Au début de 2011, en chassant du pouvoir un dictateur vieillissant, la Tunisie a été propulsée sur la scène médiatique internationale. Initiateur des « printemps arabes », ce petit pays donnait pourtant l'image d'un régime stable, certes dirigé par un despote, mais ouvert sur l'Occident. Cependant, la question de la succession du président Ben Ali amenait certains auteurs à s'interroger sur la durabilité d'un pouvoir largement fondé sur la coercition.
Ce livre apporte des clés pour comprendre la manière dont le régime autoritaire tunisien s'est construit, puis pérennisé, et a été remis en cause. Si le système politique instauré par le président Bourguiba (1956-1987) était sous-tendu par un projet de société modernisateur, celui du président Ben Ali (1987-2011) visait à transformer le pouvoir en un instrument d'accumulation de richesses économiques au profit d'un clan familial. La rupture introduite par la « révolution » de 2011 a ouvert la voie à un nouveau cycle politique.
Ces dernières années, pour gérer les séquelles et les contentieux hérités de guerres civiles ou de régimes autoritaires, de nombreux gouvernants ont été conduits à mettre en place une justice dite « transitionnelle ». Dans la conception des Nations unies, cette dernière renvoie à la mise en oeuvre de pratiques diverses visant in fine à créer les conditions d'une réconciliation nationale et d'une stabilisation démocratique après des épisodes de violence politique.
Pas loin de dix ans après le déclenchement des révoltes arabes, qu'en est-il de la réforme de la justice et de la mise en oeuvre de la justice transitionnelle sur la rive sud de la Méditerranée ? Les auteurs de cet ouvrage apportent des réponses contrastées à cette interrogation et insistent sur le fait que l'application des normes de justice transitionnelle et la mise en oeuvre des réformes judiciaires ont partie liée, par-delà les discours qui les promeuvent, avec les recompositions politiques des pays du Sud de la Méditerranée.
La tendance à la libéralisation économique, qui affecte les pays développés comme les pays en développement, n'a pas épargné les pays arabes, confrontés pour la plupart à une raréfaction des ressources externes.
Elle s'y est traduite, comme sous d'autres cieux, par l'émergence ou le renforcement d'un secteur privé. Elle actualise ainsi la question de savoir dans quelle mesure la croissance d'un secteur privé est de nature à affecter le mode de fonctionnement de régimes caractérisés par une primauté du politique et à correspondre à la montée en puissance d'élites économiques capables de peser dans un rapport de forces avec les bureaucraties étatiques.
En Egypte, plus tôt que dans les autres pays arabes, la crise de l'Etat redistributeur a conduit les autorités de ce pays, dès le milieu des années soixante-dix, à reconnaître une nouvelle légitimité au secteur privé et à inaugurer une politique d'infitah (ouverture). En fait, la constitution de la bourgeoisie égyptienne actuelle est le produit d'une politique publique valorisant le secteur privé comme complément d'un secteur public à bout de souffle et non pas comme l'acteur principal du développement économique.
L'accélération de la libéralisation économique au cours des deux dernières décennies et la mise en oeuvre d'un plan d'ajustement structurel ne sont pas tant la conséquence de l'instrumentalisation de l'appareil d'Etat par la bourgeoisie que la réponse étatique aux contraintes du système international de production et d'échange, ainsi qu'à des dilemmes financiers internes. Aussi, les gouvernants n'ont-ils pas tenté de promouvoir des réformes de structure à travers une ouverture démocratique " authentique " et ont mis en oeuvre des stratégies de survie vouées à répondre aux défis du moment tout en maintenant la suprématie des élites gouvernantes.
La relative autonomie accordée aux hommes d'affaires est le résultat de cette stratégie. Le développement des associations censées représenter les intérêts de notre groupe social ne relève pas d'une forme de sociabilité apte à renforcer un tissu associatif articulant une sphère privée à un espace public, mais ressortit à un réaménagement partiel des relations entre l'élite politique et cette bourgeoisie égyptienne.
