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espedite
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Kenza a foiré sa mort. Retrouvée gisant dans son sang en petite culotte, l'oeil arraché par la balle qu'elle a tenté de se tirer dans la tête, mais bien vivante, elle traverse désormais l'existence sous ce masque de cicatrices qu'elle assume comme preuve ultime d'un geste de liberté à haute tension.
Dalton, le pompier qui l'a ramassée, fasciné par les distorsions de trajectoires, a de son côté créé une drogue bouleversante : la schizoïne. C'est grâce à elle que Kenza va s'envoyer en l'air, comme bientôt toute la société. À travers ces deux personnages et leurs corps abîmés se dessine, dans ce court roman très noir en forme de poème du pire, une théorie du chaos, fascinant reflet de notre société moderne. -
Soit deux comètes adolescentes engagées dans des pratiques anorexiques sévères les menant à confondre vie privée et privatisation de soi. Dans le creuset de ses réflexions autour du corps - fabriqué, policé, souffrant voire annihilé par nos sociétés modernes -, Espedite compose la géographie des délires adolescents, en parcourt les territoires, les soubassements, les impasses et les issues de secours. En suivant les voies de ces intériorités possédées, l'utérus en guise de graal.
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Suite à son licenciement, Hasna se doit d'accepter les opérations de chirurgie esthétique préconisées par sa conseillère de réinsertion dans l'emploi. Elle vit très mal ces interventions et sombre peu à peu dans une étrange résistance. Novella noire inspirée de la littérature d'anticipation, ce récit à la deuxième personne est l'histoire d'une insurrection silencieuse, d'une insurrection sans visage, à l'endroit d'une société normée par les technologies du regard et de la surveillance de masse.
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L'histoire s'ouvre sur une scène brutale qui donne le ton du roman : une jeune femme prénommée Kenza est retrouvée gisant par terre. Elle a voulu se suicider, mais elle respire encore. Il y a quelque chose de surprenant dans ce texte ; sa violence pourrait en rebuter plus d'un, mais il y a tant de poésie qu'elle s'en trouve adoucie et nous happe totalement. On est saisi par la beauté des phrases qui racontent l'horreur. C'est comme si la perversité était devenue poète. On est attiré par le gouffre, l'horreur. Et c'est cette horreur qui nous prend dès le début pour ne plus nous lâcher ; elle nous fascine. Ce texte est une descente progressive vers le chaos, car il est vrai qu'il semble inimaginable que les destins de ces personnages ne soient destinés à autre chose qu'au néant. On y trouve les dérives d'une société malade : la schizoïne, cette substance qui permet de s'évader d'un quotidien inconsistant et finit par atteindre toutes les classes de la sociétés, rythme le texte. Elle a été mise au point par Dalton, un pompier qui s'occupe essentiellement de faire disparaître les traces des accidents et tragédies, et qui, en parallèle, fait du trafic de médicaments. C'est ainsi qu'il a rencontré Kenza, presque nue, étendue sur le sol, son pouls si faible qu' « une simple caresse pourrait lui ôter ce qu'il lui reste de vie. » Et là nous avons cette poésie sur la vie, sur la mort. N'est-on extrêmement vivant que lorsqu'on se trouve confronté au vide ? Un pas en avant on tombe, un pas en arrière on continue... à se voiler la face ?
Le choix : ne plus avoir le choix, voilà le dessein poursuivi par Kenza, après le ratage de sa décision d'en finir. C'est avec la schizoïne qu'elle s'enverra en l'air, plus de repères, plus de respect des logiques et conventions. La survie l'a finalement transformée en monstre. Aide-soignante dans une clinique pour vieux, elle donne la substance à des patients. Elle les fait parler, les filme et poste les vidéos sur internet. Ces derniers, heureux, succombent à des convulsions, un des effets de cette drogue. Kenza mutile son visage. Elle cultive ses cicatrices, les met en valeur, devient Kenzasupernova, un véritable monstre, une déesse barbare shootée. C'est ainsi qu'elle transforme son suicide raté en un abominable destin. La dépravation grignote la société - même les notables prennent de la schizoïne. C'est le chaos qui approche, une société vouée à s'éteindre dans l'horreur et la barbarie.
Ce livre renverse les codes du polar version drame urbain (il n'y a pas d'autre vérité à découvrir, au bout de l'asphalte, que la violence archaïque, brute et sauvage), tutoie le fantastique et esquisse au travers d'une langue sèche et resserrée une théorie du chaos qui sous-tend le langage.
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Se trahir nous invite à une plongée inquiétante dans un univers carcéral où se jouent les relations de pouvoir les plus inattendues. Dans une langue ciselée et parfois crue, ce roman choc nous dévoile combien cette microsociété peut se révéler pour chacun un puissant un miroir.
Un soir, sur le parking de la gare, le jeune Vallad poignarde un passant à la faveur d'une embrouille contre les étrangers du quartier, dont lui et ses comparses sont coutumiers. Incarcéré, il se retrouve dans la même cellule que son frère jumeau, Domingo, lui-même accusé d'agression sexuelle. Tous deux sont suivis par Hermiane, une psychologue prise en étau entre la bienveillance avec laquelle elle tente de les accompagner et la répulsion que lui inspire la violence de leurs comportements.
Mais ce difficile équilibre est un jour remis en cause par l'arrivée de Carise, une éducatrice spécialement missionnée par l'administration pénitentiaire pour imposer des méthodes radicales de rééducation, techniques 3.0 qui ne font, pour la psychologue, qu'amplifier les déviances de ceux qu'elle entend réinsérer.
Face à Carise, Hermiane tente de défendre son honneur et la dignité de ses patients pour ne pas se trahir. C'est pourtant dans la trahison à ce qu'il pensait être que chacun des personnages trouvera la possibilité de fuir ce huis-clos infernal. -
L'épopée d'un peuple mythique en perpétuel exil à travers le continent sud-américain... Les Farugios sont un peuple quasi légendaire d'Amérique du sud dont toute la civilisation (politique, économie, relations sexuelles, diplomatie...) est fondée sur le langage. Ils ont descendu, au fur et à mesure de leur histoire, tout le continent latino-américain, intégrant à chaque fois, à leur langue, celle du pays qu'ils traversaient. L'action démarre dans les années 30, dans les bas quartiers de Berlin, où un projet de trafic de ces magnifiques chevelures rousses voit le jour dans la tête d'immigrés polonais. Ceux-ci embarquent, par hasard, sur un navire de guerre de l'armée française, afin de ramener des spécimens de ces femmes pour les soldats aryens, mais débouchent au beau milieu d'une guerre civile entre les Farugios et leurs voisins Guardanais. Ce conflit, contraire aux traditions farugios, se résoudra dans l'absurde et dans le sang...