maroc, automne 1954.
ismaël, dix-huit ans, est amené à prendre les armes contre une organisation terroriste, la main rouge. le roi mohammed v, destitué depuis un an, est exilé à madagascar. les hauts faits du jeune paysan sont célébrés par la rumeur publique, et le leader mehdi ben barka lui confie plusieurs missions dont il s'acquitte à merveille. de là naît la légende. des témoins prétendent qu'ils l'ont vu, au cours d'un orage, détourner de ses mains la foudre qui allait le frapper.
d'autres affirment qu'il a descendu à la carabine, d'une seule balle, un hélicoptère de son adversaire le colonel chartier. au moment où chacun voit en lui un chef providentiel envoyé par allah, ismaël renonce à sa légende: il ne veut pas faire couler le sang, gracie un chef de guerre convaincu de trahison, refuse tous les lauriers, toutes les auréoles qu'on veut mettre sur sa tête. qui est ismaël ? que s'est-il passé dans l'être profond de ce héros qui en refuse le titre ? dans ce récit qui allie l'envolée épique à l'existence quotidienne, millecam renouvelle la splendeur faulknérienne de ses précédents romans : la spirale tragique, ici, est soutenue par le style visionnaire, prophétique, pourtant très actuel, d'un auteur chez qui certains critiques ont souligné l'héritage des grecs, ainsi que la mémoire des messages biblique et coranique.
l'auteur a vécu presque toute sa vie en afrique du nord, sa véritable patrie. pendant la guerre d'algérie, ses opinions lui ont valu d'être poursuivi par les forces de l'ordre qui l'ont fait abattre en mai 1956. il s'en est tiré avec une trépanation. le maroc, fraîchement indépendant, l'a accueilli alors. ii doit la vie à ses amis algériens et à l'hospitalité du roi et du peuple marocains. en écrivant ismaël, millecam ne fait que s'acquitter d'une dette contractée jadis dans la foi et l'amitié.
Chris Galaad, alias J-P. M. (alias le Petit crustace´), romancier consacre´ par la critique, vient de recevoir une lettre de refus de son e´diteur, Antoine G., grand Moghol litte´raire, qui fait et de´fait les Goncourt comme les Nobels. Or le livre en question e´tait destine´ a` couronner une se´rie de dix-huit volumes. Ce refus ampute donc une oeuvre monumentale. Le Petit crustace´ re´pond a` Antoine : il ne lui reste que peu de temps a` vivre: il abandonne tous ses droits d'auteur moyennant la publication de son ultime chef-d'oeuvre. Il va plus loin: il en fait autant pour le reste de son oeuvre. Sa lettre a` Antoine reste sans re´ponse. Fureur de Chris... Antoine a beau e^tre un monarque, Chris, en tant que poe`te ou rhapsode, en est un autre. Mais que peut faire un Petit crustace´ face a` un gros Calmar ? Notre Petit crustace´ re´unit certains personnages de ses derniers livres pour leur demander conseil. Au cours d'une nuit ou` l'insomnie se me^le au de´lire, Z. le Petit archer, accompagne´ de Foskifo et Skifopa deux sosies fanatiques du nudisme instruiront le proce`s d'Antoine. Celui-ci est-il coupable ? Il semble n'avoir jamais rec¸u la lettre, donc e^tre peu responsable d'un complot politique et litte´raire contre Chris, ourdi par des personnalite´s plus ou moins patibulaires, qui s'ente^tent a` «avoir la peau» de Chris, trop ce´le`bre a` leur gou^t. Si Antoine a bien rec¸u cette lettre - recours aux traditions de la chevalerie : un duel entre le poe`te bafoue´ et le grand Moghol abusif.
À Casablanca, Lancelot, professeur de littérature français, est le mentor de deux jeunes gens : Zohair le petit pirate, et Farid le petit cyclone. Zohair voudrait donner sa soeur en mariage à Farid. Pour être sûr de son choix, il confie le journal intime de ce dernier à Lancelot... À cette quête intérieure répond une saisissante plongée dans les profondeurs du Maroc d'aujourd'hui, en proie aux convulsions politiques, auxquelles les héros vont devoir s'affronter.
