Des chercheurs spécialistes de l'Afrique du Nord et du Proche-Orient s'attaquent à l'énigme des « monuments à auges » en croisant les données de l'archéologie, de l'architecture et de l'histoire économique et religieuse de l'Antiquité tardive.
Il est exceptionnel dans l'archéologie de rencontrer des édifices au plan complexe et organisé, construits avec soin, mais dont l'usage échappe encore : c'est pourtant le cas dans l'Afrique romaine du groupe tardif des « monuments à auges », que l'on désigne par une de leurs caractéristiques structurelles, faute d'en connaître la fonction. Leurs cuves en pierre, largement répandues dans le monde romain, offraient de multiples possibilités : elles sont ainsi banales au Proche-Orient dans les étables ou les écuries. Les contributions réunies dans ce volume, explorant diverses régions méditerranéennes, passent en revue les différents milieux dans lesquels apparaissent ces éléments - contextes ruraux, commerciaux ou liés aux distributions de denrées par l'État ou l'Église - et laissent entrevoir plusieurs hypothèses d'interprétation.
Cet ouvrage propose une réflexion renouvelée autour du thème de la pauvreté au Moyen Âge en Europe méditerranéenne (IXe-XVe siècle) afin de saisir les phénomènes économiques et sociaux la caractérisant. Les processus d'appauvrissement, la pauvreté laborieuse, les attitudes institutionnelles et personnelles face à la pauvreté et la culture matérielle qui lui sont associées forment le fond des études proposées. Sont également questionnés les rapports que la pauvreté entretient avec le travail, les liens qu'elle contraint à nouer ou à dénouer et quelles stratégies de survie sont développées par celles et ceux qui, pour une raison ou pour une autre, y sont tombés.
L'expérience et la culture de la guerre au Moyen Âge étudiées à partir de récits biographiques de la noblesse castillane.
À partir des chroniques nobiliaires d'époque trastamare, cette étude cherche à établir comment la guerre était vécue et racontée en Castille au XVe siècle. Les deux premiers chapitres portent sur les conditions de production de ces textes, et abordent les problèmes posés par la mise en récit de l'expérience vécue. Les trois suivants montrent que la culture de guerre est alors largement partagée au sein de la noblesse, sans considération de genre ni de statut : femmes et clercs n'en sont pas exclus. En revanche, le discours sur la guerre construit une forme d'exclusivité nobiliaire qui se manifeste dans le traitement narratif réservé aux combattants roturiers. Le dernier chapitre aborde enfin le combat dans une perspective anthropologique, en s'attachant au corps et aux émotions du guerrier.
Le littéraire et le politique noués sur 40 ans d'histoire cubaine à travers l'évolution d'un groupe de 15 écrivains, depuis leurs débuts dans la revue El caimán barbudo jusqu'à la dissidence, l'exil ou le choix de rester sur l'île, dans les années 1990.
En 1966, sept ans après l'avènement de la révolution cubaine, un nouveau groupe poétique naît autour de la revue El caimán barbudo affiliée au parti communiste de Cuba. Leur écriture est turbulente, originale, alliant adhésion au pouvoir et prise de distance ludique. L'évolution de la liberté d'expression à Cuba, le retentissement national et international de leurs oeuvres, pousseront certains sur le chemin de l'exil et de la dissidence, d'autres à trouver une voie singulière sur l'île. En 1996, une dernière tentative de réunion du groupe à travers les pages de la revue madrilène Encuentro de la cultura cubana redessine encore leurs liens. Croisant études littéraires et sciences sociales, ce livre retrace l'histoire inédite de ce groupe durant la seconde moitié du XXe siècle et analyse la manière dont la littérature se réinvente au gré des bouleversements politiques.
L'histoire des "mozarabes" a suscité des débats acharnés, mais qui convergent vers l'image d'une communauté fossile, maintenue sous perfusion après le le siècle. Pourtant, la geste des martyrs de Cordoue ne constitue pas le chant du cygne, mais au contraire l'origine même du mozarabisme en péninsule Ibérique. La formation d'une culture arabo-chrétienne dans la seconde moitié du IXe siècle témoigne de l'avancée du processus d'islamisation, mais aussi de la profondeur de l'arabisation dans la société.
