«arbres blancs arbres de mai vos roses en beauté vos neiges explosent hâtivement comme ausone et malherbe qui morts têtes sans force dans leur nuit foulent le pré des blanches asphodèles la Vieille Parque parmi les ruines y trébuchant ramasse leurs derniers mots les ultimes joyaux avec un râteau pour blason si nous aimer dressés diffère de couchés, Euphrasie, beau prénom à prendre à f... une petite croix endeuille ton nom une tombe fraîche cueillons vite la nuit un chien nommé Vieux Soleil y signera le ciment de sa pisse arabesque en nitchevoque alias carpe diem» (in Dédicaces à la Parque)
Le vieux renne va mourir au cimetière des noms propres où la douleur ne connaît ni jour ni nuit un cerveau plissé la volonté de l'eau à rester pâmé devant tes hanches Donneuse de sang assise au fond du car, Poésie avec poèmes poèmes sans poésie
« éphéméride
au pire du Temps à Noël
un 25/12/1773
deux soldats se tuèrent de compagnie
dans une auberge à Saint-Denis
après avoir ensemble dûment bu
et rédigé leur testament puis
posté quatorze lettres d'adieu
avec courage
qui se nommaient par bonheur
Humain et Bordeaux
vive la vie vive la mort ! »
Jude Stéfan.
Présente dans toute l'oeuvre, l'idée de la mort, depuis toujours hante Jude Stéfan. Elle ne le quitte plus aujourd'hui. Après son recueil Désespérance, déposition, publié en 2006 aux éditions Gallimard, Stéfan se disait arrivé au bout de sa vie d'écriture poétique. Sa vitalité le contredit. Il entreprit d'écrire un « dernier » long poème : Les Commourants. Lente litanie anthume, que l'homme solitaire et vieillissant déploie au rythme d'un flux vital sans retour, avec ses pulsations, ses élans, ses stases. Si Jude Stéfan reste sans conteste, par sa langue et son esthétique, le plus contemporain des poètes vivants, c'est aussi près de François Villon, dans la grande tradition des complaintes, que s'inscrit ce texte.
Disparates, ces poèmes le sont moins que l'auteur veut bien le dire. Car une vraie homogénéité se dégage de l'ensemble, qui tient à la voix singulière du poète, à sa stylistique ainsi qu'à sa fidélité aux thèmes qui fondent sa poésie : l'amour, la beauté des femmes, la pitié pour les chiens, la mort et les hommages aux maîtres anciens.
Disparates, ces poèmes ne le sont que comme les instants ou les éclats d'une vie vécue et écrite dans la fidélité à soi-même. De là cette franchise et cette crudité du trait qui caractérisent l'oeuvre poétique de Jude Stéfan.
" Un Saint : qui vit selon la perfection du Néant en une donnée profane vouée à nudité, vengeance, inimitié, duel, collection de dates, camaraderie, agonie même relatés en style sec ou à l'occasion trivial afin de répondre au pire et diversifié quant à la facture - histoire, conte, récit, lettre, nouvelle, alternant en dix Variations ".
J.S.
" Faisant suite àSmilla puis Silles - pensées grecques mordantes dues jadis à Timon dit "Le Sillographe" -, ce " diurnal invectif " (contre la Médiocrité, les vulgarismes, le Littérairement correct, la superstition religieuse de retour), daté de 96 à 03, au lieu de tendre à tout dire d'un soi égoïque, ne note que les riens vécus par anecdotes, propos ou fusées - avec en son centre l'impossibilité amoureuse de sortir de soi ou Apories ".
J S.