Czapski, le prisonnier des camps de Starobielsk et Griazowietz (1939-1941), l'homme politique qui en 1942 recherche pour le général Anders les 15 700 officiers polonais manquants. Czapski, le découvreur du massacre de Katyn. Enfin Czapski, le peintre : sa seule et véritable passion ! Rare survivant de cette terrible époque, Czapski, son oeuvre picturale totalement détruite, s'établit en 1946, à 50 ans, à Paris. Il se fait alors en peinture le chantre de ce que Murielle Gagnebin appelle « le théâtre du quotidien » et, dans ses dessins, il « croque » les principaux comédiens et les intellectuels de la scène parisienne entre 1955 et 1980.
Ce livre aborde uniquement l'oeuvre de l'artiste, un des rares peintres du XXe siècle qui parle de l'être humain avec ses angoisses et ses lueurs d'espoir, ses cris et ses rires ! Depuis le premier livre que Murielle Gagnebin avait consacré en 1974 à cet artiste polonais, où elle s'était précisément interrogée sur le traitement de l'espace avec ces cadrages mystérieux et souvent mutilants, vingt ans se sont écoulés, Czapski étant décédé en 1993. Il était donc grand temps de poursuivre l'analyse de l'oeuvre magistrale de ce peintre étonnant, internationalement connu pour son courage politique qui a, en ces temps de désastre, quelque peu oblitéré l'oeuvre picturale.
Introduction et postface tentent ainsi d'ouvrir cette peinture à de nouveaux questionnements d'ordre plastique, mais aussi philosophique et psychanalytique. Le livre a tout de l'essai. L'écriture en est belle et consonne avec les planches en couleur et les dessins offerts au bonheur de l'oeil. La lecture de l'art est entendue ici comme une éthique du regard contemplateur, toujours en mouvement.
Épuisé
Toute image a-t-elle vraiment une ombre ? A moins que l'ombre, peinte ou sonore, ne produise une image.
Bref, qui, de l'image ou de l'ombre, l'emporte ? Ajoutons à cela les multiples clins d'oeil, les repentirs iconologiques, les astuces inhérentes au monde du spectaculaire, les présences d'absence habiles à hanter toute couvre, qu'elle relève de la littérature, de la peinture, de la photographie, du théâtre, ou du cinéma, voire de la psychanalyse. Bref, reprises, transpositions, falsifications, recréations ou, changeons de registre : épure, conquête de l'authentique, les manifestations de l'art ont maille à partir avec l'ombreux qui vite devient tantôt ombrageux, tantôt ombrant ! De même les arts de l'empreinte, depuis l'origine du dessin jusqu'à l'horreur d'Hiroshima et ses fulgurantes lumineuses susceptibles d'éliminer l'image comme l'ombre, sont-ils toujours en étroite relation avec la mort et l'ineffable ? Mais l'infigurable, trace de l'inhumain, ne peut-il aussi se transformer en trop de visible ? Voir s'accompagnerait alors de quelque hystérie, capable de retentir sur la part de l'ombre liée à toute figure, sauf celle du vampire, et de faire des marges, des blancs, des silences autant de fragiles demeures, inséparables cependant de la représentation.
Donner à voir implique ainsi sûrement un intime partage avec quelque secrète dispense des ombres. C'est ce que l'oeuvre du cinéaste Alexandre Sokurov, si familier du langage pictural, confirme, au cours d'un hommage, à sept voix, rendu à son film Elégie de la traversée (2001). Le jeu énigmatique des ombres, spécifique de sa " touche " comme d'un certain traitement de la mélancolie, valorise tantôt le documentaire dans la fiction, tantôt le rêve dans la sèche réalité.
La nostalgie, évocatrice de tant d'images, libère, là aussi, des ramifications propres à stimuler un nouvel art de créer, et peut-être même de penser les ombres.
Les Images parlantes : l'étrangeté habite ce titre ! Les détournements de l'image vers quelque langage codé, les contrebandes de l'image au gré de textes particulièrement transgresseurs (hiéroglyphes aventureux, cryptogrammes religieux, trésors de l'iconologie, subversions insolites de l'Art brut, mécanismes sulfureux du rêve, étranges translations d'un langage dans un autre), les transports sur la langue sont multiples. Une évidence s'impose donc : l'image ne parle pas, mais elle doit être parlée. Dès lors s'ouvre le domaine des fables et des fictions émanant de l'image elle-même, aptes toutefois à la spécifier comme à la sonder (livres en duo alliant l'image et le texte, fantasmagories du cinéma et parallèlement humilité signant le travail de tout
critique d'art). Exhiber une fonction inédite et captatrice de l'image en tant qu'elle est parlée, c'est
se prononcer pour son capital créateur, son ingénieuse inventivité. Bref, le registre de
l'iconique pourrait, au terme de ce livre, se laisser argumenter en ces mots : " Voir, c'est faire parler " !
