect du pronom personnel « il » reformulé aussitôt en « cela ». Dans ce glissement du personnel à l'impersonnel, mais également de la position de sujet à la position d'objet, de l'objet direct à l'objet indirect (voie négative), se démontre également que le paradoxe est un effet de langage qui ouvre sur un silence d'abysses.
« Je ne voudrais pas me faire passer pour quelqu'un qui raisonne clairement. » (Czeslaw Milosz) -
"Des objets" est un poème logico-philosophique de 5 pages de 5 strophes de 5 lignes. Comme tous les livres d'Ulf Stolterfoht, "des objets" est d'abord un livre de lecture. L'auteur commence par y lire le "Tractatus logico-philosophicus" de Ludwig Wittgenstein, dont on reconnaîtra (au début surtout) des bribes, parfois littéralement citées. La suite du poème mixe avec espièglerie les théories logiques et philosophiques qui ont marqué l'auteur au cours de ses studieuses années d'apprentissage.
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De mémoire, j'aurais voulu être plus précis
David Christoffel
- Eric Pesty
- Les Agrafes
- 7 April 2023
- 9782917786819
Un préambule joueur expose les présuppositions mondaines, théoriques et politiques qui soutiennent encore aujourd'hui l'essentiel des débats sur la culture et le spectacle. Le recours à un livre de Jacques Rancière Le spectateur émancipé (La fabrique, 2008) permet un glissement puis un écart radical à l'égard des ces présuppositions : aux replis de la maîtrise s'oppose l'ouverture de la déprise et, à l'esprit de sérieux, un dilettantisme de vive rigueur sophistique.
Cette position d'« insolence espiègle » revendiquée par l'auteur dans sa préface aboutit à une tentative de traduction homolinguistique (de français à français, mais avec une différence dans les registres de langue) des premières pages de A la recherche du temps perdu de Marcel Proust, qui mettent singulièrement en scène cette déprise. -
Après "Reine d'Angleterre", traduit du norvégien par Emmanuel Reymond en 2020, "Musée britannique" est le deuxième livre de Jørn H. Sværen à paraître chez Eric Pesty Editeur. Comme "Reine d'Angleterre", "Musée britannique" se présente comme une succession de pièces de formats variables, enchaînant courts essais en prose, extraits de correspondance et poèmes réduits à leur minimum : un ou quelques vers isolés sur la page. La beauté du livre tient précisément à cet enchevêtrement, cette façon à la fois délicate et fragile d'associer les textes comme autant de pièces d'un puzzle.
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Les grandeurs intensives, chapitre deux
Michèle Cohen-Halimi
- Eric Pesty
- Les Broches
- 5 January 2022
- 9782917786734
Les grandeurs intensives, chapitre deux est le second volume des études rédigées par Michèle Cohen-Halimi, et publiées par Claude Royet-Journoud dans la revue Anagnoste (incluse dans le Cahier Critique de Poésie du cipM). Ce volume fait suite à L'Anagnoste paru chez Éric Pesty Éditeur en 2014.
Tous les éléments contextuels de la rédaction de ces études, ainsi que leur enjeu intellectuel, le terme d'anagnoste lui-même, sont rigoureusement exposés et très clairement définis par Michèle Cohen-Halimi dans un superbe « Prologue » qui ouvre Les grandeurs intensives, chapitre deux.
Nous aimerions cependant insister, à la suite de l'auteur elle-même, sur la césure qui a eu lieu entre le premier volume (L'Anagnoste) et le second volume (Les grandeurs intensives chapitre deux), car cette césure marque une modification profonde dans l'expérience « anagnostique » - expérience ne pouvant désormais se vérifier que « depuis la disparition de toute figure chez celui ou celle qui écrit sa lecture ».
« La chute complète de la pensée dans la langue était l'opération commandée », écrit encore Michèle Cohen-Halimi, synthétisant, par cette puissante formule, son parcours de philosophe-lectrice sous l'autorité amicale et toujours extraordinairement exigeante de Claude Royet-Journoud.
