« Certains mots vont pendant des siècles d'une bouche à l'autre sans qu'on ne puisse jamais en dégager un contenu clair et précisément défini. » Un de ces mots est celui d'amitié, un « sentiment » sur lequel l'homme n'a jamais cessé de s'interroger. Qu'est-ce que l'amitié ? Avec qui se manifeste-t-elle ? Avec les camarades de classes, les collègues, les voisins, les personnes proche ou bien lointaine ? L'amitié est-ce ce qui se cultive dans l'enfance, ou bien un sentiment qui accompagne toute la vie et qui se renforce seulement à l'âge adulte ? Siegfried Kracauer, philosophe et sociologue proche de l'école de Francfort, analyse ici avec méticulosité les différentes facettes de l'amitié.
De Caligari à Hitler : ce titre célèbre caractérise en un significatif raccourci la période la plus riche de l'histoire du septième art allemand. En 1919, Le Cabinet du Dr Caligari ouvrait, en effet, l'ère de l'" écran démoniaque " et en 1993 Hitler brisait net le sonore. Entre ces deux dates l'expressionnisme témoigna des tourments de l'âme germanique tandis que le réalisme analysait une société en crise. Rarement le cinéma fut plus profondément enraciné dans la vie culturelle, politique et sociale d'un peuple.
Siegfried Kracauer devint en 1920 le critique cinématographique de la Frankfurter Zeitung et il y demeura jusqu'en 1933. C'est dire qu'il a suivi pas à pas le développement du cinéma dans son pays. Théoricien de l'esthétique, historien, philosophe, il entreprend d'étudier la propagande et les films nazis lorsqu'il arrive aux Etats-Unis, ce qui le conduit à remonter le courant et à écrire une étude psychologique fouillée qu'il publie en 1947 : From Caligari to Hitler (Princeton University Press). Ce texte, le premier qui utilise en cette matière les conquêtes du marxisme liées à celles de la psychanalyse, montre que le septième art, mieux que tout autre moyen d'expression, révèle dans sa vérité complexe la mentalité d'une nation. Immédiatement, ce livre monumental s'imposa comme un classique.
Aperçus de l'Allemagne nouvelle (1929).
Il s'agit ici de ce que Walter Benjamin appelait, dans un compte rendu qu'il fit à l'époque de l'ouvrage, une "contribution à la sociologie des employés", d'un style et d'une méthode bien différents cependant. L'auteur circonscrit d'abord son objet d'étude par les données statistiques et les premières études de spécialistes ; puis il mène en dix semaines une enquête de terrain à Berlin : il étudie minutieusement les conditions d'habitat, de transport et de travail (des usines aux bureaux de placement) des employés, dont il dit la prolétarisation progressive. Il mène des entretiens avec les employés et les employeurs ; il participe à leurs loisirs (le cinéma surtout, le sport aussi) et s'immisce dans leur intimité en dépouillant la correspondance privée de quelques-uns d'entre eux. L'étude volontairement totalisante des employés réunit et rejoint les thèmes qui ont toujours intéressé l'auteur, et auxquels il avait déjà réfléchi. Terminé à la fin de 1929, le manuscrit est publié en une série de dix articles dans le journal auquel Kracauer collabore, le Frankfurter Zeitung. Le livre paraît dans les mois suivants. En mai 1933, il vient rejoindre le bûcher de livres dénoncés comme subversifs par les nazis.
Genêt n'a rien d'un héros. Talentueux architecte, il a 25 ans lorsque la Première Guerre Mondiale éclate. Sceptique vis-à-vis de l'enthousiasme patriotique de ses contemporains, il tente à plusieurs reprises d'échapper au service militaire - la mère patrie n'a après tout pas besoin d'architectes sur le front, mais à l'arrière, où ils peuvent, par exemple, concevoir des usines de grenades et des cimetières pour les soldats tués... Loin des champs de bataille, auxquels il parvient à échapper, il apprend à construire un lit avec une rigueur militaire, à tirer et à « peler des patates contre les ennemis ». Et il est convaincu, dans son zèle, que tous ces exercices ne sont pas destinés à la guerre, mais que la guerre elle-même est un prétexte pour ces exercices.
Ce roman dépeint le portrait fascinant d'un homme dont l'attitude contradictoire envers le monde a souvent été comparée à celle de Chaplin et Keaton. D'une impuissance comique, Genêt ne se montre à la hauteur d'aucune situation, dévoilant malgré lui l'envers de toute chose. Dans ce roman, la normalité devient singulière, l'activité paraît tourner à vide et les personnages se vident de leur substance. Un retournement d'autant plus significatif qu'il reflète celui d'un pays basculant de la paix vers la guerre, de manière quasi indifférente.
Bloch admirait ce remarquable roman, disant que « Genêt à la guerre, c'est comme Charlot dans un grand magasin ».
