Ce périple, les trois jeunes gens l'ont entrepris au mépris du danger, au péril de leur vie, et malgré les supplications de leurs fiancées respectives. Ils l'ont fait pour le rayonnement de la France, le progrès de la science et aussi un peu pour passer le temps.
Il en résulte un roman d'aventure avec de l'action à l'intérieur et aussi des temps calmes et du passé simple. Ceci est une expérience de lecture immersive. Hormis deux ou trois passages inquiétants, le suspense y est supportable et l'oeuvre reste accessible au public poitrinaire. A noter la présence de nombreux adverbes.
L'éditeur ne saurait être tenu responsable des mauvaises idées que ce livre ne manquera pas d'instiller dans le cerveau vicié des nouvelles générations gavées d'écran et pourries à la moelle.
Pour ralentir la fuite du temps, sylvain tesson parcourt le monde à pied, à cheval, à vélo ou en canot.
Dans les steppes d'asie centrale, au tibet, dans les forêts françaises ou à paris, il marche, chevauche, mais escalade aussi les monuments à mains nues. pour mieux embrasser la terre, il passe une nuit au sommet de notre-dame de paris, bivouaque dans un arbre ou sous un pont, recourt aux cabanes. cet amoureux des reliefs poursuit le merveilleux et l'enchantement. dans nos sociétés de communication, sylvain tesson en appelle à un nouveau nomadisme, à un vagabondage joyeux.
Ce petit traité sur l'immensité du monde est un précis de désobéissance naturaliste, une philosophie de poche buissonnière, un récit romantique contre l'ordre établi.
Après un coup de tonnerre du destin, Édouard Cortès choisit de se réfugier au sommet d'un chêne, de prendre de la hauteur sur sa vie et notre époque effrénée. À presque quarante ans, il embrasse femme et enfants, supprime ses comptes sur les réseaux sociaux et s'enfonce dans une forêt du Périgord pour un voyage immobile. Là, dans une cabane construite de ses mains, il accomplit son rêve d'enfant : s'enforester, rompre avec ses chaînes, se transformer avec le chêne, boire à la sève des rameaux. Ce printemps en altitude et dans le silence des bois offre une lecture de la nature qui ne se trouve dans aucun guide ou encyclopédie. Le chêne si calme abrite un cabinet de curiosités et accorde pendant trois mois à l'homme perché une rêverie sous les houppiers et les étoiles. Il faut savoir parfois contempler une colonie de fourmis savourant le miellat, écouter un geai ou un couple de mésanges bleues, observer à la loupe des champignons et des lichens pour comprendre le tragique et la poésie de notre humanité. Afin de renouer avec l'enchantement et la clarté, l'homme-arbre doit couper certaines branches, s'alléger et se laisser traverser par la vie sauvage avec le stoïcisme du chêne.
« Les oiseaux, je leur dois beaucoup. Ils m'ont tant appris. Ils sont entrés en moi au cours de mon enfance et ne m'ont plus jamais quitté. A leurs côtés, j'ai développé des trésors de patience, des postures d'affût, d'attention, de quêtes : une quête de savoir, de rapprochement, et d'appropriation. Les oiseaux portent en eux l'éclat et la fragilité précaire du vivant. Ils m'ont révélé la beauté du monde, sa dimension sauvage. Toutes ces innombrables heures passées à les regarder a été à l'origine d'un attachement fort, d'un lien indéfectible qui me relie à eux, à leur mystère. Les contempler est devenu mon art de vivre. Un constant émerveillement. Un état de poésie. Un besoin vital. Partir à la recherche des oiseaux m'a permis de retrouver certains pans de ma vie... Ils m'ont fait migrer en moi-même. » Enfant, à l'école, Jean-Noël était un rêveur comme le cancre de Jacque Prévert. Il avait tendance à contempler la nature par la fenêtre. Au fil des années, il est devenu un fou d'oiseau, un guetteur, un cocheur (celui qui coche dans un carnet les oiseaux dans qu'il a vus en une année). Il nous raconte l'état de poésie permanent que lui a donné cette passion. L'oiseau de passage est l'oiseau migrateur par excellence, celui qui parcourt le monde pour échapper aux frimas de l'hiver, se reproduire dans des contrées plus hospitalières. C'est le trait d'union entre la géographie des deux hémisphères terrestres, le principal artisan aussi de l'union entre la terre et le ciel.
