Avant le temps des ministres-favoris de l'époque baroque, les rois de l'Europe médiévale ont compté dans leur proximité sur l'assistance de personnages souvent vus comme leur préfiguration. Appelé « privauté » (privanza), ce phénomène a pour fondement le choix de l'amitié contre la parenté. Ainsi, pour se libérer de ses parents et de ses barons, qui entendent exercer une emprise sur sa royauté, le roi lance ses privados. Néanmoins, si ceux-ci oeuvrent donc à une expulsion, ils organisent dans le même temps une participation alternative et plus large au gouvernement du roi. Dans la Castille de la fin du Moyen Âge, ce phénomène se distingue par une continuité particulièrement propice pour interroger sons sens historique : réalisé sur le terrain idéologique à partir du milieu du XIIIe siècle et devenu stratégique à partir du début du XIVe siècle, le choix de la privauté est à la base d'un régime politique marqué par la distinction entre gouvernement et souveraineté. Cet essai envisage à nouveaux frais ce moment fondateur de l'expérience médiévale du pouvoir d'État.
Connecté à la fois à l'Orient, l'Afrique subsaharienne et la Méditerranée, le Maghreb islamique s'insère entre le VII e et le XV e siècle dans des réseaux complexes qui donnent à ses ports un rôle croissant dans les échanges commerciaux, mais aussi plus largement dans la structuration de l'espace. L'analyse des sources arabes et latines permet ainsi de montrer l'évolution des réseaux à différentes échelles, d'abord dans un espace centré sur les pays d'Islam, puis à partir du XIe siècle dans une économie-monde élargie à l'Europe latine. Le pouvoir politique, comme les acteurs économiques, développent alors des stratégies s'adaptant à l'évolution des réseaux à l'échelle mondiale, qui font des ports des pôles et des centres de gravité essentiels de l'espace maghrébin, sur le plan tant politique qu'économique.
Dépassant l'approche limitée à une simple étude de l'imaginaire mythique et merveilleux du détroit de Gibraltar, lieu des confins du « monde habité », ce livre explore de nouvelles sources et croise les regards qui se sont posés sur cet espace : regards des mythes, revisités par les textes médiévaux arabes et latins ; regards de savants, voyageurs et marins ; regards aussi des pouvoirs qui ont tour à tour contrôlé, ou tenté de le faire, ce seuil essentiel entre Méditerranée et Atlantique, entre Europe et Afrique, entre monde chrétien et monde musulman. Il est proposé ici une étude diachronique de l'image que renvoie le détroit de Gibraltar depuis la présence romaine jusqu'à la fin de la Reconquista.
Au sortir de la guerre civile catalane de 1462-1472, Barcelone, principale cité de Catalogne et grand port méditerranéen, entre dans une phase de reconstruction. Le roi Ferdinand le Catholique transforme les modalités d'entrée au gouvernement municipal, formalise l'accès à la noblesse et implante dans la ville une nouvelle Inquisition sous contrôle royal. Affecté également, le haut clergé cherche sa place, et les chanoines de la cathédrale en particulier tâchent d'assurer leur implantation au sein des pouvoirs urbains en recomposition. Au croisement de l'histoire canoniale et de l'histoire urbaine, cette étude montre comment, au-delà de leurs attributions religieuses, évêques et chanoines, pleinement intégrés à l'élite dirigeante de la ville, sont amenés à jouer un véritable rôle dans la vie publique d'une cité en pleine mutation.
Entre 1569 et 1589, l'Espagnol Alonso de Ercilla et le Portugais Jerónimo Corte-Real composèrent une série d'épopées, liées aux Lusiades de Luís de Camões (1572), au fil desquelles émerge un modèle partagé de narration épique dans une étroite relation intertextuelle. D'une part, la comparaison de ces poèmes avec les chroniques révèle une mimésis formelle destinée à autoriser ces récits en vers en adoptant de certains traits de l'histoire en prose. Ainsi, les deux poètes opèrent un rapprochement entre récit d'histoire et récit héroïque qui construit un même regard critique sur les profonds changements qui accompagnent l'expansion territoriale espagnole et portugaise et la réunion des deux couronnes en 1580. D'autre part, en reflétant les mêmes motifs et en se répondant d'un texte à l'autre, Ercilla et Corte- Real forgent sur deux décennies un patron narratif ibérique qui rompt avec le modèle du Roland furieux avant que celui du Tasse ne s'impose dans la péninsule.