Anne´es pieds-noirs est un roman ve´cu par l'auteur entre sa naissance et sa vingtie`me anne´e, c'est-a`-dire l'e´poque ou` se signalent les pre´mices de la guerre d'Alge´rie.
A` l'automne 1968, Millecam retourne au Maroc. C'est successive- ment a` Oran, Rabat, et Casablanca, que Millecam e´crira toutes ses oeuvres.
Pendant ces vingt anne´es, l'enfant, puis l'adolescent, puis l'e´tu- diant verra se de´rouler les pe´ripe´ties qui affectent le monde et sa famille, d'honorables Pied-noirs. En-dec¸a` de la Me´diterrane´e, depuis les bords volcaniques de l'Oranie, il verra se succe´der, sous le Front populaire, les haines gauche-droite, puis « la dro^le de guerre », suivie du de´barquement libe´rateur des G.I. de Roosevelt, l'arrive´e du ge´ne´- ral De Gaulle a` Alger : ces multiples pe´ripe´ties, jointes a` la de´faite de Hitler a` Stalingrad, e´largiront conside´rablement sa vision de l'univers. Il est vrai que la ville d'Oran, pendant quelques trimestres, ne s'est pas borne´e a` figurer le de´cor de la Peste camusienne : le port de cette ville a e´te´ le plus actif de la Plane`te en guerre : on y de´barquait tout le mate´riel qui servait la campagne de Tunisie, puis la campagne d'Italie.
Chris Galaad, romancier nague`re porte´ aux nues, attend la visite de son vieil ami, le Pe`re La Camomille, un me´tis ne´ du co^te´ de la mer des Sargasses. Il veut lui confier sa de´che´ance face au mal d'Alzheimer. Pour le pre^tre, pas d'Alzheimer!... Ce dont souffre Chris, c'est de sa de´che´ance du co^te´ des e´diteurs, qui refusent de publier ses manuscrits. Il s'agit d'un complot, confie Chris : il se heurte a` un colle`gue devenu son ennemi absolu, un certain Tarek Bourboun, fils d'un Emir des sables, et qui fait la pluie et le beau temps dans le monde des lettres.
La Camomille fait appel a` son fils d'adoption Foskifo, jeune Marocain issu du grand Erg, pour redresser la situation. Foskifo de´barque chez Chris reve^tu de la soutane du pre^tre : il la porte depuis qu'il a plonge´ dans le lac du bois de Boulogne pour la ramener au terme d'une lutte contre un gang facho. Foskifo entrai^ne dans la lutte son sosie Skifopa, une jeune prostitue´e (en re´alite´ du sexe masculin) qui ne pratique son me´tier que pour atteindre au doctorat de me´decine. Les deux garc¸ons jouissent de codes spe´ciaux qui leur permettent de voler, presque invisibles, d'un espace a` l'autre, nus comme une paire de Tarzans, chacun au bout de son filin. Leurs de´marches entrai^neront une suite de´lirante, surtout devant la gigantesque tapisserie qui couvre un mur du salon, chez Chris - tapisserie hante´e d'ou` de´barqueront, au gre´ de l'e´ve`nement, des ce´le´brite´s telles que Louis XIV, Christine de Sue`de, Charlie Chaplin, Louis-Ferdinand Ce´line, Jean-Marie Le Pen.
Dans un Quotidien, Chris attaque le prix Duclou-Joncourt, fide`le a` Tarek Bourboun. La guerre est de´clare´e, si a^pre que la foule, emporte´e par une rage quasi e´lectorale, tournera a` l'e´meute, presque jusqu' a` la chute du gouvernement.
Au lecteur, d'y participer.
Ismae¨l, un jeune Marocain d'origine paysanne a` peine tire´ de son adolescence, he´rite d'un Cheval qui va lui permettre de s'engager dans la lutte d'Inde´pendance du Maroc, et d'abord de libe´rer le Sultan Mohammed V, exile´ a` Madagascar par la puissance colonisatrice. Son combat pour cette noble cause l'entrai^ne dans une lutte ou` le souvenir du Cheval lui permet de re´ussir au cours d'actions qui semblent relever du surnaturel. Il devient ce´le`bre pour avoir de´tourne´ la foudre de ses camarades en lui opposant ses deux paumes, puis pour avoir abattu un he´licopte`re avec une seule balle de sa carabine.