A l'image du martinet noir consacrant toute sa vie au vol, qui arrive en avril en Europe et repart dès le mois d'août en Afrique, l'oiseau de passage est le « satellite infime de notre orbite planétaire » (Saint-John Perse, Oiseaux). Symbole de la liberté absolue, il se joue de la pesanteur terrestre pour oublier son poids et se perdre dans l'espace aérien. Face aux turpitudes de nos existences (crise sanitaire, crise économique, crise écologique et climatique, terrorisme etc), comme il est rassurant de voir ainsi la nature perpétuer ses cycles, dans une forme de régularité métronomique, avec une incroyable force vitale, en faisant fi de nos maux et de nos blessures. Nous sommes aussi des oiseaux de passage sur cette terre.
« Un soir, témoin du départ en mission solitaire de «son» Indien, O'Reilly en était resté comme deux ronds de flan, incapable de lui poser la moindre question. Il n'avait pas été le seul. Dans la tranchée, tous avaient vite ravalé l'envie de se moquer, tant il fallait de courage ou d'inconscience pour oser gravir l'échelle et, un sac en toile de jute contenant un rapace dans une main, un couteau de chasse à la ceinture, s'aventurer dans ce que les Britanniques venaient de baptiser no man's land, expression aussi rassurante qu'inquiétante. Chacun s'était demandé ce qui poussait l'Indien à narguer la mort alors que rien ni personne ne l'y contraignait. L'ogresse prélevait son dû quand bon lui chantait, à quoi bon la défier dans les retranchements ennemis ? À moins que la seule ambition de ce diable rouge consistât à humilier les Blancs ? Allez savoir avec ces sauvages... Il était peut-être brave, mais ça restait un Indien, un pauvre bougre qui tôt ou tard finirait dans les faits divers. Car s'il en réchappait, de ses extravagances nocturnes chez les Boches, comme nombre des siens, on le ramasserait un jour dans une ruelle sordide, la paillasse trouée nuitamment par une bande de cow-boys en goguette. » Du massacre des siens à Wounded Knee aux tranchées de la Grande Guerre, en passant par l'Ouest canadien, Dès les pâlissements de l'aube conte l'épopée vengeresse d'un Indien lakota. Un roman-fresque sur la folie des hommes.
« Comme les disques de vinyle, notre mémoire a deux faces. La face A regorge des tubes du temps passé. Sur la face B sont gravées des mélodies discrètes et discordantes. » Années 1970, deux adolescents dépareillés dans une petite ville française. Zoran, d'origine croate, obsédé par les filles et les grosses cylindrées. Ponthus, timoré et petit-bourgeois. À cet âge on ne choisit pas ses amis. Les années filent sur les départementales de la vie. Ponthus part ; Zoran reste. D'un côté, la province spongieuse et rassurante ; de l'autre, Paris, désirée et redoutée. Faut-il s'engluer ou renaître ? Mais un lien unit les deux amis comme un fil électrique dénudé. Ponthus et Zoran ne se croisent plus que par hasard, irrémédiablement différents. Pourtant, ils partagent un secret. Roman de formation et des désillusions, Les Amis de passage exhume les détails et les frissons d'une amitié asymétrique. Le temps n'efface pas tout. Demeure tout ce qui nous lie, nous délie, nous relie.
Il y a d'abord Julia. Mère de deux enfants, Lucie et Antoine, devenus des adolescents de plus en plus distants et bien peu loquaces. Le jour, elle préfère se tenir loin du tumulte du quotidien, plongée dans les vies et manuscrits des autres qu'elle tente de faire obéir aux règles et contraintes grammaticales. La nuit, elle s'inquiète, incorrigible, pour les siens. Pourtant, pour eux, « tout roule », comme dirait Lucie, l'école, les amis et même « l'après » déjà tout tracé.
