filter
sylvie gracia
-
Il faut une vie pour être libre.
Le temps d'un été, Hélène revient s'occuper de son père. Chaque année, une laisse invisible la ramène au pays, dans ce coin perdu qui lui a donné son accent un peu rauque.
Hélène s'est construit une autre vie à Paris, une vie réussie comme on dit, mais dans la maison du lac elle redevient une petite fille obéissante. Rien n'a changé au village, ni les gens, ni cette pesanteur qui vous colle à la peau. Hélène n'est dupe de rien ni de personne, c'est une marque de fabrique chez elle.
Pourtant, cet été, tout se défait. Son frère veut vendre la maison, son père va mourir. Sur le marché, son regard croise celui d'un ancien amant. Leurs corps se retrouvent. Et cet amour d'automne a pour tous
les deux le goût de la liberté. -
Au cours d'une nuit de vagabondage avec un ami dans des lieux gays, une femme est comme prise au piège de sa mémoire. Remonte alors à la surface l'histoire d'amour absolu qu'elle a vécue avec un homosexuel. Au fur et à mesure de cette plongée dans un Paris secret, elle revit, au présent et au passé, ce désir singulier qui l'a portée vers un homme aimant les hommes, désir d'autant plus bouleversant qu'il est resté sur le seuil des plaisirs. Les scènes de séduction et d'alcool sont autant de motifs pour explorer le brouillage contemporain des passions et des identités sexuelles. On retrouve dans ce court récit de Sylvie Gracia son sens de la dérive urbaine et son goût pour les états limites de l'amour. Regarde-moi est un subtil jeu de déconstruction intime, un puzzle de sensations, un voyage introspectif qui met le corps plutôt que la psychologie au centre de gravité de l'espace sentimental.
-
Elle a trente et un ans. Elle a fait des études supérieures à Montpellier. Elle y a connu Nahcem dont elle a deux enfants. Elle l'a quitté brutalement, sans raison particulière, pour revenir à la ferme de ses parents, en Aveyron. Elle est maintenant caissière au supermarché. Elle n'est plus d'ici sans être d'autre part. Elle est étrangère à elle-même et à ce pays qui, lui aussi, perd son identité.Elle vit au rythme du petit bourg qui ne s'anime plus que l'été, avec l'arrivée des touristes hollandais.Le récit est construit en trois cent quarante-neuf séquences brèves. Chacune est le fil d'une histoire qui peu à peu se tricote, dans le présent de la mémoire. C'est sec, tendu, intense. Réduit à l'essentiel. Une dureté qui ne cille pas. Chaque phrase est au centre de la cible, d'une justesse exemplaire.
-
La littérature peut-elle naître de ce qui semble lui être totalement étranger : l'immédiateté, le manque de recul, la familiarité, l'abrégé ? Sylvie Gracia en apporte la preuve en constituant un véritable journal en photo-textes sur Facebook, se lançant ainsi dans un projet littéraire unique qui bouleverse la pratique traditionnelle de l'écriture autant que sa réception.
Qu'en penses-tu ? C'est juste un brouillon.
Au cours du printemps 2010, Sylvie Gracia commence à publier sur Facebook des images de son quotidien, prises depuis son téléphone portable, pratique courante pour les utilisateurs de Facebook. Très vite, elle légende ces photos, puis, au début de l'été, les légendes deviennent textes et, à la fin de l'été, elle tient un véritable journal en photo-textes. Elle devient alors consciente qu'elle s'est lancée dans un projet littéraire unique dans sa carrière d'écrivain, car il bouleverse la pratique traditionnelle de l'écriture autant que sa réception. Mais la littérature peut-elle naître de ce qui semble lui être tellement étranger : l'immédiateté, le manque de recul, la familiarité, l'abrégé ? Peut-on parler ici d'un parti pris autobiographique ? Certes, sauf que l'intime sur Facebook - et c'est le paradoxe des réseaux sociaux - est de l'intime délivré en plein vent.