Juillet 1989. Le temps manipule sa charnière: un siècle chavire sur le précédent, un millénaire sur l'autre. Carole Weisweiller demande à Millecam de faire une conférence intitulée «Jean Cocteau, ligne de tête ou ligne de coeur». Aussitôt le conférencier envisage les fameuses lignes du poète depuis l'époque qu'il qualifie d'esthétique jusqu'à son époque mystique. Mais il va vite virer de bord en faisant un plongeon, de droite et de gauche, vers des horizons qui, à mesure, croisent le propos de la conférence: le cinéma, les Lettres, l'art pictural... tout ce qui lui vient spontanément sous la plume. Cinéma: un festival à Rabat, où il découvre la splendeur des séquences du Moyen-Orient, avec l'acidité critique dont il écrase les dictateurs (Syrie par exemple), le noir et blanc des années 40 à Holywood, les auteurs de chefs d'oeuvre (Raoul Walsh, Ford, Clarence Brown, Michaël Curtiz), la personnalité de Hitchcock, un linéaire dès le générique de ses films. Littérature, évidemment: le raciste Céline, qui mérite parfois une fessée retentissante, puis, toujours grâce à Cocteau, une querelle subtile touchant André Gide. Chemin faisant, il dénoncera l'attitude d'un Ayatolla qui commandite le meurtre de Salman Rushdie, auteur des fameux Versets sataniques. Enfin l'accueil que notre philosophe réserve à Hervé Guibert, atteint du sida, qu'il va présenter à l'un de ses amis guérisseur, célèbre sur la place.
Les Années Camus s'achèvent sur le cruel accident du 4 janvier 1960. Le choc atteint Jean-Pierre Millecam d'autant que l'auteur de L'Etranger n'a cessé de le défendre et de le révéler auprès de Gallimard. Depuis 1958, l'héritier présomptif a trouvé une épouse dont le dévouement lui a fait oublier l'attentat dont il a été victime le 12 mai 1956. Mais, à l'occasion, la mort a choisi : l'assassin, stipendié par les gendarmes d'un village proche de Tlemcen (Algérie), est mort, crucifié sur un figuier, la langue arrachée.
Le Qualis Artifex pleurera néanmoins son meurtrier, dont il n'a jamais vu le visage. Geneviève Serreau prend la relève. Bien loin de l'hiver, les roses connaissent une incroyable floraison. Hélas, l'épouse idéale doit naviguer constamment entre le Maroc et Paris pour des soins cliniques. Jean-Pierre Millecam se sent de nouveau livré aux forces qui le traquent depuis la naissance. C'est alors que Zohair, un lycéen d'une vingtaine d'années, le surprend à discuter avec ses élèves sous les jacarandas d'un jardin public.
Zohair se jure qu'il a trouvé le maître absolu, la moitié dont sa naissance l'a amputé. Grâce à sa philosophie toute proche de Platon, le jeune félin fait la conquête de celui qu'il appellera le petit crustacé. Car c'est ce Zohair, ce Petit archer, qui aura raison du rigorisme janséniste de Jean-Pierre Millecam et développera avec lui une amitié aussi magnifique qu'inattendue. Trente ans plus tard, maître ou disciple, tous deux, séparés par des lieues et des lieues, renouvellent jour après jour, au téléphone, leur antique passion au milieu d'éclats de rires qui ne démentent jamais ces roses pour l'hiver.
Ce récit authentique alterne la narration romanesque et le style du mémoire, avec un déluge de considérations sur l'art et les grandes figures de l'époque comme les Malraux, les Jules Roy, les Céline, etc.
