En 1986, le psychanalyste Didier Anzieu confirmait que sa mère avait été Aimée, cette femme dont Lacan écrivit la folie dans sa thèse. Par la grâce de cette identification, des noms pouvaient sortir comme de l'ombre, des lieux, des dates venaient prendre leur place ; ainsi s'ouvrait la possibilité d'une lecture enfin critique de la seule monographie clinique jamais écrite par Lacan. L'ouvrage comporte les documents d'époque. On y trouve aussi la correspondance Allouch/Anzieu qui accompagna l'écriture du livre. Le dernier mot revient à Anzieu en sa postface.
L'erotique ne se prete pas a etre concue de facon simplement unitaire. Plusieurs l'ont admis et, parmi eux, Platon, Lacan, Foucault, Rubin. On le verifiera sur les deux premiers nommes.
Quelle serait donc la raison d'une telle partition ? Sans prejuger d'autres reponses possibles, on presente ici celle que Lacan indiquait, non pas sous la forme d'un discours soutenu, mais par touches successives ici et la dispersees, apres qu'a ete reconnue l'inexistence du rapport sexuel.
Ainsi s'eclaire la question proprement psychanalytique (quoique d'allure philosophique) : pourquoi y a-t-il de l'excitation sexuelle plutot que rien ?
Les Mémoires de Daniel Paul Schreber ont donné lieu à tant de commentaires psychiatriques et psychanalytiques que, cent ans après, cette foultitude a fini par frapper les esprits. Chacun voit midi à sa porte, tous reposent sur un a priori qu'un humoriste a su distinguer en notant que l'on dénomme « prière » le fait de s'adresser à Dieu, tandis que lorsque Dieu s'adresse à quelqu'un cela s'appelle « schizophrénie ».Plus récemment, une lecture anthropologisante a vu le jour. Il n'empêche, on n'a toujours pas lu ce texte de la façon dont Schreber souhaitait qu'il soit accueilli : comme l'avènement d'une vérité théologique dont l'importance n'est pas moindre que celle qu'a provoqué la venue du Christ en ce bas monde.Étroitement liée à l'expérience de martyre de son auteur, la théologie schrébérienne reconfigure les rapports de Dieu et de l'érotique en mettant celle-ci au service de celui-là. L'érotique s'en trouve dégagée du carcan hétérosexuel reproductif où elle végétait, ce que Dieu accrédite, car son existence désormais en dépend.Mission accomplie, Schreber sort de dix-huit années d'emprise psychiatrique, reconnu apaisé et libre de mener sa vie comme il l'entend.Béatitude, volupté, jouissance sont ici les termes clés qui, loin de se laisser ranger dans les variétés lacaniennes de la jouissance, lui font concurrence. C'est bien plutôt sur un autre point que Schreber croise Lacan, celui du rapport sexuel qu'il n'y a pas, déclarait Lacan, tandis que, tant par son expérience que dans sa pensée, Schreber atteste le caractère décidément peu assuré de cet « il n'y a pas ».Cet ouvrage est le second volet de L'Ingérence divine.
La mise au jour de l'amour Lacan est ici établie par une discussion pas à pas des propos tenus par Lacan tout au long de vingt-sept années de séminaires, où furent successivement abordées plusieurs figures de l'amour sans que l'on puisse, à première vue, distinguer celle qui importait. Telle apparaît une des raisons de l'épaisseur de l'ouvrage. Une autre tient au caractère peu admissible de la thèse, qui donc ne peut être avancée qu'à partir d'une étude exhaustive des propos de Lacan sur l'amour, particulièrement de ceux qui paraissent y contrevenir. Une autre raison, enfin, est due au style de Lacan, allergique à toute paraphrase. Ainsi l'ouvrage vaut-il également comme une proposition portant sur la manière de lire Lacan. Une de ses caractéristiques est l'impossibilité ici reconnue de dissocier complètement l'oeuvre et la vie de Jacques Lacan. On a aussi souhaité ne pas s'en tenir au commentaire de textes aujourd'hui presque anciens, mais les confronter à des travaux qui, depuis le décès de Jacques Lacan, ont approfondi, renouvelé et enrichi la méditation contemporaine sur l'amour.
