Les siècles ont fait un classique du poète cordouan Luis de Gôngora (1561-1627).
Cela ne va pas, cependant, sans une déformation de la vision : en son temps il fut perçu comme un dynamiteur des formes établies de la langue poétique, un novateur, objet d'incompréhensions et de sarcasmes - de la part de Quevedo, son grand rival, entre autres - et d'enthousiasmes aussi absolus - comme de Cervantès - prolongés jusqu'à nous, notamment à travers le relais que constitua l'admiration féconde que lui vouèrent les poètes de " la génération de 1927 ", les Lorca, Alberti, Gerardo Diego...
Quoique redevable à la tradition humaniste et poétique italienne des Pétrarque, Le Tasse et Sannazaro, Gongora est le poète " cultiste " par excellence, ami de l'hyperbate, du néologisme, des contrastes de tonalités, des mots rares, colorés ou savants, des constructions héritées du grec et du latin, jouant des dérivations syntaxiques et de toutes les ressources de la mythologie. Sans ridicules préciosités, il a déployé son art puissant et précieux aussi bien dans ses pièces familières - Letrillas, Romances, Canciones -, que dans sa grande poésie : La Fable de Polyphème et de Galatée, Les Solitudes.
Les Sonnets se situent au croisement de ces deux inspirations on y devine un trajet existentiel et on y découvre - dans les registres amoureux, burlesque, satirique, funèbre, religieux -, les émerveillements, les peines, les sourires, et les fureurs d'un artiste hypersensible sans sensiblerie, soucieux de rendre l'éclat prismatique des jours et du temps dans une langue taillée comme diamant et un esprit d'une exacte lucidité, sachant au besoin user du concetto, pointe émouvante, plaisante ou assassine, ou d'une confondante beauté.
Artaud.
Antonin Artaud. Qu'il s'agisse de ma fascination pour les écritures de la parole, de l'éblouissement qu'a pu susciter en moi la découverte du théâtre balinais ou de la combustion déclenchée par les ciels tourbillonnants de Van Gogh, je retrouve encore et toujours la présence d'Artaud, son ombre incantatoire, au coeur de mon propre parcours. Nous avons tous été, à des degrés divers, sonnés par la lecture d'Artaud, comme si celui-ci ne cessait jamais de soulever le lecteur hors de son lieu, littéralement de le transfigurer.
Il était temps pour moi de dire un peu de ma dette - une dette d'esprit. Voici donc ces Variations Artaud comme une déclaration de beauté violente, un récit-poème entêtant qui ferait feu de tout bois, revendiquant ellipses et courts-circuits. Pas sur Artaud, mais avec Artaud. Une fugue qu'on voudra bien lire comme un exercice d'exaltation sereine.
Choix de textes poétiques écrits entre 1975 et 2013.
Chehem Watta est un poète-nomade djiboutien. Très précisément un Afar (peuple nomade dont le territoire s'étend sur plusieurs pays de la Corne de l'Afrique). Son oeuvre poétique a été remarquée (Prix du Centre culturel Arthur Rimbaud en 1997; Prix Albert Bernard de l'Académie des sciences d'Outre-mer en 2000) et c'est le premier livre que nous publions de lui.
Patrick Singh est un peintre, dessinateur, auteur de livres d'artiste et de carnets de voyage. Son travail interroge les sociétés qu'il traverse et fait l'objet d'expositions dans de nombreux pays (Afrique : Djibouti, Éthiopie... et Amérique latine : Mexique, Colombie...). C'est en Ethiopie que j'ai découvert son travail.
Dans ce recueil de Chehem Watta, c'est du silence qu'il s'agit. Celui qui s'impose dans le désert et qui amène le nomade qu'il est à s'interroger. C'est un "silence chargé" (Bernard Noël) et riche d'enseignements à déchiffrer.
Les peintures de Patrick Singh donnent un écho graphique aux silences de Chehem Watta, territoires dans lesquels l'artiste se reconnait.
Marge, majuscule.est un étrange poème, qui se construit à partir des signes typographiques utilisés