Certes, l'auteur est un raciste a` l'envers. Il aime les Noirs, les Maghre´bins, les Juifs. Certains d'entre eux ont incarne´ l'ami, l'alter ego qu'il a poursuivi toute sa vie et dont la pre´sence a dessine´ les contours de son e^tre profond. Cet individu, il le nomme l'Autre. Cet Autre, dont la langue, les moeurs, la philosophie n'e´taient pas les siennes: cet Autre, c'e´tait finalement lui. Il semble alors que tous deux e´taient ne´s ensemble, dans les parois d'un cocon unique, quel que fu^t l'e´cart qui les se´parait : e´cart du temps ou de l'espace. Sie`cles ou continents. Ainsi la Que^te de l'Autre commenc¸ait de`s leur naissance, et probablement avant cette date. La plume, dans la plupart des livres de cet auteur, de´signe J-P. par la troisie`me personne. J-P. c'est alors Lui. Du coup, comme par compensation, l'alter ego devient Moi, Je. Arabo-Maghrebin, c'est Rachid, Salah Eddine Nejm' el arab, Abdel. S'il est Noir, c'est Boujema^a, Khallil. Arabo-Berbe`re, c'est Zohair, celui qui a le plus hante´ l'auteur dans le cours de sa vie et dans l'e´pope´e courue par sa plume.
Il manquait a` cette galerie de la Que^te, un jeune Juif. C'est ce Daniel, qui s'avance, sur le the´a^tre d'un quartier tre`s parisien, accompagne´ de son alter, Jamal, a` travers les pe´ripe´ties ourdies par Foskifo et Beur de Cacao, deux voyous, peut-e^tre deux se´raphins, sous la houlette d'un pre^tre ne´ du co^te´ des Sargasses, le P. La Camomille. La`, J-P. n'intervient plus, l'e´pope´e tourne a` l'ope´ra bouffe - un ope´ra bouffe qui ne cesse d'affronter certains proble`mes de l'e´poque actuelle. Le ton de la Que^te vient donc a` changer, la langue peut- e^tre aussi.
C'est ce livre optimiste envers et contre tout, des alter ego, que l'on te propose aujourd'hui, lecteur.
Les Anne´es Camus s'ache`vent sur le cruel accident du 4 janvier 1960. Le choc atteint Jean-Pierre Millecam d'autant que l'auteur de L'E´tranger n'a cesse´ de le de´fendre et de le re´ve´ler aupre`s de Gallimard.
Depuis 1958, l'he´ritier pre´somptif a trouve´ une e´pouse dont le de´vouement lui a fait oublier l'attentat dont il a e´te´ victime le 12 mai 1956. Mais, a` l'occasion, la mort a choisi: l'assassin, stipendie´ par les gendarmes d'un village proche de Tlemcen (Alge´rie), est mort, crucifie´ sur un figuier, la langue arrache´e. Le Qualis Artifex pleurera ne´anmoins son meurtrier, dont il n'a jamais vu le visage.
Genevie`ve Serreau prend la rele`ve. Bien loin de l'hiver, les roses connaissent une incroyable floraison. He´las, l'e´pouse ide´ale doit naviguer constamment entre le Maroc et Paris pour des soins cliniques.Jean-Pierre Millecam se sent de nouveau livre´ aux forces qui le traquent depuis la naissance. C'est alors que Zohair, un lyce´en d'une vingtaine d'anne´es, le surprend a` discuter avec ses e´le`ves sous les jacarandas d'un jardin public. Zohair se jure qu'il a trouve´ le mai^tre absolu, la moitie´ dont sa naissance l'a ampute´.
Gra^ce a` sa philosophie toute proche de Platon, le jeune fe´lin fait la conque^te de celui qu'il appellera le petit crustace´. Car c'est ce Zohair, ce Petit archer, qui aura raison du rigorisme janse´niste de Jean-Pierre Millecam et de´veloppera avec lui une amitie´ aussi magnifique qu'inattendue.
Trente ans plus tard, mai^tre ou disciple, tous deux, se´pare´s par des lieues et des lieues, renouvellent jour apre`s jour, au te´le´phone, leur antique passion au milieu d'e´clats de rires qui ne de´mentent jamais ces roses pour l'hiver.Ce re´cit authentique alterne la narration romanesque et le style du me´moire, avec un de´luge de conside´rations sur l'art et les grandes figures de l'e´poque comme les Malraux, les Jules Roy, les Ce´line, etc.
