A notre époque où l'on accepte tout, de l'ignoble au révoltant, avec la même bovine passivité digne d'une émission de téléréalité, la lecture d'Albert Londres est plus que salutaire, elle devrait être obligatoire, car l'énumération des injustices, des scandales, des plaisanteries de mauvais goût ne devrait pas nous aseptiser, nous mithridatiser de l'indécence qui nous entoure. Albert Londres, c'est l'éternel indigné. Avec "Au Bagne", il atteint le pinacle de la conscience journalistique. Il va, il voit, il décrit, il allume les feux des projecteurs sur le scandale du bagne où l'on cache les rebuts de la République, ceux à qui on n'a pas osé couper la tête. Albert Londres dénonce, crie, se démène tant et si bien qu'il obtient la fermeture du Bagne. "Au Bagne", un ouvrage essentiel.
"Les forçats de la route" est un reportage d'Albert Londres publié en 1924. Initialement paru comme une série d'articles dans "Le Petit Parisien" pendant l'été 1924, "Les forçats de la route", parfois connu sous le titre "Tour de France, tour de souffrance", est un reportage exceptionnel sur les temps héroïques du Tour de France : coureurs face à leur solitude, luttant en permanence contre la douleur physique, le long d'étapes sans fin...Pour l'anecdote, le Tour de France 1924 fut remporté par un Italien, Octavio Bottechia, et c'est aussi la première fois qu'un coureur conserva le maillot jaune de la première à la dernière étape.
"Chez les fous" est un reportage d'Albert Londres au coeur de l'institution psychiatrique française. De retour du Bagne, Londres éprouve d'abord des difficultés à pénétrer l'enceinte des asiles d'aliénés. Mais, une fois dans la place, le récit qu'il nous en fait est poignant, terrible, révoltant. Comme toujours, il déchaînera la colère des administrations dont le rôle est le maintien des statu quo. En refermant ce livre, on reste pantois ; pourtant, la façon dont les « fous » étaient considérés et traités par la société en 1925, a-t-elle beaucoup changé ?
"Marseille, porte du Sud" est un reportage d'Albert Londres publié en 1926. Le journaliste nous décrit son Marseille à lui, quelques années après la deuxième exposition coloniale du siècle. Marseille est le port de l'Empire Colonial, mais c'est avant tout une porte, « une porte monumentale, où passeraient, flux et reflux, les cent visages du vaste monde. ». Londres passe en revue le port, les docks, les marins, les immigrants, l'activité incessante, la proximité des colonies, les parfums exotiques, les bois rares et précieux, les foules les plus diverses, s'intéresse aux tatoués, au trafic d'opium, et au passage, il nous peint le portrait d'une ville trois fois millénaire, qui à elle seule constitue une autre histoire de France.
Terre d'ébène est un des grands textes anticolonialistes. Il nous vient d'un des plus grands journalistes, pourtant aux idées politiques plutôt de droite, assez favorables à la politique coloniale. Oui, mais voilà, il s'agit d'Albert Londres. Alors, il part en Afrique pendant quatre mois, il en fait le tour, exploitations forestières, agricoles, train Congo-Océan, Dakar, Bamako, Tombouctou, Libreville, il va partout. Et sa langue, en dépit de la chaleur, il ne l'a pas dans sa poche ! Il a beau être « haut comme une pomme », il s'en prend à tout le monde : blancs de l'administration, blancs des affaires, gouvernement, petits blancs fonctionnaires de « la colonie en bigoudis » ; et se livre à un réquisitoire en règle contre un système révoltant, le « moteur à bananes », qui trahit la réalité de l'époque : « L'esclavage, en Afrique, n'est aboli que dans les déclarations ministérielles d'Europe ».
"Le juif errant est arrivé" est un livre d'Albert Londres sur la situation des Juifs en Europe et en Palestine en 1929. Comme on finira bien par ne plus parler de rien dans notre société corsetée par la peur d'offenser, la peur de penser, la peur qui pousse à dire des phrases entendues, convenables et apprises par coeur, il n'est pas étonnant que ce reportage composé de vingt-sept articles soit un peu gardé dans un vieux tiroir de la mémoire. Pourtant, Les Editions de Londres se moquent des sujets tabous comme de l'an 40. Alors, lisez-le sans plus tarder !
