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Anne Cheng
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Est-il encore permis de penser tout haut, ou de penser tout court, dans un pays qui fait tant parler de lui sans qu'il soit possible d'y prendre la parole librement ? Comment, dans la furieuse déferlante de nouvelles qui nous arrivent quotidiennement de et sur la Chine, distinguer d'autres voix que celles des médias et des puissants de ce monde ? À quel moment avons-nous pu entendre les analyses de connaisseurs de la Chine dans la durée et, a fortiori, les discours quasi inaudibles des intellectuels chinois eux-mêmes ?Le but de cet ouvrage collectif est de nous situer par rapport à une Chine qui a envahi notre horizon du fait de sa vertigineuse montée en puissance économique, mais aussi géopolitique et militaire, accréditant ainsi la thèse, devenue un thème central de la propagande officielle, d'un retour en force de son passé impérial.Après des décennies de régime maoïste, nul n'imaginait la Chine être un jour en mesure de se projeter à l'échelle de la planète. Or, force est de constater qu'aujourd'hui les élites intellectuelles chinoises se sentent assez sûres d'elles-mêmes pour se proclamer sans ambages détentrices de valeurs universelles qui ne doivent rien à celles des Lumières européennes. Mais qu'en est-il en réalité ?Contributions de Séverine Arsène, Chu Xiaoquan, Magnus Fiskesjo, Ruth Gamble, Ge Zhaoguang, Ji Zhe, Frédéric Keck, Anne Kerlan, John Makeham, Damien Morier-Genoud, David Ownby, Qin Hui, Marshall Sahlins, Nathan Sperber, Isabelle Thireau, Sebastian Veg.
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La violence politique vue par les historiens du moyen- à l'extrême-orient
Anne Cheng
- Hemispheres
- 8 February 2024
- 9782377011810
Dans l'imaginaire européen subsistent des relents de l'orientalisme dénoncé par Edward Said, avec à la clé une dichotomie implicite entre, d'un côté, un « Moyen-Orient » volontiers perçu comme le terrain par excellence de la violence politique, voire comme le foyer de fanatismes congénitalement dressés contre toutes les valeurs les plus chères à l'Occident et, de l'autre, un « Extrême-Orient » où tout ne serait qu'ordre et beauté, luxe, calme et prospérité. Or, ces deux représentations opposées relèvent pourtant d'un même type de fantasmagorie dont cet ouvrage, fruit d'un colloque qui s'est tenu en 2022 au Collège de France, se propose de montrer le caractère anhistorique et idéologique.
Un premier colloque (juin 2019) avait déjà tenté de montrer l'illusion d'optique et les préconceptions orientalistes qui font encore croire à une Chine « harmonieuse », à un Japon « esthétique » ou à une Inde « non violente ».  À l'inverse, l'Orient arabe apparaît aujourd'hui comme une « terre de sang » d'où rayonne la violence sous forme de terrorisme dans les autres régions du monde. Les événements récents montrent bien que ce n'est pas une réputation usurpée. Pourtant la violence n'est pas innée dans cette région mais le produit d'une série de facteurs dont la convergence aboutit à la constitution de systèmes autoritaires de plus en plus conservateurs et kleptocratiques, jouant sur l'antiterrorisme pour justifier la répression des oppositions.
Or, ce diagnostic porté sur l'Orient « moyen » n'épargne pas totalement l'Orient « extrême » qui donne à première vue l'impression d'un monde relativement moins agité et plus prospère. A quel prix certains poids lourds de la région, à commencer par la Chine, maintiennent-ils sur leur population, notamment leurs minorités, un semblant d'ordre et de stabilité? -
L'essor de la Chine et les intellectuels publics chinois
David Ownby
- College De France
- Conférences
- 14 September 2023
- 9782722606203
Associé au déclin relatif de l'Occident à partir de 2008, l'essor de la Chine depuis la mise en place de la politique de réforme et d'ouverture a créé dans l'esprit de nombreux intellectuels publics chinois la conviction profonde que le monde traversait une période de transformation fondamentale. Mais que disent exactement ces penseurs?
Depuis plusieurs années, l'historien David Ownby sélectionne et traduit des productions intellectuelles difficiles d'accès pour le public occidental, puis les consigne sur son site internet Reading the China Dream. C'est le fruit de ce travail qu'il est venu présenter au Collège de France en juin 2022 et qui fait l'objet de ce livre. À travers le portrait de figures représentatives des principaux courants intellectuels chinois (libéralisme, nouvelle gauche, nouveau confucianisme), l'auteur dresse un panorama contrasté des contenus publiés, soit autant de sources précieuses et indispensables à notre compréhension de la deuxième puissance mondiale. -
Autour du traité des rites : de la canonisation du rituel à la ritualisation de la société
Anne Cheng
- Hemispheres
- 11 January 2022
- 9782377011131
Prenant pour point de départ l'antique Traité des rites, reconstruit sous la dynastie des Han antérieurs à partir de textes épars dont les plus anciens remontent sans doute au IVe siècle avant notre ère, cet ouvrage se propose de dégager une histoire du canon ritualiste chinois et des théories du rituel qui conjoignent pratiques et textes, distorsions entre histoire et discours, présence et effacement du paradigme ritualiste. Les meilleurs spécialistes de disciplines très diversifiées élaborent une image complexe, battent en brèche de prétendues évidences sur le ritualisme chinois, confrontent sacré et politique, remettent en question le statut des normes rituelles et s'interrogent sur la source même de telles pratiques. Tous décrivent son importance pour les sociétés anciennes, comme le rôle que le Traité des rites a pu jouer dans la modernité chinoise depuis la fin du XIXe siècle et la manière dont il pourrait légitimer la fondation de sociétés ritualisées contemporaines.
