Comment et pourquoi 75?% des juifs ont-ils échappé à la mort en France sous l'Occupation, en dépit du plan d'extermination nazi et de la collaboration du régime de Vichy?? Comment expliquer ce taux de survie inédit en Europe, dont les Français ont encore peu conscience??
Jacques Semelin porte un regard neuf et à hauteur d'hommes sur les tactiques et les ruses du quotidien qui ont permis aux persécutés d'échapper aux rafles et déportations. Au-delà du contexte international et des facteurs géographiques, politiques, culturels, il montre que les juifs ont trouvé en France un tissu social complice pour les aider, surtout à partir de l'été 1942, malgré l'antisémitisme et la délation.
Entre arrestations et déportations d'une part, gestes d'entraide et pratiques de solidarité d'autre part, ce livre est tout sauf une histoire édulcorée des quelque 220?000 juifs toujours en vie en France à la fin de l'Occupation. C'est une histoire au plus près des réalités quotidiennes des persécutés juifs, français et étrangers, illustrée par les trajectoires d'individus ou de familles, dont le lecteur suit l'évolution de l'avant-guerre aux années noires.
Fruit de vingt ans de recherches sur la violence, ce livre tente de percer l'énigme des génocides au XXe siècle. Car, des pensées vengeresses au meurtre et au meurtre de masse, il y a le passage à l'acte, processus de bascule complexe, imbriquant des dynamiques collectives et individuelles, de nature politique, sociale, psychologique, etc.
Comprendre n'est pas justifier mais chercher à penser l'impensable. Cela exige une démarche pluridisciplinaire et comparative qui ne s'arrête pas au relevé des causes sociales objectives mais s'interroge sur le sens que les individus leur prêtent. Figures d'un autre en trop, rationalité délirante, politique publique de destruction, guerre et contexte international, rôle des médias, vertiges de l'impunité et plaisir de la cruauté, l'auteur examine chaque facette du problème à travers plusieurs cas historiques.
« Voici plus de vingt-cinq ans que je travaille sur la violence et l'action non violente. Sur un tel sujet, la plupart des questions que se pose un enfant concerné la vie de tous les jours. Si quelqu'un m'agresse, que dois-je faire ? Comment réagir face au racket à l'école ? Contre une agression sexuelle ? Et la violence des jeunes ? Et le racisme ? Pour répondre, j'ai quitté mes chères études... C'est ainsi que je me suis mis à écrire quelques pages, que je leur donnai à lire : j'ai souvent refait ma copie.J'ai voulu leur dire que la non-violence n'est pas la passivité : c'est une manière d'être et un e manière d'agir qui visent à régler les conflits, lutter contre l'injustice, construire une paix durable. Je me suis appuyé sur de nombreux exemples empruntés à la vie quotidienne et à l'Histoire. » J. S.
Cette question était encore un « point aveugle » dans l'historiographie de la Shoah. Certains ont même parlé d'une « énigme française ».
Au terme d'une enquête de plusieurs années, riche de témoignages et d'archives, écrite d'une plume sensible et sereine, Jacques Semelin apporte une contribution décisive. Il brosse un tableau radicalement autre de la France occupée. Une société plurielle et changeante, où la délation coexiste avec l'entraide, où l'antisémitisme n'empêche pas la solidarité des petits gestes.
Sans jamais minimiser l'horreur du crime, ce livre monumental ouvre une nouvelle période dans notre lecture des années d'Occupation. Il fera date.
Directeur de recherche au CNRS (CERI) et professeur à Sciences Po, Jacques Semelin est spécialiste de la résistance civile et des crimes de masse. Son livre Sans armes face à Hitler (1989), désormais considéré comme un classique, vient d'être réédité. Il a aussi publié Purifier et détruire. Usages politiques des massacres et génocides (2005), ouvrage traduit aux États-Unis par la Columbia University Press.
Décrivant les mille visages de cette « dissidence/résistance », qui franchit le tabou de l'illégalité, l'auteur s'efforce d'en apprécier le poids, au regard des pratiques de collaboration. Il prend aussi en compte le développement de la lutte armée pour penser ce qu'il nomme le « phénomène résistant ».
« Cette résistance civile fut celle de la survie, visant à sauver ce qui pouvait l'être, sans attendre nécessairement le renversement du rapport des forces militaires [...]. Le but de la résistance civile ne fut pas tant de vaincre l'occupant - elle n'en avait pas les moyens - que d'exister à côté de lui, en dépit de lui, sans attendre l'heure de l'éventuelle délivrance. » La réédition de ce livre s'imposait alors que son auteur publie, sous le titre Persécutions et entraides dans la France occupée, une étude qui fera date et s'interroge sur le fait qu'en France, soixante-quinze pour cent des juifs ont pu échapper à la mort.
