Pour éviter que la réflexion des sciences sociales sur la race ne se trouve prise dans une impasse, l'histoire est d'un grand secours.
Le triomphe de la plasticité des appartenances devrait favoriser une extinction des positions racistes dans les sociétés contemporaines. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le résultat attendu n'est pas au rendez-vous.
La stigmatisation des Afro-Américains a atteint son maximum raciste lorsqu'ils sont devenus citoyens, les homosexuels viennent d'être sifflés parce qu'ils demandaient de bénéficier du droit à rejoindre la norme familiale napoléonienne. On le voit, cette extension des droits peut accentuer des formes d'essentialisme. Il n'est pas question de contester le caractère émancipateur de cette évolution. En revanche, il n'est sans doute pas souhaitable d'accorder de fonction prescriptrice à cette tendance historique. Si l'on dénigre l'attachement aux attributs hérités comme aux places désignées, au nom de l'obligation faite à chacun de s'émanciper afin de consolider la liberté de tous, on prend deux risques. Celui de travestir l'extension des droits en conquête morale et celui de tendre une situation politique déjà grosse de menaces. La réponse ne peut être simple : d'un côté ne rien céder sur l'extension des droits, de l'autre ne pas clamer que l'indifférence aux héritages serait un modèle intrinsèquement supérieur.
C'est dans cet état d'esprit et confronté à un tel moment historique, que l'auteur a rédigé cet essai. Deux ans avant les élections prévues en France en mai 2017.
Lorsque la flotte espagnole emporte Mers-el-Kébir (1507) et Oran (1509), les armées du roi d'Espagne font appel aux juifs d'Afrique du Nord. L'archevêque de Tolède, conquérant de la ville d'Oran, autorise ainsi l'installation de sept maisons juives dans l'enceinte de la place : les hebreos s'imposent comme de précieux intermédiaires diplomatiques et commerciaux avec les différentes populations musulmanes ; ils sont surtoutdes interprètes indispensables.
Fondée sur une documentation inédite, Jean-Fréderic Schaub dresse une chronique étonnante de la vie des juifs oranais qui permet de réviser des idées trop convenues sur l'histoire de l'Espagne moderne. Car, les Rois Catholiques ont bien confié l'exécution d'une partie de leur politique méditerranéenne à des juifs. Certains furent même salariés par le roi de Castille !
En 1669, la reine régente, au nom du roi Charles II, ordonne l'expulsion de tous les juifs d'Oran, rappelant ainsi la grande expulsion de 1492. La plupart se réfugient à Nice où le duc de savoie accepte de les accueillir.
Jean-Frédéric Schaub Spécialiste de l'Espagne moderne, il est maître de conférences à l'Ecole des hautes études en sciences sociales. Il mène actuellement une série de recherches sur l'Empire espagnol.
Oroonoko, prince guinéen d'une grande beauté, finit sa vie chevaleresque comme esclave dans une plantation du surinam dans les années 1660.
La voix qui chante sa geste tragique est celle d'aphra behn (1640-1689), célèbre dramaturge anglaise, fidèle soutien du roi jacques ii, à la veille de la glorieuse révolution. ce roman anglais du xviie siècle concentre en lui un grand nombre de nos curiosités contemporaines. l'essai de jean-frédéric schaub ne cède pas à la tentation de tirer la lecture du côté du féminisme et de l'abolitionnisme, et moins encore des lumières; au contraire, il souligne ce qui, dans ce roman fiévreux, concentre les anxiétés et les ambivalences nées de l'expansion européenne depuis la renaissance.
Si l'univers d'aphra behn s'accommode de l'esclavage et d'une conception hiérarchique de la société, il ne repose pas sur le racisme, ni d'ailleurs sur le sexisme. la complexité de ce moment de l'histoire culturelle européenne qu'est le premier âge moderne anglais se trouve éclairée à partir de sa dimension coloniale.
Quand lavisse affirme " louis xiv fut un roi plus espagnol que français.
", il reprend un thème élaboré dans le refuge protestant et illustré au xixe siècle par les historiens de tendance républicaine. s'agit-il simplement de l'enregistrement d'un argument pamphlétaire ? on peut penser, au contraire, que la dette de la monarchie française à l'égard de l'espagnole fut bien réelle. les textes français du grand siècle témoignent de la réception d'un héritage espagnol que versailles et l'affirmation nationale postérieure ont fini par gommer.
Retrouver les traces de cette reconnaissance, c'est critiquer les fondements de l' " exception française " tout autant que de la " différence espagnole ".