Cet ouvrage s'interroge sur l'échec de ce mouvement d'acculturation, qui se mesure au rôle social et culturel marginal que joue le christianisme arabisé en al-Andalus à partir du XIe siècle. Parmi les facteurs d'explication avancés, des migrations continues disséminent dans les terres de marges du nord de la Péninsule des noyaux de populations chrétiennes arabisées, contribuant à faire de cette "situation mozarabe" un phénomène transfrontalier, prolongé à Tolède jusqu'au XIVe siècle.
Le terme « Berbère », qui désigne la population du Maghreb au moment de la conquête islamique, renvoie à l'idée du caractère autochtone de cette dernière. Cette altérité coexiste cependant dans les textes avec la revendication du caractère oriental des Berbères, à travers l'élaboration de généalogies fictives des tribus, qui présente le Maghreb comme orientalisé avant même la conquête. Mais cette construction s'est accompagnée, très vite, d'un discours des auteurs maghrébins qui revendiquait la place originale et éminente des Berbères face aux Orientaux dans le plan divin, par une inversion assumée des polarités de l'Islam et des hiérarchies des peuples musulmans. Les études réunies dans ce volume analysent cette tension permanente dans le discours, entre la revendication d'une origine orientale et celle d'un rôle éminent des populations musulmanes du Maghreb dans le destin de l'Islam.
Ce livre traite d'un thème central pour comprendre les vastes empires ibériques entre les XVIe et XVIIIe siècles : la distance. Il n'est pas seulement question de l'éloignement qui séparait physiquement les hommes et les femmes qui vivaient dans les territoires portugais ou espagnols (européens et d'outre-mer). Les distances étaient plurielles car les différences sociales, culturelles et politiques étaient beaucoup plus présentes que les similitudes.
Comment les agents ont-ils perçu et conçu les distances ? Comment les ont-ils vécues concrètement et comment ont-ils gouverné pour surmonter les nombreux obstacles qu'elles imposaient ?
Le temps et l'espace étaient les horizons de Bartolomé Bennassar : la profondeur historique de l'histoire espagnole, les grandes terres de l'Amérique latine. Comme tout pérégrinant, il écrivait ses voyages, mais avec une plume double : celle de l'écriture romanesque - l'un de ses romans a connu une adaptation au cinéma - et celle de l'historien. Il nous livre dans ce petit ouvrage la quintessence d'un itinéraire humain et intellectuel : de la découverte de la discipline qui sera la sienne, l'histoire, à sa carrière, scandée au rythme de la publication d'une oeuvre historiographique importante, de spécialiste attentif des évolutions du monde hispanique, sans oublier la passion de l'enseignement qui inlassablement l'emmène avec ses étudiants sur les routes des Andes.
Les réformes bourboniennes du règne de Charles III dans des domaines essentiels (fiscalité, administration, commerce, relations inter-ethniques) ont amené des modifications profondes, bouleversé de vieux équilibres séculaires et suscité partout dans l'Empire espagnol de très vives réactions dans les divers secteurs sociaux. À partir des relations entre l'exercice du pouvoir et la société, ce livre brosse un panorama d'ensemble de l'histoire des Indes d'Espagne au tournant des XVII e et XVIII e siècles, une période qui n'avait guère suscité de recherches et, pourtant, un moment charnière entre l'essoufflement d'un modèle colonial et l'imposition d'un autre plus moderne et fondé sur d'autres valeurs politiques. Il présente aussi un état des lieux de la recherche avec des synthèses bibliographiques et historiographiques.
