" Le plus savant homme dans l'art des sièges et des fortifications, et le plus habile ménager de la vie des hommes ". Saint-Simon dresse ainsi le portrait de Sébastien Le Prestre de Vauban (1633-1707). Il le présente non seulement comme le maître inégalé de la guerre de siège, mais encore, loin des fastes de Versailles, comme l'un des grands témoins du siècle de Louis XlV. Homme de plein vent, à pied, à cheval, en chaise à porteur, ou dans sa fameuse " basterne " transformée en cabinet de travail, Vauban ne cessa de parcourir la France en tous sens pendant plus de quarante années. L'ingénieur perfectionne et innove dans les domaines militaires et techniques mais aussi administratifs et économiques. À partir des années 1680, le soldat longtemps fidèle à son roi se transforme en conseiller lucide : confronté au royaume " réel ", il brosse un tableau de plus en plus critique de la monarchie ; il analyse et conteste les décisions royales sur la question huguenote (révocation de l'édit de Nantes) et la politique étrangère (des guerres ruineuses pour le royaume) ; l'homme du pré-carré pense le pays comme un territoire dont chaque élément " aménagé " doit améliorer le sort des plus démunis et il voit dans la réforme de la fiscalité le principal remède pour faire face aux " années de misère " qui stigmatisent nombre de provinces à la fin du règne de Louis XIV.Entre l'âge classique et celui des grands philosophes des Lumières, la plume prolifique de Vauban initie une science nouvelle, appelée à un grand avenir : l'économie politique.Conçu comme une biographie intellectuelle, ce livre, écrit au plus près des archives inédites laissées par le maréchal-ingénieur, dévoile les aspects intimes d'un Vauban attachant et méconnu ; il replace l'oeuvre écrite de l'auteur de la Dîme royale (1707) dans les courants de pensée qui annoncent les bouleversements à venir, au carrefour des sciences, du religieux, de la pensée administrative et d'une nouvelle conception de l'État, plus utilitaire, plus humaine aussi. Vauban qui dit " aimer sa Patrie à la folie étant persuadé que tout bon citoyen doit l'aimer et faire tout pour elle " fut l'un des premiers à vouloir faire passer les aspirations et les besoins de " vingt millions de français " avant l'intérêt du roi.
A la mort de Louvois, Louis XIV décide d'entretenir une relation directe avec ceux qui, n'étant pas ministres, devaient jusque-là s'adresser uniquement aux médiateurs que furent Colbert et Louvois. Vauban, commissaire général des fortifications depuis 1678, fait partie de ces privilégiés. En juillet 1691 débute donc l'étonnante correspondance ici publiée, soit 144 lettres retrouvées dont beaucoup étaient inédites. Elle témoigne entre autre de l'importance de la fortification et de la mise en défense du pays dans ces années de guerre. Franchise de Vauban et confiance du roi autorisent même des débats sur des sujets assez éloignés de la fortification. Les agendas de Vauban rédigés pour des audiences royales apportent de surcroît un éclairage neuf sur le processus de prise de décision du roi.
Spécialiste de Vauban, Michèle Virol professeur d'histoire moderne à l'université de Rouen-Normandie, a publié plusieurs livres sur l'ingénieur de Louis XIV dont une biographie intellectuelle (Vauban, Champ Vallon, 2003, rééd 2007) ainsi que l'édition intégrale et commentée des Oisivetés de M. de Vauban (Champ Vallon, 2007). Elle a aussi publié un livre sur Ragot de Beaumont, ecclésiastique du XVIIe siècle (2011) et des études sur les ingénieurs européens et la guerre de siège au XVIIe siècle.
Vincent Ragot, abbé de Beaumont (1624-1715), eut une vie agitée. Défenseur d'une stricte morale au début de sa vie religieuse, il connaît la notoriété dans la défense d'un prélat de la Contre-Réforme, Nicolas Pavillon, qui refuse de signer le formulaire et combat la prévarication et la violence en Languedoc. Changeant de diocèse, Ragot devient chanoine et chantre de la riche cathédrale de Tournai, dans une province nouvellement annexée, la Flandre. Proche de l'intendant, il combat les abus de l'évêque et du gouverneur, défend les intérêts du chapitre, mais, soupçonné par le marquis de Louvois de protéger Antoine Arnauld, exilé à Bruxelles, il est arrêté et emprisonné. Confessant avoir succombé au péché de chair, il ne peut plus exercer comme prêtre, est déchu de ses titres et fonctions et condamné à la relégation. Connu de Louis XIV et redouté de ses ministres, il continue, dans l'ombre de personnes influentes comme Boisguilbert et Vauban, de débattre et d'écrire, notamment sur la réforme de la fiscalité. «Nègre » de Vauban, il rédige avec lui le Projet d'une dîme royale et corrige ses textes. Acteur des querelles politiques et religieuses du siècle, il est influent dans tous les lieux où il séjourne, Paris, le Languedoc, la Flandre, Rodez et la Normandie. Ce livre, écrit à partir des informations trouvées dans les archives et notamment des correspondances, fait renaître un contemporain de Louis XIV et mieux connaître l'histoire de son règne, appréhendée en suivant un destin singulier.