L´homme a rejoint la femme, s´est assis dos aux spectateurs, face à elle. Elle, ivre de désir et d´alcool, ivre d´envies et de mots, tourne autour de lui. Parle beaucoup. Crie, murmure, crache et avale son amour. Dégouline de mots quand lui en est avare.
Elle va lui faire l´amour, c´est sûr. Le déshabiller, même s´il refuse.
Mais avant, elle boira une bière supplémentaire.
Exclus de leur société d´origine, déracinés, insulaires, six personnages à la mémoire commune constituent l´équipage de ce bateau qui erre au milieu de l´océan. Quête d´identité, ruptures, recherche de la vérité, apprentissage de la vie commune...
La Nef, simple référence au chef-d´oeuvre de la littérature médiévale, traduit les errements d´une société malade. Ce huis-clos théâtral s´achèvera le jour où le navire accostera quelque part...
Il était une fois sur une ligne d´autobus un très sérieux égyptologue ; il lui arrivait pourtant de ne pas se comporter tout à fait sérieusement. Terminus Chez Louise, tout le monde descend ! Et le roman devient réalité pour l´homme en gabardine et pour l´enfant du quatrième étage gauche. Peu à peu, au fil du jeu, ils reconstruisent la vie imaginaire de Louise, de son café, de ses clients et de ses chats ; elle les mènera peut-être, un jour, jusqu´au bout de leur ligne.
Canada, 1896. C´est la Ruée vers l´or, et le Directeur général de la Compagnie du Grand Nord compte bien en profiter. Il organise, sous couvert de transport de courriers et de vivres, un trafic d´or dans des traîneaux à double-fond. Le Chef de convoi, grassement rémunéré, est en charge de faire parvenir à destination ces traîneaux surchargés, au péril de la vie de ses subalternes.
Un fils et sa mère se retrouvent quarante ans après l´aventure commune de la naissance. Il est savant, marié, et père, à son tour, d´une petite fille qu´il ne se lasse pas d´admirer. Elle est âgée, maintenant, craint la mort et attend à chacune de ses visites qu´il lui apporte le comprimé miracle.
Différents stades de la vie, l´occasion de revenir sur l´enfance, la famille, et de chanter à nouveau cette comptine qui calmait le fils, jeune.
Évidemment que c´est la peste. En voici donc les dernières nouvelles, on n´est jamais trop prudent. La peste donc, mais d´abord une peste, peu importe laquelle. Les références viennent principalement de chez Daniel Defoe, la peste de Londres de 1665, mais ce n´est pas l´essentiel, ce qui compte c´est elle...
Avec sa logorrhée délirante, l´auteur jongle avec dialogues et choeurs, rumination obsessionnelle, foison de personnages et de situations. Par ce saut d´Aristophane à Chartreux, c´est tout l´univers athénien qui se rapproche de nous à toute allure. Le citoyen Pistétairos et son invraisemblable équipée chez les oiseaux se met alors à ressembler comme un frère à nos modernes démagogues.
La Cité des Oiseaux est le troisième volet de la trilogie grecque imaginée par Jean-Pierre Vincent. D'après Aristophane
Sur une route de campagne, le camion du déménageur tombe en panne. Emma, la vieille Juive, se fait installer quelques meubles sous les cerisiers en fleurs. Elle tient " salon imaginaire " quand un jeune Gitan la surprend. Ils se flairent, ils se maudissent. Ils n´ont décidément rien de commun. Pourtant quelque chose les rapproche. Est-ce le hurlement lugubre du Kapo, l´appétit de vivre de la jeune Emma, les plaintes de l´Ours ? Ou des yeux derrière des barbelés ?
Les accents les plus insolents mais aussi les plus heureux de la comédie animent cette pièce incantatoire contre l´oubli.
Anna, une jeune veuve, est enfermée chez elle. Dans un autre appartement, une adolescente, Didi Bonhomme, est privée de week-end par ses parents. John, le concierge, tient le rôle de gardien.
Trois personnages qui composent ce court monologue à plusieurs voix : un rêve éveillé, une fable sur l´écriture, la faute et l´emploi du temps.
Une femme cache à son frère la mort de sa femme. Pour lui éviter le chagrin, elle feint de soigner la malade dans une chambre où il est interdit d´entrer. Chacun est figé sous le regard de l´autre, chacun joue son rôle et parfois son contraire.
Aimer et trahir, réconforter sans exaspérer : comment l´homme peut-il échapper à la douleur ?
Josette Féral suit comme spectatrice les créations du Soleil depuis le début. "Peut-on dresser un monument à l´éphémère ? s´interroge Ariane Mnouchkine avant de poursuivre : tout livre sur le théâtre est un peu un monument".
Le texte de Josette Féral et les deux longs entretiens avec Ariane Mnouchkine nous font pénétrer de plain-pied dans la pratique artistique du Théâtre du Soleil où prévaut le comédien et sa capacité d´imagination, le travail corporel et gestuel, l´importance des sources orientales du théâtre et cette émotion si forte que tout spectateur du Soleil a un jour ressentie.
Un livre rare, qui témoigne d´une aventure théâtrale et humaine unique, commencée il y a trente ans.
Un orchestre commence à répéter en vue d´une audition pour représenter l´Algérie au festival de musique de Genève. Leur chef est un maestro pas comme les autres : il dirige ses musiciens à coup d´images et d´odeurs comme autant de repères pour trouver le tempo et jouer une partition digne de leur pays. Répétition qui sera interrompue par des aspects plus crus de la vie algéroise, attentats ou explosions...
Un bel ensemble enlevé, très contrasté, efficace. Un authentique acte de résistance.