Avant le temps des ministres-favoris de l'époque baroque, les rois de l'Europe médiévale ont compté dans leur proximité sur l'assistance de personnages souvent vus comme leur préfiguration. Appelé « privauté » (privanza), ce phénomène a pour fondement le choix de l'amitié contre la parenté. Ainsi, pour se libérer de ses parents et de ses barons, qui entendent exercer une emprise sur sa royauté, le roi lance ses privados. Néanmoins, si ceux-ci oeuvrent donc à une expulsion, ils organisent dans le même temps une participation alternative et plus large au gouvernement du roi. Dans la Castille de la fin du Moyen Âge, ce phénomène se distingue par une continuité particulièrement propice pour interroger sons sens historique : réalisé sur le terrain idéologique à partir du milieu du XIIIe siècle et devenu stratégique à partir du début du XIVe siècle, le choix de la privauté est à la base d'un régime politique marqué par la distinction entre gouvernement et souveraineté. Cet essai envisage à nouveaux frais ce moment fondateur de l'expérience médiévale du pouvoir d'État.
La décoration intérieure au XVIIIe siècle n'a guère laissé de traces matérielles et l'étude de ses sources est également rare. À ce titre, le projet décoratif des appartements de la duchesse d'Albe élaboré par le marchand de soies et décorateur François Grognard pour le palais de Buenavista à Madrid (1792) représente un témoignage précieux et original, écrit sous la forme d'un voyage pittoresque et de lettres à caractère poétique. Ce récit est accompagné de la transcription annotée de sa correspondance manuscrite, de trois études sur Grognard, le palais de Buenavista et l'activité des décorateurs madrilènes à l'époque moderne,.et d'un glossaire historique de termes textiles.
Ce livre examine les fondements historiques et scripturaires de l'idéal de pureté partagé par les juifs et les chrétiens à la fin du Moyen Âge en péninsule Ibérique. Le croisement des sources théoriques et des documents de la pratique, des sources latines, hébraïques et vernaculaires met en évidence la façon dont ce thème majeur de la littérature biblique et talmudique s'est perpétué à travers les siècles et a eu des incidences nombreuses sur la vie quotidienne des hommes au XVe s.
La réflexion débouche sur des questions centrales pour l'histoire de la minorité juive en péninsule Ibérique : le passage de l'antijudaïsme à l'antisémitisme, l'apparition du concept de race, la prépondérance du sang dans l'assignation à une identité, le poids de l'accusation de crime rituel, l'incrimination des non chrétiens dans une société Ibérique de plus en plus exclusive, la discrimination et la ségrégation pour s'en protéger jusqu'à l'expulsion.
Est-il possible de parler de sécularisation en Espagne avant que cette notion n'ait une existence juridique et constitutionnelle effective ? Durant la période traitée par l'ouvrage, 1700-1845, le principe de sécularisation du politique fait l'objet de multiples blocages, et l'idée même de sécularisation est débattue. Cependant, un processus de sécularisation sociale et culturelle semble être à l'oeuvre en parallèle : l'influence sécularisatrice des idées des Lumières entraîne des changements sociaux et de nouvelles pratiques culturelles, scientifiques et artistiques, même au sein de l'Église.
L'histoire de l'intendance hispano-américaine ne peut se faire sans l'histoire des hommes qui la gouvernent. Au-delà des données biographiques classiques, cet ouvrage se penche sur leur environnement familial, social et professionnel. Son originalité réside dans la composition du groupe étudié. Il recense l'ensemble des intendants de la vice-royauté de la Nouvelle-Espagne entre 1764 et 1821 quel que soit leur mode de nomination, qu'ils soient entrés ou non en charge. Il est le seul à étudier les intendants de cette aire géographique dans toute son intégralité territoriale (Nouvelle-Espagne, Guatemala, Louisiane, Cuba, Porto Rico, Philippines).
L'étude de l'architecture et du décor des couvents mendiants médiévales a été profondément renouvelée pour orienter la réflexion sur la manière dont ces éléments reflètent des enjeux fonctionnels, sociaux et symboliques et, dans la vague des « gender studies », pour s'interesser aussi aux établissements de moniales liés aux familles mendiantes. En se concentrant sur l'ordre dominicain, ce volume applique ces nouvelles perspectives à l'espace ibérique.