Freud avait pose les preliminaires. Seul, cependant, a enoncer son « Il n'y a pas de rapport sexuel », Jacques Lacan n'a pu s'y autoriser qu'en distinguant un registre inedit du sexuel, different de ce que les analystes (lui inclus) avaient jusque-la explore : complexes, stades, pulsions, fantasmes, phallus, objets partiels, petit a, plus-de-jouir, etc. La ou fait defaut le rapport sexuel, les partenaires sont autant de personnages comme de theatre d'un Autre inexistant : femme, vierge, hysterique, homme, vir, virgo, dame, bonhomme, bonne femme, auxquels on joindra, avec Michel Foucault, le maitre antique, les femmes, le garcon et l'epouse. Rendu present par leur entremise, c'est a chaque fois de l'Autre pris en corps qu'il s'agit, de l'Autresexe. Realiser qu'il n'y a avec lui pas de rapport sexuel qui puisse s'ecrire releve d'une experience traumatisante. C'est pourtant la que, selon Lacan, chacun a rendez-vous avec sa liberte.
Cet ouvrage est le premier d'une série de trois, conçus comme autant de colis que l'auteur adresse aux prisonniers de Dieu, prenant ainsi le relais d'un père qui, durant la Seconde Guerre mondiale, s'employait à adresser des vivres aux soldats français originaires du village méridional qu'il habitait et captifs de l'armée allemande.
L'ingérence divine I prend acte de ce qu'en dépit de l'annonce nietzschéenne de sa mort, Dieu, ou plus exactement ses fantômes, hantent encore les esprits, investissent les corps. Plusieurs livres en témoignent, que l'auteur questionne, non sans en retour se laisser enseigner par eux.
Certains d'entre eux s'emploient à redonner sa place au Dieu du christianisme en faisant fond sur l'annonce de la mort de Dieu comme pour mieux en renverser l'incidence (Jean-Luc Marion, avec L'Idole et la distance, Bernard Sichère avec L'Être et le Divin) ; à l'opposé, d'autres tentent d'en finir avec Dieu et ses ombres (Jean-Christophe Bailly, avec son Adieu. Essai sur la mort des dieux) ; d'autres, enfin, font état d'une tension critique cependant jugée inéliminable dans le rapport de chacun à Dieu (Pier Paolo Pasolini, avec Théorème, le film et le livre, Romeo Castellucci, récemment au théâtre).
C'est à ce dernier courant que peuvent être rattachés les séminaires et les écrits de Jacques Lacan. Son voisinage avec le catholicisme n'a jusqu'à présent jamais été envisagé en lui-même. Se pourrait-il que certains de ses concepts en soient marqués au point d'en restreindre la portée ? D'être porteurs d'équivoques ? De devoir s'en passer ? Ainsi par exemple, la banalisation actuelle du concept de grand Autre ne tient-elle pas au fait que ce grand Autre reste une figure de Dieu ? Claude Lévi-Strauss et d'autres avec lui le pensaient.
Optant cette fois pour une démarche différente de celle mise en oeuvre dans L'Amour Lacan (2009), Jean Allouch revisite ces concepts à partir de diverses problématisations contemporaines de la mort de ce Dieu qui, disait Lacan, « n'a pas encore fait son exit ».
Le philosophe Clément Rosset crut devoir se faire le pourfendeur de la soumission intellectuelle et associer nommément Lacan et ses élèves aux égarements de l'imposture althussérienne. Quelle place Lacan a-t-il tenue dans le cas Althusser ? Quel statut accorder au meurtre de sa femme ? Que visent à opérer les publications posthumes ?
En récusant qu'elle soit une psychologie (avec ou sans profondeur), un art, une religion, une magie et même une science, Lacan aurait-il laissé la psychanalyse comme flottant en l'air, ne sachant plus ce qu'elle est ni où elle est ? Jacques Derrida la tenait pour un discours instable et insituable, mais « discours » ne va pas non plus. Pourtant, en 1982, dans son cours sur « l'herméneutique du sujet », Michel Foucault adressait aux psychanalystes une proposition effective. La psychanalyse n'a pas su, notait-il, se penser « dans le tranchant historique de l'existence de la spiritualité et de ses exigences ». Partant, elle se serait faite oublieuse de cela même qu'elle est : une expérience spirituelle, par laquelle, via un autre, le sujet opère sur lui-même les transformations nécessaires pour accéder à sa vérité. Seul Lacan, ajoutait Foucault, n'aurait pas participé de cet oubli. De là trois questions : y a-t-il lieu d'accréditer cette généalogie de la psychanalyse que bâtit Foucault ? Qu'en est-il de la spiritualité chez Lacan ? et chez Freud ?