Berlin, Paris, Marseille, Nice et l'Italie : non dans leurs monuments grandioses, leurs décors obligés, leurs vues pour touristes, mais dans leurs recoins oubliés, leurs périphéries, leurs espaces ouverts, mêlés : rues, cafés, baraques foraines, cirques, passages désuets où s'expose une marchandise bariolée, le bric-à-brac merveilleux d'un univers énigmatique et fragmentaire. C'est à cette flânerie dans une Europe secrète des années trente qu'invite Siegfried Kracauer dans cet ouvrage unique - à la lisière de l'essai, du récit, de la description poétique et de l'enquête sociologique ou policière. «La valeur d'une ville se mesure au nombre de lieux qu'elle réserve à l'improvisation», conclut ce styliste singulier, le premier à incarner cette figure de promeneur qui fut ensuite celle, emblématique, de Walter Benjamin.
La biographie d'Offenbach est avant tout celle d'une époque : telle est la conviction qui sous-tend le propos de Siegfried Kracauer dans un ouvrage devenu classique depuis sa première parution en 1937. La société du Second Empire dans son ensemble, avec sa noblesse divisée, son aristocratie financière, sa population d'artistes, de bohémiens, de journalistes et de lorettes, l'émergence des masses, l'importance prise par les salons, théâtres, cafés et passages, la célébration mercantile des expositions universelles.
Sur ce fond, vient se détacher la personnalité d'Offenbach, personnage humoral et contradictoire, dont Kracauer analyse, en même temps que les espoirs et les triomphes, la conscience malheureuse d'intellectuel en exil : reflet de bien d'autres anxiétés que l'histoire ne devait que trop vérifier.
Précédant les textes et les projets de Walter Benjamin, Jacques Offenbach ou le secret du Second Empire fut l'un des premiers ouvrages à explorer la typologie du flâneur et de l'homme des boulevards, amorçant une réflexion dont nous n'avons pas fini d'épuiser les richesses.
Initiée par une histoire amoureuse d'une grande intensité, la correspondance entre Th eodor W. Adorno et Siegfried Kracauer constitue un matériau littéraire et intellectuel d'une rare densité entre deux penseurs « hors norme ».
La lecture de leurs échanges off re une immersion dans cette partie de l'histoire du XXe siècle et de l'intelligentsia allemande et internationale qu'il nous est ainsi permis d'explorer à travers le prisme d'une relation hors du commun et en prise perpétuelle avec l'histoire qui mena de l'entredeux- guerres à la catastrophe et contraignit de nombreux intellectuels à l'exil et à une vie précaire, souvent jusqu'au désastre.
Bien que les positions intellectuelles et statuts professionnels d'Adorno et de Kracauer furent diff érents et qu'ils permirent au premier d'accéder, dans l'exil, à une reconnaissance et à une sécurité matérielle que ne connut que bien plus tard le second, cette histoire souvent très émouvante n'est pas celle de la rivalité qui aurait pu opposer les deux hommes mais le témoignage d'une relation sans concession, dont les disputes intellectuelles révèlent les désaccords profonds, tout en manifestant sans cesse l'intense amitié qui les lia jusqu'à la mort de Kracauer.
Enfi n, si la correspondance entretenue par les deux hommes pendant toutes ces années recèle un caractère si singulier, elle participe plus généralement des relations parfois étroites qu'ils entretinrent avec d'autres penseurs et artistes majeurs de ce siècle (Berg, Benjamin, Bloch, Lukács, Horkheimer, Löwenthal, etc.).
Cet ouvrage constitue une source indispensable à la connaissance des conditions historiques, politiques et intellectuelles dans lesquelles ces penseurs élaborèrent, l'un comme l'autre, une oeuvre indispensable à la compréhension du monde contemporain.
Siegfried Kracauer (1889-1966) apparaît aujourd'hui comme l'un des intellectuels les plus originaux issus de la République de Weimar.
À la fois philosophe, romancier, journaliste, sociologue et historien, il fut également un critique et théoricien reconnu du cinéma. Contraint à l'exil en 1933, il se réfugia en France puis aux États-Unis, où son grand ouvrage Théorie du film parut finalement en 1960. Kracauer y élabore une "esthétique matérielle" du cinéma en partant des propriétés intrinsèques du médium, de son affinité avec la vie quotidienne, mais aussi avec la réalité historique et ses images de violence et d'horreur.
Il met également en lumière les modes de narration spécifiques, tels l'histoire trouvée ou l'épisode, dont le film est porteur. Le livre, qui forme de fait un diptyque avec son travail suivant sur L'Histoire (1969), anticipe les interrogations actuelles sur les rapports entre le cinéma, l'histoire et la mémoire. Grand classique dans le monde anglo-saxon, cette somme érudite est aussi un diagnostic sur notre condition historique, une réflexion sur la barbarie du xxe siècle et constitue "une esthétique du film après Auschwitz".