Le 14 janvier 2011, jour de la fuite du président Ben Ali, les images d'avocats tunisiens manifestant dans leur robe noire devant le ministère de l'Intérieur ont fait le tour de la planète, véhiculées aussi bien par les médias audiovisuels que par le Web. Elles ont donné à penser que les avocats avaient joué un rôle fondamental dans les mouvements de protestation entrainant la chute du régime autoritaire issu de l'indépendance. S'il convient de nuancer cette analyse, il n'en demeure pas moins que l'avocature, plus que d'autres corps de métier, dispose de par l'exercice des droits de la défense dans les procédures judiciaires d'une proximité fonctionnelle avec le politique. L'approche sociohistorique de cet ouvrage permet justement de montrer combien les « faits » professionnels peuvent revêtir une dimension politique. Pendant la période coloniale, les revendications des barreaux ont pris un caractère politique dans la mesure où elles aboutissaient à exiger un surcroît d'autonomie et, in fine, remettaient en cause la domination coloniale. Depuis l'indépendance, sous les présidences Bourguiba et Ben Ali, les aléas de l'exercice autoritaire du pouvoir ont eu un impact sensible sur l'action professionnelle du barreau. L'analyse de l'histoire de la profession depuis 1956 contribue à mettre en exergue l'aspect complexe et ambivalent des relations entre gouvernants et avocats dans le cadre de rapports sociaux et politiques marqués par l'autoritarisme. Si les premiers ont mis en oeuvre des instruments de coercition et de clientélisation de la société pour exercer leur domination, les seconds ont mobilisé des ressources juridiques et un savoir-faire professionnel pour intervenir dans le champ du pouvoir. Éric Gobe est directeur de recherche au CNRS (Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman d'Aix-en-Provence). Politologue et sociologue, il a été le rédacteur en chef et le responsable scientifique de la revue L'Année du Maghreb (2004-2012). Il est l'auteur de Les hommes d'affaires égyptiens (Karthala, 1999) et de Les ingénieurs tunisiens : dynamiques récentes d'un groupe professionnel (L'Harmattan, 2004) avec Saïd Ben Sedrine. Il a également dirigé un ouvrage sur L'ingénieur moderne au Maghreb (XIXe-XXe siècles) (IRMC-Maisonneuve & Larose, 2004).
L'objectif de ce numéro thématique est de se concentrer sur les acteurs contestataires des années 2010-2011 et, au-delà, sur leur rôle dans les transitions politiques en cours au Maghreb et au Machrek. Mais en essayant de brosser un tableau le plus fidèle possible des événements, en évitant les schémas binaires qui consisteraient à opposer les « purs » de la contestation aux « ralliés » de la dernière minute, les acteurs « spontanés » aux acteurs «organisés », en oubliant trop souvent que les situations révolutionnaires sont parfois « labiles » et « fluides », productrices d'alliances protestataires à la fois originales et paradoxales. La perspective vise délibérément à dépasser tout romantisme révolutionnaire en privilégiant les contributions scientifiques portant sur les thématiques suivantes :
- La sociologie des acteurs et des lieux de la contestation : d'où viennent-ils ? Qui sont-ils ? - Les relations entre les oppositions « institutionnelles » et les acteurs protestataires : quelles alliances ?
Quelles transactions ? - Le rôle des médias et des réseaux sociaux dans les protestations :
Déclencheurs ou suiveurs ? - Les configurations répressives et le rôle des forces de sécurité.
L'Année du Maghreb succède à l'Annuaire de l'Afrique du Nord. Ce changement de titre ne signifie pas une rupture avec l'ancienne formule mais vise à tenir compte des mutations politiques et sociales à l'oeuvre dans la région. Cette livraison analyse l'actualité maghrébine grâce à un dossier thématique et des rubriques transversales traitant de questions culturelles, économiques et juridiques.
L'Année du Maghreb, réalisée par l'Institut de Recherches et d'Études sur le Monde Arabe et Musulman (IREMAM), succède à l'Annuaire de l'Afrique du Nord publié aux Éditions du CNRS depuis 1962. Ce changement ne rompt pas avec l'ancienne formule, mais tient compte des mutations politiques et sociales à l'oeuvre dans la région et de l'évolution du vocabulaire. Aujourd'hui, « Maghreb » est le terme le plus couramment utilisé dans la sphère francophone pour désigner les cinq États de la zone couverte par cette publication (Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie et Libye).
L'Année du Maghreb a pour vocation première d'analyser l'actualité maghrébine durant une année de référence, ici 2004. On y trouve les rubriques classiques par pays, comprenant les chroniques politiques et leurs annexes, un ou plusieurs « Gros plans » et des « Notes » sur des débats d'actualité. Cette approche nationale est complétée par des rubriques thématiques et transversales traitant de questions culturelles, économiques et juridiques communes aux cinq pays.
Dans la première partie, moins soumise aux contraintes chronologiques, L'Année du Maghreb consacre son dossier thématique à l'espace euro-maghrébin. En privilégiant le facteur humain, ce dossier, coordonné par Jean-Robert Henry, examine les politiques mises en oeuvre pour tenter d'organiser la Méditerranée occidentale autour d'un destin commun.
Attentive à la production scientifique maghrébine ou sur le Maghreb, L'Année du Maghreb accueille enfin des « États des travaux » qui, cette année, portent sur l'historiographie de la guerre d'Algérie.
L'Année du Maghreb succède à l'Annuaire de l'Afrique du Nord. Ce changement de titre ne signifie pas une rupture avec l'ancienne formule mais vise à tenir compte des mutations politiques et sociales à l'oeuvre dans la région. Cette livraison analyse l'actualité maghrébine grâce à un dossier thématique et des rubriques transversales traitant de questions culturelles, économiques et juridiques.