C'est finalement en s'en tenant strictement au protocole initial, une photo et la réaction immédiate qu'elle suscite, que Sylvie Gracia trouve une forme narrative souple, entre une déconstruction apparente et une unité secrète et implicite. En retrouvant d'une certaine façon l'écriture automatique des surréalistes, le plus intime surgit dans un détail, une réaction, un éclat de colère, une peur dévoilée, un désir avoué. Ici, c'est le fragment, si consubstantiel à notre modernité, qui dévoile le réel, instant furtif dans lequel peut surgir la poésie la plus délicate comme la critique la plus féroce. Il s'agit sans doute d'un journal, mais écrit par un on plus libre et dès lors plus créatif que le je trop prévisible de la narratrice. Ici l'instant est roi. Qu'il s'agisse de la tendresse d'une mère pour ses filles, de l'appartement familier, de paysages urbains mais aussi d'idéologie ou de politique, le regard est comme neuf, lavé, et grâce à ce processus de distanciation, même l'épreuve de la maladie pourra peut-être se vivre autrement.
Un grand roman, qui invente une forme de récit encore jamais explorée. La vie d'une femme s'y montre intrigante, angoissante, gaie aussi, et le lecteur la suit avec une curiosité passionnée.
-
Une parenthèse espagnole
Sylvie Gracia
- Verticales
- Phase Deux Verticales
- 8 January 2009
- 9782070123551
« Luz est à mes côtés, silencieuse, pendant ces milliers d'heures passées à la recherche du tombeau de mots avec lesquels j'embaume sa vie, comme j'embaume celle de Ramón, de Capa et d'Orwell, ou bien d'Antonio. La ronde des vivants et des morts. »
Deux événements viennent troubler le quotidien d'un homme approchant la cinquantaine : la mort de Luz, une amante de jeunesse, à l'issue d'une longue déchéance alcoolique ; le désir de son vieux père, un réfugié espagnol, de retourner dans son village natal. Glissant d'un pan à l'autre du souvenir, le narrateur bouscule toute chronologie pour faire résonner au présent, dans une langue limpide et écorchée, le deuil des utopies et d'autres fêlures plus intimes.
-
De l'amour fracassé il ne reste rien, que quelques traces furtives (à peine un ongle rose), un corps traversé de manque et le désarroi sans fond que creuse l'abandon.
C'est ce moment que choisit le récit pour ouvrir son flux serré, sa fureur contenue, ses cassures et ses reprises et, peut-être, son refus rageur d'abdiquer. à l'écoute des pulsations infiniment brisées et diffractées de la ville peuplée de visages et de destins troués de solitude, dans les néons de pigalle, auprès des petites vieilles des batignolles, des travelos des anciennes fortifications ou dans les bar-pmu des banlieues émigrées, les coups que le dehors inflige à la conscience de la narratrice sont comme un écho de ceux du dedans - le style glisse avec une parfaite pudeur et justesse de ton d'un registre à un autre, du politique à l'intime, tout naturellement.
" parle-moi de l'amour, s'il te plait, parle-moi de l'amour, c'est tout ce que je te demande ", lui dira l'écrivain serbe cassé par la guerre. et dans un dernier et très beau retournement, le texte parvient à réajuster une fragile perspective. de celui qui raconte ou de celui qui écoute, lequel est le voleur de vie, lequel le voleur de mots.
-
«par-delà les toits de zinc et de tuiles, dans le ciel dense de l'été, la lumière rouge des lettres HITACHI TV VIDÉO surplombant le toit de la tour de bureaux en bordure du périphérique. Elle traverse les vitres des appartements du quartier, rougissant même le plafond de la salle à manger, pendant qu'au pays d'Hitachi les écoliers se lèvent dans leur costume bleu marine, leur collation de la demi-journée dans une boîte métallique au bout du bras, la persistance du monde qui tourne autour de lui-même [...] Bosch/porte de Saint-Ouen, Sony/porte de Clichy, Hitachi/porte d'Asnières, la ronde des grandes publicités lumineuses tout autour du périphérique-ouest, Paris cerné de lettres rouges majuscules la ronde de ces nuits opaques. Jamais je n'allumais la lumière et c'était la nuit du dehors qui venait m'éclairer, moi fantôme, la masse de la table de la salle à manger je l'évitais et les jouets abandonnés sur le sol, traîtres. Comme un chasseur j'étais, à épier dans l'ombre l'ombre même de nos vies»
-
Tant de femmes aimées et complices ont jalonné la vie de la narratrice, se sont glissées en elle, comme autant de troubles miroirs où elle essaie de s'entrevoir, de se surprendre multiple. Mais derrière l'empathie avec l'amie qui se découvre un cancer, la bienveillance amusée envers une rivale et l'admiration pour Annie Ernaux se dissimule l'oeil aigu de celle qui dissèque les coeurs et sonde les sentiments, se devine le scalpel caché de l'écrivain qui fait son miel de ces corps dévoilés, de ces coeurs entrouverts.