Elles étaient des filles des villes, des cocottes, des grues, des poules, des mannequins dans des vitrines, des prostituées. Elle est, elle, la fille des champs, l'unique, "une femme en elle-même, et sans au-delà". De quelle amour le jeune philosophe Ferdinand Alquié l'aura-t-il aimée ?Jacques Lacan s'emploie à réduire sa hantise d'elle : il fait parvenir à son ami une fort émouvante lettre, à laquelle il joint le seul poème qu'il ait jamais écrit.Unique, Ariane ne l'est pas moins dans son accouplement à Dionysos. Inspiré par Lou Salomé, comme le montre ici Chantal Maillet, Nietzsche en dessine le portrait : libre, elle sait y faire avec son fil, dompter, apaiser la jouissance en excès dont souffre son amant ; elle en reçoit le don dans sa chair.Alquié, Lacan, Nietzsche esquissent ce que serait une érotique déshabitée de Dieu, une érotique où, fruit d'une conquête qui est aussi un deuil, l'Autre est reconnu inexistant.
À l'origine de toute oeuvre, artistique ou autre : une mort. Et l'oeuvre est censée effectuer le deuil, telle est aujourd'hui la vulgate. On sait moins que la mort en est aussi le terme, non pas tant la mort physique de l'auteur, car son oeuvre lui survit, mais cette seconde mort à laquelle tout un chacun est promis lorsque le temps vient où plus aucune trace ne subsiste de ce qui a été réalisé. Une question s'ensuit, d'autant plus vive que l'oeuvre produite sera davantage reconnue « immortelle » : comment se prêter à cette seconde mort alors même que l'oeuvre en barre l'accès ? Chacun à sa manière, une romancière, Yoko Ogawa, un poète, Stéphane Mallarmé, un psychanalyste, Jacques Lacan, ont tenté de résoudre cette difficulté. Selon quels biais ? Et comment se présenterait l'amour s'il devait, lui aussi, être délesté de son parfum d'éternité ?
Rien ne semble entamer l'inimaginable faveur dont ne cesse de bénéficier la vérité. Ses antonymes, le mensonge, la tromperie, l'erreur, l'illusion, ne s'opposent à elle qu'en y faisant appel. L'amour même la convoque : on le veut vrai. Science, religion, magie, vie quotidienne l'invoquent comme une référence sans laquelle aucun de ces discours et pratiques ne tiendrait. On porte, à juste titre, des millions de morts à son compte, un tant soit peu soutenue, elle cautionne les persécutions les plus résolues, et cependant les quelques procès qui lui sont intentés philosophiques n'entament guère son prestige. C'est que seul l'oubli la met en cause ; la vérité est en permanence menacée de sombrer dans l'oubli, plus radicalement encore, dans l'oubli de l'oubli. De là son nom grec d'alétheia qui dit qu'elle est ce qui prive d'oubli (de léthé). Mais quelle est son arme contre l'oubli ? Le phallus. Chaque culture de la vérité est un culte phallique, ce que déjà disait la racine indo-iranienne du mot rta (Detienne). « C'est de réminiscences surtout que souffre hystérique ». Avec cette phrase, Freud donnait le véritable coup d'envoi de la psychanalyse. Elle revenait à dire que le symptôme prive d'oubli, qu'il est une vérité. Or, un gigantesque malentendu s'est très tôt greffé là-dessus. Partant de ce non-oubli, paradoxalement, on a orienté la psychanalyse vers la recherche de l'oublié c'est l'anamnèse alors qu'il s'agissait d'oublier ce qui n'avait pas pu l'être. Il revint à Lacan de lever ce malentendu. On entreprend ici la lecture des voies qu'il a ouvertes de sa subversion de la vérité. Elles convergent avec la critique de la psychanalyse formulée par Foucault sur la base d'un constat que pour le moderne sujet de la jouissance, la question n'est pas celle de la vérité de son érotique (c'est la psychanalyse faite pastorale) que l'érotique de sa vérité (la psychanalyse en tant qu'érotologie de passage).
