1848 signe bien sûr le « printemps des peuples », soit une révolution largement européenne, nationalitaire et démocratique. Et s'il manquait, dans ce récit, des pièces du puzzle? Les révolutions de 1848 sont aussi inscrites dans une histoire large, atlantique et impériale sinon mondiale, que cet ouvrage se propose d'exhumer. Il restitue la pluralité des « mondes de 1848 », au plus près des expériences vécues. Il fait se côtoyer au fil des pages des révolutionnaires traversant l'Atlantique, des exilés et utopistes en quête de nouvelles « colonies agricoles », des féministes réunies à Seneca Falls (Etats-Unis), et des esclaves aspirant à l'émancipation après la deuxième abolition de l'esclavage dans les colonies françaises. Il montre les réverbérations de 1848 dans des espaces lointains.
Emmanuel Fureix est professeur d'histoire contemporaine à l'Université Paris-Est Créteil.
Quentin Deluermoz est professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Paris.
Clément Thibaud est directeur de Mondes Américains-UMR 8168 et président de l'Association des Historiens Contemporanéistes de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche (AHCESR).
C'est un nouveau regard sur la sortie des guerres de Religion que ce livre propose : au lieu de redire les hauts faits d'Henri IV, comme maintes biographies les répètent à l'identique, il fait ressortir la grande incertitude liée à l'avènement d'un protestant pour révéler les mécanismes qui ont permis à la monarchie de se réinventer au moment où elle fut confrontée à une crise sans précédent. Ainsi, par le biais des acteurs de l'ombre, des hommes d'Église aux côtés d'Henri, il est possible de se détacher de la figure figée du roi vainqueur, et de redonner leur dimension problématique à des événements comme le sacre royal. L'étude du travail de légitimation du premier Bourbon permet alors d'appréhender la monarchie en tant qu'oeuvre collective d'acteurs travaillant à assurer sa survie.
Lana Martysheva est docteure en histoire moderne (thèse soutenue à Sorbonne Université, sous la direction de Denis Crouzet), spécialiste de l'histoire culturelle, religieuse et politique européenne (particulièrement, France et Italie). Elle a enseigné à la Sorbonne et à Aix-Marseille Université et a été Max Weber fellow à l'Institut universitaire européen de Florence. Actuellement, elle est membre de l'École française de Rome.
La prolifération des rumeurs fut l'un des plus curieux symptômes de l'état de fermentation que connut la France entre le rétablissement des Bourbons en avril 1814 et la fin de l'automne 1816. Pendant plus de deux ans, l'espace public fut sans discontinuer parcouru en tous sens par des « fausses nouvelles » à caractère politique. Dans cette phase de transition chaotique, l'incertitude s'était installée : elle explique en partie le bourgeonnement des informations alternatives. Mais la particularité de cette séquence fut l'extraordinaire déferlement des nouvelles annonçant le retour de Napoléon en France. Cet ouvrage étudie comment le culte populaire du héros charismatique s'est forgé, dans ce contexte de multiplication des bruits politiques, comme une attente à caractère messianique.
François Ploux est né en 1966. Il est actuellement professeur d'histoire contemporaine à l'université Bretagne-Sud (Lorient). Il s'intéresse à l'histoire sociale et politique du XIXe siècle.
Ses travaux ont d'abord porté sur la violence dans le monde rural (Guerres paysannes en Quercy. Violences, conciliation et répression pénale dans le Lot (1810-1860), La Boutique de l'Histoire, 2002).
Blanc d'Espagne, rouge végétal, poudres à poudrer, pommades de concombres et de limaçons... ce livre rend compte de la composition de ces produits, aussi bien que de leurs appellations, de leurs vocations et de leurs usages sociaux dans le Paris de l'Ancien Régime. La lumière est aussi portée sur les modalités de leur production. Un temps confinée dans l'espace domestique, rattachée à la cuisine, à la thérapeutique et aux pratiques magiques, la confection des cosmétiques glisse ensuite entre les mains des gantiers-parfumeurs. Dans leur laboratoire et leur boutique, ces artisans mettent en pratique des techniques et des savoirs composites et oeuvrent à la création d'un univers commercial spécifique. Avec l'entrée progressive dans un monde de consommation, les cosmétiques se diffusent dans la société : un marché de la beauté émerge au XVIIIe siècle que les institutions de la monarchie éclairée tentent de contrôler.