Habitée par l'énigme, l'image ne cesse de nous provoquer dans nos certitudes et ouvre au " leurre " comme à la " présence ", dirait Yves Bonnefoy. Dans ce livre qui est consacré à son oeuvre, l'image se trahira sans cesse : éclaire-t-elle ou trompe-t-elle l'être dans son rapport au monde ? Lumière ou nuit de l'image oe
Parfois le poète se prononce en faveur de l'image : " L'homme a besoin d'images ". Yves Bonnefoy invoque alors " le blé de l'image ", mais ailleurs il la dévalorise et va jusqu'à mentionner " la boue de l'image aux yeux déserts ", voire sa disparition " Et bientôt même il n'y a plus d'image ", car " leur syntaxe est incohérence, de la cendre ". Il en vient ainsi à répudier l'image qui méconnaîtrait la finitude de ce dont elle est l'image, ce " dehors du sens " qui appelle tantôt " un irréparable silence ", tantôt le pouvoir, sans cesse en éveil, de revivifier son apparition.
Yves Bonnefoy n'a cependant jamais renoncé à interroger l'image : simple réfraction ontologique ? réinvention du réel ? facteur de rassemblement oe
" Point de contact " entre les êtres, l'image pourrait devenir une expérience de la plénitude du réel mais aussi bien de sa vanité.
Dans ce livre plusieurs chercheurs. fidèles à l'âpre mise en question de l'image, poursuivie sa vie durant par Yves Bonnefoy, vont aborder celle-là à travers tous ses aspects : littéraire, poétique, plastique, musical, architectural. Plus que jamais, sous ces filtres divers, l'image apparaîtra dans sa profonde ambivalence : lumière ou nuit ? L'ouvrage se clôt sur une centaine de pages du poète, parfois inédites, parfois difficilement trouvables. consacrées à l'image et à ses ambiguïtés.
À un moment bien précis de son élaboration, l'oeuvre d'art n'est plus dirigée par l'artiste lui-même mais par une entité autre, que Murielle Gagnebin dénomme Ego alter. L'auteur en traque le dévoilement qu'elle aborde par la notion psychanalytique de projection avec son cortège de régressions et de dépersonnalisations. Ceci, à travers des oeuvres littéraires (Rousseau, Artaud, Walser, des Forêts, Bonnefoy, Barthes), des oeuvres plastiques (Van Gogh, le surréalisme, les frères Van Velde, et des peintres contemporains) et des cinéastes, tels Eustache, Sokurov, Van der Keuken. Ces terres insolites ne sauraient être confondues avec le domaine du rêve, dont M. Gagnebin analyse les multiples fonctions, à même des films. L'auteur s'interroge sur les éclipses de cet Ego alter avec Beckett, Amiel, et Angelopoulos. Centrée sur certaines " peintures noires " emblématiques, la fin du livre permet à M. Gagnebin d'étudier les " interdits " adressés à cet Ego alter.
Docteur d'État ès lettres et sciences humaines (Genève et Paris), Murielle Gagnebin est professeur à la Sorbonne Nouvelle (Paris-III) et membre titulaire de la Société psychanalytique de Paris. Auteur de plusieurs livres, elle situe ses recherches à l'interface de l'esthétique, de la philosophie et de la psychanalyse.