Et puis, soudain, Lucie sombre dans le silence. Au creux de son ventre, se logent bien des soucis, et, pour Julia, l'impensable. Pas elle, si sage, si raisonnée, si prudente. Mère et fille embarquent dans un voyage qui les conduira jusqu'à la maison-tanière de Rose, confidente, modèle et refuge de Julia depuis l'adolescence. Trois générations de femmes se retrouvent alors sous le même toit, unies par ce lien invisible entre leurs ventres, leurs peurs, leurs révoltes et ces désirs qui ne s'évanouissent jamais tout à fait.
Avec une acuité bouleversante et une finesse singulière, Coralie Bru parvient à raconter à la fois l'anodin et l'exceptionnel et à esquisser, à travers Julia, Lucie et Rose, la véritable histoire d'une filiation féminine contemporaine.
« À quatorze ans, j'ai vécu un amour répréhensible aujourd'hui. Il serait même considéré comme un crime. Je l'ai vécu comme une chance. J'aimerais l'approcher et regarder la jeune fille que j'ai été à qui la femme doit tant. » Depuis vingt-cinq ans, la narratrice gardait les lettres de M., son professeur de latin, de grec et de théâtre au collège. Aujourd'hui, la femme qu'elle est devenue exprime sa dette à son égard. L'amour aura tes yeux est le récit d'une éducation sentimentale qui renverse les stéréotypes qu'on se fait à propos de l'âge, de l'ascendant d'un homme mûr sur une jeune fille, sur ce qui est toléré et ce qui est interdit. Il chante l'amour avant tout, la disciple et son mentor étant unis par un goût immodéré pour la poésie, le théâtre. Ils sont leur idéal, leur odyssée, leur royaume de beauté. Leur rencontre est celle d'une Antigone et d'un briseur de conventions. L'histoire d'un élargissement intérieur que seul l'amour procure sans distinction d'âge ni de sexe ni de condition sociale. Ensemble, ils habiteront un no man's land placé sous le signe de l'effraction, de la détestation de toutes les formes béotiennes de l'amour. Ils joueront une partie qui les éloigneront d'un certain contexte familial et d'un monde étouffant, où la méfiance est le maître-mot.
Le livre captive, remue car il dessine la géographie d'un amour prohibé et d'une liberté qu'accompagne une volonté assumée. Il n'est pas écrit avec la morale socialement porteuse de notre temps mais avec les sentiments et sensations d'alors. Étranger à la doxa, au dogme de la victime héroïque, il célèbre le désir comme un art subtil, paradoxal et amoral.
Rome, 1975. Un vent de liberté souffle sur la ville, tout semble possible, et pourtant nos destins ne tiennent qu'à un fil, une rencontre parfois. Les vacances d'été touchent à leur fin, trois garçons des beaux quartiers rencontrent deux jeunes filles du peuple. Ils flirtent en musique dans les cafés et au volant de belles voitures. Ils boivent, fument et ne vivent que dans l'attente de la prochaine soirée. Jusqu'à ce que les garçons invitent les filles à faire la fête dans une villa somptueuse du mont Circeo, une petite cité balnéaire au sud de Rome. Là-bas, racontait-on, Ulysse et ses compagnons avaient débarqué au pied du palais de Circé et la magicienne avait ensorcelé les marins. Les hommes s'étaient transformés en porcs.
En cette belle fin d'été, sous le soleil du Circeo, le pire est arrivé. Le fait divers est resté célèbre sous le nom de « massacre du Circeo ».
Pierre Adrian convoque dans ce roman noir toutes ses mythologies : l'Italie des années de Plomb et de Pasolini, la fin de l'enfance, le temps des dernières insouciances, l'explosion des sens et la découverte des corps, la musique des années 70 et les paysages comme des décors de cinéma.
Il explore aussi la complexité des relations entre filles et garçons, la séduction quand elle bascule dans la violence, l'espoir des filles de s'élever socialement et le mépris de classe des garçons. Enfin, comme un leitmotiv tragique, il revisite les lieux et les mythes : en quoi le sort jeté par la magicienne de L'Odyssée sur le mont Circeo résonne encore en 1975 et aujourd'hui ?
Né en 1991, Pierre Adrian vit à Paris. Son premier livre, LA PISTE PASOLINI, fut couronné en 2016 du Prix des Deux-Magots et du Prix François Mauriac de l'Académie française. Son deuxième livre, DES ÂMES SIMPLES, a reçu le Prix Roger-Nimier et le Prix Spiritualité d'Aujourd'hui 2017.