Il s'agit ici de ce que Walter Benjamin appelait, dans un compte rendu qu'il fit à l'époque de l'ouvrage, une "contribution à la sociologie des employés", d'un style et d'une méthode bien différents cependant. L'auteur circonscrit d'abord son objet d'étude par les données statistiques et les premières études de spécialistes ; puis il mène en dix semaines une enquête de terrain à Berlin : il étudie minutieusement les conditions d'habitat, de transport et de travail (des usines aux bureaux de placement) des employés, dont il dit la prolétarisation progressive. Il mène des entretiens avec les employés et les employeurs ; il participe à leurs loisirs (le cinéma surtout, le sport aussi) et s'immisce dans leur intimité en dépouillant la correspondance privée de quelques-uns d'entre eux. L'étude volontairement totalisante des employés réunit et rejoint les thèmes qui ont toujours intéressé l'auteur, et auxquels il avait déjà réfléchi. Terminé à la fin de 1929, le manuscrit est publié en une série de dix articles dans le journal auquel Kracauer collabore, le Frankfurter Zeitung. Le livre paraît dans les mois suivants. En mai 1933, il vient rejoindre le bûcher de livres dénoncés comme subversifs par les nazis.
Ce dernier livre de Siegfried Kracauer, resté inachevé à sa mort en 1966 et publié à titre posthume, est une réflexion ambitieuse et audacieuse sur la réalité historique comme sur la philosophie de loehistoire. Kracauer soey confronte, de façon aussi originale quoeincisive, à loehistoricisme allemand doeun côté, à loeÉcole des Annales (en particulier à Marc Bloch) et à loehistoriographie anglo-saxonne de loeautre. Pourfendant le mirage doeune histoire universelle comme les illusions des grandes chronologies linéaires, il défend loeidée doeun passé discontinu, fragmenté, entre restes et traces. En historien et en théoricien du cinéma, attentif aux questions de narration, il se penche également sur loeécriture de loehistoire, mise en parallèle avec le travail de montage cinématographique.
Doeune étonnante actualité, cette analyse originale qui circule avec aisance doeErasme à Proust ou de Comte à Marx, anticipe les débats les plus récents sur les rapports entre histoire et mémoire comme sur les avancées de la microhistoire.
Coeest aussi une méditation sur la condition de loeexilé qui peut se lire comme une autobiographie cachée. Car pour Kracauer, loehistorien comme loeétranger ou loeexilé doit accéder à un monde auquel il noeappartient pas. Partagé entre deux époques, celle dans laquelle il vit et celle quoeil étudie, tel loeexilé déchiré entre deux lieux, il est condamné en permanence à errer entre les temps.
Best remembered today for his brilliant study of early German cinema, From Caligari to Hitler: A Psychological Study of the German Film, and for his involvement with the Frankfurt School (he mentored Theodor Adorno), Siegfried Kracauer (1889-1966) was the editor for cultural affairs at Germany's leading liberal newspaper, the Frankfurter Zeitung, during the Weimar Republic until its disastrous end.
His novel Georg is a panorama of those years, as seen through the eyes of a rookie reporter working for the fictional Morgenbote (Morning Herald). In a defeated nation seething with extremism right and left, young Georg is looking for something to believe in. For him, the past has become unusable; for nearly everyone he meets, paradise seems just around the corner. But which paradise? Kracauer's grimly funny novel takes on a confused and dangerous time which may remind us of our own.
Le voyage et les danses exotiques, les revues de girls et les parades gymniques, la mode et les compétitions sportives, la photographie de presse et le culte des stars, les best-sellers et le cinéma - autant de phénomènes qui apparentent les feuilletons de Siegfried Kracauer à des mythographies de la modernité.
Dans ces essais écrits sous la République de Weimar pour le Frankfurter Zeitung se croisent le regard du flâneur envoûté par l'activité de la rue et celui du critique de cinéma évaluant les images captées par ce nouveau médium.
Pour le passeur entre sciences sociales, littérature et film que fut Kracauer, décrire les rituels esthétiques de la grande ville, déchiffrer la culture de masse naissante, c'est mettre en oeuvre sous forme de « miniatures » des analyses du mythe contemporain.
Composé entre 1922 et 1925, ce livre - l'une des premières études du genre - se situe à la charnière entre la théorie du roman de lukacs et les débuts de l'ecole de francfort.
Kracauer découvre les correspondances secrètes entre le genre fortement codé qu'est le roman policier et. la théologie. c'est une théologie du néant, oú le détective, célibataire comme les ecclésiastiques, célèbre dans le hall d'hôtel les messes noires de la raison infaillible et invincible. la philosophie rationaliste elle-même s'avère être une sorte de roman policier.
Épuisé