Ce livre examine les fondements historiques et scripturaires de l'idéal de pureté partagé par les juifs et les chrétiens à la fin du Moyen Âge en péninsule Ibérique. Le croisement des sources théoriques et des documents de la pratique, des sources latines, hébraïques et vernaculaires met en évidence la façon dont ce thème majeur de la littérature biblique et talmudique s'est perpétué à travers les siècles et a eu des incidences nombreuses sur la vie quotidienne des hommes au XVe s.
La réflexion débouche sur des questions centrales pour l'histoire de la minorité juive en péninsule Ibérique : le passage de l'antijudaïsme à l'antisémitisme, l'apparition du concept de race, la prépondérance du sang dans l'assignation à une identité, le poids de l'accusation de crime rituel, l'incrimination des non chrétiens dans une société Ibérique de plus en plus exclusive, la discrimination et la ségrégation pour s'en protéger jusqu'à l'expulsion.
Des portraits. Voilà ce qui vient à l'esprit du spectateur lorsqu'il voit les séries de saintes vierges et martyres de l'atelier de Zurbarán. C'est de cette impression que naît la réflexion conduite ici sur des saintes qui font l'objet d'un culte ancestral. Pour être en mesure de définir l'image de ces figures tant sur le plan de l'histoire locale que sur celui de l'histoire nationale, divers parcours géographiques et de multiples changements d'échelle sont nécessaires. Car ces saintes constituent un ensemble à la fois hétérogène et homogène, une ambivalence que cette étude ne cherche pas à réduire. Partant du principe que le culte est inséparable de l'image, l'ouvrage s'appuie sur des oeuvres écrites et sur des centaines de représentations iconographiques. L'auteur envisage de manière concomitante la mise en scène de ces saintes, leur mise en récit, en mots, en peinture, dans l'Espagne de Philippe III et de Philippe IV.
Ce livre se propose comme une contribution à l'analyse du goût pour l'« oriental » dont témoigne la plupart des sociétés du Bassin méditerranéen au début du Ier millénaire av. J.-C. La démarche s'appuie sur l'établissement du corpus iconographique pour la péninsule Ibérique, thème par thème, et en mettant en avant aussi précisément que possible les ressemblances et les différences entre les images trouvées dans le sol péninsulaire et les « modèles » orientaux. L'exercice de rassemblement, d'ordonnancement et de comparaison iconographique débouche ensuite sur une réflexion consacrée d'une part à l'iconologie et d'autre part à l'échange d'art et de styles dans le cadre des relations entre Orient et Occident méditerranéens, du VIIIe au VIe siècle av. J.-C. Il conduit à une réflexion sur la contribution de la composante indigène au processus de diffusion et de diversification des arts orientalisants, l'innovation procédant tout autant de facteurs internes que d'apports externes. Images hybrides du point de vue thématique, hybrides aussi du point de vue stylistique, ces mélanges constitueront l'essence de l'art ibérique, bien au-delà de cette création d'un Orient d'Extrême Occident.
Le corps du génie militaire espagnol comme apparaît comme un élément moteur un modèle de la des politique militaire du réformiste de la dynastie du redressement militaire et économique du pays, et modèle d'une armée nouvelle par son recrutement fondé sur la compétence scientifique et technique.
La polyvalence de ce corps en un instrument indispensable à la politique de défense de l'Etat, mais aussi à la centralisation monarchique et au despotisme éclairé. Malgré une certaine constance du recrutement d'étrangers, les critères d'hispanité, de noblesse et de formation choisis par le pouvoir affirment la volonté de constituer un corps national d'élite scientifique militaire. Les multiples interventions ingénieurs en font des propagateurs d'une architecture militaire et civile néo-classique, des diffuseurs du savoir scientifique et des créateurs de la notion de territoire national.
Si les historiens se sont intéressés depuis une trentaine d'années aux pratiques alimentaires du Moyen Âge, rares sont les travaux consacrés à la représentation de la nourriture dans la littérature médiévale de la Péninsule ibérique et de la France. L'histoire sociale de l'alimentation existe certes, mais l'histoire littéraire reste à inventer.
Qu'elle oscille entre abondance ou privation, entre condamnation ou exaltation, entre esthétique romanesque ou discours politique, entre effet de liste ou effet de suture, la nourriture dans la littérature du Moyen Âge pose la question de l'oralité et du discours autour de la bouche conçue comme organe de communication et de consommation.
Traités théoriques, livres de cuisine, ouvrages médicaux et textes littéraires témoignent de cet intérêt porté à la table du Moyen Âge, table réelle ou table imaginaire, associant à l'esthétique des mets la poétique des mots.
À travers des études monographiques, comparatistes et linguistiques, ce volume tente d'en rendre compte dans un dialogue entre histoire de l'alimentation et études littéraires.