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Depuis l'Europe des Lumières, on s'est beaucoup occupé de « penser la Chine », quitte à fabriquer les représentations les plus contradictoires, entre la « Chine philosophique » et le « despotisme oriental », entre une Chine éternelle, esthétique et consensuelle, et une autre, imprévisible et inquiétante. Pour sortir de ces clichés tenaces, Anne Cheng nous propose d'exercer notre oreille à capter ce que les auteurs chinois nous donnent à entendre. La Chine ne serait-elle pas capable, après tout, de penser et de se penser par elle-même ?
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La fascination du célèbre écrivain argentin Jorge Luis Borges (1899-1986) pour la Chine commence très tôt quand, enfant, il parcourt l'Encyclopaedia Britannica dans la bibliothèque de son père et découvre l'histoire de cette civilisation pour lui inimaginablement lointaine. La Chine devient alors pour lui une exagération de la différence entre l'Occident et l'Orient, mais sans jamais tomber dans la présomption d'une supériorité des cultures occidentales. Selon Michel Foucault (Les mots et les choses, préface), la lecture que Borges fait de la Chine secoue « toutes les familiarités de la pensée - de la nôtre : de celle qui a notre âge et notre géographie -, ébranlant toutes les surfaces ordonnées et tous les plans qui assagissent pour nous le foisonnement des êtres, faisant vaciller et inquiétant pour longtemps notre pratique millénaire du Même et de l'Autre ».
La Chine comme possibilité d'une imagination et d'un système de pensée « autres » est à la base de certains des textes les plus importants de Borges, notamment « Le jardin aux sentiers qui bifurquent », « La muraille et les livres », « Le langage analytique de John Wilkins », « Qu'est-ce que le bouddhisme ? », ainsi que de nombreux autres textes mineurs. Ce volume, issu d'un colloque international tenu en juin 2023 au Collège de France, se propose de discuter des sources de la Chine de Borges et d'étudier les réflexions borgésiennes autour de certains thèmes constants dans son oeuvre comme le confucianisme, le Tao, les légendes, les mythes et la littérature fantastique chinoises. Il rassemble les travaux de chercheurs originaires d'Europe, d'Asie, d'Argentine, des Etats-Unis et du Maroc, pour qui les oeuvres de Borges représentent un horizon et un langage communs, voire universels. -
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Pour les Grecs, le despotisme était le mode de gouvernementrencontré chez les barbares asiatiques qui, parce qu'ils étaient esclaves parnature, se soumettaient volontairement à un souverain héréditaire absolu. Latyrannie en revanche était un moment temporaire dans l'histoire des cités. Leconcept de despotisme oriental est repris par les Européens pour décrirel'Empire ottoman d'abord
sur le mode d'une menace organisée etimplacable, ensuite comme un système au rendement toujours décroissant. Lesdescriptions du système soviétique au XXe siècle ont suivi ces deuxétapes.
Bien souvent, au XVIIIe siècle, la référence au despotismeest une critique plus ou moins voilée de la monarchie absolue européenne. Enrevanche, le « despotisme éclairé » sert à justifier un passage en force pourétablir des réformes jugées indispensables. Dans le dernier tiers
dece siècle, il sert de justification aux projets de conquête coloniale dansl'Ancien Monde. Cette conquête, qui voudrait se poser comme libératrice, trouvefinalement sa justification dans le despotisme éclairé (fardeau de l'hommeblanc, mission civilisatrice). La modernisation autoritaire de ces pays reprendainsi tout ce discours tout en utilisant une référence identitaire de natureessentialiste.
Ainsi un discours produit pour justifier ladomination de l'autre peut servir aujourd'hui la perpétuation de régimesautoritaires par les pouvoirs qui régissent les pays concernés rejetant commeétrangères les doctrines libérales. Tels sont les différents aspects du conceptde « despotisme oriental », envisagé dans son historicité et réactivé à lalumière des réalités du monde d'aujourd'hui, qui sont abordés dans ce volumeissu d'un colloque tenu au Collège de France en juin 2024. -
Depuis quatre mille ans, la culture chinoise offre l'image d'une remarquable continuité. Pourtant, c'est à travers une histoire faite de ruptures radicales, de profondes mutations mais aussi d'échanges, que la Chine a vu naître des pensées aussi originales que celles de Confucius et du taoïsme, et assimilé le bouddhisme avant d'engager à l'ère moderne un dialogue, décisif pour le temps présent et à venir, avec l'Occident. Force est de constater cependant que la plupart des Occidentaux demeurent dans l'ignorance de cette tradition intellectuelle qui n'a fait l'objet que de présentations partielles ou partiales.
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""" Y a-t-il une philosophie chinoise ? "". Cette question, issue de l'institution philosophique européenne du XIXe siècle, revient encore de manière plus ou moins implicite près de deux siècles plus tard dans ce qui se dit et se lit actuellement sur la Chine. Il est donc temps, ne serait-ce que pour la déclarer une fois pour toutes obsolète, d'en dresser un état des lieux. C'est elle qui a servi de fil rouge aux travaux, menés de manière collégiale et internationale depuis plusieurs années, qui constituent la matière de ce volume.
Il s'agit ici d'un chantier qui s'est constitué dans un échange continu et vivant entre des auteurs français, mais aussi européens et chinois, qui leur a permis au fur et à mesure d'affiner leurs réflexions respectives. Le volume qui en résulte se présente donc sous la forme originale d'un réseau de renvois internes entre les différents textes. On obtient ainsi un effet de prisme qui a l'avantage de démultiplier les points de vue, sans jamais se départir d'une perspective critique ni verser dans des réponses dogmatiques ou réductrices qui sont encore trop souvent monnaie courante en la matière."