Un document rare et inédit. Deux écrivains de l'Académie français, Jean d'Ormesson et Marc Lambron, dialoguent sur les Mémoires posthumes du duc Saint-Simon, coup de tonnerre dans la littérature et l'histoire de France. C'est un dialogue aussi gai que cruel sur le style, le pouvoir, la mort et la postérité de Saint-Simon, de Chateaubriand à Proust, de Claudel à Céline. Jean d'Ormesson rend hommage à ses maîtres et fustiges ses contemporains. Mais s'il rencontrait Saint-Simon, « je me tiendrais à carreau », dit-il... Il nous embarque ainsi dans une promenade littéraire pour mieux raconter Saint-Simon, et se raconte, en creux, lui-même. Saint-Simon chroniqueur vénéneux de la Cour de Louis XIV et des temps de la Régence ; Jean d'Ormesson loin d'être étranger au commerce des princes qui nous gouvernent. L'occasion d'un jeu d'entrelacs, d'entrechats et voltes littéraires, et, enfin, d'un accord paradoxal des époques : un dialogue trans-temporel du Comte d'Ormesson et du Duc Saint-Simon. On y découvre Jean d'Ormesson animé de tout son feu, qui nous transmet avec ferveur son amour indéfectible pour la littérature. Et Marc Lambron de nous livrer le requiem alerte d'une passion, l'illustration ultime d'un art national menacé. Celui de la conversation.
Tout ce que Marie-Noëlle veut, c'est être mince et belle. Elle aimerait que ses cuisses soient plus fines, que son ventre soit plus plat. Peut-être qu'alors ses parents ne se moqueraient pas de ses habitudes alimentaires lors des repas de famille, que les filles à l'école ne la traiteraient pas de laide et que le garçon qu'elle aime l'inviterait à sortir. Ce roman aussi graphique que percutant suit Marie-Noëlle de l'enfance à la vingtaine, alors qu'elle essaie de comprendre ce que signifie le fait d'être née dans un corps qui ne correspond pas aux normes de beauté de la société, à un corps qu'elle ne sait comment apprivoiser, et aimer. Marie-Noëlle Hébert plonge dans ses souvenirs d'adolescence et tente de comprendre comment elle a pu arriver à détester ce corps qu'elle habite si honteusement. Mais l'art a un surprenant pouvoir de guérison, et ce roman graphique en fait une puissante démonstration. Grâce à ce premier ouvrage bouleversant, Marie-Noëlle Hébert parvient à transformer la haine et le mépris que lui a longtemps suscités son corps en moteur de création. Porté par de sublimes images au fusain, son récit est d'un réalisme et une beauté à couper le souffle. Et alors soudain surgit la grâce, une lumière et une bouffée d'espoir.
« Ce matin de septembre 2021, un mois après la prise de Kaboul, de jeunes combattants posent pour moi, fleurs au fusil, brandissant fièrement les armes d'assaut récupérées dans l'arsenal des Américains. Pouvais-je vraiment exclure les talibans de mon projet photographique ? Je cherche à raconter visuellement l'Afghanistan en prenant pour fil rouge la relation singulière que ses habitants entretiennent avec les fleurs. La grâce des corolles, la fragilité des calices sont-elles compatibles avec le pouvoir taliban ? » Installée depuis dix ans comme photoreporter en Afghanistan, Oriane Zerah fait revivre les semaines électriques qui ont précédé la prise de Kaboul, son incroyable évacuation par les services français, son retour dans la capitale afghane après deux jours de détention « au secret » sous la garde des talibans. Elle raconte sa nouvelle vie dans l'Afghanistan de la charia, les plaies ouvertes d'un pays rendu exsangue par vingt ans de guerre, la douloureuse adaptation de la société au nouveau régime, la peur, les représailles, mais aussi l'espoir. On croisera dans ces pages, entre autres, un haut gradé taliban en veine de confidences, des cultivateurs d'opium inquiets pour leur récolte, un maître espion au service du Pakistan, des étudiantes interdites de faculté, un distillateur d'alcool clandestin, des opposants qui se cachent, des mollahs qui les pourchassent et des enfants qui trépassent. Sans oublier les Flowers Brothers rencontrés à Khost, installés dans une maison rose et qui accrochent des fleurs à leurs pakols.