Il y a quatre-vingt-dix ans, Paul Doumer, fils de cheminot né à Aurillac, était élu président de la République. Audace d'un régime, la IIIe République, qui consacre l'ascension méritocratique par l'école comme une possibilité de justice sociale. Audace d'un homme incarnant ce fondement par l'exemple de son parcours : placé à 14 ans comme apprenti par sa mère veuve, le jeune Auvergnat passe son bac en blouse d'ouvrier. Inclassable politiquement, Doumer participe au régime pendant près de cinquante ans (1887-1932), au carrefour de la droite et de la gauche, à la jonction de la politique, de l'industrie, de la finance, de la diplomatie. Un parcours marqué par la tragédie : cinq de ses enfants meurent entre 1914 et 1923, avant que le président lui-même ne soit assassiné le 6 mai 1932.
Amaury Lorin est docteur en histoire de l'Institut d'études politiques de Paris.
Il a reçu le Prix Auguste Pavie de l'Académie des sciences d'outre-mer 2005, le Prix des écrivains combattants 2006 et le Prix de thèse du Sénat 2012.
Il contribue à Questions internationales depuis 2010 et a codirigé Nouvelle histoire des colonisations européennes (XIXe-XXe siècles) (PUF, 2013) et L'Europe coloniale et le grand tournant de la Conférence de Berlin (1884-1885) (Le Manuscrit, 2013).
Colbert, Louvois ou Pontchartrain : les noms des proches conseillers de Louis XIV sont bien connus, autant que leurs personnalités et leurs oeuvres politiques. Leur histoire conjugale et familiale, elle, comporte de larges parts d'ombre, pour les historiens comme pour le grand public. Cet ouvrage propose un portrait dynamique des femmes qui ont épousé un ministre sous le règne personnel de Louis XIV, en envisageant leur place dans leur couple, dans leur famille, dans l'entourage du roi et dans la société française du XVIIe siècle. Capacité d'action, concertation conjugale et stratégies lignagères se trouvent au coeur des réflexions dans une perspective genrée, afin de dessiner à la fois une histoire des femmes, du couple et de la noblesse dans la France moderne.
Docteure en histoire de Sorbonne Université, Pauline Ferrier-Viaud est aujourd'hui maîtresse de conférences à l'Université d'Artois. Autrice d'une thèse soutenue en 2017 sous la direction de M. le Professeur Lucien Bély, elle a très tôt engagé des recherches en histoire des femmes et du genre à l'époque moderne.
L'enquête porte sur le rôle des curés dans le règlement des conflits du quotidien, sous l'Ancien Régime. Sans que cela fasse partie de leurs devoirs au sens strict, les curés sont encouragés, à partir du XVIIe siècle, à apaiser les différends de leurs paroissiens : querelles familiales, successorales, problèmes de bornage, de dettes non remboursées, de fiscalité, ou échange d'insultes. À partir de sources inédites, l'ouvrage examine de quelle manière ces prêtres utilisent leur responsabilité pastorale pour apaiser les querelles afin d'éviter qu'elles dégénèrent en procès, proposer une solution aux litiges ou amener les parties à trouver un terrain d'entente permettant de terminer un procè
Anne Bonzon, née en 1963, est professeure à l'université Paris 8. Elle est spécialiste de l'histoire sociale et religieuse des XVI et XVII siècles.
Des nourrissons gelés dans leur berceau, des aristocrates enfermés dans leur chaise à porteur installée au milieu de leur salon pour échapper à la froidure des courants d'air, des écrivains les jambes enserrées dans une peau d'ours, des paysans réfugiés dans leur lit, seul endroit de la maison où l'on peut jouir d'une relative chaleur en hiver, des voyageurs retrouvés morts sur le bord des chemins... Quand les archives nous laissent apercevoir nos aïeux aux prises avec l'hiver, le spectacle est à la fois surprenant et dépaysant.
