Il y a des images propres à représenter la honte et, à côté, des images éhontées, enfin des images qui éprouvent, en leurs plis, la honte.
Dira-t-on que notre culture se plaît à jouer avec l'impudeur, l'opprobre, l'abjection ? Cherche-t-elle à les piéger ou à les exalter ? Que signifie la tentation du snuff movie : ces films " interdits " qui veulent capter le travail du trépas sur les visages ou dans les postures ultimes, et ainsi porter atteinte à ce qui est au plus profond de l'être, à l'identitaire ? C'est de " la gale de la psyché ", de l'esthétique du laid devenu " trash ", " destroy ", apologie de l'immonde qu'il est ici question.
" Rougir de honte " est devenu désuet, quand, aujourd'hui, on peut " mourir de honte " à force d'humiliations ou d'affronts existentiels. La " machine à faire la merde " de Delvoye, les anatomies falsifiées de condamnés à mort dues à G. von Hagens mettent en scène l'homme-détritus, alors que d'autres artistes, se confrontant à la terreur de la psychose ou aux images du Goulag, voire d'Auschwitz, " cet anus du monde ", parviennent, quant à eux, à sublimer le sordide en tragique.
Sont étudiées ainsi parmi beaucoup d'autres les oeuvres de plasticiens (Zoran Music, David Nebreda), d'écrivains (Chalamov, Tisma), de cinéastes (Bela Tarr, Fassbinder, Haneke, etc.). Aux multiples domaines de l'art s'appliquent les diverses interrogations propres aux sciences humaines : histoire des mentalités, esthétique, psychanalyse. Les réponses semblent contrastées : perte des repères, absence d'idéal, violence contenue dans l'acte de voir, déni de la honte, valorisation du passage à l'acte, transparence de l'intime.
En définitive, y aurait-il une émotion spécifique aux images honteuses ? Quels en seraient alors le destin et la fonction ? M.G.
Lieu d'où ressort une puissance de métamorphoses, le seuil ouvre l'image au déséquilibre. Cet ouvrage met en évidence les différentes identités de l'entre. Y sont saisies des organisations spécifiques de l'intermédiaire : de la peinture (Veneziano, Botticelli, Vermeer, La Tour, Rembrandt, Music, Velickovic) à la poésie (Bonnefoy, Jabès), de la photographie (Alain Fleischer, Jeff Wall) aux installations (Christian Boltanski) et au cinéma (Bergman, Antonioni, Sokurov, Claire Denis). Des oeuvres filmiques contemporaines (Kiarostami, Lars von Trier, Wong Kar-Wai) précisent les caractéristiques actuelles d'une écriture du seuil. Perçu comme un " lieu " à part entière, le seuil dévoile sept fonctions, de même qu'il devient un outil heuristique pour penser l'image.
Les images limites exposent les différents domaines de l'art aux problématiques ardues du seuil, de l'entre-deux, du manque comme de la butée. Mais camper sur la limite est aussi l'occasion de vertiges. Sont interrogés l'originel (nuit utérine, scène primitive), propre à conférer sa temporalité à l'image des tout débuts, et l'originaire qui en marque le fondement structural. Les bornes de l'image, lieux tantôt de néo-création, tantôt épreuves du désert, retiendront l'attention. Les sciences humaines telle l'épistémologie, la psychanalyse, l'esthétique, la philosophie, la traductologie, apportent rigueur et lumière à ces études saisissantes sur Lars von Trier, Resnais, Suwa, Guy Debord, ou Flaubert, Jabès, Claude Simon, ou encore Böcklin, Robson, le bio-art, etc..