Toute l'oeuvre et la vie du Dumas sont une déclaration d'amour à l'énergie, à la vitalité, à l'appétence. Grand voyageur, écrivain prolifique, amoureux généreux, sa biographie est un chef d'oeuvre monstrueux. En 1858 et 1859, Alexandre Dumas accompagné du peintre Moynet entame un périple à travers la Russie et le Caucase. Le 23 janvier 1859 ils sont en Géorgie.
Là ils font la connaissance de Vazili Mirrianof « beau et vigoureux garçon » dont la débrouillardise et l'intelligence saisissent l'écrivain. Dumas l'engage comme homme à tout faire. Bravant les obstacles Vazili participera avec son maître à l'expédition garibaldienne de Sicile et de Naples. La plupart des historiens pensaient que ce généreux serviteur était mort vers 1866. Or en travaillant l'inventaire après décès d'Alexandre Dumas, Claude Schopp son biographe, son meilleur spécialiste, découvre l'incroyable destin de Vazili Mirrianof. Non seulement il participa à toutes les péripéties de la vie de Dumas en Italie, en Méditerranée, à Paris, en Bretagne et ailleurs mais aussi ne quitta d'une semelle quand il écrivait. Après la mort de son maître sa vie va rebondir : le géorgien va épouser une normande, créer un restaurant, un casino et lancer la vogue de la station balnéaire de Puys à côté de Dieppe.
Le récit de Claude Schopp est à la fois la biographie voyageuse de Dumas et celle de Vazili, mais aussi l'histoire d'une amitié entre un maître et son serviteur, la vie hors norme d'un géorgien en Normandie.
«Pour son derniers cours au Collège de France, Antoine Compagnon s'est livré à une ultime réflexion sur la littérature, l'art, la musique à travers le kaléidoscope du mot « fin ». C'est en relisant La vie de Rancé de Chateaubriand qu'il en eut l'inspiration. Mais qu'est-ce que « les fins de la littérature » ? Cela signifie-t-il pour un écrivain de mettre un terme à son activité créatrice ? S'adonner enfin à l'oisiveté ? Ou faut-il prendre le mot au sens de crépuscule du créateur ? Un artiste est-il plus génial dans sa jeunesse ou sa maturité ? La vieillesse est elle-un déclin ou au contraire une apothéose ? Le Titien a-t-il eu raison de créer après 70 ans ? Hokusai, « le vieillard fou de dessin » estimait qu'il devrait atteindre l'âge de 110 ans pour maîtriser son art. N'existe-t-il pas un art sublime ? Un art du sublime sénile ? Les oeuvres ultimes malmènent les conventions. Elles peuvent être chaotiques, désastreuses, bouleversantes et annoncer des ruptures comme les quatuors de Beethoven. À travers des exemples allant de l'antiquité jusqu'à nos jours, Antoine Compagnon se livre à une réflexion sur la place de la vieillesse dans notre civilisation et notre société. Car texte n'est pas un cours mais une Odyssée vagabonde qui digresse sur l'or du temps, la mélancolie. C'est un récit, une panoplie de toute beauté qui s'appuyant sur des tableaux est un chant du cygne - le cygne produisant son plus beau chant juste avant sa mort. Mais le chant du cygne est un mythe à l'image de la littérature. Et la littérature moderne s'est pensée comme « un champ du cygne démesuré ». « La littérature va vers elle-même, vers son essence qui est la disparition », affirmait Blanchot.
« Braqueur multirécidiviste, j'ai été incarcéré plus de vingt ans derrière les hauts murs des maisons centrales de la République. Détenu particulièrement surveillé, transféré à de multiples reprises, je connais presque toutes les prisons de France. Des mouroirs où la plupart des âmes s'aigrissent, se ferment, se replient sur elles-mêmes, pour certaines définitivement.
« Dans ce désert, j'ai trouvé l'écriture et la poésie. Elles m'ont servi de boussoles, m'embarquant pour de longs voyages, jetant des passerelles vers l'autre rive.