Un groupe de jeunes historiens s'est attaché à analyser, non pas l'apparition mais la construction de l'État, un État toujours en chantier au cours de l'époque examinée ici.> Chacun des auteurs étudie un certain type de sources, ouvrages théoriques ou journaux, récits autobiographiques et correspondances, enquêtes et actes de la pratique, musique et images.
Il fait terriblement chaud dans les jours qui précèdent le fameux référendum sur la Constitution européenne du 29 mai 2005. Tout au long du week-end électoral, Paul et Helen errent dans Paris. Il est journaliste pigiste, elle est traductrice. Ils vont à l'aventure, sans se presser, ils visitent une boîte à tango, des soirées bobo, un musée, un bureau de vote, ils font des courses, ils assistent à des obsèques, ils se racontent tout en flânant des histoires où toujours, de par le monde, des jeunes gens qui portent les mêmes prénoms qu'eux s'aiment puis se séparent. Ils se séduisent sans se prendre, dorment comme frère et soeur. A la fin, le NON l'a emporté, ils se quittent, chacun d'eux repart dans le tourbillon de la vie. Une promenade sentimentale et spirituelle, un badinage élégant, ironique, teinté de mélancolie.
Ce livre présente les processus de racialisation qui ont ponctué la transformation de l'Europe et de ses colonies de la fin du Moyen Âge à l'âge des révolutions. Cette histoire éclaire l'évolution des sociétés, des institutions, des cultures et des théories. Elle décrit la volonté de catégoriser les individus et les groupes, de les enclore dans des identités présentées comme intangibles, de discriminer les collectifs dominés, voire d'organiser l'oppression à grand échelle contre des populations définies par leur race.
La racialisation procède par naturalisation des rapports sociaux et des caractères physiques et moraux qui se transmettent de génération en génération, à travers la procréation. Elle repose sur une contradiction : le racisme affirme que les gens sont prisonniers de leur race et s'emploie néanmoins à gérer la transformation des races.
Quatre coups de projecteur permettent de rendre compte de cette histoire : la noblesse de naissance face à l'anoblissement, la nature juive ou musulmane qui persiste dans le sang des convertis, l'origine ineffaçable des métis dans l'Amérique coloniale, la déshumanisation des Africains par la traite esclavagiste.
Ces phénomènes sont les expériences séculaires sur lesquelles les auteurs des Lumières se sont fondés pour classer l'humanité en races. Ils hiérarchisent les groupes humains mais proclament aussi l'universalité des droits de l'homme. Le siècle des philosophes peut alors se lire comme le fruit d'une histoire passée, autant que comme le fondement d'une histoire inachevée, la nôtre.
Depuis le début des années 1980, la multiplication des débats historiographiques a progressivement vu la remise en cause d'un ensemble de convictions scientifiques fortes. La réflexion des historiens s'est d'abord éloignée des certitudes de l'histoire sociale sérielle pour notamment se confronter aux propositions de la microstoria.
Plus récemment, le rôle croissant des histoires et des historiographies non euro- péennes a transformé le domaine de la recherche historique. Enfin, l'écriture de l'histoire et ses ressources narratives sont de nouveau au centre de l'attention.
Jacques Revel, historien, est directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales dont il a été le président de 1995 à 2004. Il a notamment publié Jeux d'échelles (Hautes Études/EHESS, 1995) et Penser par cas avec Jean-Claude Passeron (EHESS, 2006). Ce volume rend hommage à l'influence de son travail, en proposant des études libres sur ce qui fonde le quotidien du métier d'historien.
D'une enfance marquée par la montée du fascisme à l'entrée en résistance, de la déportation à Mauthausen au cabinet du Ministre de l'Air Charles Tillon, la vie de Pierre Daix s'est engagée au coeur du monde communiste. Proche de certains dirigeants du PCF, au premier chef de Maurice Thorez, mais absent des rouages de l'appareil, Daix aura d'abord été un journaliste et un écrivain au service du Parti. Rédacteur en chef du quotidien Ce Soir, puis de l'hebdomadaire culturel Les Lettres françaises, Daix a été le plus proche collaborateur de Louis Aragon et d'Elsa Triolet. Une passion constante pour l'art moderne et contemporain l'a conduit à dresser, en compagnie de Picasso, le catalogue raisonné de son oeuvre. Auteur de nombreux romans, de biographies de peintres et d'essais sur la peinture, Daix sera passé du monde de l'engagement communiste à celui de la critique d'art et de littérature. Mais cette traversée est aussi marquée par les combats en faveur du Printemps de Prague et pour la défense de Soljenitsyne, au sein même de la culture communiste. Témoin de ce que le XXe siècle aura porté de tragédies dans le domaine politique et de lumières dans celui de la création, Pierre Daix a choisi une voie dont il retrace avec émotion les tours et les détours.