« Dans la Russie des Soviets » est un reportage d'Albert Londres écrit en 1920 pour le compte de l'Excelsior. Il faut cinquante-deux jours au journaliste français pour pénétrer dans la République Socialiste Fédérative des Soviets Russes. A l'époque, on est en plein « Communisme de guerre » ; les journalistes occidentaux ne sont pas admis en Russie rouge, c'est la guerre civile, la famine dans les villes et les campagnes, l'effondrement de la production agricole et industrielle. Albert Londres y découvre une situation extraordinaire : faim, pauvreté, villes en déliquescence, désertées, morts dans les rues, combats, et ce qui l'étonne d'autant plus, c'est le contraste entre cette terrible réalité et l'intention des dirigeants communistes, celle de faire un « paradis sur terre ». Il nous livre un compte-rendu sans concession d'un pays en proie à une crise sans précédent. Un document exceptionnel, à lire absolument, pour toute personne s'intéressant à l'histoire de la Russie, et à cette période en particulier, sans prisme idéologique, sans oeillères, sans discours préfabriqué, du Albert Londres, quoi !
"Pêcheurs de perles" est un reportage d'Albert Londres publié en 1931 suite à un voyage au Proche et Moyen-Orient pour aller à la rencontre des pêcheurs de perles. Tout en nous décrivant leur condition misérable, Albert Londres se livre à une description de la mer rouge et du golfe persique aussi pertinente que haute en couleurs. Si la pêche des perles ne semble plus intéresser grand monde en 2016, en revanche la description de l'Arabie Saoudite, des Emirats etc. dans les années vingt, du fonctionnement de l'Islam et de la montée du Wahhabisme, représentent un document extrêmement précieux
Un des premiers reportages d'Albert Londres, mais le deuxième qui ait pour cadre l'Orient, "La Chine en folie" est un document exceptionnel sur une période assez unique dans l'histoire de la Chine, celle qui s'intercale entre la Révolution chinoise de 1911, et l'ascendance du KuoMinTang dans les années trente, c'est-à-dire la période surréaliste, énorme, celle dite des Seigneurs de la guerre. En 1922, Londres est en Chine : Pékin, Mogden, Shanghaï...Ce qu'il décrit est incroyable, palpitant, un grand moment de journalisme qui fait rêver. Au final, La Chine en folie est un document historique fascinant, du vécu qui frôle parfois l'ambiance d'un roman d'aventures ; sans jamais se départir de son humour, Londres décrit tout en annonçant la couleur ; à la Chine il ne connaît rien, mais de ce qu'il voit, il dira toute la vérité, rien que la vérité.
"Contre le bourrage de crâne" est la compilation d'articles écrits sur le front par Albert Londres entre Juillet 1917 et Décembre 1918 pour le Petit Journal alors qu'il est correspondant de guerre, et qu'il doit se frotter à la censure militaire. Le journaliste nous emmène un peu partout sur le front français, à Verdun, Reims, Lille, dans l'Est et le Nord, en Belgique, en Angleterre, à Londres, en Italie, jusqu'à Venise, sur le front autrichien, et après l'armistice, jusqu'en Allemagne, où il décrit un pays vaincu, écartelé entre les révolutionnaires et les mouvements conservateurs refusant la défaite. L'un des textes essentiels à lire quand on veut comprendre la Première Guerre Mondiale, et comment elle fut à la fois conclusion du Dix Neuvième siècle Européen et préambule de la Seconde Guerre Mondiale. Un document indispensable, un témoignage unique, qui façonnera les idées, la carrière et l'indépendance d'Albert Londres.
Dans ce récit poignant, comme tous ses récits et reportages, Albert Londres se lance sur les traces de Georges Darien et part à la recherche de Biribi, les bataillons disciplinaires d'Afrique du Nord. On ne peut pas ne pas mettre les deux livres en parallèle, ce que d'ailleurs nous avons fait. Londres obtient la fermeture des camps disciplinaires quelques années après la mort de Darien. L'écrivain anarchiste avait porté le premier coup, Londres aura la peau de ces camps de la mort de la République. C'est "Dante n'avait rien vu". A lire absolument.
« Les Comitadjis » est un reportage d'Albert Londres réalisé en 1931 dans les Balkans, dans le monde des indépendantistes et terroristes macédoniens de l'ORIM. Londres étudie avec minutie l'histoire, la géographie, les conditions politiques qui prévalent en Macédoine, Bulgarie et Serbie. Sans jamais juger, il décrit l'Etat dans l'Etat représenté par l'ORIM, rappelle la tradition des Haïdoucs, et s'intéresse à leurs méthodes, impôt de la Terreur, assassinat comme mode de règlement politique, tout en maintenant des représentants officiels dans les grandes capitales européennes. Intéressant à double titre, que ce soit pour comprendre le fonctionnement des organisations indépendantistes à tendances terroristes, ou pour appréhender la situation des Balkans d'un oeil nouveau. A découvrir !