Si ces anecdotes mettent indirectement en lumière la rigueur des hivers du passé, elles témoignent aussi, et surtout, de l'incapacité des sociétés anciennes à se protéger efficacement des assauts récurrents du froid. Habitués au confort douillet de nos habitations, nous peinons à imaginer ce qu'a pu représenter l'épreuve de l'hiver pour les hommes et les femmes du passé. Contraints de grelotter au coin de leur cheminée qui chauffait peu et mal, ils devaient déployer des trésors d'énergie pour essayer de lutter contre les morsures du « petit âge glaciaire ».
Leur sensibilité au froid et à la chaleur était bien éloignée de la nôtre et cette accoutumance à l'inconfort, cette capacité à endurer avec résignation des températures intérieures dont l'évocation seule nous fait aujourd'hui frissonner ne manquent pas de nous étonner.
Il faudra attendre la seconde moitié du xviiie siècle pour que se développe enfin une réelle réflexion technique sur le chauffage domestique, nourrissant dès lors cet insatiable appétit de chaleur qui est encore aujourd'hui le nôtre.
Dans la lignée des grands travaux consacrés à l'histoire des sensibilités, ce livre se propose de reconstituer l'expérience sensible du froid et de la chaleur à l'époque moderne. Il souhaite ainsi contribuer à retracer la généalogie de notre rapport sensible au monde.
Agrégé et docteur en histoire, Olivier Jandot enseigne au Lycée Gambetta-Carnot d'Arras. Il est également chargé de cours et chercheur associé à l'Université d'Artois (EA 4027 CREHS).
Comment conquérir puis gouverner une dizaine de cités, des nobles par milliers et près d'un million de sujets ? En Lombardie, entre 1515 et 1530, François Ier, Francesco II Sforza et Charles Quint ont buté sur la même question. La réponse offrait un prix de taille : une terre riche et peuplée, à la croisée des chemins de la Méditerranée, des Alpes et des plaines du Nord. Si la guerre fut destructrice et indécise, c'est que les autochtones opposèrent aux conquérants des défis à la hauteur d'une culture politique millénaire. Plus le temps passe, plus la Lombardie apparaît comme une des pièces incontournables de la formation de l'Europe moderne, entre exercice de la souveraineté, de la fidélité et de la médiation mais aussi expérience de la violence, de la servitude et de la résistance.
Séverin Duc, agrégé et docteur en Histoire, est membre de l'École française de Rome et chercheur associé au Centre Roland Mousnier. Il obtenu, pour la thèse dont ce livre est issu, le prix Aguirre-Basualdo de la Chancellerie des Universités de Paris. Actuellement, il s'intéresse à l'histoire sociale et familiale des pouvoirs en France et en Italie.
Comment les huguenots ont-ils survécu et même prospéré dans le Paris du XVIIIe siècle, alors que la majorité de la population catholique était hostile au protestantisme? Pourquoi, à la fin de l'Ancien Régime, l'opinion publique était-elle majoritairement favorable à l'octroi de droits plus grands aux protestants? David Garrioch explique cette transformation des attitudes à l'endroit de la minorité huguenote à la fois par la manière dont elle sut résister à la persécution et le pragmatisme avec lequel le gouvernement décida d'y réagir, mais aussi par l'environnement particulier qu'était alors la capitale par rapport au reste du royaume. Ce livre permet surtout de comprendre l'évolution de la culture catholique dans le cadre de la transformation culturelle et intellectuelle des Lumières.
David Garrioch, historien, est professeur à Monash University (Melbourne, Australie). Les Editions La Découverte ont publié son premier livre traduit en français: La Fabrique du Paris révolutionnaire. Il est également l'auteur de The Formation of the Parisian Bourgeoisie, 1680-1830 et de Neighbourhood and Community in Paris, 1740-1790.
Denis Crouzet a profondément renouvelé l'histoire du XVIe siècle.