5 La passion de l'identité 7 Le fonctionnement psychique : une vocation Convergence de l'oeuvre littéraire et de l'oeuvre théorique, 7 Une théorie enracinée dans une praxis, 10 Une vue révolutionnaire de l'analyse, 12 Une éthique du bouleversement, 16 20 Les abîmes de la psyché " A vrai dire, le paradoxe n'est qu'apparent ", 20 Perdre pour gagner, 21 Invention et déterminisme, 25 Continuité et mutation, 32 Pulsion de mort et libido, 35 L'hôte ambivalent, 38 L'énigme du langage, 42 La sexualité de la femme reformulée ou " La géographie, c'est le destin ", 44 Ineffabile individuum ?, 50 54 Une cinétique dramatique Mundus est fabula, 54 Une conception poïétique de l'analytique, 56 De l'alibi romanesque à la dramaturgie théâtrale, 58 63 Une clinique de l'économique 65 Éléments biographiques 66 Bibliographie raisonnée 86 Choix de textes Le même et l'identique, 86 Notes sur l'évolution et la nature de l'Idéal du Moi, 88 Contre-transfert et système paradoxal, 92, 94 Le travail du trépas, 95 La bouche de l'Inconscient, 98, 101 Pendant la séance, 102, 105, 106 Stratégie et tactique à propos des interprétations freudiennes et kleiniennes, 107 Du dérangement au changement, 109 Interprétation et mémoire, 110 Les esclaves de la quantité, 112 La mort n'avoue jamais, 114 Le lac, 116 Le rire et la poussière, 116 Dentelle en terre, 121.
"L'auteur propose ici un modèle inédit d'interprétation de l'art centré sur le conflit psychique inhérent à chaque oeuvre. Est ainsi promue une vraie poïétique de la perturbation. De la théorie aristotélicienne de la création, l'auteur retient le jeu des quatre causes qu'elle renouvelle à la lumière des propositions freudiennes et post-freudiennes. C'est-à-dire que le capital pulsionnele, le degré de bisexualité, la capacité à élaborer deuils et choix, enfin l'emprise sur le matériau sont désormais les figures analytiques auxquelles répondent secrètement les oeuvres d'art. Considérés avant tout comme des créatures vivantes, films, tableaux, images dites virtuelles ou de synthèse sont donc à la fois des individus organisés et dotés d'une structure psychique précise et des personnes possédant un destin.
Conviée en ces lieux où l'oeuvre dévoile sa vulnérabilité, l'exégèse s'attelle à travailler au bord du gouffre, là où l'art à tout instant risque de se perdre, n'était ce le recours à ce que l'auteur nomme une "greffe métaphorisante" : Antonioni et sa conception du vide, Fincher et le fétichisme, Kurosawa et l'irreprésentable, Lynch et les figures de l'excès, tels sont quelques territoires de l'expérience ici menée.
"Montées" sur les paroles du patient, les interprétations psychanalytiques permettent en outre à l'auteur de développer une herméneutique de montage pour le moins intrigante, tandis que certaines données princeps du cinéma viennent comme enrichir ce moment si crucial de la cure." Texte de couverture Table des matières Ouverture : les préludes de la création PREMIÈRE PARTIE Introduction : un modèle épistémologique Penser l'irreprésentable : Kurosawa Les pouvoirs du vide : L'Éclipse d'Antonioni La passion de l'alternative chez Resnais : un mauvais infini L'esthétique comme clinique de l'excès : David Lynch Aux confins de la symbolisation : Tony Oursler DEUXIÈME PARTIE Introduction : psychanalyse et création ou de l'herméneutique à l'heuristique L'art abstrait aux prises avec la psychanalyse Montages cinématographiques et niveaux de l'interprétation psychanalytique : hypothèses et enjeux De l'essentielle falsification des perceptions : trompe-l'oeil et image de synthèse (3D) Défense et illustration de la notion de " greffe métaphorisante " L'esthétique et le mal Crépuscule de l'art Épilogue Index nominum, 245 Références de publication Du même auteur
L'art de la feintise ou l'inconscient au banc d'essai de la peinture, du cinéma, de la littérature et de la clinique psychanalytique. Comment les instruments de la psychanalyse permettent-ils de faire la différence entre une oeuvre vraie et une oeuvre fausse ? Pais pour qui sait lire en qualité de psychanalyste l'inauthenticité est aussi révélatrice. La véracité qui surgit au travers du travail artistique et clinique d'interprétation montre comment la falsification, en passant par des outrances ou par une rhétorique de la litote, se piège elle-même. Les exemples cités relèvent autant de la peinture, du cinéma que de la littérature, mais il s'agit d'une lecture psychanalytique ...
Pourquoi la critique psychanalytique a-t-elle été si longtemps imparfaite pour traiter du cinéma qui cependant lui faisait la part belle ? Nés quasiment avec le siècle psychanalyse et cinéma entretiennent malgré tout d'innombrables relations : on parle, ici comme là, de séance, d'activités fantasmatiques démultipliées, d'identifications à l'analyste ou au héros, de projections - qu'elles soient paranoïdes, défensives, primaires ou d'un 16 mm, voire d'un Super 8.
