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Christina Mirjol
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Christina Mirjol Les petits gouffres La mémoire de l'enfance irrévocablement perdue, est aussi délicieuse qu'effrayante. Par exemple. Il y a quelques années, alors que je marchais sur un trottoir bondé, que j'allais travailler et que j'étais pressée, me voilà submergée par l'odeur de ma mère. Cette ineffable odeur - un parfum qu'autrefois elle se mettait dans le cou - suit la foule, me rattrape, puis soudain disparaît. L'impression qu'elle me manque est alors inexprimable, je suis au bord des larmes, et je n'ai plus en tête que ressentir l'odeur, la ressentir encore, tout de suite : si j'avais pu seulement la verser dans un flacon !
Un parfum dans une rue, un souffle d'air au printemps, un mot, une mélodie... des détails infimes font parfois ressurgir des souvenirs que l'on croyait oubliés. Dans cette ronde des images du passé, certaines prennent à la gorge avec la même intensité qu'autrefois quand on assistait, enfant, à l'injustice du monde. D'autres nous bercent d'une douce nostalgie, d'autres encore nous font revivre avec le sourire de lumineux instants...
Dans ses nouvelles, Christina Mirjol excelle à retranscrire ces moments du passé qui jalonnent notre vie d'adulte et nous rendent encore plus vivants.
Christina Mirjol a déjà publié au Mercure de France Suzanne ou le récit de la honte (Bourse Thyde Monnier de la SGDL en 2008) et Dernières lueurs.
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Suzanne ou le récit de la honte
Christina Mirjol
- Mercure de france
- Bleue
- 23 August 2007
- 9782715227705
suzanne, cinquante-deux ans, licenciée pour avoir égaré un dossier, s'est assise un moment sur un banc.
un an plus tard, suzanne est toujours sur son banc, le "collectif des maîtres des chiens du quartier et des propriétaires ayant des fenêtres sur rue" a déposé une plainte contre cette situation incongrue, et c'est la ronde des badauds autour d'elle, des gens comme il faut qu'elle dérange mais qui viennent l'épier... porté par une écriture insolite, ce premier roman de christina mirjol est un émouvant réquisitoire contre la misère de la vie ordinaire.
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"Les uns et les autres ne connaissent pas, dit l'homme, la glace que nous portons la nuit sur nos épaules, qui croît pendant nos rêves, nous entoure d'une calotte d'un crépuscule à l'autre. Ils ne savent rien de ça, ils vont ici et là, se déplacent comme des bulles. " Un homme, le roman de Christina Mirjol, retrace en trois chapitres les conditions de survie héroïques d'un homme sans domicile. Ce parfait anonyme, ce naufragé des rues, on le devine d'emblée, est choisi par l'auteure parmi des centaines d'autres.
C'est dans le contexte glacial de l'hiver 2012, au milieu d'une foule attendant l'ouverture des portes d'un cinéma, que survient tout d'abord la rencontre déchirante entre l'homme et un couple.
Une femme et son mari, tous deux en proie au froid, sont saisis de stupeur devant l'apparition de cet homme peu vêtu : « une veste trop petite et ne couvrant qu'à peine la longueur de ses bras, pas de gants. » L'empathie que déclenche cette tragédie du quotidien (le froid intolérable amplifiant les projections et la vision poignante entraînant les hantises), débouche sans crier gare sur le dernier chapitre. On n'entend désormais plus que la voix de l'homme. Dans son humanité, l'homme parle à son caddie, à ses membres qui ont froid, à sa pauvre jambe gourde. Dans l'univers glacé qu'il s'apprête à traverser, les grues qui barrent le ciel et les tours impassibles de la Grande Bibliothèque encouragent son périple, contiennent le vent violent... S'amorce au petit matin, sous un ciel bleu acier, l'épopée d'un invisible.
Dans son recueil de nouvelles, Les invitées, Christina Mirjol abordait le phénomène de la mort sous toutes ses facettes et selon son impact sur les (sur)vivants, dans ce deuxième ouvrage publié par ELP, elle traduit la dimension épique de l'homme dans des conditions extrêmes, sa déambulation quotidienne obligatoire, pour ne pas mourir de froid, pour trouver une place à l'abri, pour s'isoler des regards indiscrets, pour continuer à être un homme...
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Ce projet de voyage vers le grand nord, micheline, qui a maintenant plus de quatre-vingts ans, l'a conçu de longue date.
Mais elle le fera seule, car son mari joseph est trop fatigué pour l'accompagner. la valise est bouclée, le départ imminent : micheline s'imagine déjà sur le pont du bateau, elle s'est projetée maintes fois vers cette croisière magnifique, par avance éblouie par les paysages et les uniformes des membres de l'équipage. mais l'embarquement rêvé aura-t-il jamais lieu. le récit de christina mirjol plonge au plus profond de l'âme humaine avec force et lucidité.
Christina mirjol a précédemment publié suzanne ou le récit de la honte.
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On raconte qu'un homme, sorti de sa maison, abandonne un livre puis descend la colline, sans se retourner.
Reste la femme. La femme qui n'a pas de nom, qui se tient à son tour devant la pente raide et la terrible absence comme devant les ténèbres. Cet abandon brutal, qui entraîne dans sa chute la maison, c'est la figure de l'homme qui est lui-même tombé, a déserté la terre et tous ses habitants, et sa propre parole. Or on comprend aussi par la bouche de la femme que l'écrivain lui-même questionnait dans son livre l'inéluctable fin de la terre et des hommes.
Tel avance le récit dans cette boucle plus fermée et plus noire qu'un obscur labyrinthe où la femme proclame la fin des paysages, tandis qu'en arrière-plan une polyphonie macabre, sans corps et sans visages, confirme calmement l'absence de territoires, l'opacité du monde et l'effacement fatal et progressif de l'autre.
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Les nouvelles de Christina Mirjol sont réunies en une thématique bien particulière : la mort. La mort est un mot, un concept, un phénomène qui englobe la perte, le décès, les funérailles, le deuil, le drame, la libération aussi. La mort en soi n'est rien, vous l'avez compris c'est son impact sur les vivants qui est pris en compte ici. Et il est abordé de bien belle façon dans ce magnifique ouvrage. Parfois drôle, parfois tragique, la mort est présente dans nos vies, et, bien entendu, elle s'invite au moment où on l'attend le moins...
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Les cris, nouvel inventaire, fait suite à un premier texte qui comportait quatre-vingt-dix-neuf fragments numérotés. Ce nouvel inventaire ajoute à ces derniers une centaine de nouveaux fragments, soit en totalité, 199 « cris ». Ces « cris » ressemblent à ceux que nous pouvons entendre à deux pas de chez nous, dans la rue, au coeur de notre foyer ou dans les profondeurs de notre imaginaire : le boucher, le bûcheron, un flic, un juge, un voisin sans histoire, deux collectionneurs, l'homme perdu... De l'un à l'autre, c'est tout un cortège de clameurs qui défile, incarné sommairement par des personnages minuscules. Malgré la brièveté de leurs proférations, surgissent en quelques mots des pans de vie entiers, qu'un habile personnage, dénommé l'écrivain, s'amuse à mettre en scène, tel un équilibriste. À les imaginer sur une scène de théâtre, on songe à une toile de Ensor.