Si le concept de « perspectivisme » s'est largement imposé dans les usages en philosophie et, au-delà, dans de nombreuses sciences humaines, il est loin de faire l'objet d'une définition tant soit peu stabilisée ou d'un statut historiographique bien identifié dans le champ de l'histoire de la philosophie. L'enjeu de ce volume est de réunir plusieurs historiens de la philosophie - spécialistes de philosophies, d'époques et de traditions diverses, des sophistes et du néo-platonisme jusqu'à la phénoménologie et la philosophie du langage contemporaine - pour faire apparaître la grande variété des types de perspectivisme philosophique et contribuer à reconstruire diachroniquement certaines des étapes les plus marquantes de l'histoire de la philosophie des points de vue. À travers une série de douze études, les auteurs cherchent à mettre en lumière la fonction structurante de la perspectivité dans les différents systèmes où elle opère, le contexte épistémique et historique qui la porte à l'agenda métaphysique, les problèmes et limites de la logique du « point de vue » et les diverses stratégies conceptuelles que les philosophes élaborent quand ils s'emparent de l'idée perspectiviste et de ses multipels aspects.
Un philosophe contemporain allemand qui s'inscrit dans la continuité des Lumières.
Karl-Otto Apel est sans doute l'un des auteurs les plus importants dans le domaine de la pensée morale et de la philosophie pratique au vingtième siècle. Marqué dans sa jeunesse par la montée du nazisme, mais surtout par le devoir de rendre impossible sa résurgence, Apel va se mettre en quête d'une réponse philosophique à cette crise morale inouïe, en quête d'un principe fondamental qui puisse servir de point d'Archimède incontestable dans le domaine pratique. Ce principe, il le développera dans une théorie de l'éthique qui s'inscrit pleinement dans la tradition idéaliste de la morale de Kant, tout en transformant cette tradition par la prise en compte de la dimension intersubjective du langage, devenue centrale pour la philosophie contemporaine. Le projet de sa « pragmatique transcendantale » est de fonder les normes d'une morale universelle à partir d'une analyse réflexive des présupposés nécessaires de toute activité de communication, de toute discussion sérieusement engagée. L'objectif de cette étude sur Karl-Otto Apel est double :premièrement, interroger les fondements transcendantaux de son concept de « point de vue moral » ; deuxièmement, mettre au jour les prémisses de son éthique politique en examinant les conditions de possibilité et les limites de l'application du point de vue moral dans les sphères de normativité du droit et de la politique.
Depuis plus d'une vingtaine d'années, Jean-Marc Ferry s'est imposé comme une figure majeure et incontournable dans le domaine de la philosophie pratique contemporaine, et plus largement dans de nombreux champs des sciences humaines, et ce bien au-delà du monde francophone. Ses travaux ont été traduits dans de nombreuses langues, ses thèses sont discutées par les spécialistes de diverses disciplines et son influence dans les débats théoriques actuels, particulièrement en philosophie morale et politique et en philosophie de l'Europe, est tout à fait incontestable.
Dans la foulée de la publication de ses deux derniers ouvrages fondamentaux en 2010, La religion réflexive et La république crépusculaire, une dizaine de professeurs francophones issus de différentes universités, qui ont travaillé en collaboration avec Jean-Marc Ferry dans les domaines de la philosophie, des sciences politiques et du droit, ont été invités à présenter des interventions visant à soulever une série de questions sur son oeuvre. En résulte le présent Liber amicorum qui se structure thématiquement en deux grandes sections correspondant respectivement aux champs couverts par les deux monographies de 2010, la philosophie pratique fondamentale et la philosophie de l'Europe. Dans le style dialogique propre à la tradition philosophique à laquelle se rattache notre auteur, chaque intervention est reprise dans une postface permettant à ce dernier de répondre aux diverses questions, objections et interpellations qu'ont pu susciter le programme et les développements de sa philosophie reconstructive de la communication.
Fruit d'une collaboration interdisciplinaire (droit, sciences politiques, philosophie), cet ouvrage est le deuxième d'une trilogie proposant une approche « narrative » de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne. Il repose sur l'idée que cette jurisprudence ne revêt pas qu'une signifi cation et des enjeux strictement juridiques. Elle présente aussi - de même que les autres « productions » de la Cour - une dimension politique et une épaisseur symbolique en ce qu'elle est à la fois le réceptacle et le diffuseur de certains « récits » sur l'Europe. Paru en 2019, le premier volume de cette recherche s'est efforcé de défi nir la notion de « récit judiciaire » et d'en faire l'inventaire au départ d'une analyse qualitative des grands arrêts de la Cour de justice.
Le présent ouvrage s'intéresse quant à lui à la « dynamique » des récits, c'est-à-dire à la façon dont ceux-ci émergent, se développent et interagissent dans la jurisprudence européenne. Au bénéfi ce de cet angle d'approche original, y sont reprises à frais nouveaux des thématiques « existentielles » pour l'Europe telles que l'État de droit, la santé, l'environnement, la protection sociale, le marché intérieur, le multilinguisme, les droits fondamentaux et l'égalité de genre. Y apparaît, en toile de fond, la question du rôle des récits dans le raisonnement de la Cour, y compris dans les hard cases où s'opposent différents narratifs de l'Europe.
Un troisième volume, à paraître, examinera la façon dont ces récits se diffusent - ou pas - au-delà des prétoires de Luxembourg pour infl uencer les représentations collectives (institutionnelles, expertes ou simplement profanes) de la construction européenne.