Le sultan rentre a` Rabat et Ismae¨l se lie avec l'Emir Moulay-Hassan. L'amitie´ est profonde, et l'Emir lui demande un partage ultra-secret : celui de la couronne dont il va he´riter. Le pouvoir et le sceptre seront entre les mains de l'Emir, mais l'aspect mystique sera de´volu a` Ismae¨l, qui pre^te aupre`s du Roi Mohammed V le serment de rester fide`le a` Moulay-Hassan jusqu'au-dela` de la vie. Or l'Emir, sur les instances du capitaine Oufkir, entreprend dans les montagnes du Rif, contre les adversaires du pouvoir royal, une guerre terrible, et Ismae¨l, qui posse`de tous ses amis dans les adversaires du pouvoir, est de´chire´ dans son a^me et dans son corps. Il reste hante´ par un cauchemar qui, nuit et jour, tapisse sa vision d'un voile sanglant.
L'Emir, seconde´ par le futur ge´ne´ral Oufkir, e´crase la re´volte du Rif. Ne´anmoins, Ismae¨l et l'Emir restent soude´s par une amitie´ inde´fectible, malgre´ le de´chirement d'Ismae¨l face aux avatars sanglants que subit l'Histoire du pays. A la mort du Roi Mohamed V, Ismae¨l, tout en restant lie´ au Roi Hassan II, se se´pare de lui et exige de vivre la vie d'un mendiant. Le Roi retrouve le Cheval des origines, Cheval sans nom, et l'expe´die a` Ismae¨l. Ismae¨l, incarnation du Maroc de toujours, proclame au fond de son coeur que le pays, he´ritage de la dynastie alaouite, est le sanctuaire des sie`cles du passe´ et de l'avenir.
Ce quatrie`me tome de Qualix Artifex rele`ve a` la fois du Me´moire et du Journal. Nous y retrouvons, a` l'automne de leur vie, sous forme de dialogues ou de monologues, l'expe´rience du mai^tre et du disciple, tout en nous demandant lequel gouverne l'autre: dans le cocon (dans la cacahue`te) ou` tous deux sont ne´s, quoique en des lieux et sie`cles diffe´rents, les remous de l'Apocalypse parent le ciel et l'avenir de nuages dont seul l'humour et parfois l'ironie leur permettent de poursuivre leur chemin.
Mais laissons-les donc parler face a` l'avenir-celui-me^me du lecteur, face aux perspectives du naufrage et peut-e^tre du salut qui guettent le sort de la plane`te Terre et me^me d'Androme`de, la galaxie voisine...
Que nous reste-t-il, privile´gie´s par notre naissance au sein du cocon universel-sinon gesticuler, tendre la main aux naufrage´s de cet actuel Radeau de la Me´duse?
Il ne demeure, proche d'un naufrage quasi imme´diat, que me cramponner a` l'image de´compose´e du vieux Jardin de l'Eden, jeter une bouteille a` la mer pour signaler que, parmi les ma^ts brise´s, les voilures en lambeaux du rafiot jadis sacre´, surnagent les chevelures, les bras d'enrage´s qui luttent contre le tonnerre des abysses et le tourbillon du Feu Central. Nous sommes ce qui reste de la vie, de l'illuminationpremie`re.LaTerre,siellesesouvient,peutencore ramer, au rebours de la spirale, selon les tout premiers efforts de l'humaine condition...
«A` l'e´poque ou` il lut le manuscrit d'Hector, Albert Camus e´tait aux prises avec l'une de ses oeuvres majeures: L'Homme re´volte´. Peut-e^tre que mon roman, qui sentait le soufre, lui sembla e´pouser la ligne qu'il de´veloppait tout au long de ce vaste essai. Il y retrouvait non seulement le train-train d'une Alge´rie coloniale ignorant son destin, mais, a` travers ce semblant d'innocence, le malaise inspire´ par de jeunes voyous qu'une sorte de fatalite´, sous la splendeur des nuages et des roseaux dansant leur pavane, conduirait a` trancher les mains a` un pianiste avant de le de´biter en morceaux. L'horreur de l'acte, la splendeur du de´cor et du Temps bondissant de seconde en seconde, tout cela e´tait donne´ a` la fois. Les personnages n'en avaient aucune conscience. Cette conscience e´tait de´volue a` l'auteur qui, a` un moment, s'identifiant a` Dieu, s'e´criait : «Quelle faute monstrueuse que la Cre´ation !» Il s'agissait, alors, pour Dieu, de barrer d'un trait de plume les lois re´gissant cette cre´ation: sur la jete´e du port de Musturaga, mes deux he´ros se fondaient en une entite´ unique, qui abolissait toute dimension, toute limite, toute loi. La Terre e´clatait. »
Nous sommes a` Tlemcen, dans l'Alge´rie en guerre. En une jour- ne´e, un drame va se jouer qui met aux prises la Franc¸aise Isabelle et ses deux amoureux: Rachid, l'Arabe, et Laurent, le Pied-noir, amis depuis l'enfance. Chacun des deux suivra son chemin de violence et de sang au bout duquel ils se retrouvent ennemis mortels, tandis que l'e´nigmatique Lancelot, l'homme de la paix et de l'innocence - qui fut leur professeur a` tous deux - demeure impuissant face aux sombres folies de cet affrontement.