Le cinéma met volontiers en scène des personnages représentant des psychanalystes ou des psychiatres, le patient parle de son " film " quand il évoque un rêve, pour certains analystes le premier " écran blanc " est le sein maternel et nombreux sont les films qui tentent de restituer un matériel onirique. Or, l'inconscient paraît jouer des tours à l'emprise herméneutique lorsque celle-ci s'applique au cinéma.
Leurres, chausse-trappes sembleraient duper le rapport du cinématographique et du psychanalytique, chacun comme pris dans un kaléidoscope vertigineux de fausses ressemblances. Ce livre tente ainsi de capter à nouveau l'essence si particulière du cinéma à la faveur de divers éclairages psychanalytiques, où le défilé psychique valorise plus que jamais l'image mobile pour l'amener à livrer in fine son chiffre énigmatique.
On y verra ainsi l'évolution du rôle du psychanalyste, qui, de savant tout pétri de bienveillance pour son patient, se mue en cannibale rusé ; on y constatera les parallèles qu'entretiennent la grammaire analytique au coeur de l'interprétation et la rhétorique si variée des montages (fondus, cuts. ) ; on y lira plusieurs analyses filmiques (freudiennes et lacaniennes) avant tout préoccupées de la vie inconsciente ; on y découvrira la mise à l'épreuve d'une toute nouvelle méthodologie analytique s'appliquant à détailler et à cerner les ressorts du comique au cinéma qui, au demeurant, laisse miroiter dans ses appeaux les larmes de la vie plus que jamais considérée comme une succession de deuils.
Avec le mélange intime de fantaisie et d'autorité qui lui est propre et en allant au plus pressé, Michel de M'Uzan s'explique dans ce recueil sur la nouvelle théorie qu'il a élaborée au long de ses travaux et proposée à la psychanalyse. Il fait jouer son apport conceptuel sur fond de «fable» développementale, recherche une cohérence spatiale, temporelle et économique dans la théorie et chez le psychanalyste lui-même - cohérence dont il se moque avec une belle insouciance quand, par ailleurs, il avance en explorateur sur le territoire, incohérent par nature, des frontières changeantes de l'être. Et parfois, ces frontières donnent à voir des paysages qu'on ignorait. Quand le «jumeau paraphrénique» voyage en terra incognita sur les ailes de la «chimère». L'inquiétude, là, est l'outil nécessaire à l'acte analytique.
Les textes, qui datent pour la plupart de ces dernières années et dont certains sont inédits, se poursuivent avec un Glossaire des notions de psychanalyse introduites ou critiquées par l'auteur - dû à la rigueur attentive de Murielle Gagnebin.
Pour Michel de M'Uzan, l'activité créatrice ne procède pas seulement de la gestation du pulsionnel-sexuel, objet de la sublimation, mais engage un autre questionnement fondamental, celui de la problématique identitaire. Sa pensée bouscule les belles différences, les belles distinctions entre le sujet et l'objet, le dehors et le dedans, le rêve et la réalité. Avec elle, les notions familières de beauté, de laideur, de sublime dialoguent avec la puissance de l'aléatoire, du flou, du nocturne. Ces dernières vues sont au coeur des notions avancées par M. de M'Uzan jusque dans le domaine clinique : chimère psychologique, système fondamental et jumeau paraphrénique.
Cet ouvrage collectif rend hommage à une pensée méditante, toujours en éveil et en acte, qui prône constamment le mouvement et dans laquelle " le dérangement est assurément le maître-mot, un maître-mot fécondant " (M. Gagnebin)
Il y a des images propres à représenter la honte et, à côté, des images éhontées, enfin des images qui éprouvent, en leurs plis, la honte.
Dira-t-on que notre culture se plaît à jouer avec l'impudeur, l'opprobre, l'abjection ? Cherche-t-elle à les piéger ou à les exalter ? Que signifie la tentation du snuff movie : ces films " interdits " qui veulent capter le travail du trépas sur les visages ou dans les postures ultimes, et ainsi porter atteinte à ce qui est au plus profond de l'être, à l'identitaire ? C'est de " la gale de la psyché ", de l'esthétique du laid devenu " trash ", " destroy ", apologie de l'immonde qu'il est ici question.
