Dans une prison du Caire, une femme attend d'être pendue. La veille de son exécution, elle reçoit enfin dans sa cellule la psychiatre qui souhaite recueillir sa parole, et comprendre son crime. La détenue parle vite, sachant son heure venue et n'ayant plus rien à perdre. Elle s'appelle Ferdaous, « Paradis » en arabe, et sa vie n'a été qu'un enfer. D'inceste en violences conjugales, programmée pour devenir prostituée, elle fait payer les hommes pour le mal qu'ils lui infligent. Jusqu'au jour où l'un d'eux le payera de sa vie.
« J'ai eu recours à la police, mais je découvris que ses liens avec la police étaient plus puissants que les miens. J'ai eu recours à la loi, mais je découvris que la justice punit les femmes et ferme les yeux quand il s'agit des hommes. » N. E. S.
« Ne rien espérer, ne rien désirer, n'avoir peur de rien ! Tout ce qui peut arriver est déjà arrivé et, pour elle, le pire est déjà arrivé. » N. E. S.
Ce roman iconique de la grande voix du féminisme du Moyen-Orient est inspiré de faits réels : Nawal El Saadawi a recueilli en tant que psychiatre le récit de vie d'une détenue de la prison de Kanater et l'a restitué à l'écrit en une semaine, après sa pendaison. Paru en arabe en 1975, Ferdaous est pour la première fois publié en France en 1981 aux éditions des femmes.
L'autrice se trouve alors elle-même en prison, victime d'une vague d'arrestations arbitraires. La mobilisation internationale du Mouvement de libération des femmes oeuvre à sa délivrance, et suivront chez les mêmes éditrices : La face cachée d'Ève (1982), Douze femmes dans Kanater (1984), Femmes égyptiennes, tradition et modernité (1991).
Nawal El Saadawi naît en 1931 à Kafr Tahla, un village du delta de la basse Égypte au nord du Caire. Elle est la deuxième d'une fratrie qui compte neuf enfants. Sa famille essaie de la marier à 10 ans mais elle résiste. En 1955, elle obtient un diplôme de médecine. Menant de paire réflexion théorique et activité quotidienne, Nawal El Saadawi a été l'une des premières féministes arabes à briser les tabous au sujet des relations entre les sexes, la sexualité des femmes et à dénoncer les différentes formes de répression et de dépendance que l'ordre patriarcal et capitaliste leur fait subir. Ses Å«uvres lui valent d'être poursuivie et contrainte à plusieurs reprises à l'exil. Féministe, écrivaine et docteure, Nawal El Saadawi partage sa propre histoire. Ses combats pour les droits humains, pour les femmes et les classes populaires marquent le mouvement féministe mondial. Elle décède le 21 mars 2021, à l'âge de 89 ans.
Douze femmes dans Kanater a été écrit en prison, alors que l'auteure avait été arrêtée en septembre 1981, lors des rafles qui ont marqué la fin du mandat de Sadate en Égypte. Prisonnières de tous bords se retrouvent, contraintes de vivre dans la même salle commune, après une vague d'arrestations immotivées. La présence, parmi elles, d'une femme indépendante et digne va remettre en question tous les préjugés qui étayaient jusque-là leurs certitudes.
Égypte, années 1980. Zeïneb, Fatma, Leïla, Suzanne, Dorria, et bien d'autres sont étudiantes, artistes, mères de famille, exercent un métier, sont en prison ou à l'asile psychiatrique. Leur point commun ? Un certain malaise, qui va de l'angoisse à la dépression grave... « Folie », disent les psychiatres, qui les traitent à coups d'électrochocs et de calmants.
Naoual El Saadaoui, médecin elle aussi, a choisi de les écouter. Sous leurs symptômes et leurs souffrances, elle entend la voix du refus. Refus des mariages forcés, de l'excision et du harcèlement sexuel des oncles. Refus de la dure loi des pères, des frères et des maris. Refus de la résignation des mères et de l'hypocrisie petite-bourgeoise. Refus de l'islam lorsqu'il vire à l'intégrisme. Soigner ces femmes, pour elle, c'est d'abord les aider à transformer leur refus en combat, pour soulever le poids millénaire des traditions, pour affirmer leurs désirs de liberté et d'indépendance, leur droit à l'amour, à la culture, à la création.
"L ouvrage de Nawal el Saadawi, célèbre médecin psychiatre, sociologue et romancière égyptienne, porte sur la défense des droits de la femme. Il expose le système patriarcal et ses retombées désastreuses sur la vie dramatique que mènent les femmes, victimes des sévices imposés par une société arabo-musulmane qui les réduit à un simple objet de jouissance et les confine dans leur rôle d esclave. À travers ses expériences en tant que médecin dans les années 50 et 60, l auteur retransmet ses altercations avec des parents et des jeunes filles ignorant presque tout de leur corps."