La transition vers la démocratie occupe une place de choix dans l'imaginaire espagnol. Miroir positif de la tragédie représentée par la Guerre civile de 1936-1939, vantée à l'extérieur comme un modèle à suivre, cette transition est devenue en Espagne un mythe fondateur. Réputée pacifique, elle n'aurait pas, ou peu, fait couler le sang. Ce livre souligne pourtant le contraire. À partir de données inédites, il conclut à l'existence d'un cycle de violences qui, loin d'être à mettre sur le seul compte de l'ETA, est imputable à des protestataires de tous bords ainsi qu'aux agents de l'État parfois enclins à la bavure. Cet ouvrage se penche sur les motivations et les pratiques des acteurs ainsi que sur la réforme du système répressif franquiste, entachée par le recours à la torture ou à la « guerre sale » contre un terrorisme croissant. Il décrypte en outre le poids des imaginaires dans une Espagne traumatisée par un passé douloureux que réactive la violence du présent. Ainsi, en replaçant la violence et sa mémoire au coeur de l'analyse, il contribue à renouveler l'interprétation de cette période clef de l'Espagne contemporaine.
À partir de la trajectoire de l'auteur jésuite Pedro de Ribadeneyra (1526-1611), à la fois personnalité centrale de la Compagnie de Jésus et écrivain réputé de son temps, cet ouvrage examine les rapports complexes entre écriture, institution religieuse et pratiques littéraires afin d'interroger la figure de l'écrivain religieux au Siècle d'or.
Ces recherches, qui se proposent de revoir l'histoire religieuse au prisme de l'histoire culturelle et sociale, illustrent comment la Compagnie de Jésus, institution multipolaire dont le mode d'articulation reposait sur l'écrit - à la fois moyen de négociations et d'ajustements constants - sut s'adapter continuellement pour devenir un acteur clé de la première modernité.
À l'apogée du califat de Cordoue au milieu du Xe siècle, plusieurs établissements ruraux ont été fondés dans la vallée de l'Èbre pour accueillir et regrouper des communautés rurales dans le but de mettre en exploitation des terres à vocation céréalière, dont une partie des productions approvisionnait les centres urbains régionaux tels que Huesca. L'une de ces habitats, associé à une mosquée, était Las Sillas à Marcén, un site archéologique qui a fait l'objet d'une série de campagnes de fouilles minutieuses. Celles-ci ont permis de dresser un nouveau panorama du monde rural d'al-Andalus au cours des Xe et XIe siècles.
La valeur esthétique et éthique reconnue au trait d'esprit dans l'Espagne du Siècle d'or modifia en profondeur les formes de la facétie littéraire ainsi que son statut artistique. Poésie savante et souvent érudite, poésie où l'on rencontre les personnages les plus ridicules mais aussi les héros de la mythologie, poésie où la facétie paraît parfois le disputer à la réflexion contenue, le burlesque doit surprendre un lecteur invité à relever le défi interprétatif lancé par le poète. Les mille détours empruntés pour formuler le bon mot sont autant d'énigmes offertes à la sagacité du lecteur et à sa complicité. Laisser entendre sans tout à fait dire, laisser entrevoir sans montrer directement, surprendre par l'obscénité du trait ou sa profondeur constituent autant d'objectifs assignés aux poètes burlesques du XVIIe siècle. Il existe dans leurs oeuvres un ensemble cohérent de procédés qui constituent une véritable poétique, que cet ouvrage entreprend d'établir et d'interpréter.
Cet ouvrage porte sur les «plèbes urbaines», groupe hétérogène dans lequel se retrouvent les castas mais aussi la foule des Indiens ladinos et des Espagnols déclassés. Cette définition mène à analyser la question de la stratification sociale à travers un double filtre, socio-économique au niveau de la réalité quotidienne et socio-raciale au niveau des représentations et des sensibilités. Une telle approche induit non seulement un questionnement sur la constitution de la société coloniale mais introduit aussi la notion du discours sur autrui, autant de problèmes qu'il faut résoudre en confrontant la réalité coloniale, le vécu des «plèbes urbaines» et le discours dont elles font l'objet.
L'enquête, fondée sur un dépouillement systématique de fonds d'archives mexicains, permet de mieux prendre la mesure des dynamismes, de la fluidité et de la grande instabilité qui affectaient ces sociétés minières. C'est ainsi que l'on peut révéler une société infiniment complexe et mouvante, une véritable mosaïque sociale.