Voici déjà vingt ans que l'incroyable s'est accompli : le 9 novembre 1989, le " mur de la honte " séparant les deux Allemagnes s'effondrait subitement, non pas dans le feu de la guerre... mais dans la fête, devant les caméras de télévision. Comment un tel événement a-t-il pu se produire, en opposition totale avec les prévisions de nombre d'experts ? Quelles sont les causes de la chute inattendue et brutale du symbole de la partition de l'Europe puis du naufrage du système soviétique ? " Ces régimes qui ont vécu de paroles ont aussi péri par la parole ", écrivait Timothy Garton Ash. L'histoire des principales crises de l'Europe communiste est en effet celle de l'émancipation des peuples par l'accès aux médias, à la fois témoins et acteurs de cette forme de résistance pacifique au sein de régimes surarmés. De la grève de Berlin-Est en 1953 aux " révolutions de velours " de 1989, les opposants est-allemands, hongrois, tchèques et polonais ont fondé leur lutte sur la communication face au silence imposé par le totalitarisme. Dans le contexte favorable de la Glasnost, les populations est-européennes se sont ainsi libérées de la peur pour conquérir leur liberté au bout des ondes... et dans la rue. Leur épopée, héroïque et tragique, témoigne des possibilités et limites d'une résistance aux mains nues contre les dictatures.
Pour répondre à la cécité qui l'a frappé dès l'adolescence, Jacques Semelin a organisé sa vie comme un défi permanent.
Condamné à perdre la vue, il a choisi la voie la plus difficile : devenir chercheur en sciences sociales, c'est-à-dire tributaire de la lecture. Fondés sur une approche pluridisciplinaire en histoire, science politique et psychologie sociale, ses travaux sont aujourd'hui reconnus sur le plan international. À l'âge de 64 ans, Semelin est un chercheur respecté et sollicité. Jamais encore, il n'avait tenté de restituer le réel de sa vie quotidienne de non-voyant. Quel est son rapport au monde ? À la ville, aux trottoirs et aux voitures ? À la nécessité de se déplacer, de prendre le métro, de traverser les rues, de reconnaître les gens ?
Qu'est-ce que "résister" ? Comment des individus "ordinaires" parviennent-ils à s'opposer à mains nues, à se conduire d'une façon "extraordinaire" dans des situations d'oppression voire d'extrême violence ? Inspiré par Hannah Arendt qui, dans Eichmann à Jérusalem, souligne la résistance non-violente des Danois sauvant les Juifs en 1943, Jacques Semelin présente ici ses quelque quinze années de recherche sur les ressources de la résistance civile au sein des systèmes totalitaires du XXe siècle.
Il propose une réflexion passionnante sur les notions de dissidence, désobéissance et résistance, qu'il applique au cas de l'Europe nazie, à partir d'exemples historiques souvent méconnus. Il avance aussi sa "théorie des trois écrans" pour expliquer les "freins" à la Shoah dans certains pays. Jacques Semelin prolonge et renouvelle également ses analyses sur la résistance civile dans le cadre de l'Europe communiste. Il démontre comment ceux qu'on a appelés les "dissidents" ont su faire un usage subversif des médias, pour miner peu à peu le système soviétique, jusqu'à son effondrement.
Une réflexion unique, comparative et toujours actuelle pour comprendre comment des hommes et des femmes peuvent se dresser contre une dictature.
Au sein d'une production historiographique très centrée sur le cadre franco-français, ce livre reste à ce jour l'une des rares tentatives de comparaison entre divers mouvements de résistance à travers l'europe.
Jacques semelin y propose la notion de "résistance civile" pour qualifier la résistance spontanée de certains acteurs de la société civile et / ou de l'etat par des moyens politiques, juridiques, économiques ou culturels. rompant avec les représentations "héroïsantes" de la lutte contre l'occupant nazi, cette notion permet de décrire une résistance du quotidien, des humbles, des anonymes, qu'elle soit celle d'étudiants, d'ouvriers ou de fonctionnaires.
L'ouvrage s'appuie sur une quarantaine de cas de résistance civile de masse à travers l'europe nazie (manifestations, grèves, protestations d'eglises ou de cours de justice, activités de propagande ou sauvetage de juifs, etc. ), dont il raconte des pages peu connues, ainsi ces femmes "aryennes" protestant dans les rues de berlin en 1943 contre l'arrestation de leurs maris juifs.
J'ai appris à l'âge de 16 ans qu'un jour je ne verrais plus. Quand exactement devais-je connaître la nuit ? Personne n'en savait rien. Mais mon destin était scellé, de par ma naissance. C'était comme un sort qui m'avait été jeté, en pleine adolescence, sous le sceau de l'injustice. Pourtant, j'ai décidé de ne rien en dire, pas même à mes parents ou à mes amis.
Qu'allais-je devenir ? Vers quel futur me projeter ? Habité par l'angoisse de ce naufrage annoncé, j'ai longtemps cherché mon chemin. Je me demandais que faire de ma vie, quel métier choisir. Un jour, j'ai même frôlé la mort, par distraction.
