Tunis à l'automne 2011. La démocratie n'est pas advenue avec le départ de Ben Ali. Ceux qui l'avaient cru s'aperçoivent que la transition ne fait que commencer. Pour rendre tangibles les difficultés et les dangers à surmonter, cet ouvrage retrace l'histoire de la polémique nationale suscitée suite à la diffusion télévisée du film Persepolis. Son déroulement permet de saisir avec finesse comment le recours à la justice pénale, loin d'ouvrir l'espace d'une libre controverse, peut polariser des causes identitaires, redoublées de conceptions défensives des libertés. Être pris dans un tel combat, c'est se trouver assigné, de gré ou de force, dans un camp belligérant, et confronté à l'exigence d'en assumer les conséquences morales. Au fond, c'est peut-être cela une révolution : découvrir un monde que l'on configure en agissant, et se découvrir soi-même agissant dans cette situation-là. L'un des aspects les plus troublants de cette découverte est la pérennité des moeurs traditionnelles et conservatrices. C'est vrai en Tunisie et au-delà
L'analyse des problèmes sociaux est l'ordinaire des sciences sociales.
Pour rendre compte de leur constitution, celles-ci ont souvent recours à un argument constructiviste. Les enquêtes présentées dans ce volume proposent une approche alternative, inspirée du pragmatisme de John Dewey. Les problèmes sociaux n'y sont pas envisagés comme de simples "constructions sociales et historiques". Ils procèdent de dynamiques de problématisation et de publicisation. Leur émergence, leur configuration et leur stabilisation vont de pair avec celles de publics qui en font l'expérience.
C'est pourquoi, dans cette approche, on parle plutôt de problèmes publics. La genèse de ces problèmes est explorée à travers une "micro- politique du trouble". Celle-ci touche à leur dimension affective, imaginaire et sensible. Mais elle passe surtout par des activités d'enquête, qui politisent l'expérience. Dans une veine critique, les différents participants à ce volume s'interrogent également sur les empêchements, les interruptions ou les blocages de ces processus de politisation.