Albert Londres (1884-1932)
"Quand ce matin, le Biskra maintenant promu au rang de paquebot annexe dans la mer des Antilles et qui, naguère, transportait des moutons d'Alger à Marseille, eut jeté l'ancre devant Port-d'Espagne, les passagers de tous crins et de toutes couleurs, chinois, créoles, blancs, indiens, entendirent ou auraient pu entendre le commandant Maguero crier de sa passerelle : « Non ! Non ! je n'ai ni barre, ni menottes, ni armes, je n'en veux pas ! »
En bas, sur la mer, onze hommes blancs et deux policiers noirs attendaient, dans une barque. C'était onze Français, onze forçats évadés, repris, et qu'on voulait rembarquer pour la Guyane."
En 1923, le journaliste Albert Londres part, en Guyane, à la découverte du bagne et des bagnards. Ce qu'il verra, ce qu'il entendra le révolte. Sa série d'articles publiée dans le Petit Journal amènera certaines réformes mais il faudra attendre 1938 pour que la transportation en Guyane soit interrompue et 1946 pour sa fermeture définitive.
Après Cayenne, Biribi, le célèbre journaliste s'attaque à un autre style de bagne : les asiles de fous.
A-t-il réussi à rendre un peu moins fou l'internement des fous grâce à ce réquisitoire ?
Les fous dérangent car ils nous montrent l'une de nos faces cachées... Ne sommes-nous pas tous des fous en puissance ?
"Chez les fous" a été publié en 1925.
Albert Londres (1884-1932)
"C'est un port, l'un des plus beaux du bord des eaux. Il est illustre sur tous les parallèles. A tout instant du jour et de la nuit, des bateaux labourent pour lui au plus loin des mers. Il est l'un des grands seigneurs du large. Phare français, il balaye de sa lumière les cinq parties de la terre. Il s'appelle le port de Marseille."
Marseille, 1926 : Le journaliste Albert Londres nous invite à une visite de Marseille et son port. Marseille, véritable carrefour maritime où se croisent et se décroisent toutes les nationalités, tous les espérances et les désespérances. Marseille ville cosmopolite haute en couleurs...
Albert Londres (1884-1932)
"C'était Dakar !
Ce bloc de pierres blanches : le palais du gouverneur général.
À notre droite : Gorée, l'île où les derniers négriers embarquaient les derniers esclaves sur un bateau qui s'appelait le Rendu.
Le Rendu qui ne rendait jamais rien !
Les passagers de notre paquebot étaient déjà casqués et en blanc. Depuis le matin, chacun prenait de la quinine. On avait dit adieu aux plaisirs de bien boire, de bien manger, de respirer librement et surtout d'avoir les poils secs. Pour mon compte, j'étudiais le moyen de remplacer le mouchoir par une serviette-éponge. On aurait dit que l'on avait mis le ciel et la mer sous mica. La nature était congestionnée. C'était l'Afrique, la vraie, la maudite : l'Afrique noire.
Le quai des Chargeurs-Réunis nous attendait. Le Belle-Île accosta.
- Restez avec nous, fit le commandant. Là c'est le pays du Diable !
J'avais touché Dakar dans le temps. Je me rappelais, c'était la nuit, pendant le dur mois de septembre. La chaleur montait du sol, sortait des murs, tombait du ciel. Le voyageur connaissait les sensations du pain que l'on enfourne. La ville était comme imbibée d'une oppressante tristesse. J'allais alors au hasard, sans espérer m'égarer, sentant bien que ce n'était pas grand. Dakar, porte de notre empire noir ! Qu'y avait-il derrière ? De ce premier contact, deux souvenirs : les airs de phonographe qui rôdaient dans les rues du quartier administratif, airs européens traînant comme des exilés dans un pays où ils se sentaient perdus ; et, plus bas, dans la salle à manger d'un hôtel dit Métropole, une centaine de blancs plus jeunes que vieux, sans veste, sans gilet, chemise ouverte sur poitrine nue et soulevant d'une fourchette lourde un morceau de bidoche qui ne les tentait guère. Les colons !"
En 1928, le journaliste Albert Londres visite, pendant quatre mois, l'Afrique française. Ses récits dénoncent, avec ironie, le comportement des "Blancs" envers les "Noirs".
Vision du colonialisme au début du XXe siècle.
Albert Londres (1884-1932)
"Soudain, tandis que je pensais à tous ces smokings pliés et ambulants qui rentraient en Angleterre, un personnage extravagant surgit parmi ces bagages.
Il n'avait de blanc que ses chaussettes ; le reste de lui-même était tout noir. Son chapeau, au temps du bel âge de son feutre, avait dû être dur ; maintenant, il était plutôt mou. Ce galurin représentait cependant l'unique objet européen de cette garde-robe. Une longue lévite déboutonnée et remplissant l'office de pardessus laissait entrevoir une seconde lévite un peu verte que serrait à la taille un cordon fatigué. L'individu portait une folle barbe, mais le clou, c'était deux papillotes de cheveux qui, s'échappant de son fameux chapeau, pendaient, soigneusement frisées, à la hauteur de ses oreilles."
Nous sommes en 1929 : Albert Londres nous entraîne de Londres à Jérusalem, en passant par la Pologne et autres contrées, à la rencontre des communautés juives.
