En 1610, les crises d'une jeune ursuline conduisent à un diagnostic de possession démoniaque. Au cours des exorcismes pratiqués, les diables parlent longuement, révèlent qu'Henri IV est un martyr, que l'Antéchrist est né, que la fin du monde est proche. Ils accusent aussi un curé marseillais d'avoir ensorcelé et livré au sabbat la jeune femme. Début 1611, la justice d'Aix est saisie et, au terme d'un procès aberrant, le curé est brûlé vif.Faisant apparaître les arrière-plans millénaristes d'un procès qui cherche à sacraliser un état devenu fragile, cette étude d'une affaire mise au service de la monarchie pour refonder la foi et le catholicisme démonte aussi les mécanismes de l'invention d'une fiction collective dont le modèle sera reproduit par les répliques de Loudun, Louviers et Auxonne. Prenant le risque d'une approche transdisciplinaire (historique, littéraire, anthropologique, psychologique...), cette étude veut approcher la complexité du phénomène et sa plasticité, approcher, en somme, la complexité d'un moment de fiction partagée qui se décline sous différentes formes, du happening des exorcismes au procès ou à la rédaction des livres, et qui mobilise différents types d'acteurs, victimes non consentantes, possédées à la fois manipulées et manipulatrices, exorcistes tout à la fois scénaristes, acteurs, abuseurs abusés, public crédule, auteurs.Jean-Raymond Fanlo est professeur de littérature à l'Université d'Aix-Marseille. Il a notamment publié des essais sur Agrippa d'Aubigné et traduit au Livre de poche Don Quichotte et des Nouvelles exemplaires de Cervantès (prix Laure Bataillon en 2008).
Les guerres de Religion, tout comme la période de la Fronde, ont suscité de nombreux témoignages chez leurs contemporains que la violence des événements ne pouvait laisser indifférents. Et ce, d'autant plus que les charges que certains d'entre eux exerçaient les mettaient au premier plan de l'action politique. Leurs Mémoires et leurs correspondances montrent que la scène politique sollicite leur intervention d'une part, et d'autre part que cette intervention, relatée dans leurs récits rétrospectifs, façonne en retour l'image de la personne qu'ils lègueront à la postérité. Par ailleurs, la littérature politique et satirique participe de la mythification ou de l'exécration d'un personnage emblématique, souvent celui du héros (Coligny, sous la plume de Hotman) ou du tyran (Henri III, Concini ou Mazarin). On observera le processus de construction traité par la personne elle-même, homme ou femme, soucieuse de l'inscription de son image dans l'histoire ou son contraire, la volonté de destruction, visant à dénoncer et à condamner une politique abusive. Ce volume est le fruit du colloque sur la construction de la personne dans le fait historique (XVIe-XVIIe siècles) qui s'est tenu les 25 et 26 mai 2016 sous les auspices de l'IMéRA, Institut d'études avancées, Aix-Marseille Université.
À la Renaissance, théoriciens et hommes de lettres redécouvrent un genre dramatique oublié, la tragédie, qu'ils chercheront à définir et à faire revivre à la lumière des oeuvres canoniques d'Aristote, d'Horace et de Sénèque. En découle une nouvelle façon d'appréhender l'Histoire, ancienne ou récente, la tragédie offrant aux écrivains de l'époque une structure théâtrale inédite à un moment historique lourd de tensions politiques et religieuses. Ce numéro propose une réflexion sur les particularités de la tragédie française du XVIe siècle, ainsi que sur les formes variées dans lesquelles l'idée même de « tragique », telle que la conçoivent les écrivains de l'époque, trouve à s'incarner.