Isabelle, toute une journe´e, revit au rythme des gestes quotidiens les souvenirs d'un passe´ proche ou lointain, joies, douleurs, angoisses, cependant que, prise au pie`ge de la trage´die collective, elle s'achemine, fascine´e, vers l'ine´luctable.
Par son intensite´ poe´tique, son rythme et sa couleur, l'ampleur de sa mise en sce`ne, cette oeuvre romanesque - sorte d'autobiographie fantastique - est a` la hauteur de la trage´die historique ou` elle s'inscrit. Seul jusqu'ici l'e´crivain alge´rien, Kateb Yacine, e´tait parvenu a` nous rendre ainsi pre´sente la re´alite´ de l'Alge´rie enfouie « sous dix couches de te´ne`bres » et s'efforc¸ant de nai^tre a` elle-me^me dans la douleur.
Paul-Emmanuel est un ce´libataire attarde´ qui coule une existence sans heurt au Maroc, ou` ses occupations sont celles d'un haut fonctionnaire du Royaume Che´rifien. Sa vie, un peu plate, se partage entre le souvenir de Marle`ne Dietrich, grand amour de ses vingt ans, dont il ne cesse de passer les chansons sur son e´lectrophone, et de courtes randonne´es a` bord de son Impala, monstrueuse limousine que l'ami Lancelot a baptise´e la Mort sur les 40 CV. Et voici que, un jour de pluie, entre Ke´nitra et Rabat, une auto-stoppeuse se pre´sente : n'est-elle pas une version ine´dite, renouvele´e, de Marle`ne ?
A la suite de cet e´ve´nement, les pe´ripe´ties vont succe´der aux pe´ripe´ties, plus inattendues, plus incohe´rentes les unes que les autres. Paul-Emmanuel a beau faire appel a` l'ami Lancelot pour re´soudrelemyste`re(etLancelota`Mme Aspro,voyanteextra-lucide), l'e´nigme ne fait que s'accroi^tre, jusqu'au jour ou` la ve´rite´ e´clate - a` peine croyable.
Dans ce livre d'un humour de´lirant, dans cette farce dont l'e´normite´ est accentue´e par le pince-sans-rire du narrateur, J.-P. Millecam me^le a` la parodie du roman policier (double´ du roman d'espionnage) la parodie du roman a` la Millecam.
Ami lecteur, ces quatre ou cinq dialogues vont-ils mettre un terme a` mon oeuvre? Celle-ci de´passe aujourd'hui une trentaine de volumes. Ma plume s'acharnera-t-elle a` de´border un chiffre qui pour- rait clore toute une vie - la mienne ? Je vais laisser faire cette plume, ce pre´cieux outil. Car si je me penche sur ce tsunami charriant l'encre du rhapsode, je retrouve les lieux et les e´poques ou` l'e´norme vague a e´te´ conc¸ue.