Ses analyses particulièrement novatrices ont redonné au siècle de la Réforme et des troubles de religion toute sa complexité. La Renaissance est devenue sous sa plume un temps d'angoisse et de violence, éclairé de quelques rêves aussi, et animé de grandes figures dont il a renouvelé l'approche : Catherine de Médicis, Michel de L'Hospital, Calvin, Charles Quint, Nostradamus, Christophe Colomb.
Ce volume de mélanges a été composé par les très nombreux amis et élèves de Denis Crouzet, qui souhaitaient lui rendre hommage et le remercier. Les articles évoquent la figure de cet historien à l'imagination sans limites, ainsi que l'histoire des pouvoirs, des croyances, des conflits et des confrontations interconfessionnelles.
Denis Crouzet, né en 1953, a été professeur à l'université Lyon III de 1989 à 1994, puis professeur à la Sorbonne de 1994 à 2021, où il marqué des générations d'étudiants.
Spécialiste de l'histoire du XVIe siècle, il s'est penché sur la violence, les affrontements interconfessionnels et les modes de gouvernement. Auteur de Les Guerriers de Dieu. La violence au temps des troubles de religion (Champ Vallon, 1990). il a profondément renouvelé notre connaissance des guerres de religion.
Varsovie, 19 septembre 1940 : un officier de réserve polonais se fait volontairement arrêter lors d'une rafle par l'armée allemande.Son nom : Witold Pilecki.Sa mission : être interné dans le camp d'Auschwitz pour y constituer un réseau de résistance.Témoin tragique d'une des pages les plus sombres de l'histoire de l'humanité, après presque mille jours passés dans l'antre du crime nazi, il est le premier homme à informer des conditions effroyables de détention à Auschwitz. Constatant qu'aucune intervention extérieure n'est menée, il s'évade au printemps 1943 pour raconter lui-même l'enfer concentrationnaire qu'il vient de vivre.« Dire ce que nous ressentions permettra de mieux comprendre ce qui s'est passé » : le Rapport Pilecki constitue la mémoire vive d'un homme qui fut l'un des plus grands résistants de la Seconde Guerre mondiale.Arrêté et condamné pour espionnage par les communistes, il est exécuté clandestinement en 1948 à l'âge de 47 ans.
Et si la verticalité avait une histoire ? Dans la perception occidentale du monde en trois dimensions, la montagne joua un rôle déterminant. Celui-ci s'affirma à partir de la Renaissance, lorsque les Alpes et les Andes virent défiler des dizaines de milliers d'individus, simples mercenaires comme princes ou même rois, qui rêvaient de conquêtes à la hauteur de celles d'Alexandre et d'Hannibal.
Parce que la montagne est « scabreuse, pierreuse, montueuse, infertile, mal plaisante à l'oeil, très difficile aux pieds », comme l'écrit Rabelais, elle s'éprouve jusque dans la chair. Elle est le lieu de l'initiation, de la conversion et de la transfiguration. Loin d'être le territoire du retard et du barbare que l'on prétendait, la montagne fut surtout le lieu du dépassement, de la réformation de l'oeil et de l'esprit, qui participèrent de l'élan de la Renaissance. La verticalité traversée et vaincue devint un état d'esprit fait d'audace, d'ambition et d'innovation. Ainsi François Ier, ébloui d'avoir su « trancher les monts » en y conduisant chevaliers et canons avant de triompher à Marignan, ou Cortès, ordonnant de faire l'ascension du Popocatépetl avant de prendre Mexico.
Selon l'usage que les souverains ou les peuples en firent, la montagne fit saillir des identités nouvelles, elle façonna les imaginaires, contribua à modifier les pratiques et les cultures politiques de l'Europe moderne. Et les montagnards naquirent pour eux-mêmes, défendant leur territoire face aux sarcasmes des hommes des plaines. Du légendaire Guillaume Tell au chevalier Bayard, de l'amazone Philis de la Charce aux fées francoprovençales, la montagne devint un territoire revendiqué et valorisé, forgeant des « identités verticales », tant chez les redoutables Suisses que chez les équivoques ducs de Savoie, qui la déclinèrent en poèmes et en somptueux ballets de cour.