« Grâce à ces alliées magnifiques, j'ai le sentiment qu'au milieu du chaos est né un homme meilleur. »
2037. Réalité augmentée, trafics, crises sociales et sanitaires, agitations politicomédiatiques ont achevé de fragmenter la société française. Le bruit et la fureur dominent. Mais, une nouvelle drogue, interdite par le gouvernement, fait un malheur : le Silencio. Elle offre la quiétude, l'impression de se reconnecter avec soi-même. Seul problème : son usage répété provoque des pertes de mémoire, des symptômes similaires à un Alzheimer précoce. Pour conserver leurs souvenirs, des milliers de Français se connectent régulièrement à une sauvegarde protégée par le BlackNet, nébuleuse composée d'hacktivistes luttant contre la corruption politique. À la veille de l'élection présidentielle, où s'opposent populistes et écologistes, un ancien agent des renseignements est recruté par la candidate d'extrême-droite pour contrer l'influence toujours grandissante du BlackNet tandis que ses administrateurs chargent une journaliste et hackeuse surdouée d'enquêter sur l'élection...
« Sans qu'elle ait pu s'y préparer, elle traverse à toute vitesse une surface liquide. Elle se débat dans un fluide baveux et chaud qui lui rappelle le ventre de sa mère. Elle n'a bientôt plus d'oxygène et peine à remonter à la surface quand ses yeux croisent un regard. Son père ! » Le père de Claire s'est suicidé. Confrontée aux vérités étouffées et aux facettes douces-amères de cet homme fantasque, elle tente de faire le deuil.
Quelque part entre le monde des vivants et celui des morts, surgit soudain la voix de ce père-chimère, qui observe sa fille se démener pour le retrouver. Depuis ce territoire impalpable, il sent peu à peu Claire se rapprocher...
Dans ce premier roman sous forme d'une quête hallucinée, Jeanne Beltane raconte la perte et lui redonne chair en interrogeant la porosité des frontières entre les royaumes du réel et du sensible. Par son verbe tranchant et son goût pour l'absurde, elle nous transporte dans un univers onirique, teinté d'un humour noir salvateur.
Fendre l'immensité de la mer ou la surface d'une piscine turquoise, les vagues bretonnes ou la douceur de la Méditerranée. Nager pour le plaisir de sentir son corps appartenir au royaume liquide, tels sont les couloirs de cette philosophie de la nage à laquelle nous convie Lucas Menget. Nager, contrairement à la natation, n'est pas un sport, mais une respiration, un art de vivre. Ce précis évoque à la fois les souvenirs personnels de l'auteur, sa découverte de la nage enfant sur une plage de Bretagne, ses « bains exotiques » à Bagdad pendant la guerre, à Sorrente la nuit, en Grèce avec les dieux de la mythologie ou dans l'Amazone avec les peuples autochtones qui ne craignent ni l'eau ni les crocodiles. Il y raconte également des anecdotes récoltées lors de ses reportages journalistiques, quand, par exemple, aux jeux olympiques de Séoul la championne Muriel Hermine lui fait découvrir la natation synchronisée. Aussi intrépide que Matthew Webb - le premier homme à traverser la Manche à la nage -, l'auteur ne recule devant aucun exploit. Il n'hésite pas à refaire le parcours nautique d'Edmond Dantès, le héros du Comte de monte Christo, entre le château d'If et le quai de Marseille. Lucas Menget expose le pacte secret passé avec les piscines, devenues même un lieu de plaisir clandestin pendant les confinements et ponctue cet éloge joyeux des bassins et de la mer de références à la peinture, à la musique, à la photographie (Jacques Henri Lartigue).
Anaïs est née dans une famille pas comme les autres : entre une mère s'occupant de la mécanique et un père préférant repasser le linge. De son enfance, elle a conservé l'odeur du troène au printemps, le divorce des parents, le potager de son "pépé" , le "chemin du blé en herbe" , la plage des Dunes du Port. A 18 ans, elle part en Inde, seule, puise en elle un courage qu'elle ne soupçonnait pas et découvre le caractère sacré de la nature.