Ainsi ai-je dû avancer vers le monde inquiétant des ombres et du brouillard perpétuel. C'est ce voyage contraint et forcé - inexorable - que j'essaie de raconter ici, tel un explorateur à la découverte d'un pays dont on ne revient pas. On lira le récit de ces quelques trente années de périple, certes jalonné de moments de dépression et d'amertume mais aussi de rebondissements joyeux, voire de petits triomphes.
Animé par la rage de vaincre et l'amour des miens, je me suis trouvé une route à tâtons. En me cherchant, je suis devenu chercheur. J'ai mis au centre de ma vie la volonté de comprendre les conduites humaines, que les individus se grandissent dans la résistance ou s'avilissent dans la barbarie. Cette passion pour l'homme m'a véritablement « porté ». Elle m'a entraîné à mobiliser toutes mes forces et mes facultés intellectuelles pour « lire », enquêter, voyager, écrire, enseigner. D'où ce parcours qui m'a conduit de la Sorbonne à Harvard puis au CNRS et à Sciences Po.
Désormais, je vous écris depuis ces contrées lointaines de la Grisaille, où je me sens étranger. J'y ai pourtant pris mes petites habitudes. On me demande souvent : « Mais comment vous débrouillez-vous ? » De cette métamorphose, je souhaite aujourd'hui témoigner, après des années de silence et de combat. Maintenant, j'ai le sentiment d'y voir un peu plus clair !
Tout a commencé par une question posée par Simone Veil à Jacques Semelin en 2008 : « Comment se fait-il que tant de Juifs ont pu survivre en France malgré le gouvernement de Vichy et les nazis ? » Un vrai défi pour cet historien spécialiste des crimes de masse et de la Shoah.
Si Serge Klarsfeld a établi que trois quarts des Juifs en France ont échappé à la mort (chiffre exceptionnel en Europe), ce n'est en effet pas l'action des quelque 4 000 Justes français qui peut à elle seule l'expliquer. Et ce n'est pas davantage (comme certains le soutiennent à nouveau aujourd'hui) une imaginaire mansuétude de Vichy, dont l'implication criminelle n'est plus à démontrer. Il y avait donc bien une « énigme française » sur laquelle l'historiographie était encore très pauvre.
D'une plume alerte, en collaboration avec Laurent Larcher, journaliste à La Croix, l'historien nous raconte son enquête passionnante dans la mémoire des Juifs non déportés, son analyse des circonstances de l'époque, ses rencontres avec Robert Paxton, Robert Badinter, Pierre Nora, Serge Klarsfeld... C'est une tout une autre histoire des Français sous l'Occupation qui est ici mise au jour et confrontée au régime mémoriel institué par le discours de Jacques Chirac le 16 juillet 1995 - sans que jamais la Collaboration ni le sort tragique des victimes ne soient oubliés.
Quand la haine et la peur gagnent un pays, que la guerre et le massacre se propagent, il est toujours quelques hommes et quelques femmes qui ne se laissent pas entraîner. Sans mot dire, ils se tiennent de côté. Dans le secret et le risque, ils veulent aider plus que dénoncer, protéger plus que détruire. Parfois, ceux-là même qui participent au carnage tentent aussi de sauver. Dans ces situations d'extrême violence, une résistance civile, improvisée, tend à se développer, faite d'une multitude de petits actes individuels et de l'action de quelques organisations clandestines. À partir de trois cas - les génocides des arméniens, des juifs et des tutsis -, cet ouvrage représente la première tentative à la fois internationale, comparative et pluridisciplinaire pour constituer l'acte de sauvetage en objet de recherche, en se dégageant de la catégorie mémorielle du " Juste". Le résultat est d'une richesse exceptionnelle et dérangeante. Impossible de dresser un portrait type du sauveteur, cependant les actes de sauvetage témoignent d'un fait historique : l'existence discrète d'une société informelle de sauvetage - si fragile soit-elle - dès que commence le génocide.
L'archéologie, par la documentation considérable qu'elle apporte sur l'expérience de la guerre et la réalité de la violence, renouvelle notre compréhension des conflits, depuis la Préhistoire jusqu'à aujourd'hui. Son approche anthropologique a en effet libéré la recherche des contraintes de l'histoire militaire et stratégique, les violences du XXe siècle conduisant la discipline vers de nouveaux enjeux liés à l'expertise médico-légale, à la récupération de la mémoire historique et au droit.
Guerres et combats ne sont plus uniquement relatés par les archives des vainqueurs, mais étudiés par l'archéologue en prenant en compte l'ensemble des documents mis au jour : champs de bataille, dépôts d'armes, restes humains, garnisons, camps de prisonniers ou d'internement. La propagande est déconstruite, images et objets sont contextualisés, le cadre économique et social du conflit est restitué, la réalité de la violence collective est analysée. Et les morts peuvent sortir de leur anonymat.
Dans cet ouvrage, qui propose une grande variété d'éclairages sur les violences et les guerres, l'archéologie apparaît ainsi à la fois comme la science de la mémoire matérielle des hommes et comme un instrument au service de la longue histoire du savoir, des techniques et de la diversité culturelle qui fait la richesse de l'humanité.