" Rougir de honte " est devenu désuet, quand, aujourd'hui, on peut " mourir de honte " à force d'humiliations ou d'affronts existentiels. La " machine à faire la merde " de Delvoye, les anatomies falsifiées de condamnés à mort dues à G. von Hagens mettent en scène l'homme-détritus, alors que d'autres artistes, se confrontant à la terreur de la psychose ou aux images du Goulag, voire d'Auschwitz, " cet anus du monde ", parviennent, quant à eux, à sublimer le sordide en tragique.
Sont étudiées ainsi parmi beaucoup d'autres les oeuvres de plasticiens (Zoran Music, David Nebreda), d'écrivains (Chalamov, Tisma), de cinéastes (Bela Tarr, Fassbinder, Haneke, etc.). Aux multiples domaines de l'art s'appliquent les diverses interrogations propres aux sciences humaines : histoire des mentalités, esthétique, psychanalyse. Les réponses semblent contrastées : perte des repères, absence d'idéal, violence contenue dans l'acte de voir, déni de la honte, valorisation du passage à l'acte, transparence de l'intime.
En définitive, y aurait-il une émotion spécifique aux images honteuses ? Quels en seraient alors le destin et la fonction ? M.G.
Tout affrontement ne procéderait-il pas d'un malentendu ? Dès lors, celui-ci résiderait dans le sujet lui-même, dans des drames intérieurs. La notion d'affrontement est donc très loin de pouvoir être ramenée à la simple mise en face à face de sujets, d'entités, de pensées, d'idéologies. Cette notion d'une extraordinaire complexité, puisqu'elle réserve une place à l'incertitude : sujet/objet, dedans/dehors, aujourd'hui/autrefois, etc., est étudiée dans le champ des images aussi bien picturales, théâtrales, cinématographiques, musicales que verbales, et selon quatre grands axes :
* celui du conflit du corps singulier et du corps social (oedipe et le Sphinx de G. Moreau, Accatone de Pasolini, certaines « performances » d'Abramovic-Ulay.
* celui de l'affect principal animant ces dramatiques confrontations : la cruauté est explorée dans ses registres psychologico-psychanalytiques et philosophiques : férocité des idéaux qui se transforment en objets persécuteurs, dialectique diabolique entre bourreau et victime, cannibalisme selon Montaigne, poids du sang chez Racine, retentissements ravageurs d'une mère absente ou « morte » chez Barbey d'Aurevilly et chez Georges Bataille.
* celui des affres de la jalousie, le théâtre le plus intime de la cruauté. D'Othello (Shakespeare, Welles, Verdi) au Silence de Bergman, de l'Avventura d'Antonioni au Décalogue 9 de Kieslowski mais aussi à Bad Guy (Kim Ki-Duck) et à Paris-Texas (Wim Wenders), les oeuvres ne manquent pas qui donnent à scruter les innombrables stratégies de la jalousie.
* enfin, l'affrontement des images entre elles, la quasi « jalousie iconique » définissant l'aire de diverses manipulations à l'intérieur des images : Villon avec sa provocation ludique dans sa Ballade des Pendus, le cinéaste tchèque Radok qui articule tragiquement images d'archives et images de fiction à propos du camp de Terezin, Elfriede Jelinek torturant le langage, Godard avec ses Histoire(s) du cinéma si percutantes montrent, chacun, l'ampleur de la déconstruction opérée dans et par l'image.
In fine, ne pourrait-on dire singulièrement que le démantèlement, élevé au rang d'instrument, et s'exerçant dans le champ strict de l'image, engage paradoxalement une fécondité révolutionnaire ?
Les images limites exposent les différents domaines de l'art aux problématiques ardues du seuil, de l'entre-deux, du manque comme de la butée. Mais camper sur la limite est aussi l'occasion de vertiges. Sont interrogés l'originel (nuit utérine, scène primitive), propre à conférer sa temporalité à l'image des tout débuts, et l'originaire qui en marque le fondement structural. Les bornes de l'image, lieux tantôt de néo-création, tantôt épreuves du désert, retiendront l'attention. Les sciences humaines telle l'épistémologie, la psychanalyse, l'esthétique, la philosophie, la traductologie, apportent rigueur et lumière à ces études saisissantes sur Lars von Trier, Resnais, Suwa, Guy Debord, ou Flaubert, Jabès, Claude Simon, ou encore Böcklin, Robson, le bio-art, etc..