Elle. De ce premier voyage initiatique et décisif, elle tire une force pour toujours et voit naître son rêve : "cultiver son jardin" . Comme si l'errance avait provoquée chez elle le besoin de s'enraciner pour continuer à avancer. Anaïs se met en quête d'un lopin de terre. En Bretagne évidemment ! La route est semée d'embûches, mais ni l'administration, ni la misogynie du milieu agricole, ni les caprices du ciel ne lui font peur.
En accord avec ses convictions profondes, elle réalise son rêve : elle sème, cultive et invente des tisanes, telle une sorcière des temps modernes ! Anaïs apprend le travail de la terre, la solitude, les noms enchanteurs des herbes ; l'aubépine, l'hysope, la guimauve, la marjolaine, la sauge, le souci, l'agastache, le serpolet et la reine-des-prés, elle lit Thoreau et s'interroge sur la valeur du travail, de l'argent, de la liberté, sur le lien de l'homme à la nature, sur la beauté des gouttes de rosée sur les feuilles le matin...
Ce livre est un hymne à rêver et à aller jusqu'au bout de ses rêves, un petit guide de survie alternatif et stimulant dans un monde qui va trop vite, une réflexion sur l'écoféminisme et une célébration de la nature.
« Je connais de l'intérieur cet univers totalitaire, exterminateur. Je suis un naufragé, entouré d'ordinateurs. Je m'accroche à ce poème de Charles Juliet qui me laisse un peu d'espoir : « si tu n'as pas/ connu/le naufrage/impossible/de gagner/la haute mer/le naufrage première porte de la connaissance » Je suis devenu dépendant de mon smartphone, mon bras armé, ma croix, ma brûlure intérieure. Je me sens un exilé. Je ne joue pas Victor Hugo persécuté par l'empereur, prenant la route de Jersey puis de Guernesey. Mais je choisis la force océanique contre le nuage informatique. Nous vivons désormais en territoire occupé. J'ai l'impression d'être un collabo, un criminel envers mes enfants : je les ai laissés se faire contaminer. J'aurais dû leur apprendre ce que nous pouvons faire de nos mains et nous contenter du grec, du latin car depuis rien de nouveau sous le soleil. Tout clic informatique est une pulsion de mort. Et moi, je choisis la vie.
Nous savons qu'un complot mortifère sape nos sociétés.
Je dis et redis à mes enfants : les écrans ce n'est pas la vie. Ils détruisent le plus beau divertissement, l'ennui, le temps perdu, la rêverie. Le numérique ce n'est pas un changement technique, c'est le global deshumanisé. Il y a comme un hic. Où sont les siestes dans la chaleur grésillante de l'été et le blé en herbe, les yeux vers le grand ciel ? » Dans cet essai d'humeur, ce pamphlet contre le totalitarisme des écrans, Olivier Frébourg oppose le temps de la poésie, la beauté et la lenteur pour sortir de l'accélération du temps et de l'enfer des écrans.
Tu ne me connais pas pour la simple et bonne raison que je n'existe pas. Je suis un faux philosophe. Un philosophe inventé de toutes pièces par un auteur prétentieux qui se permet de dire ce que je pense ou ce que je fais.
Je me nomme Héractète. Un nom qui te permettra de me citer avec beaucoup de crédibilité : « Comme dirait Héractète... » et c'est toute la sagesse antique qui vole à ton secours dans une conversation où tu te trouves, il est vrai, à court d'arguments. Qui ose contredire un philosophe antique ? Dans ta tête, je porte une toge et des sandales, mais je préfère largement le survêt coton et le tee-shirt un peu sale. En revanche, je me passe de barbe, ça fait trop hipster.
Ce livre est un carnet de pensées couchées sur papier au gré de mes inspirations : des réflexions, des aphorismes comme les philosophes aiment à les appeler, même si, dans le monde actuel, on parle plutôt de vannes ou de punchlines.
Tu peux le commencer par le milieu ou la fin, peu m'importe. Après tout je n'existe pas alors de là à avoir une influence sur tes choix...
Si tout cela ne te plaît pas, ferme ce livre et donne-le. Moi, Héractète, je suis le philosophe qui n'existe que dans la tête de ceux qui veulent bien m'y laisser entrer.