C´est une traversée du désert en sept jours et sept nuits par six vieux comiques : Harpo Marx, Totô, Buster Keaton, Jacques Tati, Karl Valentin, Liesl Karlstadt et... une enfante. Dans Désert, désert, Jean-Pierre Renault s´empare de leurs vies à tous les six, en chair et en os, et les jette en vrai et en personne sur le théâtre. Un voyage imaginaire, avec trois cent cinquante-quatre objets, dont trois noeuds papillons... A mourir de rire.
La Révolution à bout de souffle, une nation sans tête, des assignats sans valeur et, sous les ciels brouillés du Nord, un pays délabré aux routes peu sûres.
La fin, la haine, des esprits fêlés, des coeurs corrompus, des paysans cousus d´or claquemurés dans leurs fermes fortifiées.
Voici venu le temps de François Salembier, moment d´anarchie pure entre la Terreur vertueuse et l´Ordre Buona Parte.
Christian Rullier flaire la fin du monde, la fin des mots. Toute la société se projette et se reconnaît dans une cérémonie dérisoire dont les officiants sont désignés par des numéros : le football.
Le football, voilà le théâtre de notre civilisation, voilà notre religion, ce qui nous relie, ce qui nous signifie. Finis les personnages, la fable, la psychologie, le monde tourne autour d´un ballon, donnons-lui la parole avant qu´il ne disparaisse dans les airs.
Le Père et la Mère vont se séparer, l´Enfant va devenir fille de divorcés. Au milieu de conflits qui semblent lui échapper - le nouvel amour de la Mère, le Père qui lui fait la leçon - elle fait preuve d´une lucidité et d´une folie que les parents sont trop occupés pour prendre en compte. La laissant divisée, jusqu´à ce qu´elle n´ait plus d´autre choix que de commettre l´irréparable.
Une oeuvre étrange et dérangeante.
Jean Santerre vit retiré dans une vaste demeure de la banlieue, îlot perdu au milieu de l´océan des HLM, où il essaie d´écrire son premier roman : L´homme sauvage. Il y rencontre par hasard Daniel, un jeune homme qui deviendra l´unique visiteur admis sur son île.
Jean, après s´être absenté un long mois, retrouve Daniel sur le terrain vague.
Tous deux reprennent le Jeu, là où ils l´avaient interrompu.
C´est à ce moment précis que notre aventure commence.
Attendant la mort dans un hospice, un couple d´ouvriers ressasse son passé. Après de longues années à subir les pressions d´une vie sans avoir eu le temps ni de les comprendre ni de les formuler, la parole surgit avec une force inattendue. Les voilà témoins, presque extérieurs, de quarante ans ou plus de petits combats.
Loin des risques que peuvent induire le fait de faire parler des ménages populaires, Daniel Lemahieu invente ici une langue théâtrale, parce que réaliste sans être réelle.
L´homme livre des fragments de sa vie. Il est le prophète d´un message qui s´écrit à mesure qu´il avance. Il n´est que de passage... Tant qu´il tiendra debout, il sera quelque part et n´aura qu´une idée en tête : aller ailleurs ! De temps à autres, bien sûr, il boit un coup à la santé de ceux qui le regardent... Ses semblables, ses frères...
La marche, donc. Mais pas seulement. Une métaphore de la vie et de l´écriture.
Des enfants espiègles et pleins d´imagination tentent d´exprimer leurs jeux et leurs envies à des parents bien trop fatigués pour les entendre. Des parents dépassés qui exigent le silence. Comme si les enfants, c´était fait pour vivre dans une bulle !
Une fable joyeuse et malicieuse sur l´incompréhension entre enfants et adultes.
Dans le ghetto de Varsovie, violence et humour. « ... mille autres choses sont interdites : [...] élever des animaux, avoir une radio, être dans la rue après huit heures... J´imagine ce qui arrive à celui qui se fait prendre à écouter la radio - dans la rue - après huit heures - avec son chien... » Les troupes soviétiques arrivent. Jakob a annoncé la nouvelle : il a donc une radio. C´est un grand espoir qui prend au coeur, mais c´est une grande peur qui ceint les ventres.
D'après le roman de Jurek Becker
Les Becquart habitent un ancien cabaret, autrefois boucherie. Il répare un vieil orgue, elle parle. Son mari l´a trompée avec la dame du café d´en face. Bavardages où se mêlent passé et présent et qu´interrompt l´arrivée de leur petite fille et de son fiancé black. Avant d´être accepté par la famille, le jeune homme devra se plier à des rites d´intégration, séries d´épreuves cruelles et de jeux de rôles inattendus.
Une langue fluide, une pièce étrange : tantôt drame familial, tantôt fable.
Il joue, c´est l´histoire d´un aveu en direct, crucial et sacrificiel. Celui d´un personnage devenu acteur pour continuer à apprendre des textes, des rôles, des pages entières. Il se raconte, se joue de lui, il fait l´acteur comme d´autres font des farces. Sa biographie naît ainsi, par fragments, au fil de ses souvenirs cocasses ou émouvants, de ses récits troués, de ses trop-pleins.
Dans les chambres, on gît, on perd la mémoire, on râle, on attend, on reproche, on quémande, on ordonne, on chavire, on tombe, on menace, on soupire, on piaille, on dort (debout, assis, couché), on se plaint, on s´en veut, on s´envoie les mots à la figure, on hoquette, on étouffe, on meurt. De chambre en chambre, de lieu en lieu. Elle (la Femme à la natte), nous guide, plus qu´humaine (vaincue, folle, tueuse), éternelle.