"Visions orientales" est la compilation de trois textes d'Albert Londres qui complètent avec "La Chine en folie" son voyage initiatique en Asie de 1922. Son texte sur le Japon, écrit quelques mois avant le grand tremblement de terre de Tokyo, nous impressionne toujours par sa clairvoyance, son pouvoir d'observation et sa verve intelligente. Oserons-nous le dire ? Il devine presque le futur conflit du Pacifique...Au Vietnam, il se repose, résiste à la chaleur, découvre le port d'Haiphong, chasse le tigre vers Dalat, et surtout s'éprend de Saigon, « la colonie de la colonie », où l'on rencontre « le dernier argonaute ». Puis il s'aventure dans l'Inde de Gandhi, décrypte le mouvement indépendantiste, et après la Cochinchine, dresse un tableau des comptoirs français en Inde, de Pondichéry, où l'on en veut encore à Louis XV d'avoir laissé tomber Dupleix.
Le «chemin de Buenos Aires» est un reportage d'Albert Londres réalisé en 1927 entre Paris, Bilbao et l'Argentine. Cette fois-ci, le journaliste fréquente le « milieu », rencontre des maquereaux, des prostituées, visite des maisons closes pour son enquête sur la traite des blanches. Albert Londres ne s'intéresse qu'à la réalité, il ne conçoit pas le journalisme comme l'illustration d'idées préconçues. Encore aujourd'hui, son enquête fait grincer des dents : on lui reproche sa trop grande complaisance vis-à-vis de ceux qui exploitent les Franchuchas de Buenos Aires. Nous ne sommes pas d'accord. Si, comme le dit Albert Londres, « la vertu est le vice qui ne voit pas », la pression de la morale moderne est si forte qu'elle en arrive à demander aux journalistes qu'ils l'entérinent par une distorsion de la réalité perçue. Albert Londres ne mange pas de ce pain là. Ce qu'il voit, qu'on veuille l'entendre ou non, il le dit.
" Adieu Cayenne! " d'Albert Londres est un autre texte dont nous ne sommes pas peu fiers. Déjà qu'Albert Londres n'est plus vraiment lu de nous jours, voici en plus un livre peu connu parmi ses livres. Il raconte l'évasion de Dieudonné, anarchiste, membre supposé de la bande à Bonnot, du bagne de Cayenne. Londres vient jusqu'à Rio pour le rencontrer une deuxième fois, écouter son histoire ahurissante, et clamer son innocence auprès des autorités françaises qui le condamnèrent. Un récit d'une simplicité et d'une beauté saisissantes. Un grand roman humaniste.
« Gabriele d'Annunzio et l'incident de Fiume » est une série d'articles d'Albert Londres publiés entre Mars 1919 et Janvier 1921. Ces articles, parus dans Le petit Parisien, puis dans L'Excelsior après que Londres se soit fait licencier du Petit Parisien sur ordre de Clémenceau, gravitent autour de la personnalité de Gabriele d'Annunzio, personnage hybride, rêveur et martial, poète célèbre et aviateur héros de la guerre, qui influencera Mussolini et les Fascistes, plaçant souvent D'Annunzio au mieux dans le camp des fous aux rêves dangereux, au pire parmi les Fascistes ou les pré-fascistes. C'est juste mais c'est réducteur. Ces articles nous permettent de comprendre la situation dramatique de l'Italie à la sortie de la Première guerre mondiale, la promesse (non tenue) faite à l'Italie par le camp des vainqueurs, la France et le Royaume-Uni, le ressentiment italien résultant dans une agitation sociale et politique intense, et dans un sursaut de nationalisme revendicateur. Albert Londres nous fait aussi découvrir le personnage de Gabriele d'Annunzio, son indignation face au sort des compatriotes de Fiume, et le « coup » de Fiume. Ensuite, c'est au lecteur de juger, non pas sur la base de ce qu'il convient de penser ou de dire, mais en fonction des faits.
« La guerre à Shanghai » est un reportage d'Albert Londres réalisé lors de l'attaque japonaise de Shanghai fin janvier 1932.
Albert Londres arrive à Shanghai fin janvier et repart de Chine en mai. C'est son dernier reportage car il périt lors du naufrage de son bateau de retour le 16 mai 1932.