Les textes ont e´te´ e´crits, soit a` Oran, soit a` Rabat et Casablanca, au diapason des personnages qui les hantaient. Lorsque j'ai quitte´ ces rivages pour m'e´tablir a` Nice, ma plume a poursuivi son travail d'entrailles a` la mode du Maghreb, puis elle a entame´ les oeuvres d'un versant supple´mentaire-oeuvres dont le de´cor a e´te´ Paris. A part Louis XIV et la Reine Christine (Greta Garbo) qui, tels des spectres, se tiraient d'une immense tapisserie surplombant mon lit, les person- nages n'en e´taient pas moins originaires du Maghreb: Pieds-noirs, Oraniens, depuis les Aure`s jusqu'au De´troit - jusqu'aux ergs mouvants du de´sert. Un de´tail, cependant: a` Paris, ma plume rencontrait bien moins de Parisiens que d'Africains-cette fois elle se laissait caresser par l'argot, surtout quant a` l'accent ou le de´bit. Pour le fond, il s'agissait surtout de donner une vieille fesse´e a` ceux qui avaient jadis complote´ contre moi - autant les assassins patente´s de l'e´poque coloniale que les jaloux litte´raires, assoiffe´s des lauriers qui ne m'ont pourtant jamais coiffe´. Cette petite revanche, ce knout miniature, parfaitement justi- fie´s, me permettaient une migration qui, sur la Co^te d'Azur, me don- nait l'illusion de me trouver chez moi, en Afrique, dans mon royaume.
J'y suis donc, et j'y reste...Ami lecteur, ces quatre ou cinq dialogues vont-ils mettre un terme a` mon oeuvre? Celle-ci de´passe aujourd'hui une trentaine de volumes. Ma plume s'acharnera-t-elle a` de´border un chiffre qui pour- rait clore toute une vie - la mienne ? Je vais laisser faire cette plume, ce pre´cieux outil. Car si je me penche sur ce tsunami charriant l'encre du rhapsode, je retrouve les lieux et les e´poques ou` l'e´norme vague a e´te´ conc¸ue.
Les textes ont e´te´ e´crits, soit a` Oran, soit a` Rabat et Casablanca, au diapason des personnages qui les hantaient. Lorsque j'ai quitte´ ces rivages pour m'e´tablir a` Nice, ma plume a poursuivi son travail d'entrailles a` la mode du Maghreb, puis elle a entame´ les oeuvres d'un versant supple´mentaire-oeuvres dont le de´cor a e´te´ Paris. A part Louis XIV et la Reine Christine (Greta Garbo) qui, tels des spectres, se tiraient d'une immense tapisserie surplombant mon lit, les person- nages n'en e´taient pas moins originaires du Maghreb: Pieds-noirs, Oraniens, depuis les Aure`s jusqu'au De´troit - jusqu'aux ergs mouvants du de´sert. Un de´tail, cependant: a` Paris, ma plume rencontrait bien moins de Parisiens que d'Africains-cette fois elle se laissait caresser par l'argot, surtout quant a` l'accent ou le de´bit. Pour le fond, il s'agissait surtout de donner une vieille fesse´e a` ceux qui avaient jadis complote´ contre moi - autant les assassins patente´s de l'e´poque coloniale que les jaloux litte´raires, assoiffe´s des lauriers qui ne m'ont pourtant jamais coiffe´. Cette petite revanche, ce knout miniature, parfaitement justi- fie´s, me permettaient une migration qui, sur la Co^te d'Azur, me don- nait l'illusion de me trouver chez moi, en Afrique, dans mon royaume.
J'y suis donc, et j'y reste...Ami lecteur, ces quatre ou cinq dialogues vont-ils mettre un terme a` mon oeuvre? Celle-ci de´passe aujourd'hui une trentaine de volumes. Ma plume s'acharnera-t-elle a` de´border un chiffre qui pour- rait clore toute une vie - la mienne ? Je vais laisser faire cette plume, ce pre´cieux outil. Car si je me penche sur ce tsunami charriant l'encre du rhapsode, je retrouve les lieux et les e´poques ou` l'e´norme vague a e´te´ conc¸ue.