L'Année du Maghreb, réalisée par l'Institut de Recherches et d'Études sur le Monde Arabe et Musulman (IREMAM), succède à l'Annuaire de l'Afrique du Nord publié aux Éditions du CNRS depuis 1962. Ce changement ne rompt pas avec l'ancienne formule, mais tient compte des mutations politiques et sociales à l'oeuvre dans la région et de l'évolution du vocabulaire. Aujourd'hui, « Maghreb » est le terme le plus couramment utilisé dans la sphère francophone pour désigner les cinq États de la zone couverte par cette publication (Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie et Libye).
L'Année du Maghreb a pour vocation première d'analyser l'actualité maghrébine durant une année de référence, ici 2004. On y trouve les rubriques classiques par pays, comprenant les chroniques politiques et leurs annexes, un ou plusieurs « Gros plans » et des « Notes » sur des débats d'actualité. Cette approche nationale est complétée par des rubriques thématiques et transversales traitant de questions culturelles, économiques et juridiques communes aux cinq pays.
Dans la première partie, moins soumise aux contraintes chronologiques, L'Année du Maghreb consacre son dossier thématique à l'espace euro-maghrébin. En privilégiant le facteur humain, ce dossier, coordonné par Jean-Robert Henry, examine les politiques mises en oeuvre pour tenter d'organiser la Méditerranée occidentale autour d'un destin commun.
Attentive à la production scientifique maghrébine ou sur le Maghreb, L'Année du Maghreb accueille enfin des « États des travaux » qui, cette année, portent sur l'historiographie de la guerre d'Algérie.
Le Maghreb est-il, à l'instar des sociétés du Nord, saturé par la fièvre des entreprises mémorielles ? Certes, il est invité - et s'invite - en France dans les conflits résultant de l'affrontement des mémoires autour de la question coloniale. Mais la fabrique de la mémoire au Maghreb n'est pas uniquement le résultat des interactions entre le Nord et le Sud de la Méditerranée. Elle est aussi le fruit d'un « travail de mémoire » interne qui se déploie depuis les indépendances avec d'autant plus de force qu'il s'est agi pour les États de l'Afrique du Nord de construire rapidement des nations à la fois ancrées dans le passé et porteuses d'un vouloir-vivre ensemble. Comme le note Jean-Philippe Bras coordinateur de ce dossier de recherche, ce processus de production d'une mémoire nationale édifiante se heurte à l'émergence de mémoires concurrentielles qui s'inscrivent dans les conflits les plus contemporains des sociétés maghrébines. C'est aujourd'hui la nécessité de surmonter les déchirements politiques ayant affecté le tissu social qui débouche, comme le montre bien l'exemple marocain, sur l'émergence d'un nouveau « registre mémoriel » fondé, cette fois-ci, sur la conciliation et la réparation.
Un débat de recherche essentiel à côté duquel on retrouve les rubriques habituelles de L'Année du Maghreb : Chroniques politiques, Gros Plans, Études thématiques, ainsi que des sujets à la pointe de l'actualité portant sur l'islamisme ou les relations Maghreb-Europe en matière de sécurité et de défense.
Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie, Tunisie...
Chaque année, l'essentiel du Maghreb politique, économique, social et culturel : les faits et les tendances... les mutations internes...
Leurs perspectives... et le commentaire des chercheurs... mais aussi la place du Maghreb dans les relations internationales et les enjeux dont il est l'objet... avec en dossier de recherche 2011 une mise en perspective historique des mouvements qui traversent aujourd'hui le Sahara et ses marges.
La période qui s'étend de la fin de l'année 2010 au début de 2011 constitue une rupture dans l'histoire des régimes autoritaires arabes. Le souffle des protestations sociales est parti de Tunisie et a emporté le régime de Ben Ali le 14 janvier 2011, puis celui de Moubarak en Egypte un mois plus tard. La Tunisie est donc au coeur de la seconde partie de L'Année du Maghreb qui traite de l'actualité maghrébine.
Si l'onde de choc de la "révolution" tunisienne a occulté les enjeux sahariens, le Sahara constitue toujours un sujet de préoccupations des médias occidentaux :
Refuge d'al-Qaïda au Maghreb, cette région est analysée en termes strictement sécuritaires. Zone d'instabilité, le Sahara est perçu comme l'aire de jeu des terroristes et le lieu de passage des "hordes d'émigrés" en partance pour l'Europe.
Le dossier de recherche de L'Année du Maghreb, coordonné par Dominique Casajus et ancré dans une perspective historique, donne du Sahara l'image beaucoup plus nuancée d'une région en mouvement. Aire géographique nourrissant les utopies techniciennes et littéraires, le Sahara a toujours été pris dans un réseau de relations, inséparables de ses marges. Alors que l'Europe de Schengen s'obstine à voir dans le Sahara un lieu vide dont il faut à tout prix empêcher qu'il ne soit traversé, il est en réalité une zone où poussent les villes, se déploient des réseaux commerçants transnationaux, se développent des échanges licites et des trafics illicites, s'affirment des mouvements politiques qui instrumentalisent les Etats et/ou sont instrumentalisés par eux.