Cultivant sans vergogne sa nostalgie pour le temps passé et fasciné par cette Indonésie en pleine mutation, l'auteur nous entraîne de la grande île de Sumatra à l'archipel des Moluques en passant par Djakarta, Bornéo, Sulawesi. Un voyage de 4000 kilomètres à travers cet " archipel-monde " stratégiquement situé entre Océanie et Asie orientale, aux contrastes saisissants : le plus grand pays musulman de la planète, peuplé de 700 ethnies différentes, autant de langues, et qui pourrait devenir la 6ème économie mondiale en 2030.
L'errance de l'auteur est le prétexte à des rencontres fascinantes, mêlant fantaisie et cruauté, dans les quartiers coloniaux abandonnés de Medan, avec des ma?eux de Sumatra, des voyous des bidonvilles de Djakarta ou un avocat milliardaire roulant en Lamborghini. Tantôt sur les pas de Joseph Conrad, tantôt assistant au massacre de buf?es chez l'étonnante ethnie des Toraja, sanglantes bacchanales marquant le début des funérailles, tantôt chez les Samouraïs oubliés de la guerre du Paci?que, notre écrivain dériveur parcourt l'archipel, animé par le désir d'aller toujours à la rencontre de l'autre, à l'écoute de la polyphonie du monde, sans jamais tomber dans l'écueil d'un exotisme tapageur.
À la manière de John Irving, Paul Serge Forest signe une fresque romanesque, métaphysique et sociale au coeur du clan de Lelarge, sur la Côte-Nord québécoise. Un premier roman sous la forme d'une saga familiale, admirablement maîtrisé et singulier.
À Baie Trinité, sur la Côte-Nord du Québec, la famille Lelarge possède une très prospère usine de fruits de mer, qui fait leur fierté, leur fortune et assure l'économie de la presque totalité du petit village. À la mort de Rogatien, le chef de famille et de l'entreprise, Robert, son aîné, en reprend les rênes, bien décidé à faire florir leurs affaires au-delà des frontières. Le Japon convoite justement leur abondante production pour remplacer ses approvisionnements irradiés par la catastrophe nucléaire de Fukushima. Flairant la manne, Robert conclut un contrat colossal avec le Conglomérat des teintes, couleurs, pigments, mollusques et crustacés d'Isumi.
Survient alors Mori Ishikawa, un mystérieux Japonais envoyé par le Conglomérat pour superviser la production, venant troubler l'apparente quiétude de la bourgade à l'écosystème déjà fragilisé par l'expansion de l'usine. Très vite, l'étrange personnage fait battre le coeur de Laurie, la fille cadette mélancolique et rebelle de Robert, en pleine quête adolescente d'elle-même et de sa place dans cet univers étriqué. À mesure que grandit l'attrait irrépressible de Laurie pour le jeune homme, une vague d'événements bizarroïdes survient aux alentours du village. Elle découvre l'« Ori », une nouvelle couleur et toxine indescriptible dont Mori détient le secret, et ne tarde pas à comprendre le danger qui rôde autour de ce garçon énigmatique. Cette toxine lumineuse s'apprête à changer le cours de l'histoire de Baie-Trinité, et bien au-delà encore...
En plein désert, un géologue rencontre la princesse Greta qui débarque sur terre et lui dit d'un ton farouche et impérieux: "Dessine-moi une chauve-souris!" La princesse Greta vit sur une minuscule planète, 100% bio où la ouche d'ozone est très pure. Mais des insectes menacent ses plants de quinoa et seule une chauvesouris peut les chasser de façon éco-responsable.
Mais avant d'arriver sur terre, Greta a fait escale sur différents astéroïdes : l'astéroïde Charlie (Chaplin) l'astéroïde Ernesto (Guevara), l'astéroïde Frank (Sinatra), l'astéroïde, Karl (Marx), l'astéroïde Nelson( Mandela), l'astéroïde Janis (Joplin), l'astéroïde Albert (Einstein).
A chaque fois s'établit un échange piquant sur l'esprit d'enfance, le capitalisme, la révolution, la violence, le rock, la méchanceté des hommes, la nature. Jusqu'au jour où la princesse rencontre un pangolin, animal hautement philosophique, menacé par la race humaine, qui lui enseigne le langage du coeur et de l'amour.