En faisant cheminer l'homme entre ciel et terre, entre arêtes et précipices, entre effondrement physique et extase mystique, la verticalité de la montagne est en soi un chemin « montant descendant », susceptible de transformer l'homme en profondeur. Elle s'impose à nous comme une magnifique allégorie de la Renaissance, sinon de la vie elle-même.
Stéphane Gal est maître de conférences HDR en histoire moderne à l'université Grenoble Alpes. Il a notamment publié Charles-Emmanuel de Savoie La politique du précipice, Payot, 2012.
Rêver la société pour la changer en cité idéale et participer à l'avènement d'un monde nouveau. Ce fut le désir de nombreux artistes, qui ne furent pas tous des figures d'avant-garde. Cette ambition a parcouru tout le XIXe siècle, mais elle occupa une place singulière et méconnue sous la IIIe République, entre le souvenir de la Commune de Paris et l'Union sacrée de la Grande Guerre. Portrait collectif d'une génération de peintres et sculpteurs du Paris fin-de-siècle, le livre examine le rôle et la fonction d'artistes tels Rodin, Luce, Pissarro, Gallé, Gérôme, Toulouse-Lautrec, Signac, Prouvé ou Guitry. Convaincus de la performativité de leurs oeuvres, ils s'érigèrent en bâtisseurs d'art et réinventeurs de l'histoire, en fondateurs d'un art social et combattants de la vérité.
Bertrand Tillier est professeur d'histoire contemporaine à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et chercheur à l'IDHES, où il enseigne la culture visuelle et l'histoire des médias. Il a dirigé l'ouvrage: L'art du XIXe siècle, L'heure de la modernité (Citadelles & Mazenod, 2016) et publié notamment chez Champ Vallon La Commune de Paris, révolution sans images? Politique et représentations dans la France républicaine (1871-1914) (2004) et Les Artistes et l'affaire Dreyfus (1898-1908) (2009).
Au XVIIIe siècle, Paris célébrait chaque événement heureux pour la Couronne. La Maison du Roi, le Bureau de la Ville et le Châtelet de Paris organisaient les réjouissances. Les manifestations de joie étaient donc contrôlées par les autorités qui y voyaient les signes tangibles d'une communion avec les sentiments du souverain. Pour autant, l'expérience de la joie publique n'était pas celle d'une obéissance passive. Les Parisiens s'appropriaient les réjouissances aussi bien en participant qu'en détournant certaines normes de réjouissances. Ils fabriquaient leur propre culture de l'approbation, empreinte d'une critique à peine voilée. Dès 1770, les gestes traditionnels des réjouissances furent progressivement détournés pour faire valoir un droit de se réjouir indépendamment de la Couronne.
Pauline Valade est agrégée et docteure en Histoire moderne.
Après la publication de son premier imprimé en 1469, Venise devient en quelques années la première productrice de livres en Europe. Il s'agit d'un métier neuf qui se développe hors des cadres institutionnels des corporations. Les livres produits se retrouvent dans toutes les bibliothèques d'Europe. Ces imprimeurs qui ont fait le succès de Venise sont pour la plupart d'origine étrangère. Ils sont Allemands d'abord, avant l'arrivée d'autre communautés dans cette industrie. Ce sont des marchands et des artisans en provenance de toute l'Europe et d'une partie de la Méditerranée orientale. Audelà des échecs, beaucoup se sont intégrés dans la ville, sa géographie, sa sociabilité, et ont construit une nouvelle industrie du livre au coeur de l'Europe.
