L'errance dans la rue et ses prolongements (les accueils d'urgence et de stabilisation) sont-ils un nouveau paradigme de l'anormalité ? La souffrance psychique quitte sa dimension humaine pour être l'objet d'une traque biopolitique, qui, mobilisant professionnels de différents champs du social et du sanitaire, entraîne la multiplication des dispositifs médico-administratifs à l'économie gestionnaire. Cet ouvrage tente de porter un regard positif sur le " prendre soin " collectif, l'écoute de la précarité et l'élaboration de voies de sortie de la rue qui ne sauraient être seulement psychiatriques. Au maintien et à l'extension de rapports de domination généralisés, en particulier les violences faites aux femmes, il oppose des pratiques cliniques qui reconnaissent les sujets humains en situation d'exclusion et de précarité comme créateurs et non uniquement victimes de leur destin. L'auteur interroge les rapports entre trauma et souffrance psychique, la place du soin psychiatrique dans cette question sociale, les impasses du paravent humanitaire et des politiques de santé mentale et de logement social face aux situations d'exclusion, mais aussi les pratiques juridiques et législatives d'inscription dans la précarité. Il s'agit là pour lui d'un enjeu historique, considéré comme " utopie concrète ", d'une société véritablement démocratique.
La psychiatrie est-elle en voie de disparition ? La psychiatrie de secteur annoncée comme une logique de soin visant l'intégration à la communauté a-t-elle vraiment commencé ? Jean-Pierre Martin en a exploré les possibilités.
Il associe une démarche de réhabilitation psychosociale du sujet, de refus des juridictions d'enfermement et de relégation. A l'interface du sanitaire et du social, la création d'un centre d'accueil et de crise lui a permis d'expérimenter de nouvelles approches cliniques ainsi que des pratiques d'intégration dans des réseaux de proximité centrés sur les patients. Celles-ci sont sous-tendues par une éthique du sujet comme personne sociale, qui rend obsolète le vieil amalgame : obligation de soin et dangerosité sociale.
Aujourd'hui, ces pratiques sont remises en cause par le paradigme économique, les dotations budgétaires restrictives ; les théories biocomportementales et urgentistes viennent étayer l'évaluation de ce nouvel ordre médico-gestionnaire, réduisant toute politique de santé mentale à une épidémiologie normative. Cet ouvrage milite en faveur de ces pratiques menacées, il soutient avec force et enthousiasme l'intégration de la politique de santé mentale dans celle de la ville, le sujet citoyen et la communauté devant être des acteurs à part entière.
Des praticiens de la psychanalyse et de la psychiatrie institutionnelle, soucieux d'interroger la modernité au ras du langage qu'elle sécrète plutôt que selon les termes consacrés de la nosographie psychiatrique, se sont attelés à une réflexion croisée autour de la formule " péter les plombs ".
Utilisée de nos jours avec une fréquence étonnante, elle s'entend comme un cri du coeur où la subjectivité se dévoile comme en proie aux machines, qu'elles soient humaines ou techniques, la différence entre les deux s'estompant au fur et à mesure que progresse un monde d'automates parlant la novlangue d'une même voix de synthèse... De fait, à l'heure où se propagent le contrôle des individus et l'économie sociale de marché, se multiplient des actes éruptifs visant à signaler un désastre ou exprimant l'ultime effort pour le dénoncer.
Ce va-tout du sujet est exploré dans ce livre suivant de multiples entrées, dont le trait commun est assurément un désir partagé par des psychanalystes de répondre au défi lancé.