De l'Amérique du Sud à l'Europe, du Maghreb et Proche-Orient à l'Extrême-Orient, les contributeurs de ce volume s'interrogent sur le concept de jardin et sur sa vocation depuis les origines mythiquesdu lieu jusqu'aux projections de la science-fiction.En effet, le jardin est un concept que l'on retrouve dans la plupart des grandes civilisations et dont l'usage est présent chez les sédentaires comme chez les nomades. Espace clos, protégé, il se singularise par l'ordre que les hommes y ont introduit, domestiquant les espèces, organisant l'espace et en y contrôlant l'élément clef sur lequel repose sa prospérité: la maîtrise de l'eau.Lieu privilégié, symbole de beauté, d'harmonie dont la vocation est la satisfaction de tous les sens, il est au coeur des imaginaires et favorise rêverie, poésie et aspiration à entrevoir la transcendance. Certes, les Orients du jardin nous rappellent que si l'Éden fut à l'origine de tous les rêves de jardin dans les monothéismes particulièrement, ce jardin idéal, perdu par l'imperfection humaine, est au coeur de toutes les utopies paysagères qui tentent de le recréer inlassablement pour assurer la survie de l'humanité.
Pour les nomades, ces «sociétés à pattes», comme les surnomme le géographe Christian Grataloup, les marques de territoire constituent à la fois des formes de repérage et d'appropriation de l'espace. Ainsi, les populations turco-mongoles de l'Asie centrale à la Mongolie possèdent-elles certaines pratiques culturelles communes relatives à la gestion de leurs espaces désertiques et montagneux. Dans ces milieux difficiles par les sols et les climats, les nomades établissent des liens avec le visible et l'invisible par le biais de gestes rituels, qui alliés à certains aménagements anthropiques, participent d'une sorte d'apprivoisement de la nature.Trois thématiques explorent ici la façon dont les peuples de Mongolie contrôlent et interagissent avec leurs espaces: les pratiques culturelles symboliques, l'usage tardif et administratif de la cartographie, et l'attachement à des objets renvoyant aux lieux de mémoire ancrés dans le territoire. Les voyageurs et les géographes, d'Orient comme d'Occident, qui visitèrent ces contrées éloignées du Moyen Âge à l'époque moderne, avaient d'ailleurs bien consigné la singularité des territoires, des hommes et des croyances, et l'importance pour les imaginaires du souvenir de l'empire mongol.Un souvenir qui se perpétue dans les contrées voisines de la Mongolie, le Kazakhstan notamment, naguère partie intégrante de cet empire, et qui eurent d'ailleurs un destin politique quasi similaireau XXe siècle, jusqu'à ce que la liberté retrouvée des peuples redonne à l'islam local un rôle pour ainsi dire mémoriel et identitaire.