Pourquoi écrire aujourd'hui un livre sur Matisse, s'il ne s'agit pas seulement de s'associer à une commémoration nostalgique du passé (2004 sera l'année du cinquantenaire de la mort de l'artiste) ? Pour montrer que son oeuvre
concerne les enjeux fondamentaux de la pensée philosophique et de l'art contemporains : Matisse assure la continuité d'une pensée vitaliste, qu'il a reconnue par l'intermédiaire de Nietzsche et de Bergson, et qui est à l'oeuvre chez lui en un temps où elle est absente de l'histoire de la philosophie, avant que le fil en soit renoué par Gilles Deleuze.
Surtout, Matisse donne à cette pensée vitaliste l'esthétique qu'elle cherchait, par delà l'antagonisme du classicisme et du romantisme : tout part du fauvisme dont Matisse déclare qu'il est « le fondement de tout » et à partir duquel il reconnaît ce qu'il énonce comme le principe même de son art, à savoir que « c'est la différence de quantité de la couleur qui fait sa qualité ».
Lecture contemporaine de la « pensée-Matisse », ce texte vise à contourner les interprétations « formalistes » de son oeuvre pour mettre en exergue de façon inédite la question du décor et de l'ornemental. C'est en effet par une
conception active du décoratif, intensifiant « le rapprochement entre végétal-animal-humain », que Matisse réalise un art tout à la fois expérimental et environnemental, véritable expérience de vie.
A reevaluation of Matisse that reveals the complex function of his work and thought in contemporary art's escape from the image, from traditional forms of art, and even from the art form itself.
Un livre pour défaire le régime esthétique de l'image, en vue d'une nouvelle pensée diagrammatique, après Deleuze et Guattari, entre art et philosophie : un ouvrage introductif et spéculatif sans équivalent qui, partant de la rupture opérée par Matisse et Duchamp avec la phénoménologie picturale de l'image esthétique, constitue une archéologie de l'art contemporain qui passe par Daniel Buren, Gordon Matta-Clark, Günter Brus et le néoconcrétisme brésilien.
Éric Alliez entreprend, dans L'Oeil-cerveau, de regarder l'art et son histoire selon le paradigme de l'hallucination : si l'hallucination est la règle, alors le délire visuel est une hallucination fausse et la perception, une hallucination vraie. Comment cette notion d'hallucination modifie-t-elle notre regard sur la production artistique ? Explorant la théorie des couleurs de Goethe et les oeuvres de Manet, Seurat, Gaugin et Cézanne, l'auteur entend « mettre à jour la pensée à l'oeuvre dans la peinture moderne » en s'appuyant sur ce modèle de l'hallucination.