Définir toujours plus finement les contours des sociétés médiévales et les hiérarchies qui les traversent, mettre en lumière leurs stratégies économiques, scripturaires et politiques en valorisant l'agency des individus, tels sont les champs embrassés par François Menant ces quarante dernières années. Le crédit, les conjonctures de crise et les réponses qu'y apportent les sociétés urbaines et rurales, leur litteracy et leur communication politique sont autant de thèmes sur lesquels cet ouvrage a l'ambition d'offrir un panorama actualisé.
Couvrant un large arc chronologique, du haut Moyen Âge à la Renaissance, dans un espace européen généralement orienté autour de la Méditerranée, ce livre collectif a également vocation à retracer les vastes réseaux scientifiques internationaux tissés par François Menant au cours de sa carrière : anciens élèves de l'Ecole normale supérieure de Paris, maîtres de conférence, professeurs des universités, venus de France, d'Europe ou des Amériques offrent ainsi un instantané de la recherche en histoire économique et sociale actuelle. De l'individu au groupe, de la figure de l'entrepreneur médiéval aux élites rurales, de François Menant à ses élèves et à ses collègues, tel est le chemin que permettra de parcourir cette étude.
Alors que, comme le souligne Stéphane Beaud dans l'introduction de ce colloque, depuis le début des années 1980, l'éclipse du marxisme universitaire a conduit une part croissante des sociologues à renoncer à une analyse conflictualiste du monde social, au moment-même où, paradoxalement, les inégalités de revenus et de patrimoine augmentaient, de même que l'insécurité sociale des classes populaires, ce colloque s'intéresse à l'étude des rapports sociaux dans les villes de la fin du Moyen Âge, à l'époque où se développent des sociétés citadines différenciées, fondées sur l'essor et la diversification de l'économie. L'ouvrage qui en résulte porte une attention particulière aux milieux populaires et aux mécanismes de la domination qu'ils subissent. Les clivages ici étudiés passent entre les groupes sociaux - noblesse urbaine, élites marchandes et de service, travailleurs, pauvres... - mais aussi au sein même des milieux populaires, entre homme et femme, jeune et adulte ou vieillard, petit patron et salarié, travailleur précaire et compagnon inséré dans un atelier et une organisation de métier, citoyen d'ancienne résidence et immigré récent, débiteur et créancier... Les formes de domination sont alors analysées comme ce qui fait l'unité des milieux populaires, au-delà de leur hétérogénéité : leur trait commun, c'est la domination qu'ils subissent et l'infériorité qui en découle. Les différentes communications s'efforcent de préciser les formes de cette domination, qu'il s'agisse des dépendances au travail, de la précarité économique des travailleurs pauvres, de l'endettement endémique, de l'humiliation qui accompagne l'exercice de la justice, ou encore des représentations dévalorisantes des rôles sociaux et des rapports de genres. De même, sont étudiés les lieux où cette domination s'exerce, qui sont ceux-là même où vivent et travaillent les petites gens : l'atelier, la boutique, la rue où se rencontrent les voisins, la grand'place où se rassemble le corps politique de la cité, et jusqu'à l'intimité des familles modestes où jouent les clivages de genre et de cycle de vie.