Les textes ont e´te´ e´crits, soit a` Oran, soit a` Rabat et Casablanca, au diapason des personnages qui les hantaient. Lorsque j'ai quitte´ ces rivages pour m'e´tablir a` Nice, ma plume a poursuivi son travail d'entrailles a` la mode du Maghreb, puis elle a entame´ les oeuvres d'un versant supple´mentaire-oeuvres dont le de´cor a e´te´ Paris. A part Louis XIV et la Reine Christine (Greta Garbo) qui, tels des spectres, se tiraient d'une immense tapisserie surplombant mon lit, les person- nages n'en e´taient pas moins originaires du Maghreb: Pieds-noirs, Oraniens, depuis les Aure`s jusqu'au De´troit - jusqu'aux ergs mouvants du de´sert. Un de´tail, cependant: a` Paris, ma plume rencontrait bien moins de Parisiens que d'Africains-cette fois elle se laissait caresser par l'argot, surtout quant a` l'accent ou le de´bit. Pour le fond, il s'agissait surtout de donner une vieille fesse´e a` ceux qui avaient jadis complote´ contre moi - autant les assassins patente´s de l'e´poque coloniale que les jaloux litte´raires, assoiffe´s des lauriers qui ne m'ont pourtant jamais coiffe´. Cette petite revanche, ce knout miniature, parfaitement justi- fie´s, me permettaient une migration qui, sur la Co^te d'Azur, me don- nait l'illusion de me trouver chez moi, en Afrique, dans mon royaume.
J'y suis donc, et j'y reste...
Qu'est-ce qui fait courir Zohair - Don Juan de vingt ans, que Lance- lot, son pe`re d'e´lection, nomme tanto^t «petit archer», tanto^t «petit pirate», tanto^t «petit prophe`te»? Aucune femme ne lui re´siste, a` Casablanca comme ailleurs. Mais alors pourquoi entretenir avec sa jeune soeur des relations qui semblent faire fi des dernie`res pudeurs? C'est que, sous l'e´piderme de l'he´roi¨que petit ivrogne, se cache un coeur d'or : Samira, nague`re, a e´te´ se´questre´e et viole´e. Patiemment, il s'efforce de lui rendre le gou^t des caresses e´le´mentaires, c'est-a`-dire de la vie, en s'interdisant toute espe`ce de jouissance. De me^me, il se sacrifiera pour rendre a` sa me`re et ses fre`res une partie de la fortune alie´ne´e par son vrai pe`re dans le giron d'une mai^tresse dont lui-me^me, Zohair, deviendra l'amant, c'est-a`-dire le rival insoupc¸onne´ de son pe`re. De me^me encore, il affrontera l'e´meute a` travers Casablanca en flammes, afin de transporter dans une charrette de´labre´e, jusqu'au sanctuaire de Sidi Abderrahmane, sur l'Oce´an, sa me`re mourante. Ce qui permettra a` celle-ci de survivre. Ce «petit pirate», finalement, se double d'un «petit prophe`te»: peut-e^tre sa vraie dimension est-elle celle d'un mystique conduit par la vision de l'Etoile au bout du chemin. Dans ce roman, Jean-Pierre Millecam poursuit, a` travers un Maroc des profondeurs, jamais touristique, mais prodigieux dans sa chaleur quotidienne, la Que^te amorce´e ailleurs dans le passe´ de Lancelot - double le´gendaire de l'auteur.
Jean Cocteau confie un jour a` Millecam: «La mort n'existe pas!» Millecam, qui a de´ja` publie´ une premie`re version de l'E´toile, est alors a^ge´ d'une vingtaine d'anne´es. Pour lui Jean Cocteau est d'abord le chantre de la mort d'Orphe´e - mort qui introduit le poe`te a` l'e´ternite´. Ce qui inte´resse le poe`te, c'est le passage de la vie ici-bas a` cette autre vie peut-e^tre totale, infinie, que nous de´couvrons au-dela` - apre`s la traverse´e du miroir. Et l'on peut affirmer que l'oeuvre entie`re de Jean Cocteau est la somme des tribulations d'un homme assoiffe´ de ve´rite´ pour passer de ces apparences, de l'e´phe´me`re de notre existence, a` l'absolu d'une vision au-dela`. C'est cette vision hautement spirituelle, he´ritage de l'Inde et de l'Egypte anciennes, de la tradition biblique comme de Platon ou de Spinoza, que de´couvre cette nouvelle version de l'E´toile de Jean Cocteau ou` l'auteur, ne conservant de l'ancienne que le texte initial, nous entrai^ne, a` travers quatre e´tudes ine´dites, dans les de´dales d'une dialectique qui abolit peu a` peu les vicissitudes de l'Histoire au profit d'une vision inactuelle de l'univers. A ces pages se me^lent un ensemble de lettres de Cocteau a` Millecam qui accusent le co^te´ terrestre d'un poe`te dont l'aspect cosmique est par ailleurs si e´vident.