La fédération des «Six Corps des marchands de Paris», composée des drapiers, épiciers-apothicaires, merciers, pelletiers, bonnetiers et orfèvres, constitue la première force économique du royaume durant l'Ancien Régime. Ce livre est centré sur le dialogue mais aussi sur le rapport de forces qui n'a cessé de s'instaurer entre ce corporatisme institutionnalisé et la construction de l'Etat absolu. Il s'attache à la période qui s'étend du règne de Henri IV jusqu'à la suppression des corporations par Turgot en 1776. Esssai totalement original, il repose sur l'étude des archives inédites, notamment celles du collège de phramacie et celles des orfèvres, mais aussi l'exploitation du fonds manuscrit des six corps ainsi que sur une foule de factums, suppliques, mémoires, remontrances et requêtes.
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Mathieu Marraud, chargé de recherche CNRS, effectue des recherches sur les rapports entre structure sociale et structure politique dans la ville d'Ancien Régime. Il a notamment publié:
- La noblesse de Paris au XVIIIe siècle, Paris, Seuil, coll. « Univers historique », 2000, 574 p.
- De la Ville à l'État. La bourgeoisie parisienne XVIIe-XVIIIesiècle, Paris, Albin Michel, coll. « Bibliothèque histoire », 2009, 575 p.
Il est membre du Comité de rédaction de la revue Histoire & Mesure.
La Cabale des dévots est l'expression qui désigne la lutte menée par la Société secrète du Saint-Sacrement, organisation clandestine de catholiques intransigeants, pour faire interdire le Tartuffe, comédie de Molière jugée blasphématoire. Obsédée par le secret, elle mène des actions charitables aussi bien que des opérations d'espionnage, de délation, de pressions diverses, qui font d'elle un véritable lobby au sens moderne du terme. L'histoire de cet épisode est replacée dans son contexte de luttes politico-religieuses, qui n'est pas sans évoquer des problèmes actuels.Le livre retrace plus largement la tentative du parti dévot pour imposer à la société française du XVIIe siècle un ordre moral austère, en contrôlant tous les aspects de la vie publique et de la vie privée.
Normalien, agrégé et docteur en histoire et docteur ès-lettres, Georges Minois est l'auteur d'une oeuvre qui comporte une soixantaine de titres. Parmi les plus récents: Histoire de la célébrité (Perrin, 2012) ; Histoire de la solitude et des solitaires (Fayard, 2013) ; Philippe le Bel (Perrin, 2014) ; Charles le Téméraire (Perrin, 2015) ; Histoire du Moyen Âge (Perrin, 2016) ; Richard Coeur de Lion (Perrin, 2017).Plusieurs de ces ouvrages sont traduits, au total en 22 langues.
Dieu en ses royaumes évoque les affrontements religieux dans la France des années 1490-1610 en racontant une histoire saturée d'angoisses et de rêves.Au commencement, il y eut le tragique d'une grande peur de la damnation face à un Dieu toujours plus distant et menaçant. La fin des Temps approchait et chacun se devait de se préparer au face-à-face avec le Christ,dans la pénitence, la prière et une obsession de pureté exigeant l'éradication violente de tous ceux qui attisaient par leur impiété ou leur hérésie la fureur divine. En contrepoint de ce noircissement culpabilisant du monde humain, Calvin proposa au fidèle une voie alternative et libératoire qui supprimait l'angoisse du salut en portant le fidèle à vivre dans une « bonne crainte » de Dieu. Au plus profond des guerres de Religion qui opposèrent « papistes » et « huguenots », ou plutôt au coeur même de la dynamique des fixations confessionnelles, s'installait la violence d'un conflit entre hantise eschatologique et désangoissement : deux royaumes de Dieu s'affrontaient. Dans le cours de cette histoire saccadée, le centre de gravité dramatique se déplaça : le pouvoir monarchique tenta d'entraver la crise en fixant dans la personne royale la mission messianique d'établissement d'un ordre de paix transcendant le jeu mortifère des imaginaires. Dieu en ses royaumes raconte alors l'histoire d'un second grand conflit, opposant les rêves apocalyptiques et violents des catholiques intransigeants à l'utopie de modération d'un roi Christ luttant contre les passions de ses sujets, une modération dont les grandes figures furent Michel de l'Hospital, Catherine de Médicis, Charles IX et son frère Henri III. C'est à la monarchie d'Henri IV qu'il revint de clore cette tragédie par le truchement d'un autre jeu de symbolisation. L'Histoire fut alors érigée, à travers la figure d'un roi providentiel guidant ses sujets vers un nouvel âge d'or, en une instance de résorption des angoisses et des peurs eschatologiques.
