Le 7 septembre 1914, sept réservistes appartenant au 327e régiment d'infanterie sont fusillés « pour l'exemple » sur ordre du général Boutegourd. L'un d'eux, François Waterlot, 27 ans, n'est pas touché mais feint de s'écrouler. Placé à une extrémité de la rangée, il est de nouveau épargné par le coup de grâce, commencé de l'autre côté. Laissé pour mort, le « fusillé » se relève et rejoint son régiment où, après avoir été gracié, il reprend le combat. Il périt au front le 10 juin 1915.
Les historiens qui travaillent sur les fusillés de la Première Guerre mondiale ne mentionnent aucun autre cas de survivant d'une exécution. Unique à ce titre, l'histoire de Waterlot l'est aussi par les récits qu'il fait de son « aventure ». Infatigable épistolier, il écrit 250 lettres entre le 8 août 1914 et sa mort, l'année suivante. D'un trait à la fois concis et précis, il relate dans quatre d'entre elles l'exécution dont il a été à la fois acteur... et témoin.
Odette Hardy-Hémery ne se contente pas de retracer heure par heure cette singulière histoire ni de resituer la biographie de chacune des victimes, qui seront toutes réhabilités en 1926. En en déroulant le fil, c'est la Grande Guerre elle-même qu'elle fait resurgir sous nos yeux, avec ses problématiques classiques ou nouvelles, à commencer par celles des « fusillés pour l'exemple » ? qu'elle pose en termes inédits ?, de la solidarité silencieuse mais sans faille des combattants et de l'impunité du commandement.
Prouvy, avril 1922. Profitant des besoins gigantesques de la reconstruction dans le Nord après la première guerre mondiale, un petit industriel, en quête d'une affaire florissante, fonde la Société anonyme française Eternit. Objectif: produire des matériaux de couverture en amiante-ciment bon marché et en grande série. Cette firme, par l'absorption de concurrents, par l'implantation sur le marché des tubes et une stratégie commerciale agressive, acquiert rapidement un leadership. Les années 1955-1975 sont euphoriques, la demande, suscitée, est effrénée. Le territoire national est quadrillé par de nouvelles usines, la productivité et la pénétration outre-mer et dans le tiers monde sont poussées au maximum. Dès le départ, cette réussite est fondée sur un matériau dont la nocivité est connue depuis la fin du XIXe siècle: l'amiante. Pendant des décennies, l'entreprise détruit le capital humain. Actuellement, l'amiante cause en France 10 décès par jour, 3 000 par an; 100 000 sont à prévoir d'ici 2025, une hécatombe à laquelle participe largement l'Eternit française. A l'aide d'archives, de la presse économique, de témoignages, ce livre interroge pour la première fois le processus de domination d'une branche, les tests de la rentabilité capitaliste, les techniques, les métiers d'une industrie de la mort, la progression des maladies d'Eternit. L'amiante n'est interdit en France qu'en 1997, après 20 ans d'attente, en Europe qu'en 2005. Un problème capital est posé: que vaut la vie humaine au regard du profit?
L'émotion qu'ont suscitée les terribles événements du 1er mai de Fourmies est inscrite dans la mémoire collective ; elle perdure dans les attitudes politiques près d'un siècle plus tard. Toute maturation sociale est affaire de longue durée et les deux mondes qui s'affrontent en 1891 ont été profondément transformés depuis trente ans. Ce livre cherche à éclairer "l'envers d'une fusillade" à travers le rôle joué par l'un des chefs de file tant industriel que politique du patronat textile du bassin fourmisien, François Boussus (1830 - 1899). Des sources de première main ont permis de retracer la trajectoire sociale, scolaire, idéologique et familiale de ce patron symbole. L'ouvrage interroge l'attitude patronale avant, pendant et après l'événement ; il restitue les rebonds du combat répressif en 1891-1892 puis la lente percée du socialisme dans la région. La tendance la plus structurée est ici la variante nordiste du marxisme : le guesdisme ; mais de Culine le guesdiste ralliant quelques années plus tard le blanquisme à quelques éléments liés à l'anarchisme, la palette est riche. Par-delà l'étude des relations sociales, l'auteur élargit l'analyse au mode d'ascension dans le patronat, à l'histoire des techniques, à l'évolution des patrimoines, aux conditions de vie et de travail, au cheminement des identités sociales et à la relation entre patronat et pouvoir politique. Toute l'histoire de l'entreprise au-delà de 1899 - 1928 n'est qu'une longue bataille en retraite et l'on passe en trois générations des sabots aux sabots.
Le " pays " de Trith-Saint-Léger illustre l'infinie variété des paysages industriels du Nord.
Les terroirs, très divers, se couvrirent, lors du premier âge industriel, d'usines parfois similaires, souvent différentes : leur alchimie au sein des territoires ne fut jamais exactement la même. C'est donc un cheminement économique et l'élaboration d'une société originale que l'on découvre au travers d'un " pays " singulier. Au commencement, une campagne fécondée par la mine, un peu d'industrie sucrière et de textile, des brasseries et par un Belge venu de Charleroi avec ses capitaux et ses ouvriers.
La graine semée en 1826, simple usine à fer comme tant d'autres en France, tarde à s'épanouir puis, en trois décennies de restructurations, se mue en une puissante usine sidérurgique intégrée, principale division dans l'entre-deuxguerres de l'un des premiers groupes de la sidérurgie française, les Forges et Aciéries du Nord et de l'Est. D'autres établissements métallurgiques complètent le paysage.
Vigilant autant aux stratégies d'entreprises, à la diversité des patronats et des cadres qu'à la formation de la main-d'oeuvre, au mouvement politique et associatif, le livre d'Odette Hardy-Hémery retrace pour cette ville l'histoire collective d'une aventure industrielle et humaine.
Aujourd'hui, la sidérurgie a presque totalement quitté Trith-Saint-Léger : cette rupture brutale n'est pas insurmontable, à tel point que la ville attire et que la familiarité avec une civilisation industrielle a contribué à l'émergence de l'Université.
Un territoire industriel veut se donner les chances de renaître sans délaisser son passé.