Elle dit que « le tournesol est la fleur du Rom », qu'elle est une tzigane qui aime « la pluie, le vent et l'éclair, quand les nuages couvrent le ciel ». Elle dit qu'Auschwitz est son manteau, et qu'elle ne connaît pas la peur car sa peur « s'est arrêtée dans les camps. » Elle dit que les notes de ses chansons en romani « sont encore toutes en désordre », et qu'elle voudrait mourir de beauté. ELLE, c'est Ceija Stojka, la première femme rom rescapée des camps de la mort à témoigner par l'art et la poésie. Les poèmes de cette autodidacte ont été arrachés aux carnets où se mêlaient dessins, souvenirs de l'horreur, notes journalières et listes de mots allemands dont elle voulait apprendre l'orthographe. Publiés pour la première fois en France, ils révèlent une artiste majeure de notre temps.
« Si le monde ne change pas maintenant, si le monde n'ouvre pas ses portes et fenêtres, s'il ne construit pas la paix - une paix véritable - de sorte que mes arrière- petits enfants aient une chance de vivre dans ce monde, alors je suis incapable d'expliquer pourquoi j'ai survécu à Auschwitz, Bergen- Belsen, et Ravensbrük. » Ceija Stojka.
Déportée à l'âge de dix ans, Ceija Stojka (1933-2013) survit à trois camps de concentration. Autodidacte, elle commence à peindre et à écrire à l'âge de 50 ans pour témoigner et combattre l'oubli. Qualifiée d'art populaire ou art brut, son oeuvre prolifique et expressive évoque le paradis perdu de son enfance nomade et la réalité douloureuse des camps de concentration.
Elle a reçu plusieurs distinctions, dont le Prix Bruno- Kreisky pour le livre politique en 1993. Jusqu'au jour de sa mort en 2013, à 79 ans, Ceija Stojka a eu peur que l'Europe n'oublie son passé et qu'un jour prochain, les fours crématoires d'Auschwitz puissent reprendre leur activité dans une indifférence à peu près générale.
C'était la peur d'une citoyenne informée, qui suivait attentivement l'évolution des lois et des discours anti- tsiganes à travers notre vieux continent. L'oeuvre de cette écrivaine, peintre et musicienne rom autrichienne fait aujourd'hui référence concernant les persécutions subies par les tsiganes sous le nazisme.
Une farandole tsigane pour dire le jaune du soleil, le noir des camps nazis et le rouge de la vie Ceija Stojka disait : "Nous sommes un peuple qui dans le désespoir sait danser et chanter." Et c'est bien dans un tourbillon de couleurs, de lumière et de rires que commence cette histoire. Avec le goût de la pluie sur les lèvres, le vent dans les cheveux et les herbes folles en farandole tsigane. Mais vient la nuit des camps, celle des barbelés et du pouvoir d'un tout petit homme raciste.
Après Auschwitz, après la peur, resurgit le soleil pour dire oui à la vie. Respirer profondément, tendre les poings vers le ciel et rester unis, parce qu'on est plus forts quand on chante tous ensemble. Jouer à cloche-pied avec des listes de mots, pour conjurer le malheur et s'ouvrir au bonheur. La petite-fille est devenue arrière-arrière-grand-mère, mais chez les Roms, le voyage n'est jamais fini.
Témoignage inestimable sur la déportation et l'holocauste des Roms pendant la Seconde Guerre mondiale, l'oeuvre de Ceija Stojka (1933-2013) est présentée pour la première fois dans sa double dimension d'oeuvre graphique et poétique. Dans cet ouvrage, le verso de ses oeuvres, où elle décrit et témoigne par l'écriture, est présenté à égalité avec ses dessins et peintures. La langue particulière de Ceija Stojka, expressive et quasi phonétique, est transcrite en allemand et traduite en anglais.
Publié à l'occasion de l'exposition éponyme à la Malmö Konsthall en 2021.