Explorer la part secrète du pouvoir princier, c'est rencontrer nombre de figures célèbres en des situations parfois scabreuses, souvent rocambolesques. Qu'il s'agisse de Saint Louis utilisant un escalier caché pour retrouver son épouse à l'insu de sa mère Blanche de Castille, ou des leçons d'escrime destinées à inculquer quelques bottes secrètes au duc de Bourgogne Philippe le Bon, les princes se méfient en permanence de leur entourage au moins autant que de leurs ennemis. Bénéficiant d'une relation particulière avec Dieu - qui sait à l'occasion leur envoyer quelques messages secrets par la voix d'une bergère ou d'un ermite -, ils n'entendent rendre compte à personne de leurs agissements, exigeant que leurs proches ne révèlent rien de leurs faiblesses ni de leurs plans.
Loin d'être anecdotique, cette pratique du secret s'enracine dans un temps qui associe savoir, sacré et secret et constitue un moyen de répondre aux défis d'une époque en pleine mutation : le développement de l'écrit entraîne celui des correspondances secrètes ; la naissance de l'impôt permanent conduit le prince à mentir sur l'état du budget ; la publicité nouvelle d'une vie de cour rassemblant des centaines d'individus autour de la famille princière exige des chambres de retrait.
Par le secret, les princes entendent à la fois défendre leur honneur et garantir les moyens de leur puissance. La pratique concrète du pouvoir rejoint un imaginaire médiéval qu'on pourrait croire folklorique mais se révèle parfois ancré dans la réalité : certains princes font enterrer des trésors destinés à financer leurs guerres, au risque de les perdre ; Louis XI réclame de ses correspondants de brûler ses lettres après lecture. Rois et ducs de Bourgogne se doivent en somme de devenir experts dans l'art du secret, pour rester maîtres des frontières entre le public et le privé : c'est l'une des leçons politiques de cet automne du Moyen Âge.
Jean-Baptiste Santamaria est maître de conférences en histoire médiévale à l'Université de Lille et membre du laboratoire IRHIS. Normalien, agrégé d'histoire, il travaille sur l'exercice du pouvoir princier à la fin du Moyen Âge. Il a publié le Petit livre des rois France (First, 2006) et La Chambre des comptes de Lille (1386-1419) (Brepols, 2012).
Géographies est le premier livre à étudier ce que les Français des XIIe-XVIe siècles savaient de leur pays, riches ou pauvres. Citant 200 poèmes, romans et pièces de théâtre, les quatres parties, divisées en petits chapitres, présentent ce que les Français percevaient de la France (paysage sonore et visuel), ce qu'ils en savaient (productions, monuments, légendes), ce qu'ils en disaient (listes, proverbes) et ce que la culture française signifiait pour eux (langue, vin). La nation française s'est ainsi construite dans la diversité, en façonnant des identités régionales diverses dans le Nord et le Midi. Tout en permettant de découvrir une littérature riche et méconnue, ce livre, illustré de 20 cartes originales, fait dialoguer Moyen Âge et Renaissance, Histoire, lettres et géographie.
Léonard Dauphant est né en 1980 à Vénissieux (Rhône). Ancien élève de l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm (2001-2005) et agrégé d'Histoire. Sa thèse d'Histoire médiévale, publiée en 2012 chez Champ Vallon sous le titre : Le Royaume des quatre rivières. L'espace politique français (1380-1515), a reçu plusieurs prix. Il est actuellement maître de conférences en Histoire médiévale à l'Université de Lorraine à Metz.