C'est l'expérience vertigineuse de cette césure que donne à lire, en temps réel, la publication de Les grandeurs intensives, chapitre deux. -
Rainal ! occupe une place singulière dans l'oeuvre de Luc Bénazet puisque ce livre court est un conte qui s'adresse aux jeunes lecteurs et à leurs parents. Conçu à partir de « témoignages directs et véridiques sur le personnage du film de court métrage Les Yeux du renard, réalisé par Chiara Malta et Sébastien Laudenbach », Rainal ! (« renard » en occitan) est le prénom que se donne celui qui erre, chassé du pays où l'on cueillait les pigeons au nid. Sans doute une guerre l'a-t-elle mis sur la route, en quête d'un monde où trouver des pairs. Un chien de hasard sera pour Rainal l'intercesseur. Ainsi Rainal sait-il porter le masque qui, le rendant méconnaissable, protège, et permet aux yeux de transpercer le monde.
Rainal ! ouvre la troisième série de la collection agrafée chez Éric Pesty Éditeur. Il a été imprimé en deux couleurs sur les presses typographiques de l'Annexe. -
Gommage de tête emprunte librement son titre au film de David Lynch : Eraserhead (1977).
Derrière l'audace de cette référence cinématographique se découvre, chez Marie de Quatrebarbes, la recherche d'une forme d'écriture épurée et concentrée. À l'image d'un échafaudage voué à disparaître, le poème se retire progressivement, laissant apparaître un corps sans interface, ou la trame d'un récit en filigrane.
« Une sorte de poème en style libre », ainsi que David Lynch qualifia le scénario de 22 pages qui devait donner naissance à son premier long métrage ?
Sur un plan technique, le phrasé tout à fait particulier mis en oeuvre par Marie de Quatrebarbes soutient une hésitation entre vers et prose. Du vers, le phrasé utilise la possibilité de coupe et de parataxe, la construction de la strophe ; de la prose, l'effet rétroactif du point final qui demande au lecteur de revenir sur la structure logique du chapitre qu'il conclut.
Le récit du livre épouse cette double injonction formelle, jusque dans sa table des matières et la succession de ses chapitres : « Prophéties » ; « Générique » ; « Trop cuire » ; « Emulsion mineure » ; « Initiales. » et « Point d'acclimatation » - accomplissant ainsi le programme de son titre, entre élaboration consciente et énigme. -
Au fond, il s'agirait d'être et de vivre, et des appuis ou des entraves qu'être et vivre reçoivent des mots. Des questions « de fond » donc, mais des questions de quoi ? : de philosophie ? (de métaphysique ? d'éthique ?) ou bien de poésie ? La forme, qui serait le domaine de la poésie, n'est-elle pas essentielle au fond, à ce que peuvent devenir être et vivre ? N'est-elle pas déjà être et vivre ? C'est l'hypothèse suivie depuis toujours par l'auteur (prétendument philosophe) et qui s'exprime de manière plus radicale que jamais dans ce Tractatus : « rouvrir les très vieilles et toujours très vivaces questions des rapports de la logique et de la grammaire d'une part, de la philosophie et de la poésie d'autre part. » L'écriture infinitive (sans noms, sans les savoirs et les certitudes qu'on fait d'ordinaire porter aux substantifs) s'enrichit ici de deux dispositifs formels qui avivent les questions : une métrique serrée, bien qu'inapparente (les conditions de nos existences ?), et des motifs graphiques bien apparents que les verbes dessinent sur la page en s'assemblant (les formes qu'être et vivre nous amènent à prendre ?). Donnent-ils la partition d'être et de vivre ? Avons-nous seulement à les interpréter - les conjuguer ?
Curieusement, les motifs dessinés sur la page rappellent ceux que, dans 36 Morceaux, l'auteur (dessineur) avait tenté de relever à la surface de la mer en convoquant plusieurs instruments (plume, compas, crayon). Or les traits deviennent ici des lignes de verbes conjoints.
Car ces maigres instruments que sont les verbes infinitifs trouvent des alliés dans ceux de la typographie. Et ce sont les plombs, étants et vivants, allégés et mobiles, qui s'agencent, composent et interprètent à présent les 36 configurations verbales de ce traité.
(Imprimé sur les presses typographique de l'Annexe à Marseille, ce livre a bénéficié, durant le tirage, de la présence et de l'attention soutenues de Merlin Jacquet-Makowka. Un reportage photographique d'Emmanuel Fournier, venu assister à l'impression, est disponible en suivant ce lien)