Comment Lacan aura-t-il pu - s'il l'a pu - décisivement toucher aux fondements eux-mêmes de la psychanalyse et donc porter atteinte à bon nombre de postulats freudiens sans que, pour autant, la psychanalyse ainsi recomposée ait cessé d'être freudienne ?
Un psychanalysant voit en rêve l'image de la lettre H. Elle est dessinée en blanc sur un panneau à fond bleu. Ces précisions disent que H chiffre le signifiant « hôpital ». Dès lors, l'interprétation suit : la veille son psychanalyste était intervenu d'une manière intempestive et ce H, qui renvoie à l'injonction « silence ! », vient signifier au psychanalyste qu'il a à tenir sa place... et rien de plus. L'être qui peut ainsi lire sa trace se fait « dépendant d'un Autre dont la structure ne dépend pas de lui ».
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Jean Allouch a consacré quatre ouvrages à la question du passage à l'acte : en collaboration avec Érik Porge et Mayette Viltard, La « Solution » du passage à l'acte. Le double crime des soeurs Papin (1984) ; Marguerite, ou l'Aimée de Lacan (1990) ; Louis Althusser récit divan (1992) ; Ombre de ton chien. Discours psychanalytique, discours lesbien (2004).
Libre de s'adresser a la liberte d'autrui, Jacques Lacan le fut, que ce soit dans son exercice de la psychanalyse, ses presentations de malades, son seminaire (la scene lacanienne).
Ainsi rompit-il avec un prerequis qui maintenait la folie sous l'empire de la necessite ce qui devait l'opposer a Henri Ey et le rapprocher de Michel Foucault, pour qui la liberte est solidement impliquee dans la notion meme de folie, appartient au domaine de son existence.
Si le soulevement du fou, celui de l'enfant aussi bien se montrent intraitables, se soustraient a la maitrise que l'on tente d'exercer sur eux, la raison n'en est-elle pas qu'il en va de leur liberte ?
Autant en prendre acte.
Jean Allouch est un psychanalyste français. Formé à la psychologie et à la philosophie, il suit dès 1962 les séminaires de Jacques Lacan (qui fut aussi son analyste). Après la dissolution de l'École freudienne de Paris dont il faisait partie, il contribue aux premiers pas de la revue Littoral et participe à la fondation, en 1985, de l'École lacanienne de psychanalyse. Jean Allouch anime actuellement la collection « Les grands classiques de l'érotologie moderne » aux éditions Epel. Son séminaire, qui se tient à l'hôpital Sainte-Anne à Paris, trouve régulièrement à se prolonger à l'étranger, en particulier en Amérique latine.
Certains psychanalystes sont reconnus des maîtres dans leur domaine, d'autres sont des élèves. Ce lien entre eux, différent de la relation analytique, pousse déjà à lui seul la psychanalyse dans les bras de l'université. Il s'y transmet ce qui s'appelle un enseignement.
Plusieurs manières d'enseignement peuvent d'ailleurs être distinguées. Toutefois, dans le champ freudien est rendu manifeste plus franchement qu'ailleurs un rapport maître/élève qu'on reconnaîtra sexué.
Ainsi Jacques Lacan eut-il ce qu'il dénommait, en usant d'un possessif, « mes élèves ». Selon lui : des hérissons.
Schopenhauer avait fait état de la difficultueuse copulation des hérissons, bientôt suivi par Freud qui, s'en allant aux États-Unis, déclara qu'il allait y rencontrer des wilds porcupines - ceux-là mêmes qu'il souhaitait rallier à sa cause. Cet ouvrage fait suite au livre La psychanalyse est-elle un exercice spirituel ? Réponse à Michel Foucault (Epel, 2007) du même auteur.
Jean Allouch est un psychanalyste français. Formé à la psychologie et à la philosophie, il suit dès 1962 les séminaires de Jacques Lacan (qui fut aussi son analyste). Après la dissolution de l'École freudienne de Paris dont il faisait partie, il contribue aux premiers pas de la revue Littoral et participe à la fondation, en 1985, de l'École lacanienne de psychanalyse. Jean Allouch anime actuellement la collection « Les grands classiques de l'érotologie moderne » aux éditions Epel. Son séminaire, qui se tient à l'hôpital Sainte-Anne à Paris, trouve régulièrement à se prolonger à l'étranger, en particulier en Amérique latine.