Comment l'idée a-t-elle pu venir aux Lumières de souffler de la fumée de tabac dans le derrière des noyés pour les ramener à la vie ? Cette pratique à première vue grotesque est tout sauf un accident de parcours : considérée jusqu'à la mi-xixe siècle comme la meilleure méthode de réanimation, cette insufflation anale a bénéficié d'investissements savants et publics considérables - des boîtes contenant tout le nécessaire à sa mise en oeuvre furent installées le long de la Seine, du Rhône et de la Saône, ou de la Tamise. Plus encore, les discours savants qui introduisirent la préoccupation, alors nouvelle, de la réanimation, regorgent de faits plus étranges les uns que les autres : aux histoires épouvantables d'enterrés vivants répondent des cas étudiés très sérieusement, jusque dans l'Encyclopédie, d'hirondelles ou de cigognes qui hibernent au fond des lacs ou des rivières, ou sur la lune. En remontant le fil de ces récits, Anton Serdeczny aboutit à une conclusion inattendue : leur source est orale, et la science, même celle des Lumières, a pu y puiser pour alimenter de nouveaux champs - comme l'action médicale sur le corps mort.
Les motifs mis à contribution dans la réanimation des Lumières relèvent de systèmes de représentations orales parfaitement cohérents, et avant tout liés au carnaval. Cette clef anthropologique permet d'expliquer la pratique de l'insufflation de fumée de tabac. Adaptation improbable et involontaire d'un vieux geste carnavalesque, elle tirait son origine et sa puissance d'évocation de sa dimension symbolique : remettre l'âme à l'envers à celui qui est mort dans un monde inversé, sous la surface de l'eau.
Rarement la recherche des liens entre innovation scientifique et registres culturels a pu être poussée aussi loin, et c'est là tout l'intérêt de cet ouvrage : remettre en cause notre vision des Lumières, et plus encore de la science
Docteur en histoire de l'EPHE, Anton Serdeczny enseigne l'histoire moderne à l'Université d'Aix-Marseille.
Septembre 1715 : Louis XIV est mort. Février 1723 : Louis XV est majeur.
Entre vie publique et vie privée, entre Versailles et Paris, grandit et se construit un roi-enfant pour lequel rien n'est laissé au hasard. L'ouvrage raconte cette dizaine d'années pendant lesquelles un jeune roi et le Régent ont permis la mutation d'un absolutisme qu'il fallait réformer pour qu'il se poursuive.
En suivant au quotidien une enfance royale, on voit le nourrisson sortir des affres des maladies enfantines et subir les premiers soins pédiatriques, le garçonnet acquérir des connaissances et former son caractère, le jeune homme instruit affirmer ses préférences dans un contexte d'explosion des progrès scientifiques et de renouveau des arts, jusqu'au moment où Louis XV est majeur, sacré et marié.
Pascale Mormiche est agrégée de l'Université et docteur en histoire moderne. Elle enseigne à l'Université de Cergy-Pontoise. Spécialiste de l'éducation des princes et des élites, elle a publié : Devenir Prince, l'école du pouvoir en France (xviie-xviiie siècles) Cnrs éditions, 2009 et Naissance et petite enfance à la cour de France avec Stanis Perez, éditions du Septentrion, 2016.
Ce livre retrace la vie de Nicolas Desmaretz, dernier ministre des Finances de Louis XIV. Ce neveu de Colbert en raison de la nouvelle forme d'expertise qu'il incarne et de la puissance de ses réseaux a traversé tout le règne personnel en exerçant directement le pouvoir ou en conseillant ceux qui gouvernent.
Il contribue à forger sous la direction de son oncle l'État de finance. Chassé par le roi et frappé d'indignité, il revient vingt ans plus tard comme directeur des Finances, puis Contrôleur général. Il remodèle l'administration et procède à des réformes d'ampleur témoignant de la capacité de la monarchie à se repenser. Reconstituer sa carrière permet d'opérer une radiographie de l'État sur le temps long et de poser le problème de la prise de décision dans une conjoncture d'exception.
Stéphane Guerre, né en 1975, est professeur agrégé d'histoire, docteur en histoire moderne de l'université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis. Ses recherches portent sur l'histoire financière de la fin du règne de Louis XIV ainsi que sur la prise de décision politique et le fonctionnement réel de l'État absolu.