Un véritable document sur leur vie, leurs croyances, leurs misères, leurs souffrances et leurs espérances...
Albert Londres (1884-1932)
"Jean-Pierre d' Aigues-Mortes n'avait pas de profession ; il était envoyé spécial de journaux. Depuis des années il arpentait la terre d'un point cardinal à un autre. Aussi, pouvait-il jurer que la géographie se trompe en n'avouant que quatre points cardinaux. Certainement il y en a davantage..."
Jean-Pierre était devenu ce qu'il était sans préméditation. Un jour on l'avait fait appeler dans un bureau. Là, un monsieur portant généralement le titre de rédacteur en chef et la rosette d'officier de la Légion d'honneur, et qui avait obtenu de l'administration quelque maigre crédit, pour donner « un peu plus de vie au journal », lui avait dit : « Bonjour ! Avez-vous une valise ? Oui ? Allez donc voir à Constantinople ce qui se passe. » Il partit. Il tourna trois mois dans les Balkans, puis il revint..."
1922... Mais qu'est-ce qu'est allé faire le reporter Albert Londres dans cette Chine où il y a un empereur, deux présidents de la république, trois super dictateurs et 18 ou 19 moyens tyrans ?
Arrivera-t-il à nous faire comprendre cette Chine déconcertante où l'anarchie règne mais où les trains arrivent à l'heure ? La magie de l'Orient ?
Albert Londres (1884-1932)
"Biribi n'est pas mort.
Il s'agit des pénitenciers militaires.
C'est là que vont « payer » les condamnés des conseils de guerre.
Les Bataillons d'Afrique fournissent la majorité de cette clientèle. Le reste provient des corps de France, de l'armée du Rhin, de l'armée de Syrie, du régiment de Chine.
Désertion, bris d'armes, destruction d'effets militaires, vols, attentats sur des personnes, refus d'obéissance, outrages à des supérieurs pendant le service. Tels sont les crimes ou les délits.
Ces condamnés sont au moins trois mille cinq cents.
On les appelle les pègres, voire les pégriots."
Après avoir dénoncé le bagne de Guyane, Albert Londres s'attaque à "Biribi", les compagnies disciplinaires de l'armée, véritables bagnes stationnés en Afrique du Nord, dans lesquelles règnent la cruauté, l'injustice et l'inhumanité.
Paru en 1924.
Albert Londres (1884-1932)
"Il était neuf heures et quinze minutes, un soir de cette année, lorsqu'un train que, malgré tout, et pour ne pas lui faire de tort, je continuerai d'appeler l'Orient-Express, me déposait, poliment, sur un quai, à Sofia, Bulgarie.
Rien ne bougeait. Le chef de gare y représentait, seul, l'humanité.
Un grand emplacement suburbain, enveloppé dans une nuit noire, dormait devant la station. Je fouillai mes poches, cherchant des allumettes. Ce geste était exagéré, des lumières piquaient l'obscurité, tout près, le long du trottoir, où même des voitures attendaient.
L'une d'elles m'emmena.
À la réflexion, j'approuvai la municipalité de Sofia. À quoi bon faire des gares un centre d'attraction ? N'est-ce pas inciter les siens à s'en aller et les étrangers à venir ? Si l'on sait ce que l'on perd on est moins sûr de ce que l'on trouve. N'est-ce pas, chauffeur ?
Ayant franchi la zone obscure, le chauffeur se dirigea vers une porte toute blanche : un arc de triomphe en plâtre. J'allais dire merci quand il me revint que ce monument n'avait pas été dressé uniquement en mon honneur, mais aussi en celui de la tsarine, nouvelle épousée, venue de Rome, dernièrement, prendre possession de sa capitale, au côté de son prince-amour, Boris III, roi de Bulgarie.
Là, je reconnus la ville. Nous l'abordions par son quartier national. La vieille poésie balkanique y chantait encore : piments rouges, agneaux grillés, baquets de lait caillé, hôtels avec chambres à cinq lits, nappes souillées sur tables carrées."
Recueil de chroniques.
1931 : le journaliste Albert Londres se rend à Sofia, en Bulgarie. Le pays est secoué par des luttes internes. Albert Londres souhaitent rencontrer les fameux comitadjis de l'ORIM qui contestent, par le fer et la poudre, l'éclatement de la Macédoine...
En parcourant le chemin de Buenos-Aires, Albert Londres nous fait pénétrer dans une autre société que la nôtre... il nous montre une vision différente de la prostitution et de la traite des blanches : celle des "macs" et des "putains".
La force de Londres est qu'il raconte les faits sans fioriture et sans effet de manche ! Il se fond dans le paysage et nous raconte les faits... simplement les faits. Pas de jugement... juste narrer l'histoire d'êtres n'ayant plus le droit à la parole dans notre sacro-sainte société.
Récit paru en 1927.
Albert Londres nous relate l'incroyable évasion d'Eugène Dieudonné du bagne de Cayenne. Ce dernier avait eu le tort de fréquenter les membres de la "bande à Bonnot", les fameux "bandits tragiques". Condamné à mort, il fut gracié et envoyé au bagne.
Dieudonné crie son innocence, raconte son histoire et son évasion...
Albert Londres nous montre son art de manier les mots. Tout y est... presqu'un roman !
Paru en 1932, "Adieu Cayenne !" est la version remaniée de "L'homme qui s'évada" de 1928.