Dans l'acte même de Sa création Dieu perdit son infinité. Ce divin faux pas inaugural, Antonin Artaud l'a affirmé pour avoir très jeune choisi l'esprit et s'y être tenu - quitte à en payer le prix par neuf années d'enfermement psychiatrique ininterrompu. Il voulut en finir avec ce Dieu qui s'est oublié, ce Dieu mal engagé jusque dans l'actuelle sexualité de ses créatures ; il va au-devant d'un autre Dieu chez les indiens tarahumaras au Mexique, en Syrie (où il le trouve). Soulevé contre cette « unanime saleté qui d'un côté a le sexe et de l'autre, d'ailleurs, la messe », il exige de ses proches, hommes et femmes, de ne jamais s'adonner à l'acte sexuel - cet acte qui requiert du sujet érotique, de Dieu et de lui-même une irrémédiable perte d'esprit.
Jean Allouch exerce la psychanalyse à Paris. Il a récemment publié chez Epel Transmaître. Jacques Lacan et son élève hérisson (2020).
Après L'éthification de la psychanalyse, Calamité, voici un deuxième volet : la psychanalyse n'est pas une éthique mais une érotologie. Pourquoi donc tant de difficultés à s'admettre pour telle ? À rendre compte du fait que c'est par une opération elle-même érotique (on appelle cette opération « analyse ») qu'un sujet s'assujettit à Éros (on dit qu'il trouve son identité comme sexué) ? Il n'y a pas loin entre la pratique analytique de Lacan et celle, philosophique, de Foucault puisque, pour l'un et l'autre, il ne s'agit pas tant de comment parler vrai de sa vie érotique que de l'érotique du dire vrai.
Le « travail du deuil » est devenu une banalité. L'objet du deuil, prétend-on, est substituable. Voilà le credo qu'il s'agit d'interroger. D'abord avec Philippe Ariès, en replaçant cette version psychanalytique dans son contexte historique : comme une tentative de survie de la mort romantique à l'instant même (1914-1918) où elle laisse place à la mort sèche. Puis, lisant en détail l'interprétation d'Hamlet donnée par Lacan, Allouch avance ici la thèse opposée : l'objet du deuil est insubstituable. Le deuil n'est pas changer d'objet mais modifier le rapport à l'objet. La lecture d'une nouvelle de Kenzaburo Ôe vient préciser le concept de gracieux sacrifice de deuil. En filigrane de ces trois études particulières, l'ombre grise d'un enfant mort vient tendre ses filets de rêves et de cauchemars.
Alors que les inégalités sociales (notamment face à l'école) ont été aggravées ces vingt dernières années par les crises économiques, pourquoi continue-t-on de croire au mérite ? " Yes, we can ! ", " Qui veut, peut ", " premiers de cordées "... Défendu autant par les partis progressistes que conservateurs, peu de notions font l'objet d'un consensus politique aussi complet que le mérite. Il est ainsi investi comme un principe " juste " de distribution des ressources rares. De la même façon, l'école s'est imposée dans de nombreuses sociétés comme l'espace de construction de l'émancipation des individus par le mérite par excellence. Pourtant qui définit le mérite aujourd'hui, et surtout comment le définit-on ?
Cet essai incarné et sensible vise, à partir de l'apport d'études récentes en sciences sociales, à réhabiliter les luttes (ordinaires ou politiques) qui structurent les usages de la rhétorique méritocratique comme principe de justice. Car loin d'être univoque, le mérite fait l'objet d'une reconfiguration perpétuelle, autant dans l'espace public, que dans nos relations ordinaires aux institutions. De la même manière, à rebours d'une lecture qui ferait du mérite un principe abstrait de la justice sociale hérité de la Révolution française, la sociologue Annabelle Allouch propose de comprendre le mérite comme une morale sensible de la reconnaissance qui structure notre quotidien, ce qui permet de comprendre notre attachement à cette notion, malgré les critiques dont elle fait l'objet. Pour ce faire, elle mobilise avec talent un ensemble de saynètes tirées de l'actualité ou bien ses propres enquêtes autour de la sociologie du concours et des effets de la discrimination positive dans l'accès à l'enseignement supérieur.
En 2000/2001, Les programmes « Convention d'Education Prioritaire » de Sciences Po, ouvraient, à grand renfort de trompettes médiatiques, l'ère de l'ouverture sociale dans les Grandes écoles françaises. Mais l'ouverture sociale a-t-elle modifié le visage de l'enseignement supérieur sélectif? Pour comprendre les effets de ces dispositifs, il ne suffit pas d'étudier les parcours des quelques étudiants défavorisés qui parviennent à se hisser dans les Grandes écoles. Il faut se pencher sur les changements engendrés dans l'organisation et le fonctionnement de ces établissements et sur leur manière de sélectionner les étudiants. A partir d'une enquête sociologique menée pendant plusieurs années au sein d'établissements du supérieur (Sciences Po, ESSEC, Oxford University), cet ouvrage étudie les pratiques de sélection à l'oeuvre dans les filières d'élites et la manière dont l'ouverture sociale a affecté leur autorité symbolique.
Que ce soit à Polytechnique ou dans l'émission " Top Chef ", le concours s'est imposé comme la principale mesure du mérite individuel. Avec ses méthodes : épreuves, jury, hiérarchie. Et avec ses corollaires : compétition, stress, inégalités en tous genres. De l'ENA à Oxford en passant par le Gao Kao chinois, ce mode de classement ne cesse de favoriser la reproduction sociale. Pourtant, il s'est diffusé à de nouveaux espaces, bien au-delà des grandes écoles. Pour répondre aux critiques qu'on leur adresse depuis un demi-siècle, les institutions d'élite ont reformulé leurs modes de sélection, mais sans toujours en modifier la nature. Ainsi se perpétue la société du concours, avec sa frénésie de sélection et sa mise en concurrence généralisée. Nous en sommes à la fois les produits et les victimes.
Chercheuse associée à Sciences Po, Annabelle Allouch est maîtresse de conférences en sociologie à l'université de Picardie-Jules Verne.
À Montréal, pendant la période des fêtes, la plus vieille chaise du Café Hasard se retrouve abandonnée sur le trottoir d'une rue désertique après tant d'années de travail dévoué. Un concours de circonstances lui fait rencontrer deux adolescents, Sarah et Adam. Elle leur raconte alors les histoires profondément humaines de sa clientèle. Sa voix, qui leur est audible, les initie à diverses expériences du monde.Seules les âmes qui se souviennent encore de leur enfance sont susceptibles de comprendre le discours d'une chaise qui lance un cri de détresse et d'amour à une humanité qu'elle a appris à connaître. Le devoir d'amitié dicte aux jeunes l'impératif de transcrire le récit de leur nouvelle amie chaise.Montréal migrant, féminités et masculinités, terres natales, solitudes, passions, maladies mentales, danses, rires et silences traversent les récits de la chaise qui fait ses confidences autour du monde humain qu'elle a habité et qui l'habite en permanence.
Imaginez un instant que l'homme de vos rêves clique sur votre profil et vous like sur Tinder.
Visage, cheveux, silhouette, sourire... tout y est jusqu'au regard qu'il semble n'adresser qu'à vous !
Que faites-vous ?
Trop contente, vous le likez instantanément en retour et attendez impatiemment son message ou... stupéfaite, paniquée... Fake, danger, arnaque... sont vos premières pensées, vous interdisant d'agir, quitte à passer à côté de votre grande histoire d'amour ?
Prendre le risque de la vraie vie avec les joies et déceptions que cela suppose ou rester dans sa zone de confort à dorloter ad vitam aeternam son rêve de prince charmant : l'avenir de Julia se joue sur un seul clic.
À droite, à gauche, cliquera, cliquera pas ?
Quelle indéfectible loveuse n'a jamais ressenti cette impression de jouer sa vie à pile ou face ?
Tinder et les plateformes de rencontre ressemblent étrangement à ces tables de poker dont on ignore jusqu'à la fin si le gagnant a bluffé.
Faux profil, passion éphémère, traquenard, love story virtuelle, plan cul, Amour toujours... À ce stade, tout est possible pourvu que Julia entre dans le jeu. Ou pas.
« Le jour où j'ai oublié de me désabonner », une romance dans laquelle se reconnaîtront les éternelles rêveuses, bercées par le fantasme de l'Homme Idéal et du GRAND AMOURRRRRRR....